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19/04/1994 | CEDH | N°16034/90

CEDH | AFFAIRE VAN DE HURK c. PAYS-BAS


COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE VAN DE HURK c. PAYS-BAS
(Requête no16034/90)
ARRÊT
STRASBOURG
19 avril 1994
En l’affaire Van de Hurk c. Pays-Bas*,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM.  R. Ryssdal, président,
S.K. Martens,
I. Foighel,
R. Pekkanen,
A.N. Loizou,r> J.M. Morenilla,
F. Bigi,
G. Mifsud Bonnici,
J. Makarczyk,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, ...

COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE VAN DE HURK c. PAYS-BAS
(Requête no16034/90)
ARRÊT
STRASBOURG
19 avril 1994
En l’affaire Van de Hurk c. Pays-Bas*,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM.  R. Ryssdal, président,
S.K. Martens,
I. Foighel,
R. Pekkanen,
A.N. Loizou,
J.M. Morenilla,
F. Bigi,
G. Mifsud Bonnici,
J. Makarczyk,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 24 novembre 1993 et 22 mars 1994,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCEDURE
1.   L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") le 13 février 1993, puis par le gouvernement néerlandais ("le Gouvernement") le 11 mars 1993, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (no 16034/90) dirigée contre le Royaume des Pays-Bas et dont un citoyen de cet Etat, M. Cornelis Petrus Maria van de Hurk, avait saisi la Commission le 1er décembre 1989 en vertu de l’article 25 (art. 25).
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration néerlandaise reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46), la requête du Gouvernement aux seuls articles 44 et 48 (art. 44, art. 48). Elles ont pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
2.   En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 par. 3 d) du règlement, le requérant a manifesté le désir de participer à l’instance et a désigné son conseil (article 30).
3.   La chambre à constituer comprenait de plein droit M. S.K. Martens, juge élu de nationalité néerlandaise (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement). Le 27 février 1993, le vice-président de la Cour, M. R. Bernhardt, a tiré au sort, en présence du greffier, le nom des sept autres membres, à savoir MM. L.-E. Pettiti, R. Pekkanen, A.N. Loizou, J.M. Morenilla, F. Bigi, G. Mifsud Bonnici et J. Makarczyk (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement) (art. 43). Par la suite, M. I. Foighel, juge suppléant, a remplacé M. Pettiti, empêché (articles 22 par. 1 et 24 par. 1 du règlement).
4.   En sa qualité de président de la chambre (article 21 par. 5 du règlement), M. Ryssdal a consulté par l’intermédiaire du greffier l’agent du Gouvernement, le représentant du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 par. 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu les mémoires du requérant et du Gouvernement les 30 juin et 8 juillet 1993 respectivement. Le secrétaire de la Commission l’a informé que le délégué s’exprimerait à l’audience.
5.   Ainsi qu’en avait décidé le président, qui avait autorisé le requérant à s’exprimer en néerlandais (article 27 par. 3 du règlement), les débats se sont déroulés en public le 22 novembre 1993, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:
- pour le Gouvernement
MM. K. de Vey Mestdagh, ministère des Affaires étrangères,   
agent,
J.L. de Wijkerslooth de Weerdesteijn, Landsadvocaat,  conseil,
B.M.J. van der Meulen,
Th.G.M. Simons, ministère de la Justice,   conseillers;
- pour la Commission
M. L. Loucaides,  délégué;
- pour le requérant
Mes Th.J.H.M. Linssen, avocat et avoué,
R.M. van Male, avocat et avoué,  conseils.
La Cour a entendu en leurs déclarations ainsi qu’en leurs réponses aux questions posées par certains de ses membres M. Loucaides, M. de Wijkerslooth de Weerdesteijn et Mes Linssen et van Male.
EN FAIT
I.   LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6.   Citoyen néerlandais né en 1945, M. van de Hurk habite à Geffen (province du Brabant du Nord) où il est producteur laitier.
7.   Il possédait une étable comprenant à l’origine 90 loges pour vaches laitières et vaches pleines, ainsi que 63 loges pour veaux et génisses. En 1981, 1982 et 1983, le nombre de vaches laitières et de vaches pleines fut de 90, 96 et 102 respectivement, pour des quantités de lait produites s’élevant à 475 952, 445 571 et 488 026 kg.
8.   Après la publication, le 19 avril 1984, de l’ordonnance du 18 avril 1984 sur le prélèvement supplémentaire (Beschikking Superheffing, no J 1731, Staatscourant (Journal du Gouvernement) 79 - "l’ordonnance de 1984"), l’intéressé se vit octroyer une quantité de référence de lait (c’est-à-dire une quantité au-delà de laquelle un prélèvement supplémentaire devait être acquitté - paragraphe 23 ci-dessous) de 445 813 kg.
9.   Le 29 juin 1984, s’appuyant sur l’article 11 dudit texte (paragraphe 27 ci-dessous), il sollicita auprès du chef du bureau régional de la Fondation pour la mise en oeuvre des mesures agricoles (districtsbureauhouder van de Stichting tot Uitvoering van Landbouwmaatregelen) de la province du Brabant du Nord une augmentation de sa quantité de lait non soumise à prélèvement. Il faisait valoir que, dès janvier 1984, il avait contracté des obligations pour investir dans l’extension du nombre de loges pour vaches laitières et vaches pleines. Ces investissements concernaient une nouvelle étable pour génisses et taureaux, dont la construction libérerait 40 loges dans l’étable pour vaches laitières et vaches pleines existante. Le nombre des loges concernées passerait ainsi de 90 à 130, ce qui représentait une augmentation de plus de 25 %.
La somme totale requise pour construire la nouvelle étable et adapter l’ancienne s’élevait à plus de 100 000 florins.
10.  Le chef du bureau régional précité transmit la requête au directeur de l’agriculture et du ravitaillement (directeur voor de landbouw en voedselvoorziening) de la province du Brabant du Nord (paragraphe 28 ci-dessous). Celui-ci la rejeta le 1er novembre 1984, au motif que le requérant n’avait pas démontré "avoir toujours eu l’intention d’accroître le nombre de loges pour vaches laitières, comme il le prétendait dans sa demande".
11.  Le 27 novembre 1984, M. van de Hurk adressa au ministère de l’Agriculture et de la Pêche une réclamation contre cette décision (paragraphe 30 ci-dessous), expliquant à loisir que cela faisait en réalité bien longtemps qu’il avait envisagé semblable extension.
12.  Le ministre le débouta le 11 novembre 1985, au motif qu’il "ressortait des faits et circonstances indiqués dans la réclamation, ainsi que des informations obtenues d’autres sources par la voie officielle (ambtelijk overig ingewonnen informatie)" que le nombre de loges pour vaches laitières et vaches pleines avait augmenté de douze, passant de 118 à 130, ce qui représentait un accroissement d’environ 10 %, bien inférieur donc au minimum de 25 % exigé par l’ordonnance de 1984 (paragraphe 27 ci-dessous).
13.  Le requérant saisit le Conseil d’appel en matière économique (College van Beroep voor het Bedrijfsleven - "le Conseil"; paragraphe 31 ci-dessous) le 3 décembre 1985. Il soutenait que l’augmentation avait été de 40 loges et que le ministre s’était trompé en considérant que l’étable en comportait au départ 118.
14.  De surcroît, par une lettre parvenue au greffe du Conseil le 30 décembre 1986, il invita le président de cet organe (paragraphe 35 ci-dessous) à ordonner une mesure provisoire prévoyant que, dans l’attente de la décision du Conseil, il ne serait pas tenu de payer le prélèvement supplémentaire pour 1984/1985 et les années laitières suivantes, et que les montants déjà versés par lui au titre de ce prélèvement lui seraient remboursés dans la mesure où sa production laitière n’avait pas dépassé la quantité non soumise à prélèvement qu’il avait réclamée sur la base de 28 nouvelles loges.
15.  Après une audience publique, le président invita le ministre, par une lettre datée du 10 février 1987, à faire savoir s’il était disposé à revoir sa décision. Par une lettre du 3 avril 1987, le ministre répondit que rien ne lui paraissait justifier semblable réexamen et que la mesure provisoire sollicitée par le requérant devait être refusée. Il se pencha sur la question de l’augmentation du nombre de loges et maintint son point de vue antérieur. A titre subsidiaire, il fit valoir que les investissements de M. van de Hurk se rapportant à cet accroissement étaient inférieurs au minimum de 100 000 florins requis. Il estimait l’investissement total à 176 608 florins 27 et le prix au mètre carré de la nouvelle étable à 197 florins 23; partant de la surface occupée dans l’ancienne étable par les nouvelles loges pour vaches laitières et vaches pleines, il conclut que l’agrandissement avait entraîné une dépense de 48 406 florins 65 tout au plus.
