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26/04/1995 | CEDH | N°16922/90

CEDH | AFFAIRE FISCHER c. AUTRICHE


COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE FISCHER c. AUTRICHE
(Requête no16922/90)
ARRÊT
STRASBOURG
26 avril 1995
En l’affaire Fischer c. Autriche1,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement A2, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM.  R. Ryssdal, president,
R. Bernhardt,
F. Matscher,
C. Russo,
S.K. Martens,
A

.N. Loizou,
Sir  John Freeland,
MM.  D. Gotchev,
P. Jambrek,
ainsi que de M. H. Petzold, greff...

COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE FISCHER c. AUTRICHE
(Requête no16922/90)
ARRÊT
STRASBOURG
26 avril 1995
En l’affaire Fischer c. Autriche1,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement A2, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM.  R. Ryssdal, president,
R. Bernhardt,
F. Matscher,
C. Russo,
S.K. Martens,
A.N. Loizou,
Sir  John Freeland,
MM.  D. Gotchev,
P. Jambrek,
ainsi que de M. H. Petzold, greffier,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 22 septembre 1994 et 24 mars 1995,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:
PROCEDURE
1.   L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") le 10 décembre 1993, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (no 16922/90) dirigée contre la République d’Autriche et dont M. Josef Fischer, ressortissant de cet Etat, avait saisi la Commission le 11 mai 1990 en vertu de l’article 25 (art. 25).
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration autrichienne reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
2.   En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 par. 3 d) du règlement A, le requérant a manifesté le désir de participer à l’instance et désigné son conseil (article 30). Le président a autorisé ce dernier à employer la langue allemande.
3.   La chambre à constituer comprenait de plein droit M. F. Matscher, juge élu de nationalité autrichienne (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement A). Le 28 janvier 1994, celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir M. R. Bernhardt, M. C. Russo, M. S.K. Martens, M. A.N. Loizou, Sir John Freeland, M. D. Gotchev et M. P. Jambrek, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement A) (art. 43).
4.   En sa qualité de président de la chambre (article 21 par. 5 du règlement A), M. Ryssdal a consulté, par l’intermédiaire du greffier, l’agent du gouvernement autrichien ("le Gouvernement"), le conseil du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 par. 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu le mémoire du Gouvernement le 21 juin 1994 et celui du requérant le 24 juin 1994; le secrétaire de la Commission l’ayant informé que le délégué présenterait ses observations à l’audience.
5.   Ainsi qu’en avait décidé le président, l’audience s’est déroulée en public le 21 septembre 1994, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu:
- pour le Gouvernement
M. W. Okresek, directeur de la division des affaires  
internationales, service de la Constitution, chancellerie  
fédérale,  agent,
Mlle E. Bertagnoli, division des droits de l’homme,
département de Droit international, ministère fédéral des  
Affaires étrangères,
M. F. Oberleitner, ministère fédéral de l’Agriculture et des  
Forêts,  conseillers;
- pour la Commission
M. M.P. Pellonpää,  délégué;
- pour le requérant
Me M. Gnesda, avocat,  conseil.
La Cour a entendu les déclarations de M. Pellonpää, Me Gnesda et M. Okresek.
6.   Le 3 octobre 1994, le Gouvernement a déposé des observations écrites en réponse à la demande de satisfaction équitable présentée par le requérant au titre de l’article 50 (art. 50) de la Convention.
EN FAIT
I.   LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
7.   M. Josef Fischer est né en 1932 et habite Vienne.
8.   Depuis 1975, il possède une décharge à Theresienfeld dans le Land de Basse-Autriche. Il l’exploitait sur la base d’une autorisation révocable de mise en décharge, accordée à l’ancien propriétaire le 30 juillet 1973 conformément à la loi de 1959 sur le régime des eaux (Wasserrechtsgesetz).
9.   Le 5 décembre 1986, le chef du gouvernement (Landeshauptmann) du Land de Basse-Autriche ("le gouverneur") révoqua l’autorisation au motif, notamment, qu’on avait constaté un pourcentage dangereusement élevé de substances toxiques dans la nappe phréatique du terrain (faisant partie d’un réservoir d’eau potable pour plus de cinq cent mille habitants); on avait trouvé sur le site plusieurs fûts contenant des substances non autorisées; au demeurant, l’emplacement ne convenait pas pour une décharge, même pour y déverser des ordures ménagères normales.
10.  M. Fischer en appela au ministère fédéral de l’Agriculture et des Forêts (Bundesministerium für Land- und Forstwirtschaft) et y ajouta le grief qu’il aurait dû bénéficier du droit à être entendu. Le ministère le débouta le 20 juillet 1987, au motif que la fermeture de la décharge s’imposait absolument pour garantir l’approvisionnement en eau, car il était techniquement impossible d’assainir le terrain. Sur le droit du requérant à être entendu, le ministère estima que l’intéressé avait largement eu l’occasion de faire connaître son opinion et que la procédure de retrait des autorisations n’exigeait pas de débats.
11.  Le 2 septembre 1987, M. Fischer forma un recours devant la Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshof). Il alléguait en particulier la violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, les autorités administratives lui ayant refusé une audience, et il demandait qu’il y eût débats devant la Cour. Le 14 mars 1988, celle-ci refusa d’examiner le grief en se fondant sur l’article 144 par. 2 de la Constitution fédérale (paragraphe 22 ci-dessous). Elle estima que la plupart des griefs portaient sur l’application prétendument erronée du droit commun. Pour autant que le recours concernât bien des questions de droit constitutionnel, il n’avait aucune chance sérieuse de réussir. Il n’y eut pas de débats.
12.   Le 6 août 1987, avant son recours constitutionnel, le requérant avait saisi la Cour administrative (Verwaltungsgerichtshof), arguant de l’illégalité de la décision du 20 juillet 1987 et de l’absence de débats devant les autorités administratives. Il demandait l’annulation de la décision et la tenue d’une audience devant la Cour administrative.
Le 21 septembre 1989, la Cour administrative rejeta ce recours pour défaut de fondement aux termes de l’article 42 par. 1 de la loi sur la Cour administrative (paragraphe 18 ci-dessous): pour elle, une audience ne s’imposait pas devant le ministère. Elle rejeta aussi la demande de débats devant elle, en s’appuyant sur l’article 39 par. 2 (6) de cette même loi (paragraphe 21 ci-dessous).
13.   Voici les motifs de son arrêt:
"L’appelant soutient d’abord que les motifs de la décision rendue en première instance restreignaient à tort la surface à laquelle s’appliquait l’autorisation de 1973; la révocation de l’autorisation, confirmée en appel sans que cette question ait été tranchée - alors qu’elle avait été soulevée dans les moyens - conserverait dès lors un caractère contestable. La Cour ne voit pas la contradiction. La révocation par l’administration des eaux en première instance, confirmée par l’autorité défenderesse, concernait - si l’on se réfère au libellé du texte - l’autorisation accordée en 1973 sans aucune restriction. De même, dans les motifs indiqués par le gouverneur dans sa décision du 5 décembre 1986, les mots `là où la gravière a déjà été fermée’ servant à individualiser la parcelle 514-1 KG de Theresienfeld, sont simplement repris de la décision du 30 juillet 1973 accordant l’autorisation. En outre, l’utilisation de l’expression `partie du terrain’ (Teilfläche) précise simplement - dans le cadre de l’historique de l’affaire - le sens que cette même autorité attribuait à la description sommaire figurant dans la décision d’octroi de l’autorisation révoquée. Il ne s’agit pas là d’une précision juridiquement contraignante et cela ne restreint nullement la révocation elle-même, qui s’appliquait en tout cas à l’autorisation de 1973 dans son intégralité, indépendamment de la manière de comprendre l’indication `là où la gravière a déjà été fermée’, qui n’est pas définie plus précisément. Il est clair dès lors, sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans le détail des moyens d’appel, que ni la remarque susmentionnée figurant dans la décision de première instance, ni l’absence de toute référence à cette question dans la décision attaquée ne constituaient une ingérence dans les droits de l’appelant.
Il importe peu de savoir si la clause de réserve du droit de révoquer la licence, prévue à l’article 21 par. 1 de la loi de 1959 sur le régime des eaux, figure correctement dans la décision de 1973 puisque, cette dernière ayant acquis un caractère définitif, la disposition incidente susdite emporte elle aussi des effets juridiques. La Cour convient avec l’autorité défenderesse et, sur ce point, avec l’appelant que même si, comme en l’espèce, la clause de réserve concernant le droit de révoquer n’est pas libellée en termes plus précis, la révocation ne se justifie que lorsqu’il existe des raisons objectives et suffisantes; toutefois ces raisons (ici le point de vue de la Cour ne coïncide pas avec celui que reflète la décision attaquée) ne peuvent être tirées que de considérations d’intérêt général, puisque le droit de révoquer l’autorisation n’est pas réservé dans l’intérêt de tiers. Finalement, la révocation en vertu de la loi sur le régime des eaux ne peut passer pour objectivement justifiée que si elle est nécessaire au sens de la loi; cela vaut seulement lorsque la révocation ne sert pas des intérêts que l’on peut mettre en oeuvre au regard des dispositions de ladite loi sans avoir à recourir à une telle révocation.
L’appelant critique l’autorité défenderesse pour avoir confirmé sans motif valable la révocation de l’autorisation.
Il se plaint de ce que tant la décision rendue en première instance que la décision attaquée affirment notamment qu’un déversement d’ordures conforme au libellé de l’autorisation pourrait accroître les risques potentiels. Or, dans la première, l’observation sur l’augmentation d’un risque de ce genre renvoie manifestement à la conclusion - citée aussi dans les motifs - du médecin désigné comme expert: le terrain situé au centre du bassin de Mitterndorf ne pouvait pas être choisi comme décharge pour des raisons sanitaires, vu le risque de polluer la nappe phréatique. Le même expert se référait à la remarque d’un `expert technicien officiel’, selon laquelle, d’après les critères actuels, il fallait refuser le renouvellement de l’autorisation de décharge sur le terrain en cause. Dans la décision objet de l’appel, le site de la décharge en tant que tel était pareillement qualifié de problématique vu les expertises: l’avis d’expert reproduit dans la décision entreprise déclare qu’il est hors de question d’utiliser comme site de décharge des terrains où existent des sources d’eaux souterraines pouvant, par leur quantité et leur qualité, servir à la consommation d’eau potable. Il indique aussi que le déversement de déchets mettant en danger la nappe phréatique s’expliquerait, notamment, par le `libellé imprécis de l’autorisation’ accordée en 1973. Cette dernière observation concerne le passé, et l’appelant ne peut pas invoquer pour la réfuter la distinction faite entre décharge autorisée et décharge non autorisée, telle qu’elle figure dans l’arrêt no 86/07/0147 rendu par la présente Cour le 19 mai 1987. La distinction a de fait été reconnue comme partiellement en contradiction avec l’idée avancée par le propriétaire précédent de la décharge. On ne saurait dès lors exclure qu’avant la publication de l’arrêt susmentionné, l’exploitant de la décharge ait méconnu les différences qui y sont soulignées et qui ont leur importance s’agissant du déversement de déchets autorisé. Quant aux observations techniques sur le choix du site, elles paraissent à la Cour suffisantes pour justifier l’idée que même la décharge autorisée était pour le moins `problématique’ sur cet emplacement.
