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24/02/1995 | CEDH | N°24199/94

CEDH | LOISEAU et GIANESINI contre la SUISSE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 24199/94 présentée par Christiane LOISEAU & Augusto GIANESINI contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 24 février 1995 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON S. TRECHSEL J.-C. SOYER F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. G

EUS M.A. NOWICKI I. CABRA...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 24199/94 présentée par Christiane LOISEAU & Augusto GIANESINI contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 24 février 1995 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON S. TRECHSEL J.-C. SOYER F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY M. K. ROGGE, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 20 avril 1994 par Christiane Loiseau et Augusto Gianesini contre la Suisse et enregistrée le 25 mai 1994 sous le N° de dossier 24199/94 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les requérants sont ressortissants respectivement français et suisse. La requérante, née en 1938, est conseil en gestion, demeurant à Forel-Lavau. Le requérant, né en 1952, est restaurateur, résidant à Saxon. Devant la Commission, ils sont représentés par Maîtres Alain Lestourneaud, avocat au barreau de Thonon-les-Bains, et Léo Farquet, avocat à Martigny. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par les requérants, peuvent se résumer comme suit. Dès 1984, les requérants collaborèrent avec l'agent général d'une compagnie d'assurances en vue de réaliser des affaires immobilières. Ce dernier confia à la requérante un certain nombre de feuilles de papier à en-tête de la société d'assurances, signées en blanc. Le 30 juillet 1986, les requérants envoyèrent une note d'honoraires à l'agent général, en se référant à un courrier que celui- ci leur aurait adressé le 9 avril 1986 pour leur demander de lui faire parvenir leur note d'honoraires auxquels ils prétendaient pour leur participation au projet immobilier. Cependant, agent général refusa de payer la somme indiquée. Le 28 novembre 1986, les requérants introduisirent alors contre lui une action civile que la cour civile du tribunal cantonal du Valais, assistée du greffier S., rejeta le 26 octobre 1990, en constatant notamment que le courrier du 9 avril 1986 était en réalité purement et simplement un faux et en concluant que l'agent général n'était pas l'auteur de ce courrier et que si la signature était bien la sienne, le texte en avait été conçu et dactylographié par les requérants. Entre-temps, le 12 août 1987, le juge d'instruction de Sion, suite à la dénonciation pénale de l'agent général, ouvrit d'office une instruction pour faux dans les titres. Le même jour, il ordonna une visite de domiciles des requérants et le séquestre des machines à écrire qui auraient pu servir à établir les documents litigieux. Le 26 août 1987, la police cantonale, après avoir interrogé divers témoins, établit son rapport qu'elle compléta le 19 avril 1988 en ajoutant un rapport de l'examen de caractères d'une machine à écrire saisie chez la requérante. Ensuite, la procédure pénale demeura en suspens jusqu'à la fin de la procédure civile. Le 23 août 1991, le juge d'instruction renvoya l'affaire au tribunal du IIe arrondissement pour le district de Sion. Le 3 septembre 1991, les requérants furent accusés de délit manqué d'escroquerie et de faux dans les titres. Par jugement du 30 mars 1992, le tribunal du IIe arrondissement pour le district de Sion reconnut les requérants coupables de délits manqués d'escroquerie et de faux dans les titres et les condamna à 30 mois d'emprisonnement, peine complémentaire à des condamnations précédentes et prononça également l'interdiction du territoire à cinq ans à l'encontre de la requérante. Le tribunal, en relevant que la jurisprudence et la doctrine admettaient le concours réel entre le faux dans les titres et l'escroquerie, appliqua la circonstance aggravante du concours d'infractions et constata en revanche que les requérants ne bénéficiaient d'aucune circonstance atténuante. Dans son jugement, le tribunal releva entre autres que : "Pour cerner l'auteur de la lettre du 9 avril 1986, en l'absence d'une preuve ferme et unique, il convient de se reporter aux principes qui régissent l'activité du juge pénal dans la recherche des