16.  Le requérant répliqua par une lettre datée du 18 mai 1987. Il plaidait d’abord la forclusion en ce qui concerne l’argument précité, celui-ci n’ayant jamais été avancé pour motiver le rejet de sa demande originaire; à titre subsidiaire, il soutenait que les calculs du ministre étaient faux. Se référant à une liste des coûts concernés dressée par son comptable, il prétendait que son investissement total se chiffrait en réalité à 215 183 florins 22 et critiquait le mode de calcul retenu par le ministre. D’après lui, 65 % de l’investissement total se rapportaient aux loges pour vaches dans la nouvelle étable pour génisses, dont 90 % remplaçaient de telles loges dans l’ancienne étable, laquelle devait désormais accueillir des vaches laitières et des vaches pleines; la dépense entraînée par l’accroissement en question était donc de 125 882 florins.
17.  Le 7 juillet 1987, le président du Conseil refusa la mesure provisoire demandée, au motif qu’à première vue il était peu probable que le Conseil lui-même infirmât la décision du ministre, qui, d’après lui, n’avait pas commis d’erreur en déboutant le requérant. Acceptant l’argument invoqué à titre subsidiaire par le premier au sujet de l’investissement du second, il ne jugea pas nécessaire d’aborder la question de l’augmentation du nombre de loges pour vaches laitières et vaches pleines. Il écarta la thèse de la forclusion, estimant que l’article 51 de la loi de 1954 sur la justice administrative en matière économique (Wet administratieve rechtspraak bedrijfsorganisatie, Staatsblad (Journal officiel) 1954, no 416, depuis lors amendée - "la loi de 1954"), habilitait le ministre à compléter ses observations, cependant que M. van de Hurk avait non seulement eu amplement la possibilité de réagir à l’assertion subsidiaire du ministre, mais l’avait effectivement saisie. Faisant siens la méthode de calcul utilisée par le ministre et le chiffre soumis par le requérant en ce qui concerne son investissement total, il aboutit à un montant de 55 440 florins imputable à l’accroissement du nombre de loges dans l’ancienne étable, ce qui était insuffisant.
18.  Par une lettre du 25 septembre 1987 adressée au greffier du Conseil, M. van de Hurk fit savoir qu’il souhaitait poursuivre la procédure devant cet organe. Commentant la décision du président, il développa sa propre méthode de calcul. Comme le ministre, il prenait pour point de départ l’investissement nécessité par la construction de la nouvelle étable pour génisses. A partir du chiffre soumis par lui au président - 215 183 florins 22 (paragraphe 16 ci-dessus) - il obtenait un prix au mètre carré de 240 florins. Sur cette base, il arrivait, pour l’investissement imputable à l’accroissement du nombre de loges pour vaches laitières et vaches pleines dans l’étable existante, à un chiffre de 125 882 florins. A titre subsidiaire, pour le cas où les calculs du ministre seraient retenus, il soutenait que ceux-ci étaient fondés sur des prémisses erronées; appliquée correctement, la méthode du ministre aboutissait à un chiffre de 91 200 florins imputable à l’augmentation du nombre de loges pour vaches laitières et vaches pleines, ce qui suffisait puisque c’était le requérant lui-même qui avait accompli le travail physique lié à la construction de la nouvelle étable (paragraphe 27 ci-dessous).
19.  Le ministre déposa un mémoire en défense le 21 novembre 1988, puis une audience publique eut lieu le 19 avril 1989. Au cours de celle-ci, M. van de Hurk contesta derechef le mode de calcul du ministre et fit valoir, pour le cas où le Conseil l’accepterait néanmoins, que le prix au mètre carré calculé par le ministre était en tout état de cause trop bas; celui-ci était non pas de 240, mais de 342 florins 85.
20.  Le Conseil rendit son arrêt au fond le 16 juin 1989. Comme son président, il ne statua pas sur la question de savoir si l’augmentation du nombre de loges pour vaches avait été suffisante; en fait, il refusa explicitement de se prononcer sur ce point. Il accepta lui aussi la méthode de calcul du ministre; l’appliquant aux chiffres soumis par le requérant en réponse à la décision du président (un prix au mètre carré de 240 florins, les nouvelles loges occupant une surface de 330 mètres carrés), il aboutit à un investissement de 79 200 florins imputable à l’augmentation du nombre de loges. S’exprimant dans les termes suivants, il refusa de prendre en considération, pour cause de tardiveté, le prix au mètre carré avancé par M. van de Hurk à l’audience:
"Eu égard, entre autres, à la règle de l’article 6 par. 2 de l’ordonnance, il sera passé outre, pour juger la décision attaquée, à la déclaration du requérant faite pour la première fois à l’audience et selon laquelle le prix au mètre carré serait en réalité de 342 florins 85."
En conséquence, concluant que les investissements du requérant étaient inférieurs au minimum requis, il rejeta le recours.
II.  DROIT DE LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE ET DROIT ET PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. Règlements de la Communauté économique européenne
21.  Depuis longtemps, la Communauté était confrontée à des surplus de lait et de produits laitiers. En 1984, d’après le préambule du règlement du Conseil (CEE) no 856/84, "l’augmentation de la collecte laitière se poursui[vai]t à un rythme tel que l’écoulement des quantités supplémentaires entraîn[ait] des charges financières et des difficultés de marché qui mett[ai]ent en cause l’avenir de la politique agricole commune".
22.  Modifiant un règlement antérieur qui ne s’était pas révélé suffisamment efficace, le règlement du Conseil (CEE) no 856/84 (JO (Journal officiel) no L 90 du 1er avril 1984, p. 10) fut adopté par le Conseil des Communautés européennes en réponse à ces excédents structurels.
23.  Celui-ci décida que, pour une période initiale de cinq ans, la quantité de lait, que chaque exploitant laitier était autorisé à produire, devait être limitée à un montant déterminé (la "quantité de référence"). A cet effet, il instaura un système en vertu duquel les producteurs laitiers devaient payer une pénalité ou "prélèvement supplémentaire" sur le lait fourni au-delà des quantités qui leur étaient attribuées. Il appartenait aux Etats eux-mêmes de répartir leurs quantités garanties entre leurs producteurs, conformément à une formule prescrite par le règlement du Conseil (CEE) no 857/84 (JO no L 90 du 1er avril 1984, p. 13).
24.  En vertu de l’article 189 du Traité CEE, les règlements du Conseil (CEE) nos 856/84 et 857/84 étaient obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans l’ensemble des Etats membres des Communautés européennes. Ils sont entrés en vigueur le 1er avril 1984.
B. Mise en oeuvre aux Pays-Bas des règlements du Conseil (CEE) nos 856/84 et 857/84
1. Dispositions normatives
25.  En vertu de l’article 13 paras. 1 et 2 de la loi sur l’agriculture (Landbouwwet), le ministre de l’Agriculture, de la Conservation de la nature et de la Pêche (minister voor landbouw, natuurbeheer en visserij) est habilité à imposer par ordonnance (beschikking) un prélèvement sur la production, la livraison et le traitement de produits agricoles. Semblable ordonnance peut être prise, notamment, pour mettre en oeuvre les règlements, directives, décisions et recommandations de la CEE dans la mesure où ils se rapportent à sa politique agricole commune.
26.  Les règlements du Conseil (CEE) nos 856/84 et 857/84 ont été mis en oeuvre par l’ordonnance de 1984. Celle-ci reçut effet rétroactif au 1er avril 1984, date d’entrée en vigueur desdits règlements.
27.  Les producteurs laitiers qui avaient assumé des obligations liées à des investissements (investeringsverplichtingen) après le 1er septembre 1981, mais avant le 1er mars 1984, pouvaient prétendre à une quantité de référence plus importante, calculée d’après une formule donnée par l’ordonnance de 1984, si certaines conditions étaient remplies. Pareille quantité de référence accrue pouvait être octroyée, notamment, aux producteurs à même de prouver qu’ils avaient contracté des engagements financiers en vue d’augmenter leur nombre de loges pour vaches (laitières ou pleines) d’au moins 25 %, le faisant passer à plus de 60 (article 11 de l’ordonnance de 1984). L’investissement minimum requis était de 100 000 florins, ou 90 % de ce chiffre si le producteur pouvait prouver qu’il avait lui-même contribué de manière suffisante au travail physique entraîné par les aménagements pour compenser la différence.
2. Dispositions procédurales
28.  Tout producteur revendiquant une augmentation de sa quantité non soumise à prélèvement sur la base de l’article 11 de l’ordonnance de 1984 avait jusqu’au 1er août 1984 pour saisir de sa prétention le chef du bureau régional de la Fondation pour la mise en oeuvre des mesures agricoles, qui la transmettait au directeur de l’agriculture et du ravitaillement de la province (articles 6 par. 1 et 7 par. 1 de l’ordonnance). Le directeur statuait après avoir recueilli l’avis d’une commission consultative.
