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27/10/1994 | CEDH | N°18535/91

CEDH | AFFAIRE KROON ET AUTRES c. PAYS-BAS


COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE KROON ET AUTRES c. PAYS-BAS
(Requête no18535/91)
ARRÊT
STRASBOURG
27 octobre 1994
En l’affaire Kroon et autres c. Pays-Bas*,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement A**, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
M.  R. Ryssdal, président,
F. Gölcüklü,
S.K. Martens,
I. Foighel,r> A.N. Loizou,
J.M. Morenilla,
A.B. Baka,
G. Mifsud Bonnici,
D. Gotchev,
ainsi que de M. ...

COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE KROON ET AUTRES c. PAYS-BAS
(Requête no18535/91)
ARRÊT
STRASBOURG
27 octobre 1994
En l’affaire Kroon et autres c. Pays-Bas*,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement A**, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
M.  R. Ryssdal, président,
F. Gölcüklü,
S.K. Martens,
I. Foighel,
A.N. Loizou,
J.M. Morenilla,
A.B. Baka,
G. Mifsud Bonnici,
D. Gotchev,
ainsi que de M. H. Petzold, greffier f.f.,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 21 avril et 20 septembre 1994,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCÉDURE
1.   L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") le 3 juillet 1993, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (no 18535/91) dirigée contre le Royaume des Pays-Bas et dont trois de ses ressortissants, Catharina Kroon, Ali Zerrouk et Samir M’Hallem-Driss, avaient saisi la Commission le 15 mai 1991 en vertu de l’article 25 (art. 25).
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration néerlandaise reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences de l’article 8 (art. 8) de la Convention, considéré isolément ou combiné avec l’article 14 (art. 14+8).
2.   En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 par. 3 d) du règlement A, les requérants ont manifesté le désir de participer à l’instance et ont désigné leur conseil (article 30).
3.   La chambre à constituer comprenait de plein droit M. S.K. Martens, juge élu de nationalité néerlandaise (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement A). Le 25 août 1993, celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. F. Gölcüklü, I. Foighel, A.N. Loizou, J.M. Morenilla, A.B. Baka, G. Mifsud Bonnici et D. Gotchev, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement A) (art. 43).
4.   En sa qualité de président de la chambre (article 21 par. 5 du règlement A), M. Ryssdal a consulté, par l’intermédiaire du greffier, l’agent du gouvernement néerlandais ("le Gouvernement"), le conseil des requérants et le délégué de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 par. 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu le mémoire du Gouvernement le 26 novembre 1993 et celui des requérants le 30. Le secrétaire de la Commission l’a informé que le délégué s’exprimerait à l’audience.
5.   Le 6 décembre 1993, la Commission a fourni certaines pièces de son dossier dont le greffier avait sollicité la production sur les instructions du président.
6.   Ainsi qu’en avait décidé ce dernier, qui avait autorisé les requérants à s’exprimer en néerlandais (article 27 par. 3), les débats se sont déroulés en public le 19 avril 1994, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:
- pour le Gouvernement
M. K. de Vey Mestdagh, ministère des Affaires étrangères,  
agent,
M. E. Lukács, ministère de la Justice,  conseiller;
- pour la Commission
M. C.L. Rozakis,  délégué;
- pour les requérants
Me A.W.M. Willems, avocat et avoué,  conseil.
La Cour a entendu en leurs déclarations ainsi qu’en leurs réponses à ses questions M. Rozakis, Me Willems et M. de Vey Mestdagh.
EN FAIT
I.   LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
7.   La première requérante, Catharina Kroon, est une ressortissante néerlandaise née en 1954. Le second requérant, Ali Zerrouk, né en 1961, était citoyen marocain à l’époque des faits incriminés; il a obtenu par la suite la nationalité néerlandaise. Bien qu’ils ne vécussent pas ensemble à l’époque, ils entretenaient une relation stable, dont naquit en 1987 le troisième requérant, Samir M’Hallem-Driss; celui-ci a les nationalités marocaine et néerlandaise. Tous trois résident à Amsterdam.
8.   En 1979, Mme Kroon avait épousé M. Omar M’Hallem-Driss, citoyen marocain.
Le mariage se brisa vers la fin de 1980. Après quoi Mme Kroon vécut séparée de son mari et perdit le contact avec lui. Il ressort des registres officiels que celui-ci quitta Amsterdam en janvier 1986. On ignore depuis lors où il se trouve.
9.   Samir est né le 18 octobre 1987. Il fut inscrit au registre des naissances comme fils de Mme Kroon et de M. M’Hallem-Driss.
Mme Kroon intenta une action en divorce devant le tribunal d’arrondissement (arrondissementsrechtbank) d’Amsterdam, un mois après la naissance de Samir. Il n’y eut pas de défendeur à l’action et le divorce devint définitif le 4 juillet 1988, date à laquelle le jugement du tribunal fut inscrit au registre des mariages.
10.  Le 13 octobre 1988, s’appuyant sur l’article 1:198 par. 1 du code civil (Burgerlijk Wetboek - "CC"; paragraphe 19 ci-dessous), Mme Kroon et M. Zerrouk demandèrent à l’officier de l’état civil (ambtenaar van de burgerlijke stand) d’Amsterdam d’inviter Mme Kroon à déclarer devant lui que M. M’Hallem-Driss n’était pas le père de Samir et de permettre à M. Zerrouk de reconnaître l’enfant.
L’officier de l’état civil les débouta le 21 octobre 1988. Tout en exprimant sa sympathie, il releva que Samir était né à une époque où Mme Kroon était toujours mariée à M. M’Hallem-Driss, de sorte que, en application du droit néerlandais tel qu’il se présentait alors, un autre homme ne pouvait agir en reconnaissance tant que M. M’Hallem-Driss n’agissait pas en désaveu de paternité (paragraphes 18 et 21 ci-dessous).
11.  Le 9 janvier 1989, Mme Kroon et M. Zerrouk saisirent le tribunal d’arrondissement d’Amsterdam d’une demande tendant à faire enjoindre à l’officier de l’état civil d’ajouter au registre des naissances la déclaration de Mme Kroon selon laquelle M. M’Hallem-Driss n’était pas le père de Samir, ainsi que la reconnaissance de ce dernier par M. Zerrouk. Invoquant l’article 8 (art. 8) de la Convention, considéré isolément et combiné avec l’article 14 (art. 14+8), ils faisaient observer que l’ex-mari de Mme Kroon eût pu contester la paternité de Samir, alors qu’elle-même ne disposait pas d’une possibilité équivalente.