faits. La preuve porte en premier ressort sur l'établissement de l'état de faits délictueux et ensuit sur l'imputabilité de ces faits à la personne poursuivie. Lorsque les faits ne ressortent pas clairement du dossier, l'instance de jugement se doit de rechercher les indices qui lui permettront de se forger une conviction. L'instance de jugement appréhendera le dossier et les preuves récoltées en cours d'instruction en appréciant librement celles-ci ... La cour de céans estime ... que les arguments développés ... forgent sa conviction que [l'agent général] n'a pu écrire le courrier litigieux qui ne correspond en rien au déroulement des événements postérieurs et qu'ils constituent un faisceau d'indices à l'encontre des prévenus qui seuls avaient intérêt à la production de la lettre du 9 avril 1986, en vue d'obtenir une prétendue créance qu'il leur aurait été vraisemblablement impossible d'obtenir autrement." Le 27 juillet 1992, les requérants introduisirent une requête en complément d'instruction qui fut rejetée le 30 novembre 1992 par le président de la Ie cour pénale du tribunal cantonal du Valais, assisté à cette occasion du greffier S. Par l'arrêt du 24 février 1993, la Ie cour pénale du tribunal cantonal du Valais, statuant sur l'appel des requérants, réforma partiellement le jugement de première instance. Abandonnant le délit manqué d'escroquerie et retenant uniquement le faux dans les titres, elle réduisit la peine d'emprisonnement respectivement à 18 mois et 15 mois, avec sursis pour le requérant. La requérante n'avait pas été mise au bénéfice du sursis, puisque le total des deux peines privatives de liberté prononcées à son encontre (principale et complémentaire) excédait 18 mois. La cour releva notamment que : "... les accusés se sont rendus coupables de faux dans les titres ... Ils ont en effet, dans le dessein de se procurer un avantage illicite, abusé de la signature de [l'agent général] pour créer un titre supposé ; il s'agit d'un faux matériel ... La lettre du 9 avril 1986 était un écrit ... destiné à prouver que [l'agent général] se reconnaissait débiteur envers [les requérants] des honoraires dont ceux- ci lui réclamaient le paiement en rapport avec le projet [immobilier]. Cette lettre constituait ainsi un titre ... De plus, le contenu de cette lettre était faux et mensonger, puisque cette correspondance attestait que [l'agent général] se reconnaissait débiteur des deux appelants, ce qui n'était pas le cas. En produisant en justice, à l'appui de leur action en paiement ... la lettre du 9 avril 1986, ... les accusés ont agi dans le dessein de se procurer un avantage illicite, à savoir la reconnaissance d'une prétention d'un montant [réclamé] ..." Le même jour, la cour déclara irrecevable pour tardiveté et, subsidiairement, pour défaut de fondement, une demande de récusation du greffier S. présentée par les requérants le 19 février 1993. Elle releva à cet égard que : "... il apparaît clairement que les appelants, assistés d'un avocat, ont eu connaissance de l'identité du greffier ... au plus tard ... le 2 décembre 1992 ... la composition entière de la cour, y compris la désignation du greffier, leur a été confirmée le 8 janvier 1993 sans qu'ils ne réagissent d'aucune manière ; ... en présentant leur demande de récusation oralement, au débat du 19 février 1993, ..., [ils] n'ont pas respecté la forme écrite imposée par l'art. 35 al. 1 CPP et ont fait preuve d'un retard inexcusable ; ... leur comportement consistant à laisser procéder à la citation au débat puis à toute les phases de la séance finale ..., pour ne soulever leur exception qu'au cours de leur plaidoirie ..., est contraire aux règles de la bonne foi et doit être qualifié d'abusif ... le courrier adressé par les appelants au tribunal cantonal le 24 février 1993 ne saurait nullement corriger le vice affectant leur requête formée tardivement au débat du 19 février 1993 ..." Le 22 avril 1993, les requérants déposèrent un pourvoi en nullité devant le Tribunal fédéral. Ils contestèrent la qualification juridique de l'accusation. Le 3 mai 1993, ils formèrent deux recours de droit public en alléguant que la procédure pénale n'aurait pas répondu aux exigences de l'article 6 par. 1 et 2 de la Convention du fait que le greffier S. avait assisté le tribunal cantonal dans le prononcé du jugement civil du 26 octobre 1992, puis le président du tribunal cantonal dans la décision de rejet