29.  Semblable demande devait s’accompagner d’un exposé des motifs et de preuves documentaires. Aux termes de l’article 6 par. 2 de l’ordonnance,
"La demande visée au paragraphe 1 est motivée. Elle comporte une déclaration corroborée par des preuves au sujet des divers motifs, mentionnés aux articles 11, 11b, 11c, 12 et 13, sur lesquels elle s’appuie.
Elle est irrecevable si (...) les règles fixées dans le présent paragraphe n’ont pas été observées."
30.  En cas de rejet de sa prétention, le demandeur disposait de trente jours pour adresser au ministre une réclamation (bezwaarschrift) contre la décision du directeur (article 7 paras. 2 et 3 de l’ordonnance).
C. Le Conseil d’appel en matière économique
31.  Les décisions du ministre étaient susceptibles de recours devant le Conseil dans un délai de trente jours (article 46 de la loi sur l’agriculture).
32.  Il s’agit d’un organe judiciaire qui fut créé par la loi de 1954. Initialement institué pour examiner les recours contre les décisions et actes de divers organes de régulation économique, sa compétence a progressivement été élargie, de manière à inclure certaines décisions du gouvernement central et d’autres organes administratifs autonomes mis en place par des lois spécifiques. D’après les "directives sur l’accès au Conseil d’appel en matière économique" (Richtlijnen voor het openstellen van beroep op het College van Beroep voor het Bedrijfsleven) du 24 juin 1986, Journal du Gouvernement 1986, p. 124, le Conseil est en principe la juridiction compétente en ce qui concerne la "législation de nature socio- économique".
L’article 5 de la loi de 1954 lui donnait compétence pour examiner la conformité des actes et décisions visés ci-dessus à la législation de caractère général et aux principes généraux de bonne administration (algemene beginselen van behoorlijk bestuur), pour vérifier l’absence de tout abus de pouvoir et pour déterminer si, dans sa mise en balance des intérêts concernés, l’organe administratif en cause avait pu raisonnablement décider comme il l’avait fait.
33.  Les juges qui le composent sont nommés à vie par la Couronne. Ils doivent posséder les mêmes qualifications que les juges des cours d’appel (article 9 de la loi). Ils prêtent le même serment, perçoivent le même traitement que ces derniers et sont soumis aux mêmes règles et procédures en matière de contrôle et de révocation (articles 11 et 12).
Ils ne peuvent occuper aucun autre poste officiel et ne peuvent exercer aucune fonction dans une entreprise privée ou dans une association d’employeurs ou de salariés (article 10).
34.  La procédure devant le Conseil est publique. A l’époque considérée, elle comportait normalement une phase écrite (présentation d’une requête par l’appelant, soumission d’un mémoire en réponse par l’organe administratif concerné, et le cas échéant, si le président y consentait, dépôt de mémoires ampliatifs), puis une phase orale (articles 29 et suivants).
L’article 51 permettait aussi bien à l’organe administratif qu’au requérant de "modifier tant leur demande ou leur défense que les motifs invoqués à l’appui de celles-ci jusqu’à la clôture de l’audience, à moins que le Conseil n’estim[ât] que pareille modification pla[çait] l’adversaire dans une situation nettement désavantageuse".
35.  En vertu de l’article 65, le requérant pouvait inviter le président à ordonner des mesures provisoires, et ce tant avant qu’après le dépôt d’un recours au fond. Le président statuait aussitôt que possible après avoir entendu l’organe administratif concerné ou après lui avoir au moins donné l’occasion de s’exprimer.
36.  L’arrêt du Conseil, qui était sans recours, pouvait infirmer la décision attaquée et régler les conséquences de pareille infirmation; en particulier, il pouvait ordonner à l’organe administratif concerné de prendre, retirer ou modifier une décision, ou d’agir ou de s’abstenir d’agir dans un certain sens. Il pouvait comporter une injonction de payer une amende en cas de non-exécution (article 58). Le Conseil pouvait également ordonner à l’organe en cause de verser une réparation pour tout dommage subi par l’appelant du fait de la décision ou de l’acte incriminés (article 60). Dans la mesure où l’arrêt prescrivait le paiement d’une somme d’argent, il pouvait être exécuté conformément aux règles relatives à l’exécution des jugements des tribunaux en matière civile (article 62).
37.  Les articles 74 et 75 de la loi étaient ainsi libellés:
Article 74
"1.  Si Nous estimons qu’un arrêt [du Conseil] est contraire, dans ses conséquences, à l’intérêt général, Nous pouvons décider, sur la recommandation de Nos ministres compétents, qu’il sera sans effet ou ne déploiera que partiellement ses effets.
2.   En attendant que soit rendue la décision visée au paragraphe 1, Nous pouvons, sur la recommandation de Nos ministres compétents, suspendre l’arrêt, en tout ou en partie, pour une durée que Nous déterminons. La suspension, même prolongée, ne peut excéder une année.
3.   Une décision au sens du paragraphe 1 ne peut être rendue que dans les deux mois qui suivent l’arrêt ou, si celui-ci a été suspendu durant cette période, dans le délai correspondant à la suspension. Une décision au sens du paragraphe 2 ne peut être rendue que dans les deux mois qui suivent l’arrêt.
4.   Nos décisions sont publiées au Journal officiel.
5.   Les deux premiers paragraphes ne s’appliquent pas dans la mesure où la décision accorde une réparation, complète ou non, ou ordonne le remboursement des frais.
6.   (...)"
Article 75
"1.  Si Nous décidons que l’arrêt sera sans effet ou ne déploiera que partiellement ses effets, le Conseil peut, à la demande de la personne concernée, soit statuer à nouveau en tenant compte de Notre décision, soit condamner l’organe mis en cause à réparer, en tout ou en partie, le préjudice subi par le requérant du fait de l’inexécution ou de l’inexécution partielle de la sentence.
2-4.  (...)"
Les expressions "Nous", "Nos" et "Notre" dans les articles précités se réfèrent au fait que les décisions de l’article 74 revêtaient la forme d’arrêtés royaux (Koninklijk besluit) signés par le monarque et le ministre responsable. Comme semblables arrêtés ne peuvent être adoptés qu’à l’initiative et sous la responsabilité (politique) d’un ministre, c’était le ministre qui avait effectivement le pouvoir de rendre une décision au titre de l’article 74 paras. 1 et 2. Conformément à la terminologie néerlandaise usuelle, le présent arrêt utilisera l’appellation "la Couronne" pour désigner conjointement le monarque et le ministre.
38.  Il n’a jamais été fait usage des pouvoirs conférés par les articles 74 et 75 de la loi de 1954. Les directives précitées (paragraphe 32 ci-dessus) prévoyaient explicitement que les nouvelles lois donnant compétence au Conseil devaient déclarer la loi de 1954 applicable, sauf en ce qui concerne lesdits articles. Avant l’établissement des directives, le ministre de la Justice avait répondu comme suit à une question du Conseil d’Etat (Raad van State):
"En principe il n’est, d’après moi, jamais nécessaire de déclarer les articles 74 et 75 applicables par analogie. A l’époque, ces deux dispositions ont été incluses dans la loi à titre de précaution, eu égard à la circonstance qu’il y a plus de trente ans le législateur ne pouvait guère savoir comment la procédure judiciaire administrative évoluerait. Il n’a jamais été fait usage des pouvoirs conférés à la Couronne par l’article 74. On pourrait même s’aventurer à dire que le système des articles 74 et 75 est devenu lettre morte." (Kamerstukken (Documents parlementaires) II 1984-1985, 18798, A-C, p. 10)
39.  La loi de 1954 a déployé ses effets jusqu’au 1er janvier 1994. A cette date est entré en vigueur un code administratif général (Algemene Wet Bestuursrecht) qui fixe de nouvelles règles uniformes de procédure en matière administrative.
En même temps, la loi de 1954 a été remplacée par une nouvelle loi sur la justice administrative en matière économique (Wet bestuursrechtspraak bedrijfsorganisatie). En vertu de l’article 19 de celle-ci, lesdites règles uniformes figurant dans le code administratif général régissent aussi la procédure devant le Conseil.
Ni le code ni la loi ne contiennent de disposition habilitant une autorité administrative quelle qu’elle soit à porter atteinte à l’autorité de chose jugée d’un arrêt.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
40.  Dans sa requête (no 16034/90) introduite le 1er décembre 1989 devant la Commission, M. van de Hurk alléguait une triple violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
Premièrement, il n’aurait pas été statué sur sa cause par un tribunal "indépendant et impartial", dès lors que la Couronne, et donc le ministre, pouvaient priver la décision du Conseil de ses effets ou suspendre son exécution.
Deuxièmement, il n’aurait pas bénéficié d’un "procès équitable" devant ledit organe puisque celui-ci n’avait pas tenu compte de ses arguments, alors qu’il avait autorisé le ministre à soumettre de nouvelles observations à un stade ultérieur et avait, de surcroît, dévié de la question posée à l’origine par sa réclamation au ministre (le nombre de loges pour vaches), en se prononçant seulement sur la somme investie.