Le tribunal rejeta la demande le 13 juin 1989. Il estima que nonobstant le souhait justifié de Mme Kroon et de M. Zerrouk de voir les réalités biologiques officiellement reconnues, ils devaient être déboutés de leur action dès lors qu’en vertu de la loi, dans sa rédaction de l’époque, Samir était l’enfant légitime de M. M’Hallem-Driss. La règle selon laquelle le père d’un enfant né pendant le mariage est le mari de la mère n’autorisait que des exceptions limitées. Ainsi le voulaient les intérêts de la sécurité juridique, très importants dans ce domaine, et la nécessité de protéger les droits et libertés d’autrui. La loi telle qu’elle se présentait n’était donc pas incompatible avec les articles 8 et 14 (art. 8, art. 14) de la Convention.
12.  Se prévalant derechef des articles 8 et 14 (art. 8, art. 14), Mme Kroon et M. Zerrouk saisirent la cour d’appel (gerechtshof) d’Amsterdam.
Celle-ci écarta leur recours le 8 novembre 1989. Jugeant l’article 8 (art. 8) applicable, elle conclut à sa non-violation. Les restrictions imposées à la possibilité pour la mère de contester la paternité de son mari étaient conformes aux conditions de l’article 8 par. 2 (art. 8-2). En revanche, il y avait eu violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 (art. 14+8), vu l’absence de toute justification raisonnable pour la différence que la loi établissait entre mari et femme en n’octroyant pas à celle-ci la possibilité reconnue à celui-là de contester la paternité du mari. Néanmoins, le recours ne pouvait être accueilli: il n’appartenait pas au pouvoir judiciaire de faire droit à la demande des requérants, dès lors que cela nécessitait une création de droit néerlandais, y compris de procédure administrative, allant au-delà des limites des pouvoirs créateurs des cours et tribunaux. Seul le pouvoir législatif pouvait décider de la meilleure manière de se conformer à l’article 14 (art. 14) de la Convention en ce qui concerne la possibilité de contester la paternité d’un enfant né pendant le mariage.
13.  Mme Kroon et M. Zerrouk formèrent alors un pourvoi devant la Cour de cassation (Hoge Raad).
Ils faisaient valoir, premièrement, que la cour d’appel avait violé l’article 8 (art. 8) de la Convention en estimant que les limitations imposées par l’article 1:198 CC à la possibilité pour la mère de contester la paternité du mari - plus particulièrement le fait qu’elle ne pouvait le faire qu’à l’égard d’un enfant né après la dissolution du mariage - remplissaient les conditions de l’article 8 par. 2 (art. 8-2). La cour n’avait pas convenablement pesé les intérêts en cause. Elle aurait dû considérer le poids relatif, d’une part, des intérêts du père biologique et de son enfant, et, de l’autre, des intérêts protégés par la législation, et elle aurait dû donner la priorité aux premiers, qui, dans l’espèce dont elle avait à connaître, étaient mieux servis par une rupture des liens légaux entre Samir et M. M’Hallem-Driss et par l’établissement de semblables liens entre Samir et M. Zerrouk, auxquels l’article 8 (art. 8) de la Convention garantissait le droit de voir reconnue leur relation familiale.
De plus, il leur paraissait découler du constat de violation de l’article 14 (art. 14) de la cour d’appel que l’ingérence en cause ne pouvait en aucune circonstance être couverte par l’article 8 par. 2 (art. 8-2).
Deuxièmement, ils soutenaient que la cour d’appel avait méconnu les articles 14 et 8 (art. 14+8) combinés en s’estimant non habilitée à accueillir la demande des requérants au motif que cela eût impliqué une création de droit néerlandais. A leurs yeux, il n’y avait aucun motif de considérer que seul le pouvoir législatif pouvait éliminer la discrimination que la cour d’appel avait justement constatée; il suffisait d’ignorer la condition selon laquelle l’enfant doit être né après la dissolution du mariage de la mère.
14.  Suivant les conclusions de l’avocat général, la Cour de cassation rejeta le pourvoi le 16 novembre 1990.
Elle ne se prononça pas sur la question de savoir si l’article 1:198 CC violait l’article 8 (art. 8) ou l’article 14 combiné avec l’article 8 (art. 14+8). Elle n’en voyait pas la nécessité car elle admettait, avec la cour d’appel, que même à reconnaître l’existence de semblable violation, la résolution du problème de savoir ce qui devait remplacer l’article 1:198 CC dépassait les limites des pouvoirs de création du droit des cours et tribunaux. Ce constat se fondait sur le raisonnement suivant:
"A cet égard, il convient de ne pas perdre de vue que si l’on devait créer une possibilité pour la mère de contester la paternité [de son mari à l’égard d’un enfant né] pendant le mariage, la question se poserait immédiatement de savoir quelles autres limitations appliquer pour ne pas compromettre l’intérêt qu’a généralement l’enfant et qui fait partie de la base du système actuel, à voir préserver la sécurité de sa filiation légitime. Aussi pareilles limitations ont-elles été inscrites dans le projet de loi portant réforme du droit de la filiation (Wetsvoorstel Herziening Afstammingsrecht; Bijlagebij de Handelingen van de Tweede Kamer der Staten-Generaal- Annexe aux comptes rendus de la Chambre basse du Parlement -, 1987-1988, 20626, articles 201 et suivants) qui est en cours de discussion au Parlement (...) [O]n ne sait si[ces limitations] seront maintenues, amplifiées ou supprimées dans la suite des débats parlementaires, de nombreuses modifications étant envisageables, du point de vue notamment de l’égalité de traitement du père et de la mère, dans lamesure, en tout état de cause, où une inégalité de traitement n’est pas justifiée."
L’arrêt de la Cour suprême fut publié dans la Nederlandse Jurisprudentie (Recueil de la jurisprudence néerlandaise - "NJ") 1991, no 475.
15.  Trois enfants supplémentaires naquirent de l’union de Mme Kroon et de M. Zerrouk, après la naissance de Samir: une fille, Nadia, en 1989, et des jumeaux, Jamal et Jamila, en 1992. Tous furent reconnus par M. Zerrouk.
Mme Kroon et M. Zerrouk ne cohabitent pas. Les requérants soutiennent toutefois que M. Zerrouk contribue à la garde et à l’éducation de leurs enfants.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. Le registre des naissances
16.  Chaque municipalité a un registre distinct pour les naissances (article 1:16 par. 1 CC), tenu par un ou plusieurs officiers de l’état civil (article 1:16 par. 2).
Une inscription au registre des naissances ou un certificat de naissance mentionne le mari de la mère comme étant le père si la mère était mariée à l’époque de la naissance ou dans la période de 306 jours précédant immédiatement celle-ci; dans tous les autres cas, le nom du père n’est mentionné que s’il a reconnu l’enfant avant la déclaration de naissance ou au moment où elle est intervenue (article 1:17 par. 1 c) CC).