du 30 novembre 1992, ainsi que le tribunal cantonal dans le prononcé de l'arrêt pénal du 24 février 1993 et que les autorités cantonales n'avaient pas bien établi les faits, avaient apprécié arbitrairement des preuves et n'avaient pas respecté le principe de la présomption d'innocence. Par arrêt du 12 juillet 1993, notifié aux requérants le 16 août 1993, le Tribunal fédéral rejeta le recours des requérants concernant la récusation du greffier S. Il releva que rien dans le recours n'avait permis au Tribunal fédéral de déceler chez les juges qui avaient condamné les recourants une apparence quelconque de prévention due au fait qu'ils étaient assistés du greffier qui avait rédigé le jugement civil du 26 octobre 1990. Par arrêt du 26 octobre 1993, le Tribunal fédéral rejeta le deuxième recours des requérants. Il estima d'abord que : "... eu égard aux éléments de preuve dont elle disposait l'autorité cantonale pouvait, sans tomber dans l'arbitraire, admettre que les recourants avaient falsifié la lettre attribuée à [l'agent général]. Les développements des recourants ... sont dénués de toute pertinence. Ils n'apparaissent en effet pas de nature à remettre en question l'appréciation de la cour cantonale au point de la faire apparaître comme insoutenable." En ce qui concerne le grief du non respect de la présomption d'innocence, le Tribunal fédéral estima que : "[Ce principe] implique, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute profite à l'accusé ... En l'espèce, il est manifeste - et les recourants ne prétendent pas le contraire - que l'autorité cantonale n'a pas renversé le fardeau de la preuve et qu'elle n'a pas non plus éprouvé un doute qu'elle aurait interprété en leur défaveur. Certes, on peut concevoir une violation indirecte du principe in dubio pro reo dans l'hypothèse où le juge aurait dû éprouver un doute. La manière dont le juge a forgé sa conviction n'est toutefois soumise qu'à l'interdiction de l'arbitraire, de sorte que la prétendue violation du principe in dubio pro reo, telle qu'elle est alléguée ..., n'a pas de portée propre mais se confond avec le grief d'arbitraire ..." Par arrêt du 1er décembre 1993, le Tribunal fédéral rejeta le pourvoi en nullité des requérants. Il releva notamment que : "... autorité cantonale a constaté, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral ..., que si la signature figurant sur la lettre litigieuse est bien celle de [l'agent général] le texte en a en revanche été conçu et dactylographié par les recourants ..." Ensuite, le Tribunal fédéral, citant une partie pertinente du courrier du 9 avril 1986, estima que ce dernier était destiné à prouver que l'agent général se reconnaissait débiteur des requérants et constituait donc un titre. Il considéra enfin que la cour cantonale avait bien jugé que les requérants agirent dans un dessein d'enrichissement illégitime en produisant le texte dudit courrier dans la procédure civile afin d'obtenir la reconnaissance de leurs prétentions à l'égard de l'agent général.
GRIEFS Invoquant l'article 6 par. 1 et 2 de la Convention, les requérants : - se plaignent de la durée prétendument excessive de la procédure pénale engagée à leur encontre ; - se plaignent de ce que le tribunal pénal du IIe arrondissement pour le district de Sion a manqué d'indépendance dans la mesure où il s'est déterminé de façon "subordonnée" au "droit connu" émanant du jugement civil rendu précédemment ; - font valoir que la cour pénale du tribunal cantonal a manqué d'impartialité dans la mesure où elle a été assistée par le greffier S., qui a participé à la rédaction du jugement civil du 26 octobre 1990 et à la décision du président de ce tribunal du 30 novembre 1992 ; - se plaignent de ce que les juridictions pénales ont pris en considération des condamnations antérieures sans aucun rapport avec les faits de la cause, ont refusé le bénéfice du sursis de la peine d'emprisonnement pour la requérante et ont retenu à l'encontre des deux requérants une circonstance aggravante destinée à alourdir leur sort par la voie d'un "concours réel rétrospectif". - font valoir qu'ils ont été condamnés en l'absence de preuve formelle, sur un "faisceau d'indices" bien qu'ils aient apporté à leur défense des éléments sérieux de nature à faire naître un doute quant à leur culpabilité. Ils se plaignent de ce qu'ils n'ont pas bénéficié de la règle selon laquelle le doute doit profiter à l'accusé.