Troisièmement, le Conseil n’aurait pas ou pas suffisamment traité, dans son arrêt, de divers arguments avancés par lui.
41.  La Commission a retenu la requête le 8 janvier 1992.
Dans son rapport du 10 décembre 1992 (article 31) (art. 31), elle conclut, par douze voix contre cinq, qu’il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
Le texte intégral de son avis et de l’opinion dissidente dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt*.
EN DROIT
I.   SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 6 par. 1 (art. 6-1)
42.  Aux termes de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention,
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)"
43.  La présente espèce concerne une contestation sur "des droits et obligations de caractère civil", de sorte que l’article 6 par. 1 (art. 6-1) trouve à s’appliquer; nul ne le conteste du reste.
A. "Tribunal indépendant"
44.  M. van de Hurk soutient que sa cause n’a pas été entendue par un "tribunal indépendant" comme l’exige l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, dès lors que l’article 74 de la loi de 1954 habilitait la Couronne à interdire l’exécution de tel ou tel arrêt du Conseil.
Le Gouvernement combat cette allégation à laquelle la Commission souscrit.
45.  De l’avis de la Cour, le pouvoir de rendre une décision obligatoire ne pouvant être modifiée par une autorité non judiciaire au détriment d’une partie est inhérent à la notion même de "tribunal", ainsi que le confirment les termes "qui décidera" ("determination") (comparer les arrêts Benthem c. Pays-Bas du 23 octobre 1985, série A no 97, p. 17, par. 40, H. c. Belgique du 30 novembre 1987, série A no 127, p. 34, par. 50, et Belilos c. Suisse du 29 avril 1988, série A no 132, p. 29, par. 64). Il peut aussi passer pour un élément de l’"indépendance" requise par l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
46.  Tout en admettant que le gouvernement n’a jamais invoqué dans les procédures devant le Conseil les pouvoirs qu’il tenait dudit article 74, le requérant soutient que leur simple existence affectait l’indépendance du Conseil puisqu’elle influençait clairement ses décisions. Cela ressortirait du fait - non contesté en soi par le Gouvernement - que seule une proportion très restreinte - pas plus de 2 % - des milliers d’appels introduits devant le Conseil par les producteurs laitiers concernant l’application de l’ordonnance de 1984 ont prospéré. Pour statuer sur ces affaires, le Conseil aurait eu présente à l’esprit la possibilité pour la Couronne d’exercer ses pouvoirs au titre de l’article 74.
47.  La Cour n’aperçoit rien dans le dossier de nature à indiquer que la simple existence des pouvoirs litigieux avait une influence sur la manière dont le Conseil traitait et tranchait les affaires portées devant lui. En particulier, on ne saurait attacher aucun poids au faible taux de succès des recours formés contre les décisions prises au titre de l’ordonnance de 1984. L’article 6 (art. 6) ne garantissant pas un résultat déterminé, la Cour ne peut statuer sur la question du respect ou non en l’espèce de cette disposition en se référant uniquement aux chances de succès du requérant (voir notamment et mutatis mutandis l’arrêt Costello-Roberts c. Royaume-Uni du 25 mars 1993, série A no 247-C, p. 62, par. 40).
48.  Selon le Gouvernement, l’article 74 n’empêchait pas de considérer le Conseil comme un "tribunal" puisqu’il ne conférait pas à la Couronne le pouvoir d’infirmer ses arrêts quant à leurs motifs, mais simplement la possibilité d’en bloquer les effets dès lors qu’ils allaient à l’encontre de l’intérêt général.
De surcroît, cette disposition était en tout état de cause lettre morte. Et de souligner qu’il n’en avait jamais été fait usage et qu’elle devait être abrogée lors de l’entrée en vigueur du nouveau code administratif général, le 1er janvier 1994.
49.  Au sujet du premier argument, la Cour, tout en admettant que l’article 74 peut s’interpréter comme l’indique le Gouvernement, relève que pour un plaideur ce sont les conséquences du procès - le dispositif de la décision - qui importent; le contenu réel des droits et obligations de caractère civil de l’intéressé est déterminé par ce même dispositif.
50.  On ne saurait davantage admettre que l’article 74 avait perdu toute portée légale. Pas plus que la Commission, la Cour ne peut oublier que cette disposition faisait toujours partie du droit à l’époque considérée et qu’il en alla ainsi pendant plusieurs années encore. Rien n’interdisait à la Couronne (en la personne du ministre de l’Agriculture, de la Conservation de la nature et de la Pêche) de se servir de ses pouvoirs si elle avait estimé pareille démarche nécessaire ou souhaitable eu égard à ce qu’elle pouvait percevoir comme étant l’intérêt général (voir, mutatis mutandis, les arrêts De Jong, Baljet et Van den Brink c. Pays-Bas du 22 mai 1984, série A no 77, p. 24, par. 48, et Modinos c. Chypre du 22 avril 1993, série A no 259, p. 11, par. 23).
51.  Dans ce contexte, le Gouvernement soutient en outre que si la Couronne avait jamais fait usage des pouvoirs que lui conférait l’article 74, la personne concernée aurait pu saisir les juridictions civiles aux fins de contrôle de la décision.
En l’absence de toute disposition légale claire et de toute jurisprudence interne sur la question - la Couronne n’ayant jamais recouru auxdits pouvoirs -, la Cour n’est pas en mesure de vérifier l’existence et l’effectivité de pareil recours.
52.  Il en résulte qu’à l’époque pertinente, l’article 74 de la loi de 1954, qui est demeurée en vigueur jusqu’au 1er janvier 1994, autorisait le ministre à priver, partiellement ou totalement, de ses effets un arrêt du Conseil au détriment d’un plaideur. Il manquait dès lors l’un des attributs essentiels d’un "tribunal".
Semblable défaut peut toutefois être compensé par l’existence d’une forme de contrôle ultérieur par un organe judiciaire offrant toutes les garanties requises par l’article 6 (art. 6) (voir récemment, mutatis mutandis, les arrêts Nortier c. Pays-Bas du 24 août 1993, série A no 267, p. 16, par. 36, et Holm c. Suède du 25 novembre 1993, série A no 279-A, p. 16, par. 33).
53.  D’après le Gouvernement, il en allait bien ainsi.
Tout d’abord, l’article 75 de la loi de 1954 prévoyait la possibilité d’un réexamen par le Conseil lui-même. Le Gouvernement fait observer que, l’arrêt originaire conservant son autorité de chose jugée, tout au moins dans la mesure où il établissait l’illégalité de la décision administrative initialement attaquée, ce réexamen devait nécessairement conduire à un arrêt ordonnant à l’administration de verser des dommages-intérêts; il souligne qu’en vertu du paragraphe 5 de l’article 74, la Couronne n’avait pas le pouvoir de neutraliser des arrêts imposant à l’administration le paiement d’une indemnité.
Ensuite, le Gouvernement fait valoir que, la Convention étant directement applicable aux Pays-Bas, M. van de Hurk aurait pu - en vertu de principes bien établis de droit néerlandais (voir l’arrêt Oerlemans c. Pays-Bas du 27 novembre 1991, série A no 219, p. 22, par. 57) - saisir les juridictions civiles au motif que le Conseil ne pouvait passer pour un tribunal indépendant, au sens de l’article 6 (art. 6) de la Convention.
54.  Ces arguments ne convainquent pas la Cour.
En ce qui concerne le premier remède, elle relève que l’article 75 de la loi de 1954 n’autorisait pas le Conseil à s’écarter de la décision rendue par la Couronne au titre de l’article 74. Dès lors, on ne peut guère considérer qu’il s’agissait d’un recours effectif au sens de la jurisprudence mentionnée au paragraphe 52 ci-dessus. De plus, même si l’article 75 permettait une indemnisation dans l’hypothèse d’un usage par la Couronne des pouvoirs qu’elle tenait de l’article 74, semblable réparation ne saurait égaler les avantages obtenus grâce à l’arrêt originaire du Conseil enjoignant à l’administration de prendre une décision déterminée en faveur de la partie sollicitant le contrôle.
Quant au second recours, son effectivité est sujette à caution. Ainsi que le Gouvernement le déclare, les rares fois que les juridictions civiles ont statué sur la question, elles ont estimé que le Conseil "offr[ait] des garanties suffisantes de contrôle judiciaire" (voir l’arrêt Oerlemans précité, ibidem).
55.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en ce qu’aucun "tribunal" n’a "décidé" de la contestation relative aux droits et obligations de caractère civil du requérant.