L’appelant soutient en outre que, jusqu’ici, il n’a pas été prouvé que le déversement conforme à l’autorisation ait eu des incidences sur le terrain alentour. Il renvoie au rapport établi le 29 avril 1986 par le technicien désigné comme expert officiel et qui, pourtant, décrit par le menu la possibilité d’une pollution de la nappe phréatique par les ordures ménagères. Le rapport d’expert produit dans la décision attaquée renvoie également au fait qu’un délai considérable s’écoula entre le moment de la pollution et les premiers indices observables de substances nuisibles dans le sous-sol ou dans la nappe phréatique, ce qui a par le passé été considéré comme un indice de la capacité d’assainissement et de stockage en apparence (seulement) illimitée du sous-sol et a bien souvent conduit à implanter et à autoriser des décharges qui seraient aujourd’hui considérées comme inacceptables. Il n’a donc pas été prouvé, ne serait-ce que par une seule constatation, que la crainte d’effets nuisibles sur la nappe phréatique soit sans fondement - comme revient à le dire l’exception soulevée par l’appelant.
Ce dernier soutient en outre que, dans la décision contestée, un autre argument en faveur de la révocation a été avancé à tort: les déchets déversés contrairement au libellé de l’autorisation auraient été tellement mélangés avec ceux conformes à l’autorisation qu’il était en pratique impossible de séparer les deux catégories. Cet argument, soutient l’appelant, méconnaît le fait que, selon l’avis de l’`expert technicien’ en date du 21 octobre 1986 portant sur la question d’un assainissement général du site, il était présumé que les déchets dangereux découverts étaient dissociables des autres déchets; en outre, dans la décision de première instance, un tel mélange était pure hypothèse. Hormis le fait qu’en décrivant les deux types de déchets comme `pratiquement’ inséparables (hypothèse retenue), il avait été clairement tenu compte des difficultés pratiques mentionnées par la même expertise, qui renvoyait expressément à la nécessité de créer une `unité très qualifiée de surveillance des eaux, disposant des installations voulues pour effectuer des analyses et se débarrasser en toute sécurité d’éventuels déchets dangereux’, cette observation concernant le passé n’a au demeurant pas d’importance capitale pour la révocation, qui déploie ses effets pour l’avenir, afin d’empêcher des déversements futurs.
L’appelant souligne qu’une masse de constatations confirmait que la partie occidentale du terrain ne présentait aucun risque, contrairement à ce que déclare la décision contestée; il s’ensuivrait que la partie ouest du site, nettoyée, était prête à être utilisée pour une décharge conforme à l’autorisation. Les extraits du dossier administratif que cite l’appelant à l’appui de sa thèse ne confortent toutefois pas cette affirmation. Dans l’avis soumis le 23 avril 1985, en effet, l’expert décrit les ordures ménagères déversées sur le site comme menaçant la nappe phréatique, indépendamment desfûts qu’on y a jetés. Dans une lettre du 28 mai 1985, émanant de l’administration du district (Bezirkshauptmannschaft), à laquelle renvoie aussi l’appelant, il était sans contredit annoncé que l’opération nettoyage était terminée, mais était posé simultanément le problème de ce qu’il fallait faire des ordures ménagères dont on ignorait d’abord l’existence. Une expertise du 15 mai 1985, également citée par l’appelant, confirmait que des travaux de forage étaient menés dans la partie occidentale de la gravière, mais indiquait également que des ordures ménagères y avaient été trouvées et que l’on ne pouvait pas écarter la possibilité que des produits chimiques y aient été associés; en outre, la possibilité de fermer le site sans enlever les déchets a été rejetée pour des raisons techniques et à cause du risque que des fûts y aient été enterrés en même temps. La lettre du district en date du 18 juin 1986 précisait que les ordures ménagères subsistant dans la partie occidentale nettoyée seraient enlevées dès que serait prise la décision d’assainir l’ensemble du site. Il n’avait dès lors pas été établi que cette partie ne renfermait plus aucun déchet dangereux et l’argument n’avait pas non plus été réfuté qu’il fallait cesser de déverser des déchets autorisés par-dessus les ordures déjà sur le site, précisément pour pouvoir les enlever.
C’est pourquoi et parce que, comme détaillé ci-dessus, la poursuite du déversement d’ordures sur le site précité ne devait plus être autorisée - aucune décharge ne devant plus s’y faire et le travail de nettoyage étant en cours. Il n’était dès lors pas nécessaire de prévoir un `programme de nettoyage définitif’, comme le soutenait l’appelant, avant de cesser d’autres déversements conformes à l’autorisation (grâce au retrait de cette dernière). Un programme de nettoyage n’en est pas pour autant devancé; un tel programme peut fort bien nécessiter des autorisations spéciales, et même la poursuite partielle des actuelles opérations de décharge jusqu’à la mise en ÷uvre d’un projet de nettoyage ne saurait être considérée comme justifiée pour ce motif.
Selon l’appelant, les intérêts en présence n’ayant pas été convenablement pesés, la conclusion s’avère erronée; cela vaudrait à la fois pour les municipalités qui seront à l’avenir privées de leurs installations de décharge, et pour l’appelant qui serait condamné à la faillite. S’agissant des municipalités, d’une part l’appelant ne peut pas juridiquement représenter leurs intérêts (dans la mesure où il s’agit de tiers), d’autre part il est clair que le danger que représentent les déchets déversés menace un nombre de personnes beaucoup plus grand, comme il ressort du fait bien connu qu’en raison de sa taille, le bassin de Mitterndorf sert de réservoir d’eau potable. Les mêmes considérations d’intérêt général s’appliquent à l’encontre des intérêts financiers d’un particulier. D’ailleurs, l’autorité défenderesse n’a pas, comme le soutient l’appelant, méconnu ces considérations, puisque la décision entreprise dit notamment `que l’intérêt général à assurer la fourniture d’eau potable l’emporte sur l’intérêt économique à poursuivre l’exploitation de la décharge’. Il est également faux que la question du blâme pour le déversement de déchets prohibés ait eu une incidence sur le retrait de l’autorisation car la révocation concernait l’autorisation et donc l’exploitation de la décharge telle qu’autorisée jusqu’alors.
L’appelant se plaint également de n’avoir pas été informé du nom de l’ingénieur hydraulicien officiellement désigné comme expert lorsque l’autorité défenderesse a fait état de cette expertise dans sa communication (Vorhalt) du 18 mars 1987. L’appelant n’a cependant pas démenti l’observation, faite dans la décision attaquée, selon laquelle son conseil avait appris le nom de l’expert en consultant la totalité du dossier le 22 avril 1987. L’appelant, connaissant `l’original’ de l’expertise en question (il y renvoie dans son recours), a bien dû savoir la date exacte de l’expertise, qui ne figurait pas dans la communication de la défenderesse. L’appelant critique en outre le même expert au motif que son avis ne renfermait aucun `constat de fait’, question déjà évoquée dans sa réponse à la communication de la défenderesse. La manière dont cette question a été traitée dans la décision entreprise est précisée dans l’exposé des faits. L’avis technique donné dans la procédure d’appel consistait en une expertise sur les mêmes faits que ceux sur lesquels l’autorité de première instance avait fondé sa décision; cette appréciation technique en appel visait précisément - à la lumière du recours de l’appelant - à éclaircir la question de savoir si la situation factuelle (identique pour l’essentiel en première instance et en appel) devait conduire à la qualification juridique donnée par le gouverneur; il ne s’agissait pas d’apprécier des faits modifiés ou sensiblement complétés. C’est pourquoi il était inutile que l’expert désigné par la défenderesse exposât lui-même, à nouveau, les faits pris comme base. Dans une affaire comme le cas d’espèce, il est difficile de concevoir qu’on dise ne pas connaître les faits sur lesquels s’est fondé l’avis de l’expert ou qu’on doive de nouveau renvoyer particulièrement à la manière dont ils se sont produits. Par `documents de tierces parties’ (Fremdakten) - terme utilisé à plusieurs reprises dans le rapport de l’expert - on entend d’habitude, comme il est facile de le déduire du contexte, des documents qui n’ont pas été établis par l’autorité elle-même (en l’occurrence la défenderesse); les questions traitées concernant toujours la décharge en question, il est clair qu’il s’agissait de documents sur le régime des eaux, émanant d’autorités autres que la défenderesse et concernant le site de la décharge. Quant à la critique faite expressément par l’appelant - l’expert n’aurait pas indiqué clairement ce qu’il entendait par `les abus constatés’ -, il est à noter que ce passage est suivi d’une explication plus détaillée, renvoyant notamment au non-respect de la décision du 21 septembre 1972 et de la condition no 9 figurant dans la décision du 30 juillet 1973, donc aux événements ayant conduit, le 16 mai 1983, à la révocation par le gouverneur de l’autorisation de déverser des résidus de distillation. Toutes les remarques à ce sujet n’ont cependant guère eu d’incidence sur le retrait de l’autorisation, car l’expert ne les a faites qu’en liaison avec ses observations générales sur la nécessité de définir précisément les déchets si l’on voulait contrôler efficacement ce qui était déversé. Une réponse distincte à la question - posée dans les observations en réponse à la communication de la défenderesse et réitérée dans le présent appel - de savoir s’il avait été tenu compte du fait que, sur le sol de la partie orientale de la décharge, se trouvait une masse d’ordures ménagères compressées d’environ 18 mètres d’épaisseur, ne paraît pas aux yeux de la Cour d’une importance décisive s’agissant du retrait de l’autorisation empêchant dorénavant les décharges. En effet, comme l’expose en détail le présent appel, on peut admettre `indiscutablement à présent’ que `sous une couche de 15 à 18 mètres d’épaisseur d’ordures ménagères très compressées, des milliers de fûts contenant très probablement de dangereux solvants non autorisés ont été déversés là’ et que le terrain doit être nettoyé - ce qui interdit tout déversement ultérieur.
L’appelant se plaint de l’absence, dans le rapport de l’expert, d’autres détails sur l’importance du bassin de Mitterndorf pour l’alimentation en eau et a estimé insuffisantes les références aux `avis d’experts dans des documents de tierces parties’ et à la `littérature spécialisée’. Il suffit de souligner, en premier lieu, les règlements édictés par l’autorité défenderesse dès 1969 (Gazette fédérale - Bundesgesetzblatt - no 126), qui définissent l’aire de conservation des eaux souterraines sur la périphérie de laquelle la décharge est située. Par ailleurs - en réponse à la critique de l’appelant - c’est à juste titre que la décision attaquée renvoie au fait que l’importance de la zone est bien connue. En effet, le rapport d’enquête établi par l’Agence de protection de l’environnement (Umweltschutzanstalt) et daté du 17 février 1987 - selon lequel l’échantillon prélevé le 22 octobre 1986 dans la nappe phréatique a montré, notamment, que la teneur en hydrocarbone chloré avait encore diminué - n’a nullement influencé l’expertise sur ce point; l’expert le confirme dans une note. Il faut se souvenir à cet égard que l’analyse ne se fondait que sur un seul échantillon et le qualifiait simplement de `meilleur’ que le prélèvement antérieur. Même l’appelant n’en déduit pas que cela aurait montré le caractère inoffensif de la partie orientale (dangereuse) du site. L’expert a estimé que, si l’autorisation demeure en vigueur, continuer à utiliser la décharge ne saurait améliorer la qualité de la nappe phréatique. L’objection soulevée par l’appelant, selon laquelle il n’y a pas infiltration des eaux au travers d’une couche d’ordures ménagères `compressée sur 18 mètres d’épaisseur’, est incompréhensible. Etant donné que ces déchets sont censés exister sur la partie est de la décharge, ne serait-ce que pour ce motif, il n’est pas déraisonnable d’empêcher de nouveaux déversements conformes à l’autorisation en révoquant celle-ci vu la nécessité - que même l’appelant mentionne - de nettoyer le site. On peut dès lors en conclure qu’à cet égard les lacunes de fait qui, selon l’appelant, vicieraient l’expertise n’existent pas en fait.
