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27/02/1995 | CEDH | N°20122/92

CEDH | I.V.O. contre la BELGIQUE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 20122/92 présentée par I.V.O contre la Belgique __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 27 février 1995 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président H. DANELIUS C.L. ROZAKIS G. JÖRUNDSSON S. TRECHSEL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.-C. SOYER

H.G. SCHERMERS Mme G.H. THUNE M. F....

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 20122/92 présentée par I.V.O contre la Belgique __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 27 février 1995 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président H. DANELIUS C.L. ROZAKIS G. JÖRUNDSSON S. TRECHSEL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS Mme G.H. THUNE M. F. MARTINEZ Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO B. CONFORTI N. BRATZA I. BÉKÉS J. MUCHA D. SVÁBY E. KONSTANTINOV G. RESS M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 13 mars 1992 par I.V.O. contre la Belgique et enregistrée le 15 juin 1992 sous le N° de dossier 20122/92 ; Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 28 juillet 1994, les observations en réponse présentées par le requérant le 15 novembre 1994 et les observations complémentaires présentées par le Gouvernement le 15 décembre 1994 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant belge, né en 1940. Domicilié à Neerglabbeek, il exerce la profession de médecin. Devant la Commission, il est représenté par Me J. Coch, avocat au barreau de Hasselt. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit : Suite à une plainte formulée par une société mutualiste, l'Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) mena une enquête administrative concernant le requérant. Ce dernier était en effet accusé d'avoir fourni des traitements sans prescription, d'avoir porté en compte des prestations non fournies et d'avoir porté en compte des prestations sans remplir les conditions posées par la nomenclature. Le 19 août 1987, l'INAMI transmit le dossier administratif au conseil provincial de l'Ordre des médecins du Limbourg pour une action disciplinaire éventuelle. Suite à des plaintes tenant au non-respect de la dignité et de la probité de la profession médicale déposées par trois patients du requérant, l'INAMI les transmit, en date du 19 août 1987, au conseil provincial de l'Ordre des médecins du Limbourg. Le bureau du conseil provincial de l'Ordre des médecins du Limbourg convoqua le requérant le 2 février 1988 et, après l'avoir entendu, décida de déférer l'affaire au conseil provincial. A l'audience du 24 mars 1988, le conseil provincial décida de joindre le dossier administratif et les plaintes. Bien que convoqué, le requérant ne se présenta pas à cette audience. Le 28 avril 1988, le conseil provincial, statuant par défaut, prononça la radiation du tableau de l'Ordre des médecins. Le 9 mai 1988, le requérant forma opposition contre cette décision. Le 11 mai 1989, le conseil provincial prononça à l'encontre du requérant les peines de la suspension du droit d'exercer l'art médical pendant 18 jours (pour le dossier administratif) et de la suspension du droit d'exercer l'art médical pendant 129 jours pour manquements aux règles déontologiques. Le requérant interjeta appel de cette décision devant le conseil d'appel d'expression néerlandaise de l'Ordre des médecins. Par décision rendue le 25 juin 1990, le conseil d'appel annula la décision du conseil provincial et prononça la sanction de la radiation du tableau de l'Ordre des médecins. Le requérant se pourvut en cassation contre cette décision. Au cours de l'audience devant la Cour de cassation, l'avocat général près cette Cour fut entendu en dernier lieu et présenta des conclusions tendant au rejet du pourvoi. Par arrêt du 13 septembre 1991, la Cour de cassation rejeta le pourvoi.
GRIEF Le requérant allègue une violation de l'article 6 par. 1 de la Convention au motif que les droits de la défense n'ont pas été respectés lors de la procédure devant la Cour de cassation. Se référant à l'arrêt Borgers (Cour eur. D.H., arrêt du 30 octobre 1991, série A n° 214-B, p. 22), il fait valoir qu'il n'a pas pu répondre aux conclusions de l'avocat général après l'intervention de celui-ci lors de l'audience devant la Cour de cassation.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 13 mars 1992 et enregistrée le 15 juin 1992. Le 7 avril 1994, la Commission (Deuxième Chambre) a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé du grief du requérant relatif à l'impossibilité de répondre aux conclusions de l'avocat général après l'intervention de celui-ci lors de l'audience devant la Cour de cassation. Par décision du même jour, elle a déclaré le surplus de la requête irrecevable. Le Gouvernement a présenté ses observations le 28 juillet 1994 et les observations en réponse du requérant ont été transmises le 15 novembre 1994. Le 15 décembre 1994, le Gouvernement a présenté des observations supplémentaires. Ces observations ont été transmises le 22 décembre 1994 au requérant qui a transmis des observations complémentaires en réponse le 12 janvier 1995.