17.  Tout intéressé ou le ministère public (officier van justitie) peut saisir le tribunal d’arrondissement dans le ressort duquel le registre en cause est tenu afin d’obtenir une ordonnance portant injonction de corriger ou compléter celui-ci. La décision du tribunal est transmise à l’officier de l’état civil et la correction ou l’ajout s’opèrent sous la forme d’une note en marge ou au bas du certificat (article 1:29 paras. 1-3 CC).
B. Établissement de la paternité et reconnaissance
18.  L’article 1:197 CC est ainsi libellé:
"L’enfant né pendant le mariage a pour père le mari.L’enfant né avant le 307e jour suivant la dissolution du mariage a pour père l’ancien mari, à moins que la mère ne soit remariée."
L’article 1:197 CC crée donc deux présomptions légales. Premièrement, un enfant né pendant le mariage est présumé avoir été conçu par le mari de la mère; deuxièmement, un enfant né dans la période de 306 jours suivant la dissolution du mariage de la mère est présumé avoir été conçu par l’ancien mari de celle-ci. La première présomption peut être combattue par la preuve contraire fournie par le mari de la mère (articles 1:199-200 CC; paragraphe 21 ci-dessous). La seconde peut l’être soit par la mère, soit par son ex-mari; celui-ci devra toutefois prouver son allégation, tandis que la mère peut se contenter d’une déclaration (article 1:198 CC; voir le paragraphe suivant).
19.  Aux termes de l’article 1:198 CC,
"1. La mère peut, par déclaration faite devant l’officier de l’état civil, contester que l’enfant issu d’elle dans les 306jours de la dissolution du mariage soit celui de son mari, à condition qu’un autre homme reconnaisse l’enfant dans l’actequi est dressé de cette déclaration (...)
2. La déclaration de la mère et la reconnaissance doivent avoir lieu dans l’année de la naissance de l’enfant.
3. La déclaration [de la mère] et la reconnaissance n’ont d’effet que si la mère et l’homme qui reconnaît l’enfant semarient ensemble dans l’année de la naissance de l’enfant(...)
4. Le passage en force de chose jugée d’un jugement annulant la reconnaissance à la demande de l’ex-époux emporte caducité de la déclaration de la mère.
5. (...)"
20.  Dans son arrêt du 17 septembre 1993 (NJ 1994, no 373), la Cour suprême a privé l’article 1:198 par. 3 CC de son effet.
Dans le cas en question - il s’agissait d’un enfant né dans la période de 306 jours suivant la dissolution du mariage de sa mère -, il fut établi, premièrement, qu’il existait entre l’enfant et son père biologique une relation entrant dans la notion de "vie familiale" de l’article 8 (art. 8) de la Convention et, deuxièmement, que la mère et le père biologique souhaitaient voir la paternité de l’ex-mari de la mère déniée et l’enfant reconnu par son père biologique, mais ne désiraient pas se marier.
La Cour de cassation conclut que l’article 1:198 par. 3 CC constituait une "ingérence" au sens de l’article 8 (art. 8), dès lors qu’il faisait obstacle à l’émergence de liens légaux de parenté, sauf mariage de la mère et du père biologique.
Pour décider si semblable immixtion était admissible au regard de l’article 8 par. 2 (art. 8-2), la Cour de cassation considéra qu’au moment de l’adoption de l’article 1:198 par. 3 CC, on avait jugé plus important d’empêcher qu’un enfant puisse perdre sa condition légitime plutôt que de lui permettre d’établir des liens avec son père biologique. Depuis lors, toutefois, l’importance relative de ces deux intérêts opposés avait changé; en particulier, à la suite de l’arrêt rendu par la Cour européenne dans l’affaire Marckx c. Belgique (13 juin 1979, série A no 31), les différences légales entre enfants légitimes et enfants naturels avaient, dans une large mesure, disparu. Compte tenu de cette évolution, on ne pouvait plus dire que dans le cas où, aux fins de l’article 8 (art. 8) de la Convention, il y avait "vie familiale" entre l’enfant et son père biologique, le maintien de la condition d’enfant légitime l’emportait sur l’intérêt protégé par l’article 1:198 par. 3 CC.
21.  Aux termes de l’article 1:199 CC,
"Le mari ne peut désavouer l’enfant que par une action en désaveu de paternité intentée contre la mère et contre l’enfant, lequel, sauf s’il est majeur, est représenté en la cause par un curateur ad litem, nommé par le juge de canton (kantonrechter)."
L’article 1:200 CC dispose:
"1. Le juge accueille l’action en désaveu de paternité si le mari ne peut pas être le père de l’enfant.
2. Si, pendant la période légale de conception, le mari n’a pas eu de rapports avec la mère, ou si pendant cette période ils ont vécu séparés, le juge accueille également l’action, sauf si des faits sont établis qui rendent possible la paternité du mari."
Pareille action doit être intentée dans les six mois du jour où le père a eu connaissance de la naissance de l’enfant; toutefois, si la mère a fait la déclaration prévue à l’article 1:198 CC (paragraphe 19 ci-dessus), ce délai n’expire que dix-huit mois après la naissance de l’enfant (article 1:203 CC).
22.  D’après l’article 1:205 CC, l’état d’enfant légitime résulte de la preuve de la filiation (afstamming) et du mariage des parents. A défaut d’acte de naissance, la filiation d’un enfant légitime se prouve par la possession paisible de l’état d’enfant légitime.
23.  Aux termes de l’article 1:221 par. 1 CC,
"L’enfant illégitime a l’état d’enfant naturel (natuurlijkkind) de sa mère. Il obtient par reconnaissance l’état d’enfant naturel de son père."
D’après l’article 1:222 CC,
"L’enfant illégitime et ses descendants ont des liens légaux de parenté (familierechtelijke betrekkingen) avec la mère et ses parents par le sang, de même que, après reconnaissance de l’enfant, avec le père et ses parents par le sang."
L’article 1:223 CC se lit ainsi:
"La reconnaissance peut se faire: a) dans l’acte de naissance de l’enfant; b) par un acte de reconnaissance dressé par un officierde l’état civil; c) par tout acte notarié (notariële akte)."
La loi n’exige pas que l’homme reconnaissant un enfant "illégitime" en soit le père biologique. De même, il n’est pas possible pour un homme de reconnaître un enfant "légitime", même s’il en est le père biologique.
Une reconnaissance effectuée conformément à l’article 1:198 CC (paragraphe 19 ci-dessus) peut être annulée sur requête de l’ex-mari de la mère, si l’homme qui a reconnu l’enfant n’est pas celui qui l’a conçu (article 1:225 par. 3 CC).