L’appelant a également tort de soutenir qu’il n’aurait fallu retirer l’autorisation qu’après une procédure spéciale de recours dans laquelle l’autorité d’appel aurait procédé à sa propre investigation des faits. Ceux sur lesquels le gouverneur s’est fondé sont exposés en détail dans la décision rendue en première instance. Les lacunes alléguées ont été examinées soit lors de la procédure d’appel, soit dans l’actuel recours. Aux deux stades cependant, l’appelant a partiellement invoqué des faits n’ayant rien à voir avec la question de la révocation.
La Cour ne souscrit pas non plus à la thèse de l’appelant selon laquelle l’expertise technique menée dans la première procédure d’appel serait viciée parce qu’elle contiendrait des arguments juridiques. En effet, la partie `définition des déchets, contrôle du déversement’ examine d’abord simplement les clauses de la décision [octroyant l’autorisation] désormais révoquée et mentionne ensuite l’applicabilité de la loi sur les substances vénéneuses en liaison avec les observations techniques concernant les agents contaminants de l’eau, avec cette réserve (`(...) à vérifier par l’organe du régime des eaux (...)’); la question de savoir s’il était absolument essentiel de révoquer l’autorisation ou si l’on pouvait remédier aux défauts constatés au regard de l’article 33 par. 2 de la loi de 1959 sur le régime des eaux y est traitée d’un point de vue exclusivement technique; l’observation finale sur la question est au demeurant reproduite de manière inexacte dans l’appel dans la mesure où l’expert souscrit à la révocation à la lumière des exigences économiques et non pas juridiques. Contrairement à ce que soutient l’appelant, l’expert n’avait pas préjugé de l’appréciation juridique à laquelle se livrerait l’autorité défenderesse.
L’appelant se plaint en outre de ce que la défenderesse n’a pas sollicité, comme il l’aurait fallu, d’autres expertises. Il renvoie dans ses moyens à des solutions de rechange autres que la révocation et à un avis donné le 29 avril 1986 par l’ingénieur hydraulicien désigné comme expert par le gouverneur. Il déduit de cet avis d’expert que si l’on avait approuvé les mesures qu’il envisageait, on aurait pu éviter le retrait de l’autorisation; dans cet avis cependant, l’expert suggérait qu’il fallait examiner `la question de la révocation de l’autorisation accordée par décision du gouverneur, ON 14’ (c’est-à-dire la décision de 1973) `car d’importantes hypothèses sur lesquelles [était] fondée la délivrance de l’autorisation’ s’étaient révélées fausses. Il se plaçait pour ce faire, d’une part, dans l’hypothèse de `dangers qui, si l’on applique le principe mieux vaut prévenir que guérir’, excluaient de `continuer les déversements’ - (et il précisait que même le déversement d’ordures ménagères accroissait sans nul doute le risque `de manière sensible en termes quantitatifs’) et, d’autre part, sur la base des faits. L’expertise citée, qui va exactement dans le sens de ce qui a été ultérieurement décidé - en dernier lieu par l’autorité défenderesse -, n’était pas par conséquent la base qui convenait pour obtenir, comme demandé, d’autres expertises. Et même si, dans ce contexte, les moyens d’appel font référence au rapport d’expert soumis dans la procédure du régime des eaux du 18 novembre 1986 à l’appui de l’idée que `la variante du restockage’ (destruction des `déchets accumulés dans la portion est’ de la partie occidentale de la décharge), que l’appelant avait proposée comme solution de rechange au retrait de l’autorisation, était `techniquement faisable’, cela ne contribue guère - vu notamment les nombreuses discussions qui avaient déjà eu lieu, à en croire les documents administratifs - à montrer que les enquêtes complémentaires, tenues pour inutiles dans la décision entreprise, sont en réalité nécessaires.
Enfin, la Cour ne saurait accepter la thèse de l’appelant selon laquelle une audience aurait dû avoir lieu dans le but précis d’examiner la question d’une révocation de l’autorisation; d’une part, la loi ne prévoit pas de débats à cet effet - l’appelant lui-même le concède - et, d’autre part, les questions relatives à un nettoyage de la décharge ont été examinées sous une foule d’angles différents (très récemment encore dans la procédure du 18 novembre 1986 qui a précédé le retrait de l’autorisation par l’autorité de première instance) et c’est pourquoi il n’a pas été démontré que ‘les faits portés devant l’appelant fussent tellement lacunaires que la tenue d’une audience’ aurait dû être considérée comme ‘inévitable’ (article 66 paras. 2 et 3 de la loi de 1950 sur la procédure administrative générale).
L’appelant n’a par conséquent pas réussi à montrer que le retrait de l’autorisation était fondé sur des motifs qui n’étaient pas objectifs et donc entaché d’irrégularité.
Il échet dès lors, conformément à l’article 42 par. 1 de la loi sur la Cour administrative, de rejeter l’appel pour défaut de fondement.
La Cour décide, conformément à l’article 39 par. 2 (6) de la loi précitée, de se dispenser de l’audience demandée.
II.   LE DROIT INTERNE PERTINENT
A. Article 90 par. 1 de la Constitution fédérale
14.   L’article 90 par. 1 de la Constitution fédérale est ainsi libellé:
"Les débats en matière civile et pénale devant la juridiction de jugement sont oraux et publics. La loi prévoit les exceptions à cette règle."
B. Recours devant la Cour administrative
15.   Selon l’article 130 de la Constitution fédérale, la Cour administrative connaît, notamment, des requêtes alléguant l’illégalité d’un acte administratif.
16.   Conformément à l’article 36 de la loi sur la Cour administrative, la procédure consiste pour l’essentiel en un échange de mémoires. Si l’une des parties le demande, la Cour administrative peut tenir une audience qui est, en principe, publique (articles 39 par. 1 (1) et 40 par. 4).
17.  L’article 41 par. 1 de ladite loi est ainsi libellé:
"Dans la mesure où la Cour administrative ne relève aucune irrégularité résultant de l’incompétence de l’autorité défenderesse ou de violations de règles de procédure (article 42 par. 2 (2 et 3) (...), elle examine la décision attaquée en se fondant sur les faits constatés par ladite autorité et dans la limite des griefs soulevés (...). Si elle estime que des motifs, non encore révélés à l’une des parties, peuvent être déterminants pour statuer sur [l’un de ces griefs] (...), elle entend les parties à ce sujet et, au besoin, suspend l’instance."
18.   L’article 42 par. 1 de la même loi stipule que, sauf disposition contraire, la Cour rejette la demande pour défaut de fondement ou annule la décision contestée.
19.   Aux termes de l’article 42 par. 2,
"La Cour administrative annule la décision attaquée, si celle-ci est illégale
1. par son contenu, [ou]
2. en raison de l’incompétence de l’autorité défenderesse, [ou]
3. à cause d’un vice de procédure résultant de ce
a) que l’autorité défenderesse a tenu pour établis des faits qui, sur un point capital, se trouvent démentis par le dossier, ou
b) qu’il échet de les compléter sur un tel point, ou
c) que l’autorité défenderesse a méconnu des règles de procédure dont le respect aurait pu l’amener à prendre une décision différente."
20.   Selon l’article 63 par. 1 de la loi sur la Cour administrative, si la Cour annule la décision querellée, "l’administration est tenue (...) en utilisant les moyens légaux à sa disposition, de s’assurer sans délai, que dans le cas d’espèce, la situation juridique corresponde à l’opinion juridique (Rechtsanschauung) exprimée par la Cour administrative".
C. Débats devant la Cour administrative
21.  Aux termes de l’article 39 par. 2 de la loi sur la Cour administrative:
"Nonobstant la demande d’une partie (...), la Cour administrative peut renoncer à tenir une audience si:
6. il ressort des mémoires soumis par les parties à la procédure devant elle et des dossiers des procédures antérieures qu’une audience ne contribuera sans doute pas à éclaircir l’affaire."
D. Débats devant la Cour constitutionnelle
22.   L’article 144 par. 2 de la Constitution fédérale se lit ainsi:
"La Cour constitutionnelle peut (...) refuser l’examen d’un recours s’il n’offre pas de chance suffisante de réussir ou si l’on ne peut attendre de l’arrêt qu’il résolve une question de droit constitutionnel. Elle ne peut refuser son examen lorsqu’il s’agit d’une affaire que l’article 133 exclut de la compétence de la Cour administrative."
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
23.   M. Fischer a saisi la Commission le 11 mai 1990. Il invoquait l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention pour n’avoir pu faire entendre sa cause devant un "tribunal" conforme à cette disposition ni bénéficié d’une audience sur la question de la révocation de son autorisation de mise en décharge.
24.   La Commission a retenu la requête (no 16922/90) le 8 septembre 1992. Dans son rapport du 9 septembre 1993 (article 31) (art. 31), elle conclut:
- qu’il n’y a pas eu violation du droit du requérant à faire entendre sa cause par un tribunal au sens de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) (douze voix contre une);
- qu’il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en raison de l’absence de débats devant la Cour administrative (unanimité);
- qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en raison de l’absence de débats devant la Cour constitutionnelle (douze voix contre une).
Le texte intégral de l’avis de la Commission, et des deux opinions séparées dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt3.
CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR PAR LE GOUVERNEMENT
25.   Le Gouvernement invite la Cour à "dire que l’article 6 (art. 6) de la Convention n’a pas été violé en l’espèce".
EN DROIT
I.   SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 6 PAR. 1 (art. 6-1) DE LA CONVENTION
26.   Le requérant allègue une violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, ainsi libellé:
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)"
Ses griefs ont trait au droit d’accès à un tribunal doté de la plénitude de juridiction et à l’absence complète de débats tout au long de la procédure.
A. Sur le droit d’accès à un tribunal
27.   M. Fischer soutient qu’aucun des organes saisis dans le cadre de la procédure querellée ne peut passer pour un "tribunal" au sens de l’article 6 par. 1 (art. 6-1). Il en irait ainsi non seulement de la Cour constitutionnelle, dont le contrôle se limite aux questions de droit constitutionnel, mais surtout de la Cour administrative.
28.   La Cour réitère que, s’agissant de décisions sur "des droits et obligations de caractère civil", l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention commande de soumettre les décisions prises par des autorités administratives ne remplissant pas elles-mêmes les exigences de cette disposition (art. 6-1), au contrôle ultérieur "d’un organe judiciaire de pleine juridiction" (arrêt Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A no 58, p. 16, par. 29, et, en dernier lieu, arrêt Ortenberg c. Autriche du 25 novembre 1994, série A no 295-B, pp. 49-50, par. 31).
29.   Avec le requérant et la Commission, la Cour admet que la Cour constitutionnelle autrichienne n’a pas la compétence exigée (arrêt Zumtobel c. Autriche du 21 septembre 1993, série A no 268-A, p. 13, par. 30, et arrêt Ortenberg précité, p. 50, par. 32). Elle se borne à vérifier la conformité de la décision administrative avec la Constitution. Elle peut même refuser d’examiner le bien-fondé d’un grief si "on ne peut attendre de l’arrêt qu’il résolve une question de droit constitutionnel" (paragraphe 22 ci-dessus).
30.   S’agissant du contrôle exercé par la Cour administrative, le requérant l’estime insuffisant aux fins de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) puisqu’elle ne pourrait examiner que les points de droit, pas les faits. Cette juridiction serait en effet une sorte de Cour de cassation, n’ayant pas compétence sur les questions de fait. Ce ne serait que très rarement qu’elle s’autoriserait à compléter les faits établis par l’autorité administrative, même lorsque celle-ci n’a pas recueilli des éléments de preuve importants.
31.   Selon la Commission, si les arrêts de la Cour administrative expriment généralement un contrôle des décisions administratives plutôt que des conclusions de fait sur chaque point en litige, cela ne signifie pas qu’en l’espèce la Cour se considérait comme limitée dans son pouvoir de contrôler les faits.