EN DROIT Le requérant allègue une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention au motif que les droits de la défense n'ont pas été respectés lors de la procédure devant la Cour de cassation. Se référant à l'arrêt Borgers (Cour eur. D.H., arrêt du 30 octobre 1991, série A n° 214-B, p. 22), il fait valoir qu'il n'a pas pu répondre aux conclusions de l'avocat général après l'intervention de celui-ci lors de l'audience devant la Cour de cassation. Dans ses observations en réponse du 15 novembre 1994, le requérant ajoute qu'il s'élève en second lieu contre la participation de l'avocat général aux délibérations de la Cour de cassation. Le Gouvernement soutient que la requête est manifestement mal fondée. Il précise d'abord que dans le cadre du contentieux disciplinaire au sein de l'Ordre des médecins, la procédure devant la Cour de cassation est régie par les règles suivies en matière civile. De plus, le ministère public n'est dans aucun cas l'adversaire du médecin dans une procédure disciplinaire, puisque les poursuites disciplinaires sont exercées par l'Ordre des médecins. Il fait ensuite valoir que les différences entre la procédure civile et la procédure pénale excluent l'extension de l'arrêt Borgers à l'objectivité du ministère public près la Cour de cassation, qui n'est techniquement pas une partie à la procédure et n'est qu'un auxiliaire de la Cour, et que la seule question qui se pose donc est celle des apparences. Il faut donc examiner si un demandeur en cassation, comme le requérant, peut avoir un doute légitime sur le rôle réel du parquet, sur l'impartialité de la Cour de cassation et sur l'égalité des armes devant celle-ci. Le Gouvernement fait valoir à cet égard que le ministère public ne saurait à l'évidence apparaître, en matière civile, comme une partie intéressée au procès dans la mesure où le défendeur doit être représenté par un avocat à la Cour de cassation qui pourra lui donner toutes les explications nécessaires quant à la procédure suivie, qu'il a un adversaire (le défendeur en cassation) et que le ministère public ne donne qu'un avis. On ne saurait donc concevoir qu'un demandeur en cassation puisse attribuer au parquet de cassation un autre rôle que celui qui est le sien, à savoir celui d'auxiliaire de la Cour, comme l'a relevé la Commission dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Kaufman (Kaufman c/Belgique, rapport Comm. 9.12.86, D.R. 50 p. 98). Le Gouvernement rappelle enfin que ce n'est qu'entre parties que le principe de l'égalité des armes doit être respecté et que, dans la procédure disciplinaire, les parties à la cause sont le médecin et l'Ordre des médecins. Or, devant la Cour de cassation, ni l'autorité disciplinaire, ni le médecin sanctionné ne peuvent en principe répondre aux conclusions du ministère public. En outre, le fait que les débats soient clos après l'avis du procureur général près la Cour de cassation ou de son représentant se justifie parfaitement par le fait que le débat est, en matière civile, strictement limité par les moyens présentés dans la requête en cassation. Aucun élément nouveau ne saurait donc en principe justifier des interventions complémentaires après l'avis du ministère public. Le requérant rappelle d'abord que l'article 6 (art. 6) de la Convention trouve application en l'espèce puisque l'action disciplinaire porte sur un droit de caractère civil. Il ajoute qu'aux termes de l'article 20 paragraphe 1 de l'arrêté royal n° 79 du 10 novembre 1967 sur l'Ordre des médecins, les autorités disciplinaires peuvent entre autres poursuivre un médecin à la demande du procureur du Roi. Il en conclut que le ministère public, en la personne du procureur du Roi, est l'adversaire potentiel de chaque médecin. Le requérant fait valoir qu'il n'a à aucun moment pu répondre aux conclusions du ministère public qui lui étaient défavorables. Il s'agit d'une véritable restriction à ses droits de la défense. En effet, dans l'esprit du demandeur en cassation, l'opinion du ministère public ne peut passer pour neutre dès lors que celui-ci conclut au rejet du pourvoi. Dès cet instant, le représentant du ministère public devient son "adversaire objectif", particulièrement lorsque le demandeur en cassation est comme lui un non-juriste. Le requérant estime qu'il avait donc un intérêt réel à prendre la parole après le ministère public. Il en conclut qu'il n'y a pas eu égalité des armes entre lui, demandeur en cassation, et le ministère public, d'autant que ce dernier a ensuite participé au délibéré de la Cour de cassation. Au vu des arguments avancés par les parties, la Commission considère que la requête soulève, quant au seul grief qui lui demeure soumis, des questions de droit complexes qui appellent un examen au fond. Il s'ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. La Commission constate d'autre part que le grief ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés. Le Secrétaire de Le Président de la Commission la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission (première chambre)
Numéro d'arrêt : 20122/92
Date de la décision : 27/02/1995
Type d'affaire : DECISION (Finale)
Type de recours : partiellement recevable ; partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 14) JUSTIFICATION OBJECTIVE ET RAISONNABLE, (Art. 41) JURIDICTION POUR DONNER DES ORDRES OU PRONONCER DES INJONCTIONS, (Art. 41) PREJUDICE MORAL, (Art. 6) PROCEDURE CIVILE, (Art. 6-1) CONTESTATION, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (Art. 6-1) PROCEDURE CONTRADICTOIRE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-1) TRIBUNAL INDEPENDANT, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE FAMILIALE, (Precedemment Art. 49) CONTESTATION SUR LA JURIDICTION, JURIDICTION DE LA COUR


Parties
Demandeurs : I.V.O.
Défendeurs : la BELGIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1995-02-27;20122.92 ?

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