C. Adoption par un parent et un beau-parent de l’enfant (stiefouderadoptie)
24.  L’article 1:227 CC dispose:
"1. L’adoption est prononcée par le tribunal à la requête d’un couple marié désireux d’adopter un enfant.
2. La requête ne peut être accueillie que si, tant du point de vue de la rupture des liens avec les parents [naturels] que du point de vue de la confirmation des liens avec les adoptants ou - en cas d’adoption d’un enfant légitime ou naturel d’un des adoptants - tant du point de vue de la rupture des liens avec l’autre parent que du point de vue de la confirmation des liens avec le beau-parent, l’adoption est manifestement conforme à l’intérêt de l’enfant, et s’il a été satisfait aux conditions posées par l’article suivant.
3. (...)
4. (...)"
L’article 1:228 CC énonce:
"1. L’adoption est soumise aux conditions suivantes:
a) (...)
b) l’enfant ne doit pas être un enfant légitime ou naturel d’un enfant légitime ou naturel d’un des adoptants;
c) chacun des adoptants doit avoir au moins dix-huit ans et au plus cinquante ans de plus que l’enfant;
d) aucun des parents ayant avec l’enfant des liens légaux de parenté ne doit s’opposer à la demande. Néanmoins, le juge n’est pas tenu de rejeter celle-ci en cas d’opposition d’un parent déjà invité il y a plus de deux ans à s’exprimer sur une demande identique des mêmes époux qui a été rejetée alors cependant que les conditions fixées aux alinéas e) à g) étaient remplies;
e) (...)
f) (...)
g) les parents adoptifs doivent s’être mariés au plus tard cinq ans avant le jour où la requête a été introduite.
2. En cas d’adoption d’un enfant légitime ou naturel d’un des adoptants, les conditions visées sous les alinéas c) et g)du paragraphe précédent sont inapplicables. En cas d’adoption d’un enfant légitime d’un des adoptants, l’exigence de l’alinéa d) est remplacée par la condition que l’ex-époux quia avec l’enfant des liens légaux de parenté et dont le mariage avec l’époux du beau-parent a pris fin [par divorce ou dissolution après séparation judiciaire], ne s’oppose pas à la requête.
3. (...)"
Aux termes de l’article 1:229 par. 1 CC,
"L’adoption confère à l’adopté l’état d’enfant légitime des parents adoptifs. Toutefois, lorsque l’adopté possédait déjà l’état d’enfant légitime à l’égard de l’un des époux qui l’ont adopté, il conserve cet état et l’adoption lui confère l’état d’enfant légitime de l’autre époux."
PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION
25.  Mme Kroon, M. Zerrouk et Samir M’Hallem-Driss ont saisi la Commission le 15 mai 1991. Ils se plaignaient que le droit néerlandais ne leur permettait pas d’obtenir la reconnaissance de la paternité de M. Zerrouk à l’égard de Samir et qu’un homme marié pouvait désavouer un enfant né pendant le mariage, alors qu’une femme mariée n’avait pas de possibilité équivalente; ils invoquaient l’article 8 (art. 8) de la Convention considéré isolément et combiné avec l’article 14 (art. 14+8). S’appuyant sur l’article 13 (art. 13), ils prétendaient en outre qu’en ne constatant pas ces violations, la Cour de cassation les avait privés d’un recours effectif.
26.  Le 31 août 1992, la Commission a déclaré la requête (no 18535/91) recevable en ce qui concerne les griefs relatifs aux articles 8 et 14 (art. 8, art. 14), et irrecevable pour le surplus. Dans son rapport du 7 avril 1993 (article 31) (art. 31), elle formule l’avis, par douze voix contre six, qu’il y a eu violation de l’article 8 (art. 8) pris isolément et, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu méconnaissance de l’article 14 combiné avec l’article 8 (art. 14+8). Le texte intégral de son avis et des trois opinions dissidentes dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt*.
CONCLUSIONS PRÉSENTÉES À LA COUR
27.  Dans son mémoire, le Gouvernement conclut
"qu’en l’espèce:
- l’article 8 (art. 8) n’est pas applicable, ou- il n’a pas été violé, ou- la restriction aux droits consacrés par l’article 8 par. 1 (art. 8-1) était justifiée au regard de l’article 8 par. 2 (art. 8-2), et que- l’article 14 combiné avec l’article 8 (art. 14+8) n’a pas été violé".
EN DROIT
I.   SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 (art. 8) DE LACONVENTION
28.  Les requérants se plaignent qu’en droit néerlandais il n’était pas possible à Mme Kroon de faire inscrire au registre des naissances une déclaration aux termes de laquelle M. M’Hallem-Driss n’était pas le père de Samir, ce qui avait pour effet d’empêcher M. Zerrouk de reconnaître ce dernier. Ils invoquent l’article 8 (art. 8) de la Convention, ainsi libellé:
"1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui."
Le Gouvernement conteste qu’une quelconque violation ait eu lieu, tandis que la Commission souscrit à la thèse des requérants.
A. Applicabilité de l’article 8 (art. 8)
29.  Le Gouvernement soutient que la relation entre M. Zerrouk d’une part et Mme Kroon et Samir de l’autre ne s’analyse pas en une "vie familiale". Samir étant né d’une relation extra-conjugale, il n’existerait aucun lien familial ipso jure entre lui et M. Zerrouk. De surcroît, Mme Kroon et M. Zerrouk auraient choisi de ne pas se marier, et c’est délibérément que ce dernier n’habiterait pas avec Mme Kroon et Samir. Par ailleurs, M. Zerrouk ne contribuerait en aucune manière à la garde et à l’éducation de Samir, et rien ne montrerait qu’il remplisse le rôle de "père social" de Samir.
La Commission relève la stabilité de la relation entre Mme Kroon et M. Zerrouk et le fait qu’il n’est pas contesté que, non seulement ce dernier est le père biologique de Samir, mais aussi que trois autres enfants sont nés de cette relation.
Les requérants notent que le droit néerlandais n’exige pas qu’un homme vive avec un enfant et sa mère pour avoir le droit de reconnaître l’enfant et ainsi créer des liens légaux de parenté. Ils soutiennent également que M. Zerrouk passe en réalité la moitié de son temps à s’occuper de la garde et de l’éducation de Samir et qu’il y contribue financièrement à partir de son modeste revenu.
30.  D’un bout à l’autre de la procédure interne, il fut supposé par toutes les personnes concernées, y compris l’officier de l’état civil, que la relation en cause constituait une "vie familiale" et que l’article 8 (art. 8) était applicable; ainsi en jugèrent également les juridictions néerlandaises.