B. Caractère équitable de la procédure
56.  M. van de Hurk se plaint que l’article 6 par. 2 de l’ordonnance de 1984 lui faisait l’obligation de produire d’emblée l’ensemble de ses arguments et preuves, tandis que son adversaire - le ministre - a pu modifier ses arguments au fur et à mesure que la cause évoluait. Le rejet par le directeur de l’agriculture et du ravitaillement de sa demande initiale tendant à l’obtention d’une quantité de référence accrue de lait s’appuyait sur la considération qu’il avait omis de démontrer "avoir toujours eu l’intention d’accroître le nombre de loges pour vaches laitières"; le refus opposé par le ministre à sa réclamation se fondait sur une prétendue insuffisance de l’augmentation du nombre de loges pour vaches laitières et vaches pleines. Devant le Conseil toutefois, le ministre avait centré sa défense sur l’allégation que les investissements du requérant n’atteignaient pas le chiffre requis. Il y aurait donc eu violation du principe de l’"égalité des armes" consacré par l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
57.  Or, à raisonner ainsi on oublie deux choses: d’abord, l’article 51 de la loi de 1954 remplissait la condition d’"égalité des armes" en ce qu’il autorisait les deux parties à la procédure devant le Conseil à "modifier tant leur demande ou leur défense que les motifs invoqués à l’appui de celles-ci" (paragraphe 34 ci-dessus); ensuite, si, usant de la possibilité que lui offrait l’article 51 dans la procédure devant le Conseil, le ministre basa en effet sa défense sur des arguments nouveaux, différents de ceux sur lesquels il avait fondé son rejet originaire de la requête de M. van de Hurk, ce dernier fut autorisé à soumettre, notamment, un rapport de son comptable ainsi que des contre-arguments. Dès lors, non seulement il eut réellement l’occasion de répondre (voir l’arrêt Ruiz-Mateos c. Espagne du 23 juin 1993, série A no 262, p. 25, par. 63), mais il la saisit effectivement. Nulle violation du principe de l’"égalité des armes" ne se trouve donc établie.
58.  Le requérant soutient en outre que sa cause n’a pas été entendue "équitablement", le Conseil ayant refusé de prendre en considération le prix au mètre carré imputable à l’accroissement du nombre de loges pour vaches laitières et vaches pleines qu’il avait soumis à l’audience devant cet organe.
59.  L’article 6 par. 1 (art. 6-1) implique notamment, à la charge du "tribunal", l’obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence pour la décision à rendre (voir l’arrêt Kraska c. Suisse du 19 avril 1993, série A no 254-B, p. 49, par. 30). Il échet de déterminer si cette condition a été remplie en l’espèce.
60.  Le Conseil fonda son estimation sur le prix au mètre carré fourni antérieurement par M. van de Hurk lui-même dans ses observations écrites et qui découlait de calculs sur lesquels celui-ci s’était appuyé dans la procédure devant le président du Conseil (paragraphes 16 et 18 ci-dessus). Il résolut d’appliquer à ce chiffre une méthode de calcul différente de celle préconisée par l’intéressé et aboutit ainsi à un résultat qui n’était pas favorable à ce dernier. Il n’appartient pas à la Cour de critiquer semblable choix; en règle générale, l’appréciation des faits relève des juridictions nationales (voir en dernier lieu l’arrêt Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas du 27 octobre 1993, série A no 274, pp. 18-19, par. 31).
Certes, le Conseil refusa d’examiner le nouveau chiffre avancé par le requérant. Toutefois, celui-ci ne le produisit qu’au dernier stade possible, à savoir lors des débats oraux après que le ministre eut répondu par écrit à ses observations écrites.
Compte tenu de ces circonstances, le Conseil n’a pas violé l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en refusant de prendre en considération le nouveau chiffre de M. van de Hurk.
61.  Celui-ci énonce enfin une série de doléances consistant, en bref, à soutenir que dans son arrêt le Conseil n’aurait pas ou pas suffisamment examiné divers arguments formulés par lui.
L’article 6 par. 1 (art. 6-1) oblige les tribunaux à motiver leurs décisions, mais il ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument. De même, la Cour européenne n’est pas appelée à rechercher si les arguments ont été adéquatement traités.
Se livrant à une appréciation générale, elle estime que l’arrêt du Conseil n’était pas insuffisamment motivé. En conséquence, aucune violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) ne se trouve établie de ce chef non plus.
II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 (art. 50)
62.  Aux termes de l’article 50 (art. 50) de la Convention,
"Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."
A. Dommage matériel
63.  M. van de Hurk réclame 622 137 florins pour manque à gagner, plus un dédommagement pour la quantité non soumise à prélèvement qui, à ses yeux, lui a été refusée à tort, et dont il fixe à 397 952 florins la valeur au 1er juillet 1993. Le montant revendiqué s’élève donc au total à 1 020 089 florins. L’intéressé soumet des calculs nombreux et détaillés, basés sur la situation qui aurait existé si la quantité de référence supplémentaire lui avait effectivement été octroyée.
64.  Sa demande se fonde sur la supposition que l’arrêt du Conseil lui aurait été favorable si les violations de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) n’avaient pas eu lieu. Or il n’est pas du tout certain que l’issue de l’affaire aurait été différente en l’absence de la violation constatée (paragraphe 55 ci-dessus). Aussi la Cour estime-t-elle, avec le délégué de la Commission et le Gouvernement, que les prétentions formulées par le requérant de ce chef doivent être rejetées.
B. Frais et dépens
65.  M. van de Hurk n’a bénéficié de l’assistance judiciaire ni devant la Commission ni devant la Cour. Il sollicite le remboursement des honoraires d’avocat "directement liés aux présentes procédures" (ce que la Cour interprète comme signifiant: les procédures suivies à Strasbourg). Jusqu’à l’audience ils étaient estimés à 53 000 florins hors taxe sur la valeur ajoutée (200 h à 265 florins); il conviendrait d’y ajouter les frais de voyage et de séjour exposés pour assister à l’audience elle-même.
Le délégué de la Commission considère que le requérant a droit au remboursement des frais encourus pour présenter sa cause devant les organes de la Convention. Le Gouvernement juge quant à lui "déraisonnable" le temps passé sur l’affaire.
66.  La Cour rappelle que les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (voir notamment l’arrêt Pham Hoang c. France du 25 septembre 1992, série A no 243, p. 24, par. 46). Bien que M. van de Hurk se soit également plaint d’un manque d’équité de la procédure, il s’est concentré sur la question à propos de laquelle une violation a été constatée. En conséquence, la Cour estime raisonnable de lui accorder une somme de 35 000 florins, à majorer de tout montant pouvant être dû au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.
67.  Les détails relatifs aux frais de voyage et de séjour n’ont pas été communiqués à la Cour. Elle juge pourtant raisonnable d’allouer à l’intéressé un montant égal à celui qui lui aurait été dû dans le cadre de l’assistance judiciaire pour couvrir ses frais pour lui-même et son représentant, à savoir 6 336 francs français.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1.   Dit, par six voix contre trois, qu’il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en ce qu’il n’a pas été "décidé" de la contestation sur les droits et obligations de caractère civil du requérant par un "tribunal" au sens de cette disposition;
2.   Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en ce qui concerne le caractère équitable de la procédure;
3.   Dit, par huit voix contre une, que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 35 000 (trente-cinq mille) florins néerlandais, à majorer de tout montant pouvant être dû au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, pour frais et dépens, plus 6 336 (six mille trois cent trente-six) francs français, à convertir en florins néerlandais au taux de change applicable à la date du prononcé du présent arrêt;
4.   Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en anglais*, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 19 avril 1994.
Rolv RYSSDAL
Président
Pour le Greffier
Herbert PETZOLD
Greffier adjoint
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51 par. 2 (art. 51-2) de la Convention et 53 par. 2 du règlement, l’exposé des opinions séparées suivantes:
- opinion concordante de M. Ryssdal;
- opinion partiellement dissidente de M. Martens;
- opinion partiellement dissidente de M. Foighel;
- opinion partiellement dissidente de M. Mifsud Bonnici.
R. R.
H. P.
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE RYSSDAL
(Traduction)
Je n’ai voté qu’à regret pour le constat d’une violation. Je partage l’avis selon lequel le pouvoir conféré à la Couronne par l’article 74 de la loi de 1954 est incompatible avec l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Toutefois, ce pouvoir n’a jamais été utilisé. Il est peu probable qu’on eût encore pu y recourir à l’époque considérée, et sa simple existence ne peut passer pour avoir causé un préjudice au requérant. Reste que le Gouvernement n’a pas prétendu que celui-ci n’avait pas la qualité requise de victime de la violation précitée.
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE MARTENS
(Traduction)
I.   INTRODUCTION
1.   Comme la majorité, j’estime que l’article 74 de la loi de 1954 est incompatible avec l’article 6 (art. 6) de la Convention. Néanmoins, je ne puis admettre que cela suffise pour constater qu’il y a eu, en l’espèce, violation de cet article (art. 6) en ce qu’il n’a pas été "décidé" des droits et obligations de caractère civil du requérant par un "tribunal" au sens de cette disposition.