De surcroît, la Cour administrative aurait pu annuler, pour illégalité, la décision de l’administration et imposer sa propre opinion sur les faits (paragraphe 20 ci-dessus). En l’espèce, la décision du ministère de l’Agriculture et des Forêts en date du 20 juillet 1987, qui confirmait la révocation du 5 décembre 1986, aurait dès lors été soumise au contrôle d’un tribunal doté de la compétence que requiert l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
32.   Le Gouvernement souscrit à l’avis de la Commission et ajoute que rien n’indique que l’administration ait exercé en l’espèce un quelconque pouvoir discrétionnaire. Du reste, la Cour administrative aurait examiné dans le détail la totalité des griefs du requérant. Cela étant et l’affaire présentant plus d’analogies avec l’affaire Zumtobel (déjà citée) qu’avec l’affaire Obermeier c. Autriche (arrêt du 28 juin 1990, série A no 179), le contrôle exercé répondrait aux exigences de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
33.   La Cour européenne se borne autant que faire se peut à examiner les questions concrètes dont elle est saisie. Elle doit dès lors décider du seul point de savoir si, dans les circonstances de la cause, l’étendue de la compétence de la Cour administrative répond aux exigences de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
34.   La Cour note d’emblée que - le Gouvernement l’a souligné et le requérant ne l’a pas contesté - la décision de révoquer l’autorisation de mise en décharge, à l’origine de la présente affaire, comme cela était le cas aussi dans l’affaire Zumtobel (déjà citée, p. 13, par. 31), ne s’analyse pas "en un acte purement discrétionnaire de l’administration". Il n’appartient pas à la Cour de juger de la qualité des rapports d’expert sur lesquels se fondait le retrait de l’autorisation. La Cour a la conviction que la décision administrative en question s’appuyait sur des critères objectifs ne laissant qu’une liberté d’appréciation assez limitée. A cet égard, le cas d’espèce se distingue de l’affaire Obermeier (déjà citée, p. 23, par. 70).
S’agissant de l’argumentation du requérant relative aux pouvoirs limités de la Cour administrative d’examiner des questions de fait et de recueillir de nouvelles preuves, rien ne permet à la Cour de penser que de telles limitations soient en jeu ici. Comme il ressort de l’abondante motivation de son arrêt (paragraphe 13 ci-dessus), la Cour administrative a examiné point par point tous les moyens présentés par le requérant sur le fond, sans jamais se voir contrainte de décliner sa compétence pour y répondre ou pour établir les faits.
Vu la nature concrète des griefs de M. Fischer et l’ampleur de l’examen qu’appelaient ces griefs, le contrôle exercé par la Cour administrative sur la décision querellée répondait aux exigences de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
B. Sur l’absence de débats
35.   Le requérant reproche ensuite à la Cour administrative et à la Cour constitutionnelle d’avoir refusé de tenir une audience. Pour lui, la réserve dont l’Autriche a assorti l’article 6 (art. 6) de la Convention ne s’applique pas en l’espèce ou, dans le cas contraire, n’est pas valide parce que ne répondant pas aux exigences de l’article 64 (art. 64) de la Convention.
1. Sur la réserve autrichienne
36.   La réserve autrichienne à l’article 6 (art. 6) est ainsi libellée:
"Les dispositions de l’article 6 (art. 6) de la Convention seront appliquées dans la mesure où elles ne portent atteinte, en aucune façon, aux principes relatifs à la publicité de la procédure juridique énoncés à l’article 90 de la Loi fédérale constitutionnelle dans sa version de 1929." (paragraphe 14 ci-dessus)
37.  L’article 64 (art. 64) de la Convention dispose:
"1. Tout Etat peut, au moment de la signature de la (...) Convention ou du dépôt de son instrument de ratification, formuler une réserve au sujet d’une disposition particulière de la Convention, dans la mesure où une loi alors en vigueur sur son territoire n’est pas conforme à cette disposition. Les réserves de caractère général ne sont pas autorisées aux termes du présent article (art. 64).
2. Toute réserve émise conformément au présent article (art. 64) comporte un bref exposé de la loi en cause."
38.   Selon le requérant, la réserve ne s’applique pas aux audiences devant la Cour administrative ni devant la Cour constitutionnelle, deux juridictions spécialisées dont le contrôle porte avant tout sur des questions de légalité et de constitutionnalité sans procéder à un examen complet des affaires dont elles sont saisies. Ces organes ne relèveraient pas de la catégorie des tribunaux civils et pénaux traditionnels qu’envisage la réserve. Sinon, cela signifierait que la réserve se prêterait à différentes interprétations et n’aurait pas été rédigée avec la "précision et [la] clarté" requises par l’article 64 par. 1 (art. 64-1). Cette conclusion, estime M. Fischer, concorde avec l’arrêt rendu par la Cour européenne dans l’affaire Belilos c. Suisse (arrêt du 29 avril 1988, série A no 132, p. 26, par. 55).
Au demeurant, la réserve ne serait pas valide au regard de l’article 64 par. 2 (art. 64-2), faute de contenir un exposé de la loi en cause.
39.  Le Gouvernement met en parallèle le cas d’espèce et les affaires Ringeisen c. Autriche (arrêt du 16 juillet 1971, série A no 13) et Ettl et autres c. Autriche (arrêt du 23 avril 1987, série A no 117), dans lesquels la Cour a dit que la réserve s’appliquait aux procédures devant une juridiction traitant de questions de droit administratif. Selon lui, même si l’article 90 de la Constitution fédérale ne se réfère qu’aux affaires "en matière civile et pénale", la réserve vaut également pour les affaires dont est saisie la justice administrative lorsqu’elle doit trancher des questions de "droits de caractère civil" au sens de la jurisprudence de la Convention. On pourrait arriver à la même conclusion en recherchant quelle était l’intention du gouvernement fédéral au moment où il a formulé la réserve.
Le Gouvernement fait valoir en outre que si, en 1982, l’on a ajouté l’article 39 par. 2 (6) de la loi sur la Cour administrative, sa portée n’est cependant pas plus vaste - d’un point de vue téléologique - que celle des dispositions correspondantes en vigueur en 1958. Dans tous les cas et quoique pour des raisons différentes, la Cour administrative pouvait refuser de tenir une audience qui, dans certaines circonstances, n’aurait qu’un intérêt purement "académique".
40.  Il reste dès lors à déterminer si, vu le libellé de la réserve et les conditions prescrites par l’article 64 (art. 64) de la Convention, ladite réserve couvre le pouvoir de refuser une audience conféré à la Cour administrative par l’article 39 par. 2 (6) de la loi y afférente.
41.   La Cour relève tout d’abord que cet article est entré en vigueur en 1982, alors que l’Autriche a ratifié la Convention et formulé la réserve en question en 1958. Or selon l’article 64 par. 1 (art. 64-1), seules les lois "alors en vigueur" sur le territoire de l’Etat peuvent faire l’objet d’une réserve.
La Cour ne voit pas comment l’article 39 par. 2 (6) et les dispositions en vigueur au moment de la formulation de la réserve pourraient, comme le soutient le Gouvernement, passer pour des dispositions identiques en substance. Comme le souligne à juste titre la Commission, l’introduction du paragraphe 2 (6) a de fait considérablement élargi le pouvoir de la Cour administrative de refuser de tenir des débats. En 1958, les motifs de refus étaient liés à des affaires mettant en jeu des questions de forme ou de procédure ou dans lesquelles devait être prise une décision, favorable à l’appelant, portant annulation d’une décision administrative. Le motif ajouté en 1982 permet dorénavant à la Cour administrative, après examen des mémoires et d’autres documents versés au dossier, de refuser de tenir des débats pour des raisons touchant au fond de l’affaire, dans des cas où l’appel pourrait être rejeté.
La Cour en conclut que le grief du requérant tiré de l’absence de débats devant la Cour administrative ne saurait échapper à son contrôle du fait de la réserve précitée, la disposition sur laquelle se fondait le refus d’audience n’étant pas en vigueur à la date de la formulation de la réserve.
42.   Compte tenu de cette conclusion, la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner la validité de la réserve au regard des autres conditions prescrites par les paragraphes 1 et 2 de l’article 64 (art. 64-1, art. 64-2) de la Convention, ni de rechercher si la réserve peut se lire comme s’appliquant aux procédures de justice administrative telles que celles en jeu ici.
2. Sur l’observation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention
43.   Il reste à examiner si, en l’espèce, l’article 6 par. 1 (art. 6-1) conférait au requérant le droit à une audience. Comme indiqué plus haut (paragraphe 29 ci-dessus), seule la procédure devant la Cour administrative est en cause. En effet, les autres autorités ayant examiné le grief du requérant, notamment la Cour constitutionnelle, ne sauraient être considérées comme des tribunaux dotés de la plénitude de juridiction au sens de l’article 6 (art. 6).
44.   La pratique de la Cour administrative autrichienne est de ne pas entendre les parties, à moins que l’une ou l’autre ne le demande (paragraphe 16 ci-dessus). Contrairement à ce qui s’est passé dans l’affaire Zumtobel, M. Fischer a expressément invité la Cour administrative à tenir des débats. L’audience lui a été refusée au motif qu’elle n’aiderait guère à éclaircir l’affaire (paragraphe 21 ci-dessus). Il n’est dès lors pas question pour le requérant d’avoir renoncé à ce droit.
Au surplus, il ne semble pas y avoir eu de circonstances exceptionnelles pouvant justifier la dispense d’audience. La Cour administrative était le premier et le seul organe judiciaire saisi par M. Fischer; elle était en mesure d’examiner le bien-fondé des griefs exposés et son contrôle portait non seulement sur des questions de droit, mais aussi sur d’importantes questions de fait. Cela étant et vu l’importance de la procédure en question pour l’existence même de l’entreprise de décharge de M. Fischer, la Cour estime que le droit du requérant à ce que sa cause soit "entendue publiquement" comportait le droit à une "audience publique" (arrêt Fredin c. Suède (no 2) du 23 février 1994, série A no 283-A, p. 10, par. 21).
Le refus de tenir une audience publique a constitué dès lors une violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
II.   SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 (art. 50) DE LA CONVENTION
45.   L’article 50 (art. 50) de la Convention est ainsi libellé:
"Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."
A. Préjudice matériel
46.  Le requérant évalue à 7 737 000 francs français, au total, le dommage matériel résultant du retrait illégal de son autorisation de mise en décharge. Il renvoie aux justificatifs produits devant la Commission.
D’après le Gouvernement, la Cour ne saurait accorder une réparation en spéculant sur le point de savoir quelle aurait été l’issue de la procédure si des débats avaient eu lieu.
A l’audience, le délégué de la Commission s’est interrogé sur l’existence d’un lien suffisant de causalité entre la violation alléguée et le préjudice en résultant.
47.   La Cour marque son accord: elle ne saurait spéculer sur l’issue de la procédure si une audience avait eu lieu devant la Cour administrative. Il échet dès lors d’écarter la demande.
B. Frais et dépens
48.   M. Fischer réclame en outre 874 272,37 schillings autrichiens (ATS) pour les frais et dépens exposés lors des procédures qu’il a menées tant devant les juridictions internes que devant les institutions de Strasbourg.
Le Gouvernement fait valoir que seules pourraient être prises en compte les procédures menées devant la Cour administrative - où la violation aurait été commise - et devant les organes de la Convention. Il conteste en outre la base de calcul des honoraires d’avocat. Selon lui, un montant total de 140 000 ATS constituerait une indemnisation raisonnable pour tous les frais et dépens exposés.
Le délégué de la Commission soutient que si, comme celle-ci, la Cour ne devait retenir que l’un des deux griefs, cela devrait se traduire dans le montant de la réparation accordée.