Quoi qu’il en soit, la Cour rappelle que la notion de "vie familiale" visée par l’article 8 (art. 8) ne se borne pas aux seules relations fondées sur le mariage et peut englober d’autres "liens familiaux" de facto lorsque les personnes cohabitent en dehors du mariage (voir, en dernier lieu, l’arrêt Keegan c. Irlande du 26 mai 1994, série A no 290, pp. 17-18, par. 44). Bien qu’en règle générale une cohabitation puisse constituer une condition d’une telle relation, exceptionnellement d’autres facteurs peuvent aussi servir à démontrer qu’une relation a suffisamment de constance pour créer des "liens familiaux" de facto; tel est le cas en l’espèce, puisque quatre enfants sont nés de la relation entre Mme Kroon et M. Zerrouk depuis 1987.
Un enfant issu d’une telle relation s’insère de plein droit dans cette "cellule familiale" dès sa naissance et par le fait même de celle-ci (voir l’arrêt Keegan, ibidem). Il existe donc entre Samir et M. Zerrouk un lien s’analysant en une vie familiale, quelle que soit la contribution de M. Zerrouk à la garde et à l’éducation de son fils.
Partant, l’article 8 (art. 8) trouve à s’appliquer.
B. Principes généraux
31.  La Cour rappelle que l’article 8 (art. 8) tend pour l’essentiel à prémunir l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics. Il peut engendrer, de surcroît, des obligations positives inhérentes à un "respect" effectif de la vie familiale. La frontière entre les obligations positives et les obligations négatives de l’Etat au titre de cette disposition ne se prête toutefois pas à une définition précise. Les principes applicables sont néanmoins comparables. A ces deux égards, il faut tenir compte du juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents de l’individu et de la société dans son ensemble; de même, aux deux égards, l’Etat jouit d’une certaine marge d’appréciation (voir, en dernier lieu, l’arrêt Keegan précité, p. 19, par. 49).
32.  D’après les principes qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour, là où l’existence d’un lien familial avec un enfant se trouve établie, l’Etat doit agir de manière à permettre à ce lien de se développer et il faut accorder une protection juridique rendant possible, dès la naissance ou dès que réalisable par la suite, l’intégration de l’enfant dans sa famille (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Keegan précité, p. 19, par. 50).
C. Observation de l’article 8 (art. 8)
33.  Les requérants soutiennent que l’article 8 par. 1 (art. 8-1) impose aux Pays-Bas une obligation positive de permettre à M. Zerrouk de reconnaître Samir et d’établir ainsi avec lui des liens légaux de parenté.
A titre subsidiaire, ils font valoir que l’existence d’une législation rendant impossible pareille reconnaissance constitue une "ingérence" dans leur droit au respect de leur vie familiale et que semblable ingérence n’est pas nécessaire dans une société démocratique.
34.  Le Gouvernement affirme que, même à supposer qu’une "vie familiale" existe, les Pays-Bas se sont parfaitement conformés à toutes obligations positives qu’ils pourraient avoir à l’égard des requérants.
Il souligne, premièrement, la possibilité d’une "adoption par un parent et un beau-parent" (paragraphe 24 ci-dessus), en l’occurrence l’adoption de Samir par Mme Kroon et M. Zerrouk. Certes, cette possibilité dépendrait de l’absence d’opposition de M. Omar M’Hallem-Driss et du mariage entre Mme Kroon et M. Zerrouk. Toutefois, on pouvait ne pas tenir compte de l’éventualité d’une objection de la part de M. M’Hallem-Driss et si, pour des raisons les regardant, Mme Kroon et M. Zerrouk ne souhaitaient pas se marier, il ne s’agirait pas là d’un état de choses dont l’Etat pourrait être rendu responsable dès lors qu’il ne mettait aucun obstacle à ce mariage.
De surcroît, une législation en cours de préparation prévoirait qu’un parent non marié et ayant précédemment exercé seul l’autorité parentale sur son enfant aurait l’autorisation d’exercer celle-ci conjointement avec son ou sa partenaire, qui se verrait ainsi conférer l’autorité légale complète, sur un pied d’égalité avec le parent.
A titre subsidiaire, le Gouvernement fait valoir qu’à supposer qu’il y ait eu une "ingérence" dans le droit des requérants au respect de leur vie familiale, celle-ci était "nécessaire dans une société démocratique", dans l’intérêt de la sécurité juridique.
35.  Pour la Commission, le fait qu’en droit néerlandais il était impossible à quiconque, sauf à M. Omar M’Hallem-Driss, de contester la paternité de celui-ci et à M. Zerrouk de reconnaître Samir constituait un manque de respect de la vie privée et familiale des requérants, en violation d’une obligation positive découlant de l’article 8 (art. 8).
36.  La Cour rappelle qu’en l’espèce il a été établi que la relation entre les requérants relève de la notion de "vie familiale" (paragraphe 30 ci-dessus). Il pèse donc sur les autorités compétentes une obligation positive d’autoriser aussi rapidement que possible la formation de liens familiaux légaux complets entre M. Zerrouk et son fils Samir.
37.  En droit néerlandais, l’instrument ordinaire pour créer des liens familiaux entre M. Zerrouk et Samir était la reconnaissance (paragraphe 23 ci-dessus). Cependant, dès lors que Samir était l’enfant "légitime" de M. Omar M’Hallem-Driss, M. Zerrouk ne serait en mesure de reconnaître Samir que si la paternité de M. M’Hallem-Driss avait été contestée avec succès. En dehors de l’intéressé lui-même, dont on avait perdu la trace, seule Mme Kroon pouvait contester sa paternité. Néanmoins, en vertu de l’article 1:198 CC, la possibilité pour la mère d’un enfant "légitime" de contester la paternité de son mari n’existait et n’existe toujours qu’à l’égard d’un enfant né dans la période de 306 jours suivant la dissolution du mariage (paragraphe 19 ci-dessus). Mme Kroon ne pouvait agir ainsi car Samir était né alors qu’elle était toujours mariée. Le Gouvernement ne le conteste pas, du reste.
38.  Le Gouvernement soutient toutefois qu’il y avait d’autres manières d’aboutir à un résultat équivalent.
La première, l’adoption par un parent et un beau-parent, ferait de Samir l’enfant "légitime" de M. Zerrouk et de Mme Kroon. Toutefois, elle supposerait leur mariage. Or, pour une raison quelconque, ceux-ci ne souhaitent pas se marier.
Une solution qui n’autorise un père à créer un lien légal avec un enfant avec lequel il a un lien s’analysant en une vie familiale que s’il épouse la mère de cet enfant, ne peut passer pour compatible avec la notion de "respect" de la vie familiale.