2.   Je note qu’apparemment la Cour juge devoir faire, en l’espèce, une exception à sa jurisprudence, d’après laquelle "[E]n principe, il ne suffit pas à un individu requérant de soutenir qu’une loi viole, par sa simple existence, les droits dont il jouit aux termes de la Convention"4. L’article 74 de la loi de 1954 n’a pas été appliqué au détriment du requérant - il n’a d’ailleurs jamais été appliqué au cours des quarante années pendant lesquelles il a figuré dans "le recueil des lois"5 - mais la Cour considère que sa seule existence suffit à justifier un constat de violation de l’article 6 (art. 6) de la Convention.
En soi, cette approche est conforme à celle que j’ai toujours préconisée, même dans les cas où le requérant se plaignait que l’application d’une disposition déterminée violait les droits que lui reconnaissait la Convention6. Il me semble toutefois que la Cour aurait dû indiquer les raisons de cette démarche exceptionnelle adoptée en l’occurrence.
II.  NATURE DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 6 (art. 6)
3.   L’un des problèmes essentiels en l’espèce a trait à la nature de la violation de l’article 6 (art. 6).
Le requérant soutient que la simple existence des pouvoirs conférés à la Couronne par l’article 74 entravait l’indépendance du Conseil d’appel en matière économique, puisqu’elle influençait clairement ses décisions. Je souscris entièrement au rejet par la Cour de cet argument7.
La Cour, pour sa part, se concentre sur la notion de "tribunal", au sens de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, pour conclure qu’eu égard aux pouvoirs de l’article 74, le Conseil ne remplissait pas toutes les exigences qu’implique ladite notion. Pour aboutir à ce résultat, elle lit dans celle-ci une exigence qui est "nouvelle" en ce sens qu’elle n’a pas été explicitée dans sa jurisprudence mentionnée au paragraphe 45 de l’arrêt: pour qu’une juridiction soit considérée comme un tribunal au sens de l’article 6 (art. 6), il ne suffit pas qu’elle ait le pouvoir de rendre des décisions obligatoires, il faut en outre que celles-ci ne puissent "être modifiée[s] par une autorité non judiciaire au détriment d’une partie" (paragraphe 45 de l’arrêt de la Cour; italique ajouté).
Cette référence à une "partie" révèle que cette condition supplémentaire a été créée pour l’occasion, et c’est peut-être la raison pour laquelle elle ne m’a pas persuadé de partager l’avis de la Cour selon lequel le Conseil d’appel en matière économique - pour lequel j’ai de la considération - est défectueux en ce qu’il ne peut pas passer pour un tribunal au sens de l’article 6 (art. 6).
4.   D’après moi, il n’y a aucune critique à formuler à l’encontre du Conseil. Il y a cependant une violation de l’article 6 (art. 6), car l’article 74 est incompatible avec le principe fondamental de la prééminence du droit que cette clause vise à consacrer8.
Qu’il me soit permis de tenter de m’expliquer.
L’article 74 de la loi de 1954 constituait une soupape de sécurité à n’utiliser que dans des cas tout à fait exceptionnels. Sa nécessité telle qu’on la percevait se comprenait, non seulement eu égard aux très amples pouvoirs conférés au Conseil d’appel en matière économique à une époque où les Pays-Bas n’avaient encore que très peu d’expérience des juridictions administratives, mais aussi compte tenu du fait qu’à l’origine le Conseil ne connaissait que des recours dirigés contre les décisions et actes des organes de régulation économique institués par la loi sur l’organisation de l’économie9 (Wet op de Bedrijfsorganisatie). On conçoit que le législateur ait craint à l’époque qu’en présentant leur cause devant le Conseil, ces organes subordonnés pussent défendre une vision de "l’intérêt général" différente de celle du gouvernement central, de sorte que ce dernier devait avoir l’occasion d’intervenir si ce qu’il estimait être l’"intérêt général" se trouvait compromis par une décision du Conseil.
Il est en effet parfaitement concevable que l’"intérêt général" justifie que l’on décide que, même illégale, telle ou telle décision administrative préjudiciable aux "droits de caractère civil"10 d’un individu ne lui ouvre pas droit à restitutio in integrum mais seulement à indemnité11.
Toutefois, en vertu de la prééminence du droit, il appartient essentiellement au pouvoir judiciaire - et non au pouvoir exécutif - de décider en dernier ressort s’il convient de subordonner à l’"intérêt général" les droits de caractère civil du particulier lésé12.
Le défaut fondamental de l’article 74 et l’essence de son incompatibilité avec l’article 6 (art. 6) de la Convention résident dans le fait qu’il confère ce pouvoir de décision à la Couronne13.
Si le pouvoir au titre de l’article 74 avait jamais été utilisé, il aurait violé le principe de l’"égalité des armes" et aurait sapé la confiance que doivent inspirer les tribunaux dans une société démocratique. L’analyse ci-dessus montre toutefois que l’article 74 viole déjà en soi l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, tout à fait indépendamment de la question de savoir s’il en est fait usage ou non.
5.   Même lors du dépôt du projet originaire, en 1950, l’incompatibilité de l’article 74 avec le principe de la prééminence du droit fut relevée, tant à l’extérieur14 qu’à l’intérieur du Parlement. Pratiquement tous les intervenants au débat sur le projet mentionnèrent le problème. Ceux qui estimaient (parfois avec beaucoup d’hésitation) que - pour reprendre les termes de la plupart des orateurs - "le pouvoir pour le gouvernement de décider que certaines décisions du Conseil n’aur[aient] aucun effet"15 n’était pas incompatible avec la règle de la prééminence du droit, fondaient cette opinion sur l’interprétation selon laquelle les exigences de ce principe étaient moins strictes en matière administrative qu’en matière civile16. Leurs opposants - minoritaires - marquèrent leur désaccord. Leur porte-parole (un professeur renommé de droit international privé de l’université de Leiden) déclara dans ce contexte:
"D’après l’opinion prédominante (...) il n’y a pas place pour des procédures judiciaires au sens propre du terme dans le domaine du droit public. Je juge cette idée fausse en principe car il est dans la nature des choses que les procédures judiciaires forment partie intégrante de la règle de la prééminence du droit, et ce n’est que par elles que le pouvoir de l’autorité publique est soumis à la loi. Ce n’est que par elles que l’on peut réellement garantir un juste équilibre entre les intérêts privés et les intérêts généraux."17
Je ne puis m’empêcher de citer un autre passage de son discours, non seulement parce qu’il a une tonalité remarquablement moderne, mais aussi parce qu’il illustre bien ce que je veux expliquer:
"A mon sens, l’enjeu réside ici dans l’équilibre adéquat entre le pouvoir judiciaire et le gouvernement, entre la situation juridique concrète tranchée par le premier et l’exercice par le second de ses responsabilités. Si l’on admet cette thèse de leur corrélation, on n’aperçoit aucune bonne raison justifiant que le gouvernement assure de manière indépendante l’exercice de ses responsabilités dans un sens directement opposé à la décision du pouvoir judiciaire.
Au contraire, on pourrait faire valoir qu’en vertu de la prééminence du droit, la décision judiciaire doit prévaloir, dès lors qu’il convient d’admettre que semblable décision sera dans certains cas préjudiciable à l’intérêt général."18
6.   Les critiques contre l’article 74 ne se sont jamais apaisées. Des auteurs parmi les plus éminents de droit administratif n’ont cessé de le condamner comme inacceptable19. Certaines de ces attaques datent d’après l’arrêt rendu par la Cour le 23 octobre 1985 dans l’affaire Benthem c. Pays-Bas (série A no 97)20, mais plusieurs avaient été formulées avant cette décision. Van der Burg et Cartigny21 réprouvèrent le pouvoir attribué à la Couronne par l’article 74 comme "timide et inconséquent", Tak et Ten Berge22 le qualifièrent de "contestable" et Stroink23 de "scandaleux", tandis qu’analysant les conséquences à tirer de l’article 6 (art. 6) de la Convention24, Hirsch Ballin (l’actuel ministre de la Justice) se borna à dire que ce pouvoir autorisait des atteintes à des décisions indépendantes du Conseil et recommanda la modification de cette disposition, "à supposer d’ailleurs qu’elle doive être maintenue".
Ces critiques persistantes contre l’article 74 mettent en lumière le fait qu’il n’a jamais été abrogé. En 1984, le ministre de la Justice déclara prudemment: "On pourrait même s’aventurer à dire que le système des articles 74 et 75 est devenu lettre morte"25, mais, bien que sa déclaration coïncidât avec le dépôt d’un projet de loi portant modification de la loi de 1954, il prit bien garde de ne pas proposer l’abrogation des dispositions litigieuses! Celles-ci n’ont pas davantage été immédiatement abrogées à la suite de l’arrêt Benthem. Cela ne donne-t-il pas à penser que le gouvernement souhaitait non seulement conserver le pouvoir qu’il tenait de l’article 74, mais aussi se réserver le droit d’en user?26
III.  LE REQUERANT A-T-IL LA QUALITE DE "VICTIME"?
7.   Il est surprenant qu’à aucun stade de la procédure le Gouvernement n’ait soutenu que le requérant ne pouvait pas vraiment se prétendre "victime" d’une quelconque violation, l’article 74 n’ayant pas été appliqué à son détriment.