49.  La Cour relève que, pour ce qui est des frais exposés dans la procédure interne, seuls doivent entrer en ligne de compte ceux qui ont trait à la demande de débats.
Compte tenu de ce que seul l’un des deux griefs déclarés recevables par la Commission a conduit à constater une violation de la Convention et vu les critères énoncés dans sa jurisprudence, la Cour, statuant en équité comme le requiert l’article 50 (art. 50) de la Convention, accorde au requérant la somme de 200 000 ATS au titre des frais et dépens.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1.   Dit, par huit voix contre une, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, s’agissant du grief du requérant selon lequel il n’a pas pu porter sa cause devant un "tribunal";
2.   Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, s’agissant de l’absence d’audience publique devant la Cour administrative;
3.   Dit, à l’unanimité, que l’Autriche doit verser au requérant, dans les trois mois, la somme de 200 000 (deux cent mille) schillings autrichiens au titre des frais et dépens;
4.   Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 26 avril 1995.
Rolv RYSSDAL
Président
Herbert PETZOLD
Greffier
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51 par. 2 (art. 51-2) de la Convention et 53 par. 2 du règlement A, l’exposé des opinions séparées suivantes:
- opinion concordante de M. Matscher;
- opinion séparée de M. Martens ;
- opinion concordante de M. Jambrek.
R. R.
H. P.
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE MATSCHER
1. J’ai voté avec la majorité des membres de la chambre pour la violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) du fait que la Cour administrative s’était passée d’une audience orale et publique. Néanmoins, je tiens à souligner ce qui suit:
J’apprécie l’oralité et la publicité de la procédure dans la mesure où elles ont la valeur d’une garantie procédurale; je n’y tiens nullement lorsqu’elles dégénèrent en un pur rite (ou en une cérémonie) ou lorsqu’elles sont réclamées dans des buts qui n’ont rien à voir avec une garantie procédurale.
Comme exemple du premier aspect d’une oralité superflue, je voudrais mentionner la lecture des arrêts de notre Cour (article 55 par. 2 du règlement A) au petit matin devant une salle vide et généralement en la seule présence d’un fonctionnaire de la Commission et d’un représentant du Gouvernement qui doivent s’y rendre par égard pour la Cour.
Le deuxième aspect auquel j’ai fait mention peut reposer sur des motifs différents:
- l’utilisation de l’oralité et de la publicité comme expédient pour proclamer auprès du grand public des idées politiques ou autres qui n’ont que peu à voir avec l’affaire sub judice, c’est-à-dire de transformer l’audience devant le tribunal en une scène pour un débat idéologique. Il y a nombre d’exemples de cela, soit en procédure interne soit en ce qui concerne les audiences devant notre Cour;
- la référence (formellement légitime) au défaut d’oralité et de publicité au sens de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) pour obtenir un constat de violation dans une affaire qui d’ailleurs ne démontre aucun manquement aux exigences de la Convention; de cela aussi il y a de nombreux exemples dans notre jurisprudence;
- la demande d’une audience - en principe non obligatoire d’après la procédure applicable - devant une juridiction nationale, en premier lieu afin de pouvoir réclamer pour l’audience des honoraires d’avocat qui, dans une affaire comportant une somme en litige élevée, peuvent être importants, même si les audiences de ce genre se résument à une pure formalité, durant quelques minutes, sans qu’il y ait même l’amorce d’un vrai débat; de cela il existe également de nombreux exemples dans la pratique des cours d’appel et suprêmes nationales.
Or, sous aucun de ces aspects, l’oralité et la publicité n’ont le caractère d’un vraie garantie procédurale digne de protection.
2. La chambre est arrivée au constat de violation en donnant une interprétation extrêmement restrictive à la portée de la réserve autrichienne relative à l’article 6 (art. 6). Cela est conforme à la tendance de la Cour, inaugurée par l’arrêt Belilos c. Suisse du 29 avril 1988 (série A no 132), de restreindre la portée des réserves et des déclarations interprétatives, voire même de les éliminer dans la mesure du possible. Du point de vue du droit international, cette pratique me paraît fort discutable étant donné que l’article 64 (art. 64) autorise expressément les Etats à formuler des réserves, même si la Convention assortit celles-ci de certaines conditions. Or les Etats contractants qui ont apposé de telles réserves à un article de la Convention ou de l’un de ses Protocoles l’ont fait de bonne foi en faisant confiance à l’interprétation de certaines clauses de la Convention qui prévalait à l’époque de la ratification, et ils ne pouvaient pas prévoir l’évolution progressive à venir de la jurisprudence. De cette manière, une grande partie des réserves et des déclarations interprétatives est devenue obsolète ou, pour le dire autrement, la confiance réciproque a été trahie.
Revenons au cas d’espèce: pour les matières judiciaires classiques, le droit autrichien ménage un équilibre raisonnable entre procédure orale/publique et procédure écrite; pour sauvegarder cette situation, la République d’Autriche a formulé une réserve à l’article 6 (art. 6) en limitant naturellement celle-ci aux affaires judiciaires classiques. Elle ne pouvait pas prévoir qu’à la suite de la jurisprudence évolutive des organes de la Convention, de nombreuses matières administratives et disciplinaires qui, d’après la jurisprudence dominante à l’époque ne tombaient pas sous le coup de l’article 6 (art. 6), seraient comprises dans celui-ci.
En ayant ainsi égard à la confiance réciproque à laquelle je viens de faire allusion, pendant un certain temps la Cour a considéré comme couvertes par la réserve autrichienne les procédures administratives qui, dorénavant, tombent sous le coup de l’article 6 (art. 6) (voir, par exemple, les arrêts Ringeisen c. Autriche du 16 juillet 1971, série A no 13, pp. 40-41, par. 98, et Ettl et autres c. Autriche du 23 avril 1987, série A no 117, p. 19, par. 42). Or cette voie, que je voudrais qualifier de sage, ne semble plus être suivie. En disant cela, je ne méconnais pas le fait qu’en l’espèce la motivation de l’arrêt peut être considérée comme correcte, puisque l’oralité et la publicité de la procédure en question ont été formellement restreintes par la nouvelle rédaction que l’article 39 par. 1 de la loi sur la procédure devant la Cour administrative a reçue en 1982, donc après le dépôt de la réserve.
3. Le résultat en sera que le législateur autrichien devra modifier l’article 39 par. 2 afin de rendre obligatoire une audience orale et publique toutes les fois qu’une partie l’aura demandée. Le tout rendra les procédures devant la Cour administrative plus longues et plus coûteuses sans offrir aucune garantie procédurale supplémentaire aux parties.
4. Néanmoins, dans un esprit de solidarité avec mes collègues, et avec hésitation, j’ai voté pour un constat de violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en ce qui concerne le manquement d’oralité et de publicité dans la procédure devant la Cour administrative.
OPINION SEPAREE DE M. LE JUGE MARTENS
(Traduction)
1. L’affaire est née de la révocation en 1986 par le gouverneur de Basse-Autriche d’une autorisation en vertu de laquelle le requérant exploitait une décharge. L’intéressé, dont les moyens de subsistance sont en jeu, a contesté cette révocation par les procédures administratives qui lui étaient offertes. Nul ne conteste que l’article 6 (art. 6) de la Convention s’applique à ces procédures. La question en cause devant la Cour est celle de savoir si cet article (art. 6) a été violé et à quel degré.
I. LE VERWALTUNGSGERICHTSHOF EST-IL UN TRIBUNAL AU SENS DE L’ARTICLE 6 (art. 6) DE LA CONVENTION?
A. INTRODUCTION
2. Il est indéniable que le point litigieux, de loin le plus important en l’espèce - tant en général que pour le requérant - est celui de savoir si le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) doit être considéré comme un tribunal au sens de l’article 6 (art. 6) de la Convention. En répondant à cette question par l’affirmative (paragraphe 34 de son arrêt), la Cour a manifestement suivi son arrêt Zumtobel c. Autriche du 21 septembre 1993 (série A no 268-A) et son arrêt Ortenberg c. Autriche du 25 novembre 1994 (série A no 295-B) (paragraphe 32 de l’arrêt).
Je n’ai pas été membre des chambres qui ont rendu ces arrêts et j’ai le regret de ne pouvoir souscrire à la jurisprudence qu’ils consacrent (ci-après: la jurisprudence Zumtobel).
3. L’affaire du requérant rentre dans la catégorie grandissante mais toujours problématique des procédures qui ont, en droit interne, un caractère purement administratif, alors qu’elles passent au regard de la Convention pour déterminer des droits de caractère civil ou des accusations pénales. Depuis l’arrêt qu’elle a rendu le 23 juin 1981 dans l’affaire Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique (série A no 43), la Cour a constamment déclaré qu’il n’est pas incompatible avec la Convention que les première et deuxième phases (s’il existe une deuxième phase) de cette procédure soient menées devant des organes administratifs ne répondant pas aux exigences de l’article 6 (art. 6), à condition que l’individu puisse ultérieurement faire contrôler la décision finale rendue par ces organismes par un tribunal présentant les garanties prescrites par cette disposition4.
Nul ne conteste que ni le gouverneur (Landeshauptmann) de Basse-Autriche - qui a pris la décision initiale de révoquer l’autorisation de mise en décharge accordée aux requérants - ni le ministre fédéral de l’Agriculture et des Forêts (Bundesminister für Land- und Forstwirtschaft) qui a rejeté le recours administratif formé par le requérant contre la décision initiale - ne répondaient aux exigences de l’article 6 (art. 6) et que, dès lors, le point décisif est celui de savoir si le Verwaltungsgerichtshof - devant lequel le requérant s’est pourvu contre la décision du ministre - remplit, lui, les conditions.
La divergence entre la Cour et moi-même porte, d’une part, sur la méthode permettant de déterminer si la Cour administrative présente les conditions requises d’un "tribunal" au sens de l’article 6 (art. 6) (paragraphes 15-18 ci-dessous) et, d’autre part, sur le résultat de cette recherche (paragraphes 19-21).
4. Avant d’entrer dans le détail de cette divergence et d’expliquer pourquoi je ne peux souscrire à la jurisprudence Zumtobel, je relève que le requérant n’a pas invoqué d’autre motif de mettre en doute le point de savoir si le Verwaltungsgerichtshof réunit les conditions requises d’un "tribunal" au sens de l’article 6 (art. 6), autre que l’étendue du pouvoir de contrôle.
B. CONSIDERATIONS GENERALES
5. Les deux arrêts évoqués au paragraphe 2 ci-dessus ont été rendus à l’unanimité. Cependant, ce n’est pas seulement par déférence pour la Cour que j’estime que la jurisprudence Zumtobel exige un examen approfondi. C’est aussi parce que je crains qu’elle ne concerne pas seulement la Cour administrative d’Autriche, mais aussi qu’elle n’affecte d’une manière générale la catégorie des procédures susmentionnées (paragraphe 3). C’est tout particulièrement à cause de ce dernier aspect des choses que je me sens obligé de m’inscrire en faux contre elle.
Je propose tout d’abord de formuler quelques observations générales sur les conséquences de l’applicabilité de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) dans le domaine du droit administratif et, deuxièmement, d’analyser la jurisprudence de la Cour sur la notion de "tribunal" au sens de cette disposition.
1. Conséquences de l’applicabilité de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) au domaine du droit administratif
6. Il est indéniable qu’en élargissant progressivement le champ d’application de l’article 6 (art. 6) au domaine de la procédure administrative, la Cour suscite problèmes et tensions puisque la procédure administrative a ses traditions et ses exigences, souvent contraires aux impératifs de la Convention. Nul doute qu’en choisissant cette ligne de conduite pour s’y tenir, la Cour était parfaitement consciente de ces problèmes, mais elle était manifestement aussi animée par la conviction que l’une des exigences de la prééminence du droit est que ce type de conflit entre particuliers et administration (évoqué ci-dessus au paragraphe 3) doit, en dernier ressort, être tranché par le judiciaire. Je rappelle sa déclaration fondamentale dans l’arrêt Klass5:
"[La prééminence du droit] implique, entre autres, qu’une ingérence de l’exécutif dans les droits d’un individu soit soumise au contrôle efficace que doit normalement assurer, au moins en dernier ressort, le pouvoir judiciaire car il offre les meilleures garanties d’indépendance, d’impartialité et de procédure régulière."