EN DROIT
1. Les requérants, invoquant l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, se plaignent de ce que la durée de la procédure pénale ait excédé un "délai raisonnable". La Commission note qu'aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, elle ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus. La Commission rappelle également sa jurisprudence constante selon laquelle a épuisé les voies de recoursinternes celui qui a fait valoir, en substance, devant la plus haute autorité nationale compétente, le grief qu'il formule devant la Commission (cf. No 17128/90, déc. 10.7.91, D.R. 71 p. 275). Elle constate qu'en l'espèce la question de la durée de la procédure pénale n'a jamais été portée devant les autorités judiciaires suisses compétentes et notamment, en dernière instance, devant le Tribunal fédéral, alors qu'il était loisible aux requérants de le faire. La Commission observe en particulier que les requérants pouvaient se plaindre devant les autorités judiciaires suisses de la durée de la procédure, soit en invoquant l'article 4 de la Constitution fédérale (déni de justice), soit en invoquant l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, directement applicable en droit suisse. Cette voie de recours pouvait porter remède à la situation dont les requérants se plaignent et doit, dès lors, être considérée comme efficace (cf. dans une affaire civile No 12929/87, déc. 5.2.90, D.R. 64 p. 132). Par ailleurs, l'examen de l'affaire n'a permis de déceler aucune circonstance particulière pouvant dispenser les requérants, selon les principes du droit international généralement reconnus, de l'obligation d'épuiser les voies de recours internes. Il s'ensuit que les requérants n'ont pas épuisé les voies de recours dont ils disposaient en droit suisse et que cette partie de la requête doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
2. Les requérants se plaignent de l'absence d'indépendance du tribunal du IIe arrondissement dans la mesure où il s'est déterminé de façon "subordonnée" au "droit connu" émanant du jugement civil rendu précédemment. Ils invoquent, à cet égard, l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, qui dispose : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, ... dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ... qui décidera ... du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ..." La Commission note que la question se pose d'abord de savoir si les requérants ont sur ce point épuisé les voies de recours internes. Cependant, elle n'estime pas nécessaire de procéder à l'examen de cette question, ce grief étant en tout état de cause manifestement mal fondé. La Commission observe que les requérants ne contestent ni le mode de désignation et la durée du mandat des juges, ni l'existence d'une protection contre les pressions extérieures. L'objet de leur grief est le fait que le tribunal pénal ait tenu compte des conclusions contenues dans la décision rendue au plan civil. La Commission estime qu'il s'agit en l'espèce de deux procédures séparées. En l'occurrence, le juge civil a tranché un litige entre deux parties privées, alors que le juge pénal sanctionnait une atteinte à l'ordre public, consistant en l'inculpation de délit de faux dans les titres. La Commission constate par ailleurs que le tribunal pénal a déclaré les requérants coupables des faits qui leur étaient reprochés en se basant sur tout un ensemble d'éléments de preuve recueillis tout au long de l'instruction, produits devant les accusés en audience publique et débattus contradictoirement. Le fait qu'il s'est référé à certains faits relevés de la procédure civile ne saurait constituer un élément de nature à créer un doute quant à son indépendance lorsqu'il a prononcé la condamnation des requérants. Dès lors, la Commission estime que l'indépendance du tribunal de IIe arrondissement ne saurait être mise en cause et elle ne décèle, dans son examen de ce grief des requérants, aucune apparence de violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention sur le point invoqué. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Les requérants se plaignent de ce que la cour pénale du tribunal cantonal n'a pas été impartiale du fait qu'elle a été assistée du greffier S. qui avait participé à la rédaction du jugement civil du tribunal cantonal et à la décision du président du tribunal cantonal rejetant leur demande de complément d'instruction. Ils invoquent également l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. La Commission rappelle qu'aux termes de l'article 26 in fine (art. 26) de la Convention, elle ne peut être saisie que "dans le délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive". En l'espèce, la décision interne définitive quant à ce grief est l'arrêt du Tribunal fédéral en date du 12 juillet 1993, notifié aux requérants le 16 août 1993, tandis que la présente requête a été introduite le 20 avril 1994. Il s'ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