Cette curieuse omission n’aurait cependant pas dû empêcher la Cour d’examiner d’office la question du locus standi du requérant pour se plaindre de l’incompatibilité de l’article 74 de la loi de 1954 avec l’article 6 (art. 6) de la Convention. La condition de qualité de "victime" n’est pas simplement une question de recevabilité, mais plutôt une question de compétence. Un Etat défendeur peut renoncer à une exception préliminaire de tardiveté de la requête ou de non- épuisement des voies de recours internes, mais il ne saurait, en ne soulevant pas la question de la qualité de victime, créer une compétence là où elle fait défaut. Après tout, l’article 25 (art. 25) de la Convention "n’institue pas au profit des particuliers une sorte d’actio popularis pour l’interprétation de la Convention; il ne les autorise pas à se plaindre in abstracto d’une loi par cela seul qu’elle leur semble enfreindre la Convention"27.
8.   Quaeritur ergo: le requérant doit-il passer pour une "victime" au motif de la simple existence d’une disposition de droit interne qui est incompatible avec la Convention, même si elle n’a pas été appliquée à son détriment?
Pour répondre à cette question, je rappelle tout d’abord qu’il y a indubitablement des cas où l’existence même de certaines dispositions de droit interne affecte un individu de manière tellement continue, directe et pénible qu’il faut le considérer comme une victime. A cet égard, il suffit de renvoyer à l’arrêt Marckx c. Belgique du 13 juin 1979, série A no 31, et spécialement aux arrêts rendus dans les affaires concernant des homosexuels et transsexuels28. Il va sans dire que la présente espèce n’entre pas dans cette catégorie.
Seconde précision: nul ne nie que le Conseil d’appel en matière économique possède les caractéristiques d’une juridiction telle que définie jusqu’ici dans la jurisprudence de la Cour29. Il est clair, en réalité, que la loi de 195430 lui conférait le pouvoir de trancher les affaires entrant dans sa compétence conformément aux règles de droit et à l’issue de procédures conduites d’une manière prescrite. Nul ne conteste non plus qu’en ce qui concerne le mode de nomination de ses membres, les conditions de leur charge et les garanties qu’offre sa procédure, le Conseil remplit pleinement les exigences d’un tribunal indépendant, au sens de l’article 6 par. 1 (art. 6-1). La Cour n’aperçoit en outre (paragraphe 47)
"rien dans le dossier de nature à indiquer que la simple existence des pouvoirs litigieux avait une influence sur la manière dont le Conseil traitait et tranchait les affaires portées devant lui".
Il faut en conclure qu’en pratique il a été statué sur les droits de caractère civil du requérant en conformité avec l’article 6 (art. 6)31.
En d’autres termes, le requérant n’a pas souffert d’autre préjudice que celui d’avoir eu à présenter sa cause devant un tribunal dont les décisions pouvaient, en théorie - si la Couronne usait du pouvoir que lui attribuait l’article 74 au mépris de la prééminence du droit -, être soumises à modification de la façon indiquée au paragraphe 54 de l’arrêt de la Cour, c’est-à-dire que le Conseil ne pouvait pas octroyer au requérant un droit à une nouvelle décision administrative en sa faveur, mais seulement lui accorder réparation. Certes, en vertu de la jurisprudence de la Cour, le simple risque d’être affecté directement et de manière préjudiciable par l’application de la décision de droit interne incriminée peut suffire pour qu’on qualifie une personne de "victime"32, mais, premièrement, le risque qu’après plus de trente ans la Couronne eût soudainement recouru au pouvoir litigieux pour empêcher le requérant de se voir attribuer une quantité accrue de lait non soumise à prélèvement était infime et, deuxièmement, même si ce risque s’était réalisé, l’intéressé n’en aurait de toute façon pas souffert, puisque tout dommage causé par un refus d’augmenter une quantité de lait non soumise à prélèvement peut, de par sa nature, être intégralement compensé par une réparation financière.
9.   En résumé, je ne puis que conclure qu’eu égard au fait que l’article 74 n’a pas été appliqué au détriment du requérant, celui-ci ne peut passer pour une "victime" du fait que cette disposition de droit néerlandais était incompatible avec le principe fondamental de la prééminence du droit, et que par conséquent il était contraire à l’article 6 (art. 6) de la Convention.
IV.  CONCLUSION
10.  Le requérant n’ayant pas, à mon sens, la qualité requise de "victime", je n’avais d’autre choix que de voter contre le point 1 du dispositif de l’arrêt de la Cour, bien que, moi aussi, j’estime que l’article 74 de la loi de 1954 était incompatible avec l’article 6 (art. 6) de la Convention.
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE FOIGHEL
(Traduction)
Ainsi qu’il ressort des paragraphes 56 à 61, rien n’atteste que le requérant n’ait pas été traité de façon équitable lorsque le Conseil d’appel en matière économique a statué sur sa cause. Son grief principal consiste à dire que la simple existence de l’article 74 de la loi de 1954, aux termes duquel le gouvernement pouvait bloquer les effets des décisions du Conseil, affectait l’indépendance de ce dernier.
Avec la majorité (paragraphe 47), je n’aperçois "rien dans le dossier de nature à indiquer que la simple existence des pouvoirs litigieux avait une influence sur la manière dont le Conseil traitait et tranchait les affaires portées devant lui". Eu égard en outre au fait que le gouvernement n’a jamais fait usage du pouvoir que lui conférait l’article 74 et qu’à compter du 1er janvier 1994 celui-ci a été supprimé, j’aboutis à la conclusion que l’intéressé n’a pas la qualité de "victime" et qu’il n’y a pas eu atteinte aux droits que lui garantit l’article 6 (art. 6) de la Convention.
Cela me dispense de discuter la question théorique de savoir si un tribunal perd son indépendance s’il ne peut, dans tous les cas, contrôler l’exécution de ses décisions.
Je ne constate aucune violation de l’article 6 (art. 6) en l’espèce.
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE MIFSUD BONNICI
(Traduction)
1.   La majorité a estimé que l’organe juridictionnel mis en place par la loi de 1954 ne pouvait passer pour un "tribunal", au motif que l’article 74 de ladite loi conférait à l’exécutif la possibilité d’intervenir chaque fois qu’il jugeait l’arrêt rendu par le Conseil contraire, en tout ou en partie, à l’intérêt général. La Cour relève qu’eu égard à l’existence de l’article 74, le Conseil ne peut être qualifié de "tribunal", au sens de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, et que, par conséquent, il n’a pas été statué par un tribunal sur les droits et obligations de caractère civil du requérant.
2.   Ma première réticence est due au caractère, à mon avis non concluant, des motifs avancés. Je ne puis, bien sûr, que souscrire à l’opinion selon laquelle la faculté réservée à l’exécutif est hautement contestable. Mais cela n’autorise pas à considérer que le Conseil n’est pas un tribunal. "Décider des contestations sur des droits et obligations" ("determination of rights and obligations") signifie la même chose que "définir des droits et obligations" ("definition of rights and obligations"), et par conséquent cet élément apparaît présent. L’aspect "effectivité" pèse d’un plus grand poids, et j’inclinerais à le considérer comme un élément de disqualification lorsqu’il y a concordance des circonstances de droit et de fait.
3.   En l’espèce, les circonstances pertinentes ne permettaient pas cette disqualification:
a) la faculté d’intervention de l’exécutif n’a jamais été utilisée depuis sa création, en 1954, et elle ne pouvait s’exercer en l’espèce puisque l’arrêt donnait tort au requérant;
b) la Cour constate à bon droit qu’il n’est nullement évident que l’issue de l’affaire aurait été favorable à l’intéressé si l’organe juridictionnel en cause avait été un tribunal conforme aux exigences de la Convention, ce qui justifie le rejet de la demande d’indemnité pour dommage matériel;
c) l’article 74 litigieux a été abrogé au 1er janvier 1994.
4.   Il me paraît que, dans ces circonstances, il fallait appliquer le principe "in abstracto". Dans son arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989 (série A no 154, p. 21, par. 45), la Cour a déclaré:
"Il n’incombe pas à la Cour d’examiner in abstracto la législation et la pratique pertinentes, mais de rechercher si la manière dont elles ont été appliquées au requérant ou l’ont touché a enfreint l’article 6 par. 1 (art. 6-1)."
D’où ma seconde réserve, déterminante.
5.   La présence de l’article 74 dans la loi, qui a entraîné le constat d’une violation par la majorité, n’a en réalité affecté le requérant d’aucune manière, et celui-ci n’avait donc pas, en définitive, la qualité de victime d’une violation d’un droit fondamental.