En conséquence, les problèmes ne peuvent jamais se résoudre ni les tensions s’atténuer au détriment de l’essence même de la protection à laquelle l’individu a droit en vertu de l’article 6 par. 1 (art. 6-1). La Cour l’a confirmé lorsque, dès le début de la jurisprudence évoquée au paragraphe 3, elle a bien indiqué qu’il faut certes tenir compte des traditions et impératifs susmentionnés, mais seulement dans la mesure où cela est compatible avec une protection efficace des droits de l’individu au regard de la Convention6.
7. Il s’ensuit que, dans le cadre des procédures administratives relevant de l’article 6 (art. 6) aussi, il faut ménager un juste équilibre entre des intérêts contradictoires, à savoir, d’une part, protéger l’individu et, d’autre part, laisser à l’exécutif une liberté d’action suffisante.
C’est ici que nous nous heurtons aux problèmes et aux tensions évoqués ci-dessus au paragraphe 6. En essayant de trouver le point d’équilibre, il ne faudrait pas méconnaître que certaines de ces tensions et problèmes résultent d’idées depuis longtemps déjà dépassées par l’évolution de la doctrine et de la pratique juridiques, par exemple la séparation stricte entre administration et justice7. On peut valablement supposer que, dans les Etats membres, la doctrine et la pratique juridiques sont généralement favorables à l’acceptation d’un "contrôle effectif" de l’exécutif par le judiciaire (voir l’arrêt Klass, paragraphe 6 ci-dessus), contrôle qui ne se borne pas toujours à la légalité des actes administratifs, mais peut parfois inclure des questions d’opportunité. Dans ce contexte, il n’est pas sans importance de constater que tous les Etats membres ont à présent accepté un contrôle ultime de la part du mécanisme des institutions de la Convention, essentiellement judiciaires par nature. Ce contrôle par une juridiction internationale doit aider à en finir avec les relents de la vieille théorie selon laquelle l’administration n’a pas de comptes à rendre à la justice8.
D’autre part, un bref coup d’oeil à la littérature comparée9 indique clairement qu’il existe des domaines où il est impératif que les juridictions administratives puissent laisser au pouvoir exécutif une liberté de manoeuvre suffisante. Je songe à ceux où des questions hautement techniques ou d’importantes affaires de diplomatie sont déterminantes et où les autorités peuvent légitimement garder le secret même vis-à-vis des tribunaux. Si jamais une retenue de la justice s’impose, c’est bien en pareils domaines.
8. Voilà qui m’amène à un autre aspect de cet exercice de recherche de l’équilibre: il faut sans doute tenir compte de l’objet particulier de la procédure en question. Dans un autre contexte, la Cour a déjà indiqué que le domaine considéré a son importance, s’agissant notamment du niveau de précision avec lequel une loi confère un pouvoir d’appréciation à la puissance publique: elle doit en fixer la portée10. De même, il paraîtrait acceptable que, dans une procédure administrative, la portée du contrôle par le juge administratif varie -dans une certaine mesure - en fonction du domaine particulier de l’affaire en cause. Je rappelle à cet égard que, dans certains domaines, la Cour elle-même laisse à l’Etat une marge d’appréciation plus large que dans d’autres.
Cette idée se retrouve de manière probante dans les arrêts rendus par la Cour le 8 juillet 1987 dans les affaires O., H., W., B. et R. c. Royaume-Uni11. Dans ces arrêts, la Cour a déclaré que les pouvoirs des tribunaux anglais étaient insuffisants pour répondre pleinement à la condition posée par l’article 6 par. 1 (art. 6-1), à savoir que le tribunal doit jouir de la compétence nécessaire pour examiner l’affaire au fond12.
En l’espèce, l’objet de la procédure était le droit de visite d’un parent à son enfant placé à l’assistance. Les parents pouvaient demander un contrôle judiciaire. Néanmoins, saisis d’une telle demande, les tribunaux ne contrôlaient pas le bien-fondé de la décision, mais se bornaient à s’assurer, en bref, que l’autorité n’avait pas agi de manière illégale, déraisonnable ou inique13. "Dans un cas comme celui-ci", déclara la Cour, l’article 6 par. 1 (art. 6-1) exige que les parents puissent "faire contrôler la décision de l’autorité locale par un tribunal compétent pour connaître du fond du problème".
L’importance de cet arrêt ne peut s’apprécier que si on le compare avec celui rendu dans l’affaire AGOSI14. Dans ce dernier cas, il s’agissait d’une confiscation et la Cour a estimé que les pouvoirs des tribunaux anglais saisis d’une demande de réparation en justice étaient suffisants pour satisfaire aux exigences de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1). A présent, pour concilier ces deux arrêts, il faut supposer soit que les exigences de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1) sont d’une rigueur moindre que celles de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) - chose plutôt improbable - soit que la différence de domaine induit la différence de résultat. Si - comme il semblerait - cette dernière proposition est exacte, on peut supposer que la Cour exigerait le pouvoir d’exercer un contrôle plénier dans tous les cas où la procédure, quoique ressortissant par nature au droit administratif interne, concerne directement des droits relevant de l’article 8 (art. 8) de la Convention, ou lorsque, plus généralement, il s’agit manifestement bien moins d’intérêt général que d’intérêts particuliers. On pourrait voir un exemple de cette deuxième catégorie dans l’affaire Obermeier (voir note 1) dont l’objet était le droit, pour un handicapé, de n’être congédié qu’en cas de licenciement socialement justifié.
Ces exemples donnent à penser que certains domaines peuvent exiger, quant à l’étendue des pouvoirs du tribunal, des conditions plus rigoureuses que ce n’est généralement admissible dans le domaine du droit administratif examiné ici: en pareils cas, le tribunal aura évidemment le pouvoir d’annuler la décision administrative et de vider le conflit. J’ai tendance à penser que l’effet inverse n’a pas lieu d’être, à savoir le domaine particulier conduisant à des exigences moins strictes que ce n’est généralement accepté. Quoi qu’il en soit, je répète que même s’il existe des tolérances selon les caractéristiques propres à la procédure administrative en cause, elles ne doivent jamais aller jusqu’à compromettre l’essence même des garanties (art. 6) protégeant l’individu15.
9. Enfin, je rappelle qu’à plusieurs reprises, le Comité des Ministres a souligné l’importance d’assurer, dans le domaine du droit administratif, une protection uniforme de l’individu pour tous les Etats membres16. La Cour a exprimé une idée analogue s’agissant du principe d’égalité de traitement (récemment dans ses arrêts Salesi c. Italie et Schuler-Zgraggen c. Suisse17). Cela signifie, d’une part, que, dans l’exercice de recherche d’équilibre susmentionné, il faut veiller à ne pas accorder un poids excessif à des particularités et traditions locales en fait d’organisation de la justice administrative et, d’autre part, qu’il faut traiter les Etats à égalité. Je rappelle à cet égard, par exemple, que l’arrêt Benthem c. Pays-Bas18 a obligé ces derniers à réorganiser complètement leur système de justice administrative19, tout comme une série d’arrêts a forcé la Suède à en faire autant. D’autres Etats ne devraient pas prétendre qu’ils ne sont pas tenus de supporter des conséquences analogues de l’élargissement progressif par la Cour de la portée de l’article 6 (art. 6), en matière de procédure administrative, aussi inattendue que soit l’évolution de la jurisprudence20. Il ne faut pas les laisser s’abriter derrière leur Constitution mais, le cas échéant, les obliger à modifier leur Constitution pour s’acquitter de leurs obligations au regard de la Convention21.
2. Analyse du principe de "plénitude de juridiction" posé par la Cour
10. Pour en venir à l’analyse annoncée au paragraphe 5, je rappelle d’abord que l’obligation de faire décider d’une contestation par un "tribunal" est l’une des composantes de la garantie accordée à l’individu par l’article 6 par. 1 (art. 6-1)22.
Dans sa jurisprudence évoquée ci-dessus au paragraphe 3, la Cour a dit clairement que l’obligation de permettre à l’individu de faire contrôler par un "tribunal", au sens de l’article 6 (art. 6), la décision ultime prise par l’administration signifie que la compétence23 dudit tribunal doit être de nature à lui permettre de se prononcer24 sur toutes les questions en jeu, qu’elles soient de fait ou de droit25. Résumant cette exigence dans son arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède26 du 23 septembre 1982, la Cour a dit que l’individu avait le droit de faire entendre sa cause par
"un tribunal jouissant de la plénitude de juridiction". _______________ 20.
11. Or l’une des conditions pour être un "tribunal" au sens de l’article 6 (art. 6) étant qu’il soit "établi par la loi", il n’est guère douteux pour moi que, lorsque la Cour évoque la juridiction ou la compétence du "tribunal" en question, elle se réfère à cette même notion et, par conséquent, fait allusion à la compétence prévue par la loi établissant ce "tribunal". Dès lors, cette loi - telle qu’elle a été interprétée par les tribunaux internes, bien sûr - doit servir de point d’appui pour vérifier si les pouvoirs du tribunal en question sont ou non suffisants.
12. Ce que l’on entend par questions de droit peut à première vue paraître clair27, mais ce peut l’être moins si l’on tient compte de ce qu’on appelle les "normes floues" auxquelles nos législateurs ont souvent recours, en droit administratif notamment. Contrôler l’application de ces règles pose dès lors, tout juriste familier des procédures de cassation le sait bien, de délicats problèmes de délimitation, car une telle application a indéniablement une composante factuelle. Dans le présent contexte, toutefois, ces nuances peuvent être laissées de côté puisque la Cour a précisé que le "tribunal" doit avoir compétence pour trancher à la fois les questions de droit et de fait. Cela signifie de toute évidence qu’en principe, le "tribunal" doit être en mesure de contrôler pleinement l’application de normes floues. "En principe", puisque cette application peut être liée à des questions d’appréciation de faits qui relèvent, elles, du "pouvoir discrétionnaire" de l’administration (voir paragraphe 7 ci-dessus, et paragraphe 13 ci-dessous)28.
13. Pour les besoins de l’exposé29, les questions de fait peuvent se diviser en deux catégories au moins:
1) des questions sur les faits: le "tribunal" doit avoir toute latitude pour tenir compte de tous les faits qu’il juge pertinents30 pouvoir aussi apprécier ces faits une fois établis31 ou non et, sinon, être compétent pour recueillir des éléments de preuve;
2) des questions d’appréciation des faits.
Ici - tout particulièrement avec "l’appréciation des faits" - nous touchons une question sensible car nous entrons dans le domaine du "pouvoir discrétionnaire" de l’administration. La condition selon laquelle le "tribunal" doit avoir "plénitude de juridiction" suppose- t-elle qu’il lui faut avoir compétence pour contrôler pleinement toutes les appréciations portées par l’administration sur les faits?
J’ai la conviction qu’il faut répondre par l’affirmative à cette question fondamentale.