4. Les requérants font valoir également que les juridictions pénales ont pris en considération, pour la fixation de la peine, leurs condamnations antérieures sans aucun rapport avec les faits de la cause, qu'elles ont refusé le bénéfice du sursis de la peine d'emprisonnement pour la requérante et qu'elles ont retenu à l'encontre des deux requérants une circonstance aggravante destinée à alourdir leur sort par la voie d'un "concours réel rétrospectif". Ils invoquent l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. La Commission rappelle d'abord qu'elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de droit ou de fait prétendument commises par une juridiction sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (cf. par ex. No 13926/88, déc. 4.10.90, D.R. 66 pp. 209, 225 ; No 17722/91, déc. 8.4.91, D.R. 69 pp. 345, 354). La Commission note ensuite qu'en principe, il incombe aux autorités nationales, et notamment aux tribunaux, d'interpréter et d'appliquer le droit interne (cf. Cour eur. D.H., arrêt Winterwerp du 24 octobre 1979, série A No 33, p. 20, par. 46). La Commission note d'ailleurs que les griefs relatifs à la durée de la peine infligée à l'issue d'un procès régulier par une juridiction connaissant des faits ne relèvent généralement pas de la Convention (cf. No 11077/84, déc. 13.10.86, D.R. 49 pp. 170, 178). Si les organes de la Convention conservent une compétence de contrôle de la manière dont les autorités nationales ont appliqué le droit interne, ce contrôle est toutefois limité (cf. No 20216/92, déc. 1.9.93 non-publiée). Dans le cas d'espèce, la Commission estime que les requérants n'ont pas montré que les juridictions nationales auraient dépassé les limites d'une interprétation raisonnable des dispositions applicables quant à la forme et la durée des peines infligées. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
5. Les requérants se plaignent de ce qu'ils ont été condamnés en l'absence de preuve formelle et qu'ils n'ont pas bénéficié de la règle selon laquelle le doute doit profiter à l'accusé, bien qu'ils aient apporté à leur défense des éléments sérieux de nature à faire naître un doute quant à leur culpabilité. Ils alléguent une violation du droit à la présomption d'innocence au sens de l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention qui dispose que : "Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie." La Commission a déjà constaté qu'elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de droit ou de fait prétendument commises par une juridiction sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention. La Commission n'a pas pour tâche d'examiner si les tribunaux nationaux ont correctement apprécié les preuves présentées devant eux, mais d'établir si les moyens de preuve fournis pour et contre l'accusé ont été présentés de manière à garantir un procès équitable et de s'assurer que le procès, dans son ensemble, a été conduit de manière à obtenir ce même résultat (cf. Cour eur. D.H., arrêt Schenk du 12 juillet 1988, série A No 140, p. 29, par. 46). La Commission observe qu'en l'espèce, les juridictions nationales se sont prononcées sur la culpabilité des requérants à la suite d'une procédure contradictoire durant laquelle les requérants, assistés ou représentés au cours de l'instruction et pendant la procédure devant les juges de jugement par leur avocat, ont pu contester les moyens de preuve présentés et faire valoir toutes les observations qu'ils ont estimé nécessaires sur les questions litigieuses. La Commission note d'ailleurs que les juridictions nationales se sont appuyées sur les dispositions de droit en vigueur, en dûment motivant leurs conclusions. Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs la Commission, à l'unanimité DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (K. ROGGE) (H. DANELIUS)


Synthèse
Formation : Commission (deuxième chambre)
Numéro d'arrêt : 24199/94
Date de la décision : 24/02/1995
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Radiation partielle du rôle

Analyses

(Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 14) JUSTIFICATION OBJECTIVE ET RAISONNABLE, (Art. 41) JURIDICTION POUR DONNER DES ORDRES OU PRONONCER DES INJONCTIONS, (Art. 41) PREJUDICE MORAL, (Art. 6) PROCEDURE CIVILE, (Art. 6-1) CONTESTATION, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (Art. 6-1) PROCEDURE CONTRADICTOIRE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-1) TRIBUNAL INDEPENDANT, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE FAMILIALE, (Precedemment Art. 49) CONTESTATION SUR LA JURIDICTION, JURIDICTION DE LA COUR


Parties
Demandeurs : LOISEAU et GIANESINI
Défendeurs : la SUISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1995-02-24;24199.94 ?

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