6.   Vu l’absence, à mon sens, d’une victime et d’un élément in concreto, je ne saurais souscrire à un arrêt qui, en pratique, condamne un article de loi qui:
a) n’a jamais causé de préjudice à quiconque et qui, en outre,
b) n’existe déjà plus à la date de cet arrêt.
7.   Le requérant n’ayant pas, d’après moi, la qualité de victime, j’estime que rien ne lui est dû au titre de l’article 50 (art. 50) de la Convention.
* Note du greffier: L'affaire porte le n° 9/1993/404/482.  Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
* Note du greffier: pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (volume 288 de la série A des publications de la Cour), mais on peut se le procurer auprès du greffe.
* Note du greffier: Par dérogation à la pratique habituelle (articles 26 et 27 par. 5 du règlement), le texte français n'a été disponible qu'à partir de juin 1994; il fait cependant foi lui aussi.
4 Voir l'arrêt Klass et autres c. Allemagne du 6 septembre 1978, série A no 28, p. 18, par. 33.
5 Voir l'arrêt Modinos c. Chypre du 22 avril 1993, série A no 259, p. 11, par. 20.
6 Voir mon opinion concordante dans l'affaire Fey c. Autriche, arrêt du 24 février 1993, série A no 255-A, p. 16, par. 1.
7 Voir les paragraphes 46 et 47 de l'arrêt de la Cour.
8 Voir, en dernier lieu, l'arrêt Salabiaku c. France du 7 octobre 1988, série A no 141-A, p. 16, par. 28.  On peut déduire de l'arrêt Håkansson et Sturesson c. Suède du 21 février 1990, série A no 171-A, pp. 16-17, paras. 45-50, que la Cour est disposée à examiner les violations alléguées du principe de la prééminence du droit.
9 Voir le paragraphe 32 de l'arrêt de la Cour.
10 Par souci d'équité envers le législateur néerlandais de 1954, il échet d'observer que l'idée selon laquelle une procédure administrative pouvait concerner des "droits de caractère civil" lui était assez peu familière!
11 Comparer l'article 6:168 par. 1 du nouveau code civil néerlandais.
12 Ainsi que la Cour l'a déclaré dans son arrêt Klass et autres c. Allemagne (voir note (1) ci-dessus), pp. 25-26, par. 55: "[La prééminence du droit] implique, entre autres, qu'une ingérence de l'exécutif dans les droits d'un individu soit soumise à un contrôle efficace que doit normalement assurer, au moins en dernier ressort, le pouvoir judiciaire car il offre les meilleures garanties d'indépendance, d'impartialité et de procédure régulière."
13 Donner le "dernier mot" au pouvoir exécutif était symptomatique de l'attitude qui sous-tendait également le "recours à la Couronne" que la Cour avait condamné dans son arrêt Benthem c. Pays-Bas du 23 octobre 1983, série A no 97.  Voir cependant la note (7) ci-dessus.
14 Pour une synthèse des commentaires critiques formulés à l'époque par d'éminents auteurs, voir A.J. Haakman, Rechtspraak Bedrijfsorganisatie (Samson, Alphen aan den Rijn, 1957), paragraphe 174 (pp. 145-146).
15 Ainsi le chef des libéraux, M. Oud, Handelingen der Tweede Kamer, Zitting 1953-1954, p. 2423.
16 Voir par exemple Oud, Handelingen der Tweede Kamer, Zitting 1953-1954, pp. 2419 et 2424, et Kikkert, ibidem, p. 2434.
17 Lemaire, Handelingen der Tweede Kamer, Zitting 1953-1954, p. 2435. On pourrait prétendre que des idées comme celles-là ont été à la base de l'interprétation extensive, par la Cour, du champ d'application de l'article 6 (art. 6) de la Convention.
18 Lemaire, ibidem, p. 2436.
19 Toutefois, E.A. Alkema, Nederlands Juristenblad 1980, p. 196, défendit sa compatibilité avec l'article 6 (art. 6); dans sa note sous l'arrêt Benthem (Nederlandse Jurisprudentie 1986, no 102), il maintient cet avis.
20 Voir notamment: W. Konijnenbelt, De Gemeentestem, p. 355; A.W. Heringa, NJCM-Bulletin 1985, pp. 691 et suiv.; E.M.A. Hirsch Ballin, Administratiefrechtelijke Beslissingen 1986, no 1; I. Sewandono, Nederlands Juristenblad 1986, pp. 465 et suiv.; R.J.G. Widdershoven, Gespecialiseerde rechtsgangen in het administratief recht (Tjeenk Willink, Zwolle, 1989), pp. 128-129.  Voir également Ernst Holthöfer, Beiträge zur Justizgeschichte der Niederlande, Belgiens und Luxemburgs im 19. und 20. Jahrhundert (Vittorio Klostermann, Francfort-sur-le-Main, 1993), p. 47 ("auffallendes rechtsstaatliches Defizit").
21 F.H. van der Burg et G.J.M. Cartigny, Rechtsbescherming tegen de Overheid (3e édition, Ars Aequi Libri, Nimègue, 1983), p. 79.
22 A.Q.C. Tak et J.B.J.M. ten Berge, Nederlands Administratief Procesrecht (Tjeenk Willink Zwolle, 1983), II. para 1560 (p. 245).
23 E.A.M. Stroink, Administratieve rechtspraak en rechterlijke macht (1985), p. 9.
24 Preadvies voor de Nederlandse Juristenvereniging, Handelingen van de Nederlandse Juristenvereniging 1983, I.2, pp. 119 et suiv.
25 Voir l'arrêt de la Cour, paragraphe 48 in fine.
26 Dans ce contexte, je relève que les commentateurs de la loi de 1954 font toujours observer que si la Couronne avait fait usage des pouvoirs qu'elle tenait de l'article 74, l'individu concerné aurait pu faire contrôler sa décision par les tribunaux civils.  D'après moi, le Gouvernement aurait avancé un argument convaincant en attirant l'attention de la Cour sur ce recours et en plaidant qu'eu égard à la désuétude à laquelle le ministre s'était référé officiellement, les juridictions civiles auraient certainement écarté la décision rendue par la Couronne au titre de l'article 74 comme contraire aux principes généraux de bonne administration, spécialement à celui de sécurité juridique et à celui en vertu duquel on doit satisfaire les attentes légitimes.  Cependant, le Gouvernement n'a pas avancé cet argument.
27 Voir l'arrêt Klass et autres c. Allemagne (voir note (1) ci-dessus), p. 18, par. 33.
28 Voir mon opinion dissidente dans l'affaire Cossey c. Royaume-Uni, arrêt du 27 septembre 1990, série A no 184, p. 26, par. 3.4.
29 Voir les références au paragraphe 45 de l'arrêt de la Cour.
30 Voir les paragraphes 32-36 de l'arrêt de la Cour.
31 Il en résulte que l'on peut se demander si, même après le présent arrêt, les juridictions civiles néerlandaises se sentiront obligées de se déclarer compétentes en vertu des principes de droit néerlandais mentionnés dans l'arrêt Oerlemans c. Pays-Bas du 27 novembre 1991, série A no 219, p. 22, par. 57.  Ainsi qu'il ressort de l'analyse précitée, l'on peut à tout le moins prétendre de manière défendable que le constat de la Cour suivant lequel le Conseil d'appel en matière économique ne remplit pas toutes les conditions que renferme la notion de "tribunal", au sens de l'article 6 (art. 6), n'implique pas nécessairement qu'il "n'offrait pas des garanties suffisantes de procédure équitable", au sens desdits principes de droit néerlandais.
32 Voir, en dernier lieu, les arrêts Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande du 29 octobre 1992, série A no 246, p. 22, par. 44, et Informationsverein Lentia et autres c. Autriche du 24 novembre 1993, série A no 276, p. 13, par. 27.
MALONE v. THE UNITED KINGDOM JUGDMENT
ARRÊT VAN DE HURK c. PAYS-BAS
ARRÊT VAN DE HURK c. PAYS-BAS
ARRÊT VAN DE HURK c. PAYS-BAS
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE RYSSDAL
ARRÊT VAN DE HURK c. PAYS-BAS
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE MARTENS
ARRÊT VAN DE HURK c. PAYS-BAS
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE MARTENS
ARRÊT VAN DE HURK c. PAYS-BAS
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE FOIGHEL
ARRÊT VAN DE HURK c. PAYS-BAS
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE MIFSUD BONNICI
ARRÊT VAN DE HURK c. PAYS-BAS
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE MIFSUD BONNICI


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 16034/90
Date de la décision : 19/04/1994
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'Art. 6-1 (tribunal indépendant) ; Non-violation de l'Art. 6-1 (procès équitable) ; Dommage matériel - demande rejetée ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 6-1) EGALITE DES ARMES, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE


Parties
Demandeurs : VAN DE HURK
Défendeurs : PAYS-BAS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1994-04-19;16034.90 ?

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