Bien entendu - je l’ai dit (voir plus haut, paragraphe 7) - il est impératif de s’assurer que le pouvoir exécutif dispose d’une liberté de manoeuvre convenable. Cela ne justifie pas de restreindre la compétence du "tribunal" sur les "questions de fait". Il suffit d’admettre que le "tribunal" peut s’exercer à la modération si nécessaire. Comme exposé plus haut au paragraphe 8, il peut y avoir dans ce domaine des cas exceptionnels où, compte tenu de l’objet de la procédure en question, le "tribunal" doit pleinement contrôler même toutes les appréciations des faits portées par le pouvoir exécutif, mais en règle générale, le "tribunal" doit s’imposer des limites sur les questions d’opportunité32. Toutefois, cette retenue du juge présuppose sa compétence dans ce domaine. Seul un "tribunal" doté de la plénitude de juridiction peut décider, sur les mérites de chaque affaire, de la question de savoir si et jusqu’où il doit exercer son obligation de retenue.
Le législateur réduisant généralement la compétence du "tribunal" pour ce qui est des questions de fait, on peut comparer la situation du tribunal à celle d’un homme qui doit se battre le bras ligoté dans le dos. Le tribunal constatera parfois qu’il ne peut tout simplement pas exercer son contrôle sur le point de savoir si l’acte administratif attaqué est légal sans, dans une certaine mesure, entrer dans des questions de fait. Pour illustrer cette idée, j’essaierai de rappeler qu’en règle générale la Cour ne contrôle pas les constats de fait établis par les tribunaux nationaux, mais se réserve le droit de le faire lorsque ce contrôle est indispensable au bon exercice de sa mission33. Or ce qui est en jeu ici, c’est la recherche de l’équilibre susmentionné entre la protection de l’individu - qui exige un contrôle plénier - et la liberté d’action convenable à laisser à l’exécutif. Cette recherche d’équilibre est beaucoup trop subtile et dépend beaucoup trop de la catégorie à laquelle appartient l’objet de chaque affaire pour être laissée au législateur; la prééminence du droit suppose de la laisser au pouvoir judiciaire qui doit avoir le dernier mot.
Ce point de vue est conforme à l’esprit de la jurisprudence de la Cour qui, prise globalement, justifie la conclusion: 1) que l’une des idées de base dont procède la Convention est que l’individu doit bénéficier d’une protection efficace contre l’arbitraire et 2) que ceci suppose que le pouvoir judiciaire contrôle même, jusqu’à un certain point, des appréciations qui relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’administration.
Pour la première proposition, il suffit de renvoyer par exemple aux arrêts Silver et autres34, Malone35, Leander36, Olsson (no 1)37, Chappell38, Eriksson39, Kruslin40 et Herczegfalvy41.
Quant à la seconde, il faut relever premièrement que, déjà dans l’arrêt inaugurant la jurisprudence que nous examinons, la Cour exigeait que le "tribunal" soit compétent pour examiner une question aussi typiquement "discrétionnaire" que celle de savoir s’il y a "proportionnalité entre faute et sanction"42. En outre, dans son arrêt Obermeier, la Cour a estimé que ne constituait pas un contrôle réel l’examen par le juge des appréciations discrétionnaires faites par l’administration, s’il se limite à rechercher si celle-ci a commis un excès de pouvoir - plus exactement: si elle a usé de son pouvoir discrétionnaire d’une manière compatible avec l’objet et le but de la loi pertinente. Par contre, la Cour n’a pas indiqué quel contrôle elle aurait jugé suffisant. Il se peut que l’affaire relève, à son avis, de la catégorie susmentionnée ou que, compte tenu de l’objet de la procédure, seul suffise un contrôle plénier sur le fond43. Cette hypothèse n’est cependant pas nécessaire pour comprendre la conclusion de la Cour: au vu des arrêts tels que Pudas44, Allan Jacobsson45, Mats Jacobsson46 et Skärby47, on peut très bien se douter que, dans l’affaire Obermeier, elle aurait jugé le contrôle satisfaisant si le "tribunal" avait pu en outre examiner en procédant à leur appréciation, non seulement si l’administration avait dépassé ses pouvoirs, mais aussi si elle avait dûment respecté "les principes juridiques et administratifs généralement reconnus"48.
14. Une dernière question qui mérite attention est le genre de décision que doit rendre le "tribunal". Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu’à son avis le pouvoir de mener une procédure à terme en prenant une décision contraignante sur toutes les questions dont il a été saisi constitue une condition essentielle pour être un "tribunal" au sens de l’article 6 (art. 6)49.
Sur la teneur d’une telle décision dans le domaine que nous étudions, deux autres remarques me paraissent indiquées.
Premièrement: il découle des considérations précédentes que le recours au "tribunal" doit être un recours de novo: l’individu ne bénéficie d’un procès équitable50 que si le tribunal a compétence pour réexaminer complètement la décision initiale, autrement dit, il doit avoir le pouvoir de s’imposer des limites quant aux décisions et appréciations qui sont le fait du pouvoir exécutif et qui, selon lui, devraient être utilement laissées à sa discrétion. Cependant, même ici, le tribunal doit avoir compétence pour contrôler au moins si les autorités ont dûment respecté "les principes juridiques et administratifs généralement reconnus".
Deuxièmement: la question n’a pas été tranchée de savoir si le "tribunal" doit être habilité à régler l’affaire lui-même ou s’il suffit qu’il puisse casser la décision administrative en en laissant le règlement final à l’administration. Il va sans dire que la protection de l’individu est mieux assurée lorsque le "tribunal" dispose du premier pouvoir mais il faut reconnaître que conférer ce pouvoir à la justice heurte une tradition ancienne et profondément enracinée dans bon nombre d’Etats membres. Quoi qu’il en soit, il découle - à mon avis - de l’arrêt AGOSI51 rendu par la Cour, que cette dernière possibilité ne cadre avec les principes sous-tendant la jurisprudence susdite que si l’administration, en vidant finalement le différend, exerce son pouvoir discrétionnaire dans les limites fixées par la décision du "tribunal"52. _______________ 48.
C. OBJECTIONS D’ORDRE METHODOLOGIQUE
15. Après avoir indiqué dans les paragraphes précédents comment la Cour, sur la base de sa jurisprudence d’avant Zumtobel, aurait dû décider de ces affaires, j’en viens à présent à la divergence de points de vue entre la Cour et moi-même quant à la méthode suivie pour décider si le Verwaltungsgerichtshof répond aux conditions essentielles pour être un "tribunal" au sens de l’article 6 (art. 6).
C’est une caractéristique fondamentale de la jurisprudence Zumtobel que la Cour refuse simplement de trancher la question une fois pour toutes, mais proclame qu’elle ne le fera qu’au cas par cas ("dans les circonstances de la cause")53. Ma première objection d’ordre méthodologique s’inscrit en faux à la fois contre ce refus et contre l’argument sur lequel il se fonde.
16. Ce refus de trancher la question une fois pour toutes est (simplement) fondé sur le principe posé par la Cour selon lequel elle "doit se limiter, autant que possible, à traiter la question soulevée par le litige pendant devant elle".
A mon avis, cette jurisprudence n’est rien de plus qu’une regrettable pétition de principe. En effet, aucune disposition de la Convention n’oblige ainsi la Cour à décider strictement au cas par cas. Cette restriction que s’est imposée la Cour était peut-être une politique de sagesse lorsqu’elle a entamé sa carrière, mais elle n’est plus indiquée54. Développer ainsi une jurisprudence au coup par coup aboutit nécessairement à des incertitudes concernant aussi bien la portée exacte de chaque arrêt que le contenu précis de la jurisprudence de la Cour. D’où la nécessité d’ajouter des commentaires et la possibilité pour des arrêtistes de spéculer, ce qui ajoute encore à l’incertitude. C’est à juste titre que la Cour a l’habitude de souligner que c’est d’abord aux autorités nationales qu’incombe la protection des droits et libertés au regard de la Convention. Il lui faut cependant se souvenir que le revers de la médaille est que les autorités nationales sont obligées de rechercher des directives dans sa jurisprudence. Aussi est-elle tenue de veiller à ce que cette jurisprudence réponde exactement aux mêmes normes de clarté, de précision et de prévisibilité, qui est l’aune à laquelle la Cour mesure généralement les législations des Etats membres en matière de droits et de libertés.
17. De surcroît, je ne vois pas comment l’incertitude juridique, ainsi créée par le refus de la Cour de décider une fois pour toute si le Verwaltungsgerichtshof répond aux conditions exigées d’un "tribunal", peut se concilier avec sa vieille jurisprudence qui, selon moi, véhicule clairement l’idée que la compétence dudit "tribunal" doit s’apprécier sur la base des dispositions de la loi qui l’institue (voir paragraphe 11 ci-dessus).
18. Ma deuxième objection à la jurisprudence Zumtobel concerne ses critères d’appréciation du point de savoir si "dans les circonstances de la cause", la compétence du Verwaltungsgerichtshof répond aux prescriptions de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
Je dis "critères" car il y en a deux: le premier est celui de savoir si la question à trancher dans le cas d’espèce s’analyse en "un acte purement discrétionnaire de l’administration"55. Le second - qui ne doit entrer en jeu que si la réponse après application du premier est négative - est celui de savoir si, dans le cas d’espèce, la Cour administrative a pu examiner tous les moyens présentés par le requérant "point par point, sur le fond, sans jamais se voir contrainte de décliner sa compétence pour y répondre ou pour établir les faits".
Une première remarque: ce deuxième critère est, dans une certaine mesure, irrationnel, peut-être même injuste, puisqu’il ne tient pas compte du fait que lorsque - comme ici - les pouvoirs de contrôle d’un tribunal sont assortis de restrictions prévues par la loi, les juristes avisés éviteront bien entendu d’exposer des moyens à l’égard desquels ledit tribunal devra décliner sa compétence.
Un second inconvénient, encore plus grave selon moi, est que les deux critères obligent la Cour à procéder à un examen délicat et très minutieux à la fois du dossier et des dispositions pertinentes de la législation autrichienne56. Il n’est nullement facile de déterminer si la question à trancher en l’espèce concerne une question qui s’analyse "en un acte purement discrétionnaire de l’administration". Et la tâche consistant à vérifier si, dans l’affaire dont la Cour est saisie, la Cour administrative a été en mesure d’examiner tous les moyens exposés par le requérant "point par point, sur le fond, sans jamais se voir contrainte de décliner sa compétence pour y répondre ou pour y établir les faits" est chose encore plus délicate. De toute manière, cela exige un examen de tout le dossier57 qui ne peut raisonnablement être pratiqué que par un juriste expérimenté, totalement au fait du droit autrichien, de la pratique juridique autrichienne et du type du contentieux. A mes yeux, cela seul suffit déjà à condamner la jurisprudence Zumtobel.
D. OBJECTION D’ORDRE MATERIEL
19. Mon objection matérielle est que l’application de la jurisprudence Zumtobel a conduit la Cour à conclure que la compétence de la Cour administrative dans la présente affaire, comme dans les affaires mentionnées ci-dessus au paragraphe 2, répondait aux exigences de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, alors qu’à mon avis cette compétence - lorsqu’on l’évalue convenablement, c’est-à-dire en fonction des principes exposés ci-dessus aux paragraphes 5 à 14 sur la base des dispositions légales pertinentes - ne répond pas à ces exigences.
20. Il est peut-être important de relever que ni le présent arrêt ni ceux mentionnés au paragraphe 2 ci-dessus ne contiennent (une traduction de) toutes les dispositions légales pertinentes pour s’assurer de l’ampleur de la compétence du Verwaltungsgerichtshof.