39.  La seconde possibilité suggérée par le Gouvernement, à savoir celle d’une autorité parentale conjointe, n’est pas davantage acceptable. A supposer même que la législation en préparation entre en vigueur comme le Gouvernement le prévoit, l’autorité parentale conjointe laissera intacts les liens légaux entre Samir et M. Omar M’Hallem-Driss et continuera d’empêcher la formation de semblables liens entre Samir et M. Zerrouk.
40.  Aux yeux de la Cour, le "respect" de la "vie familiale" exige que la réalité biologique et sociale prévale sur une présomption légale heurtant de front tant les faits établis que les voeux des personnes concernées, sans réellement profiter à personne. Elle conclut dès lors que, même eu égard à la marge d’appréciation dont ils jouissent, les Pays-Bas ont omis de garantir aux requérants le "respect" de leur vie familiale auquel ils peuvent prétendre en vertu de la Convention.
Partant, il y a eu violation de l’article 8 (art. 8).
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTIONCOMBINÉ AVEC L’ARTICLE 8 (art. 14+8)
41.  Les requérants se plaignent également que le droit néerlandais permet au mari de la mère d’un enfant de désavouer sa paternité, alors que le droit pour la mère de contester la paternité de son mari est beaucoup plus limité. Ils invoquent l’article 14 (art. 14) de la Convention, aux termes duquel:
"La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...)Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation."
42.  La Cour considère que ce grief est essentiellement le même que celui énoncé sur le terrain de l’article 8 (art. 8). Ayant constaté une violation de cette disposition prise isolément, elle juge qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle des articles 8 et 14 combinés (art. 14+8).
III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 (art. 50) DE LA CONVENTION
43.  L’article 50 (art. 50) de la Convention énonce:
"Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."
A. Dommage
44.  Les requérants soutiennent qu’ils ont subi un préjudice moral du fait de l’omission des Pays-Bas d’autoriser l’établissement de liens légaux de parenté conformément à leurs souhaits. Vu l’absence de toute possibilité, en droit néerlandais, d’obtenir une restitutio in integrum, ils réclament une réparation à hauteur de 30 000 florins néerlandais.
45.  La Cour juge probable que l’impossibilité d’obtenir la reconnaissance légale de leurs liens familiaux a causé quelque frustration aux requérants. Toutefois, celle-ci se trouve suffisamment compensée par le constat d’une violation de la Convention.
B. Frais et dépens
46.  Quant aux frais et dépens encourus dans la procédure suivie à Strasbourg, les intéressés revendiquent 26 000 florins, à majorer de la taxe sur la valeur ajoutée, pour honoraires d’avocat (65 heures à 400 florins), 250 florins pour leur débours, et un montant non précisé pour les frais de voyage et de séjour liés à la présence de leur représentant à l’audience devant la Cour.
47.  La Cour rappelle qu’elle ne fait droit aux demandes de remboursement des frais et dépens que dans la mesure où ceux-ci ont été réellement et nécessairement encourus et sont raisonnables quant à leur taux.
En l’espèce, elle juge raisonnable d’accorder 20 000 florins pour les honoraires d’avocat, moins 13 855,85 francs français (ff), versés par le Conseil de l’Europe au titre de l’assistance judiciaire, la somme ainsi obtenue devant être majorée de tout montant pouvant être dû au titre de la taxe sur la valeur ajoutée. En revanche, elle rejette les demandes relatives aux débours et aux frais de voyage et de séjour de Me Willems, ceux-ci ayant été couverts par l’assistance judiciaire octroyée par le Conseil de l’Europe.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1.   Dit, par huit voix contre une, que l’article 8 (art. 8) de la Convention trouve à s’appliquer;
2.   Dit, par sept voix contre deux, qu’il a été violé;
3.   Dit, à l’unanimité, qu’aucune question distincte ne se pose sur le terrain de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8 (art. 14+8);
4.   Dit, à l’unanimité, que le constat d’une violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral;
5.   Dit, par huit voix contre une, que pour frais et dépens l’Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois,20 000 (vingt mille) florins néerlandais, moins 13 855,85 ff(treize mille huit cent cinquante-cinq francs français et quatre-vingt-cinq centimes), à convertir en florins néerlandais au taux de change applicable à la date de prononcé du présent arrêt, plus tout montant pouvant être dû au titre de la taxe sur la valeur ajoutée sur le chiffre obtenu;
6.   Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 27 octobre 1994.
Rolv RYSSDAL
Président
Herbert PETZOLD
Greffier f.f.
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51 par. 2 (art. 51-2) de la Convention et 53 par. 2 du règlement A, l’exposé des opinions séparées suivantes:
- opinion dissidente de M. Morenilla;
- opinion dissidente de M. Mifsud Bonnici.
R. R.
H. P.
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE MORENILLA
(Traduction)
Je regrette de ne pouvoir partager l’avis de mes collègues, qui ont constaté une violation de l’article 8 (art. 8) de la Convention en l’espèce.
Je souscris néanmoins à leur conclusion (paragraphe 30 in fine) selon laquelle cette clause est applicable au rejet, par les autorités néerlandaises, de la demande de Catharina Kroon et d’Ali Zerrouk tendant à voir officiellement reconnue la "réalité biologique" de la paternité de M. Zerrouk à l’égard de Samir M’Hallem-Driss (le troisième requérant), enregistré comme étant le fils légitime de Mme Kroon et de M. Omar M’Hallem-Driss, nonobstant le fait que ceux-ci vivaient de facto séparés bien qu’ils n’eussent pas encore divorcé. Je n’y adhère toutefois qu’eu égard au fait que, conforme au code civil néerlandais, ce rejet emporte une "ingérence" dans la sphère personnelle (la vie familiale) des trois requérants, dès lors qu’il affecte la situation légale du géniteur prétendu, du fils et de la mère. Il affecte également M. Omar M’Hallem-Driss, père légal de Samir et ex-époux de Catharina Kroon, qui n’est pas partie à la présente procédure et n’a pas été entendu, car on ignore où il se trouve.
Je me désolidarise toutefois de mes collègues lorsqu’ils constatent une violation, car j’estime que l’ingérence des autorités néerlandaises était justifiée au titre du paragraphe 2 de l’article 8 (art. 8-2), qui trace la ligne de démarcation entre le droit de l’individu au respect de sa vie privée et familiale et le droit pour l’Etat de prendre les mesures nécessaires pour protéger l’intérêt général de la communauté ou les droits et intérêts égaux d’autres personnes. Les paragraphes 1 et 2 de cet article (art. 8-1, art. 8-2) forment un "tout" (Luzius Wildhaber, "Kommentierung des Artikels 8", dans Internationaler Kommentar zur Europäischen Menschenrechtskonvention, 1992, pp. 11-12), et doivent être considérés comme tels lorsqu’il s’agit de décider si l’ingérence était arbitraire et si, en conséquence, l’Etat défendeur a dénié aux requérants le droit au respect de leur vie familiale. La tâche de la Cour dans chaque espèce consiste à ménager un juste équilibre entre l’intérêt général de la société et la protection des droits de la victime alléguée.
A la suite de son arrêt Marckx c. Belgique du 13 juin 1979 (série A no 31), la Cour a développé une jurisprudence toujours plus large sur les "obligations positives" des Etats contractants au titre de l’article 8 par. 1 (art. 8-1) de la Convention, ce qui entraîne des modifications significatives dans le contenu du droit garanti par cette disposition. Ce principe d’interprétation "évolutive et créative" (voir Luzius Wildhaber, "Nouvelle jurisprudence concernant l’article 8 (art. 8) CEDH", dans Mélanges en l’honneur de Jacques-Michel Grossen, 1992, p. 106), qui permet d’adapter la Convention aux changements de circonstances dans nos sociétés démocratiques, en faisant ainsi un "instrument vivant", a toutefois pour conséquence que la Cour se trouve confrontée à un épineux dilemme: "éviter le risque d’excéder le rôle judiciaire d’interprétation qui lui a été conféré en mettant à mal des décisions politiques prises par des corps représentatifs élus, qui, dans les sociétés démocratiques, assument la responsabilité principale pour ce qui est de la réalisation des changements législatifs importants, tout en n’abdiquant pas sa propre responsabilité, consistant à contrôler de manière indépendante l’action des gouvernements" (voir Paul Mahoney et Søren Prebensen, "The European Court of Human Rights", dans The European System for the Protection of Human Rights, R. St. J. Macdonald, F. Matscher et H. Petzold, 1993, pp. 638-640).
Ce dilemme est encore plus grand dans les matières, comme le mariage, le divorce, la filiation ou l’adoption, car elles mettent en jeu les conceptions religieuses, idéologiques ou traditionnelles existantes de la famille dans chaque communauté. La majorité de mes collègues a toutefois considéré qu’il pesait sur les Pays-Bas une "obligation positive" de reconnaître le droit pour le père naturel de combattre la présomption de paternité du père légal (le mari de la mère), faisant ainsi primer les liens biologiques sur la cohésion et l’harmonie de la famille et sur l’intérêt essentiel de l’enfant. D’après moi, cette conclusion implique une généralisation dangereuse des circonstances spéciales de la présente espèce, généralisation qui impose aux Etats contractants une obligation ne figurant pas dans le texte de l’article 8 (art. 8) et fondée sur des critères moraux ou des opinions sur des valeurs sociales sujets à changement.
La Cour, citant son arrêt Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni du 28 mai 1985 (série A no 94), a déclaré dans son arrêt Johnston et autres c. Irlande du 18 décembre 1986 (série A no 112, p. 25, par. 55):
"La notion de `respect’ manque (...) de netteté, surtout quand de telles obligations se trouvent en cause; ses exigences varient beaucoup d’un cas à l’autre vu la diversité des pratiques suivies et des conditions existant dans les Etats contractants. Partant, il s’agit d’un domaine dans lequel ils jouissent d’une large marge d’appréciation pour déterminer, en fonction des besoins et ressources de la communauté et des individus, les mesures à prendre afin d’assurer l’observation de la Convention (...)"
L’objectif du Conseil de l’Europe consistant à harmoniser la législation des Etats contractants dans le domaine du droit de la famille a été accompli par les recommandations adoptées par le Comité des Ministres au cours des deux dernières décennies et par des conventions spéciales ouvertes à la ratification des Etats membres. Cela a conduit à des réformes du droit de la famille dans beaucoup de pays en Europe à partir des années 70. Ces réformes ont réalisé un certain rapprochement des législations nationales, mais non leur uniformité, particulièrement en ce qui concerne la réglementation des procédures pour contester la paternité légale, lesquelles présentent toujours de nombreuses variations. D’autre part, il existe dans la réglementation de l’utilisation de nouvelles techniques de reproduction humaine, une tendance à la prohibition de la contestation de la paternité légale par les donneurs de sperme anonymes.
Il conviendrait également de tenir compte de l’importance de la famille dans beaucoup d’Etats contractants, de la persistance dans ces pays d’un rejet social de l’adultère, et de la croyance commune qu’une famille unie facilite le développement harmonieux de l’enfant. Ces éléments fournissent une justification de l’ingérence par l’Etat, en conformité avec le paragraphe 2 de l’article 8 (art. 8-2), dans l’exercice par les requérants de leur droit au respect de leur vie familiale, car son but est de protéger la "morale" ou l’intérêt de l’enfant contre l’intrusion dans son cercle familial ou dans sa condition juridique d’un prétendu père biologique.
Les autorités nationales sont mieux à même d’apprécier, dans l’exercice de l’ample marge d’appréciation qui leur est conférée, les conséquences sociales d’une contestation de la paternité légale sur la cohésion et l’harmonie de la famille ou sur la sécurité juridique en matière de filiation et de droits parentaux. Ainsi que la Cour l’a déclaré dans son arrêt Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976 (série A no 24, p. 22, par. 48), en relation avec les exigences de la morale: "(...). Grâce à leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays, les autorités de l’Etat se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur le contenu précis de ces exigences (...)"
Pour déterminer l’étendue de la marge d’appréciation des autorités néerlandaises en l’espèce, la Cour devrait également prendre en considération le droit néerlandais de la famille dans son ensemble, et spécialement les articles 1:199 et 1:200 du code civil (paragraphe 21 du présent arrêt), et la possibilité pour un beau-parent de l’enfant d’adopter celui-ci (paragraphe 24). Ce cadre juridique fournit une solution de rechange à la demande des requérants, tout en protégeant l’intérêt de la communauté.
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE MIFSUD BONNICI
(Traduction)
1.   Il m’est difficile de suivre la majorité de la Cour, principalement parce qu’elle n’a pas dûment tenu compte de certaines notions de base, alors qu’elle a donné à d’autres un sens auquel je ne peux souscrire.
2.   Samir M’Hallem-Driss, l’un des requérants, est né le 18 octobre 1987. Un an plus tard, le 13 octobre 1988, les deux autres requérants - la mère du premier, Catharina Kroon, et Ali Zerrouk - ont entamé les premières démarches qui ont abouti à l’actuelle procédure. Catharina Kroon demanda à l’officier de l’état civil d’Amsterdam de l’autoriser à faire inscrire sur le registre des naissances la mention que le père de Samir n’était pas son mari (comme l’indiquait l’acte de naissance de l’enfant), mais un autre homme, Ali Zerrouk, prêt à reconnaître sa paternité sur l’enfant.
Le droit néerlandais, comme la législation de certains autres Etats contractants, "présume" dans certaines circonstances la paternité sur un enfant, conformément à l’adage du droit romain "pater is est quem nuptiae demonstrant" (L.5 De in jus voc.= Dig. 2,4,5), ce qui établit et protège, notamment, les droits de l’enfant. A mon avis, dans des questions de ce genre, c’est un principe de bonne justice que de tenir pour primordial l’intérêt de l’enfant. En l’espèce, l’enfant Samir aura sept ans lorsque la Cour rendra son arrêt. Il figure comme "requérant" aux côtés de sa mère et de celui qui dit être son "père". Or jamais une personne indépendante (un curateur ad litem) n’a été nommée pour veiller à ses intérêts qu’à vrai dire l’arrêt ne mentionne même pas. Ce sont seulement les "intérêts" de la mère et de l’autre requérant que la Cour a réellement pris en compte.
L’allégation de "non-respect" en l’espèce, par le droit néerlandais, de la "vie familiale" au sens de l’article 8 (art. 8) de la Convention tient au fait que la mère et le "père" autoproclamé d’un enfant d’un an (l’âge de Samir quand tout ceci a commencé) qui a) refusent de se marier (c’est leur droit) et b) refusent de cohabiter avec leurs enfants (c’est également leur "droit") ne seraient pas autorisés, en droit néerlandais, à priver l’enfant de son statut juridique pour le remplacer par un statut "biologique" (comme ils le prétendent). En l’état actuel des choses (avant que Samir puisse réellement veiller lui-même à ses intérêts), je ne vois pas ce que l’intéressé gagnerait, de manière certaine et irrécusable, en perdant son actuel statut juridique.
Telle est la première considération qui motive mon opinion dissidente.
3.   La deuxième renvoie à la notion de "vie familiale" à laquelle est arrivée la Cour, puisqu’on lit au paragraphe 30 de l’arrêt:
"(...) la Cour rappelle que la notion de ‘vie familiale ‘visée par l’article 8 (art. 8) ne se borne pas aux seules relations fondées sur le mariage et peut englober d’autres ‘liens familiaux’ de facto lorsque les personnes cohabitent en dehors du mariage."
J’en suis d’accord, mais la Cour poursuit:
"Bien qu’en règle générale une cohabitation puisse constituer une condition d’une telle relation, exceptionnellement d’autres facteurs peuvent aussi servir à démontrer qu’une relation a suffisamment de constance pour créer des ‘liens familiaux’ de facto; tel est le cas en l’espèce, puisque quatre enfants sont nés de la relation entre Mme Kroon et M. Zerrouk depuis 1987."
A mon avis, la "vie familiale" suppose nécessairement "cohabitation en famille". L’exception vise des circonstances dues à la nécessité, par exemple des séparations occasionnées par le travail, la maladie ou d’autres contraintes de la famille elle-même. Une absence, forcée ou imposée, de cohabitation constitue donc clairement une exception admise. Mais, tout aussi clairement, cela ne vaut pas lorsque la séparation est totalement volontaire. Dans ce cas, bien sûr, le ou les membres de la famille qui vivent séparés ont opté contre une vie familiale, contre la cohabitation en tant que famille. Et puisque c’est le cas en l’espèce - les deux premiers requérants ayant volontairement choisi de ne pas vivre une "vie familiale" -, je ne puis comprendre comment ils peuvent exiger du droit néerlandais qu’il respecte quelque chose qu’ils ont volontairement refusé. Le caractère artificiel de la démarche est en contradiction criante avec la valeur naturelle de la vie familiale que garantit la Convention. En outre, l’arrêt n’explique pas comment on peut placer sur le même plan "une relation [qui] a suffisamment de constance pour créer des liens familiaux" et une "relation qui a suffisamment de constance pour créer une vie familiale", car manifestement ces deux propositions n’ont rien de semblable ou d’équivalent.
4.   Dès lors, en conclusion, je ne peux souscrire à l’avis de la majorité de mes collègues puisque: a) bon nombre d’Etats contractants possèdent des législations comportant des règles analogues à celles du droit néerlandais incriminé qui sont avant tout soucieuses de la protection des droits et des intérêts de l’enfant (même contre les voeux "opportunistes" des parents) et que l’arrêt n’accorde pas assez de poids à cet élément important, vital, dont l’appréciation aurait pu aider à préciser où se situe exactement la marge d’appréciation dont bénéficie chacun des Etats contractants dans un tel domaine; et b) il n’existe pas, en l’espèce, de "vie familiale", même s’il y a des raisons biologiques de constater des "liens familiaux". En outre, le paragraphe 40 de l’arrêt renvoie à une "réalité sociale" qui constituerait l’un des éléments devant prévaloir sur la présomption légale de paternité. Ayant toujours à l’esprit les fréquentes références faites à la "réalité sociale" pour justifier certains textes de triste mémoire promulgués par la Russie soviétique (1920-1989) et l’Allemagne nazie (1933-1945), j’estime dangereux et pernicieux d’introduire ce genre de critères dans le domaine des droits de la famille. C’est à partir de bases plus stables et plus solides qu’il faut aborder ces droits.
5.   Il découle des éléments ci-dessus que je suis opposé à l’octroi aux requérants d’une quelconque réparation financière au titre de l’article 50 (art. 50).
* L'affaire porte le n° 29/1993/424/503.  Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
** Le règlement A s'applique à toutes les affaires déférées à la Cour avant l'entrée en vigueur du Protocole n° 9 (P9) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole (P9).  Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à plusieurs reprises depuis lors.
* Note du greffier: pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (volume 297-C de la série A des publications de la Cour), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.
MALONE v. THE UNITED KINGDOM JUGDMENT
ARRÊT KROON ET AUTRES c. PAYS-BAS
ARRÊT KROON ET AUTRES c. PAYS-BAS
ARRÊT KROON ET AUTRES c. PAYS-BAS
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE MORENILLA
ARRÊT KROON ET AUTRES c. PAYS-BAS
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE MORENILLA
ARRÊT KROON ET AUTRES c. PAYS-BAS
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE MIFSUD BONNICI
ARRÊT KROON ET AUTRES c. PAYS-BAS
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE MIFSUD BONNICI


Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'Art. 8 ; Aucune question distincte au regard de l'Art. 14+8 ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention

Parties
Demandeurs : KROON ET AUTRES
Défendeurs : PAYS-BAS

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (chambre)
Date de la décision : 27/10/1994
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18535/91
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1994-10-27;18535.91 ?

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