Ce qui manque ici, c’est une référence aux articles 129 a) et 130 de la Constitution fédérale. L’article 129 a) précise que la Cour administrative a essentiellement pour tâche de s’assurer de la régularité (Gesetzmässigkeit) des actes de l’administration. En conséquence, l’article 130 par. 1 lui donne compétence pour connaître notamment des griefs alléguant l’illégalité (Rechtswidrigkeit) d’une décision administrative58. Le paragraphe 2 de cette disposition précise cependant qu’il ne saurait être question d’illégalité dans la mesure où la loi s’abstient de prescrire des règles contraignantes quant à l’attitude des autorités et leur laisse le soin de régler elles-mêmes leur comportement et que lesdites autorités ont usé de leur faculté discrétionnaire conformément à l’objet et au but de la loi59. Ces dispositions combinées indiquent clairement que, même s’agissant de ce que l’on appelle généralement des points de droit, la Cour administrative autrichienne ne jouit pas de la plénitude de juridiction puisqu’elle ne peut que de manière très restrictive contrôler un pouvoir discrétionnaire qui limite gravement ses propres compétences, pour ce que l’on appelle les règles floues (voir paragraphe 12 ci-dessus).
21. Les articles 41 et 42 de la loi sur la Cour administrative (Verwaltungsgerichtshofsgesetz)60 renferment des restrictions à la compétence de cette juridiction sur les points de fait. Mon propos n’est pas d’analyser ces délicates dispositions ni de les commenter sinon en disant qu’elles ne permettent pas du moins de se faire facilement une idée exacte du contrôle qu’exerce la Cour administrative à cet égard. Rien d’étonnant dès lors à ce que leur signification exacte et - ce qui est plus important en l’occurrence - le point de savoir si ce contrôle est suffisant au regard des exigences de l’article 6 par. 1 (art. 6-1), font l’objet de controverses dans les ouvrages spécialisés de droit autrichien. Dans la procédure devant la Cour européenne, en effet, les deux parties ont cité d’éminents auteurs qui étayent leurs points de vue respectifs61.
Le Gouvernement s’est fondé sur un essai lucide et exhaustif de K. Ringhofer62, qui m’a beaucoup aidé pour en arriver à la conclusion ci-dessus. Cela parce que Ringhofer a démontré très nettement que, quelle que soit la portée exacte de la compétence du Verwaltungsgerichtshof, le pourvoi formé devant cette juridiction ne peut pas passer pour un recours de novo (voir paragraphe 14 ci-dessus). En effet, les dispositions légales pertinentes sont le résultat d’un compromis entre les exigences de la protection de l’individu et celles de la protection de la Cour administrative63. Le législateur s’est rendu compte que le Verwaltungsgerichtshof étant l’unique Cour administrative en Autriche, il était impossible de lui conférer la compétence de contrôler de novo tous les actes de l’administration, aussi désirable que puisse être cette compétence du point de vue de la protection des droits de l’individu. Le compromis a consisté à imposer que le pourvoi se fasse uniquement sur des points de droit - la Cour administrative étant en principe liée par l’établissement des faits de la part de l’administration - mais en autorisant certaines exceptions à ces principes. C’est précisément l’étendue de ces exceptions qui prête à controverse, mais même Ringhofer reconnaît que la compétence de la Cour administrative sur les points de fait est limitée64.
A mon avis, cela est décisif. En effet, l’un des éléments constitutifs essentiels de la protection que l’article 6 par. 1 (art. 6-1) accorde à l’individu impliqué dans un litige - concernant des droits et obligations de caractère civil - ou, à cet égard, faisant l’objet d’une accusation pénale65 est que "tous les aspects" de son litige avec l’administration doivent être décidés par un "tribunal". L’article 130 par. 2 de la Constitution et l’article 41 par. 1 de la loi sur la Cour administrative - qu’il ne faut pas séparer puisque (comme il découle de ce qui précède) ils sont clairement liés - empêchent que la Cour administrative ne prenne cette décision. Tel est le noeud du compromis ci-dessus. Mais les choses essentielles ne souffrent pas de compromis.
E. CONCLUSION
22. En résumé, ni la motivation ni le résultat de la jurisprudence Zumtobel ne sont, à mes yeux, acceptables. Comparée aux réalisations précédentes de la Cour dans le domaine étudié, la jurisprudence Zumtobel constitue manifestement un pas en arrière; il faut le regretter. La Cour a essayé de le dissimuler en évoquant sa théorie de "la plénitude de juridiction"66. J’espère que les considérations précédentes montrent clairement pourquoi, dans mon opinion, cette référence est de pure forme.
C’est pour cette raison que, tout d’abord, j’ai vainement exhorté à renvoyer la présente affaire devant une grande chambre, et qu’ensuite j’ai voté pour une violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en ce que la cause du requérant n’a pas été entendue par un tribunal au sens de cette disposition.
II. LA RESERVE AUTRICHIENNE
23. Il est un second problème sur lequel je veux exprimer mon opinion, même si j’ai voté avec la majorité. Je veux parler de la réserve autrichienne à l’article 6 (art. 6)67.
24. Il y avait, à mon avis, trois méthodes permettant de rejeter l’argument du Gouvernement fondé sur cette réserve:
a) dire que la réserve ne satisfait pas aux exigences de l’article 64 par. 2 (art. 64-2) tel que la Cour l’a interprété dans son arrêt Belilos c. Suisse68 et que, dès lors, elle n’est pas valide;
b) dire que la réserve ne s’applique pas aux procédures devant le Verwaltungsgerichtshof;
c) dire qu’elle ne s’applique pas au présent refus de débat opposé par le Verwaltungsgerichtshof.
25. Comme la Commission, la Cour a choisi la possibilité c)69. J’aurais quant à moi préféré la possibilité a).
A mon sens, en effet, la possibilité c) a un caractère assez artificiel. En la choisissant, on laisse entendre que la Cour voulait éviter les deux autres et pourrait une autre fois se laisser entraîner à trouver la réserve valide et applicable aux procédures devant le Verwaltungsgerichtshof. Après tout, comme le Gouvernement l’a souligné, la Cour a déjà par deux fois implicitement reconnu la validité de la réserve et en a donné une interprétation extensive, englobant également les procédures administratives70. Etant donné qu’à mon avis l’interprétation a fortiori de l’arrêt Ringeisen - suivie dans l’arrêt Ettl et autres - n’est plus possible maintenant que la Cour a déclaré (au paragraphe 59 de son arrêt Belilos) que les réserves doivent être interprétées stricto sensu, je n’aime pas laisser l’impression que la Cour pourrait être amenée à s’en tenir à cette vieille interprétation. D’autant moins que, selon moi, il découle de l’arrêt Belilos que la réserve n’est pas valide71. A cet égard, je partage totalement l’opinion de Mme Liddy, à laquelle je renvoie.
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE JAMBREK
(Traduction)
J’ai voté avec la majorité sur chacun des quatre points de l’arrêt de la Cour. J’estime toutefois que le principe énoncé au paragraphe 33 de celui-ci (la Cour européenne se borne autant que faire se peut à examiner les questions concrètes dont elle est saisie) ne doit être ni libellé ni appliqué d’une manière trop restrictive. Partant, la Cour européenne ne doit pas non plus hésiter à formuler ses constats en des termes plus généraux. A cet égard, je rappelle la qualification que la Cour a récemment donnée à la Convention: il s’agit d’un "instrument constitutionnel de l’ordre public européen" (arrêt Loizidou c. Turquie du 23 mars 1995, série A no 310, p. 24, par. 75). A mes yeux, un raisonnement qui ne se limiterait pas à l’objet et aux circonstances de l’affaire contribuerait davantage à la qualité de la jurisprudence de la Cour, au service de la Convention en tant qu’instrument constitutionnel vivant de l’ordre public européen. A cet égard, mes vues se rapprochent de l’objection méthodologique soulevée par M. le juge Martens au paragraphe 16 de son opinion séparée.
1 L'affaire porte le n° 52/1993/447/526.  Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
2 Le règlement A s'applique à toutes les affaires déférées à la Cour avant l'entrée en vigueur du Protocole n° 9 (P9) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole (P9).  Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à plusieurs reprises depuis lors.
3 Note du greffier: pour des raisons d'ordre pratique, il n'y figurera que dans l'édition imprimée (volume 312 de la série A des publications de la Cour), mais chacun peut s'en procurer copie auprès du greffe.
4 Pour les affaires concernant des droits et obligations de caractère civil, voir notamment les arrêts: Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A n° 58; O. c. Royaume-Uni du 8 juillet 1987, série A n° 120-A, pp. 27-28, par. 63; Belilos c. Suisse du 29 avril 1988, série A n° 132, p. 31, par. 70; Langborger c. Suède du 22 juin 1989, série A n° 155, p. 15, par. 30; Obermeier c. Autriche du 28 juin 1990, série A n° 179; Oerlemans c. Pays-Bas du 27 novembre 1991, série A n° 219, pp. 21-22, paras. 53-56; Beaumartin c. France du 24 novembre 1994, série A n° 296-B, pp. 62-63, par. 38, et, pour les affaires concernant des accusations pénales, voir notamment les arrêts: Öztürk c. Allemagne du 21 février 1984, série A n° 73, et Bendenoun c. France du 24 février 1994, série A n° 284.
5 Arrêt Klass et autres c. Allemagne du 6 septembre 1978, série A n° 28, pp. 25-26, par. 55.
6 Voir l'arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere (paragraphe 3 ci-dessus), p. 23, par. 51 a).
7 Ce dogme est cependant consacré par l'article 94 de la Constitution autrichienne, dans l'interprétation qu'en a donnée le Verffassungsgerichtshof; dans son arrêt du 14 octobre 1987 (EuGRZ 1988, pp. 166 et suiv.), elle a déclaré que, pour la Constitution autrichienne, la stricte séparation du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif est un principe fondamental.  Elle en a conclu qu'en raison de la Constitution, il est impossible d'introduire un système de procédure administrative à deux degrés.  Voir sur cet important arrêt notamment: W.L. Weh, EuGRZ 1988, pp. 438 et suiv.; Merli, ZaöRV 1988, pp. 251 et suiv.; Holoubek, Grund-und Menschenrechte in Österreich, pp. 73 et suiv.
8 Dans ce contexte, il faut également mentionner l'influence de la Cour de Justice des Communautés européennes; pour l'influence de sa jurisprudence sur la doctrine et la pratique juridiques internes: voir Schwartze, op. cit. (note 6), pp. 93 et suiv.
9 Voir notamment Ule, Verwaltungsprozeßrecht (Beck, München, 1987), pp. 408 et suiv.; The protection of the individual in relation to acts of administrative authorities (Council of Europe, 1975); Frowein, Festschrift für Felix Ermacora (1988), pp. 141 et suiv.; Banda, Adminstratief procesrecht in vergelijkend perspectief (Tjeenk Willink Zwolle, 1989); Bok, Rechtsbescherming in Frankrijk en Duitsland (Kluwer, Deventer, 1992); Schwartze, European Administrative Law (Sweet and Maxwell, London, 1992), pp. 97 et suiv.; Banda, Het onderzoek door de rechter, in: Ten Berge et alii, Nieuw Bestuursrecht (Kluwer, Deventer, 1992), pp. 99 et suiv.; Klap, Vage normen in het bestuursrecht (Tjeenk Willink, Zwolle, 1994).
10 Voir notamment les arrêts: Herczegfalvy c. Autriche du 24 septembre 1992, série A n° 244, p. 27, par. 89; Chorherr c. Autriche du 25 août 1993, série A n° 266-B, pp. 35-37, par. 25, et Vereinigung Demokratischer Soldaten Österreichs et Gubi c. Autriche du 19 décembre 1994, série A n° 302, pp. 15-16, par. 31.
11 Série A nos 120 et 121.
12 Voir, par exemple, série A n° 120, p. 28, par. 64.
13 Ibidem, p. 27, par. 63.
14 Arrêt AGOSI c. Royaume-Uni du 24 octobre 1986, série A n° 108.
15 Comme à mon avis il relève de l'essence de cette protection (art. 6) que le "tribunal" soit en mesure de se prononcer sur tous les aspects de l'affaire à partir de son propre examen des faits (voir, notamment, paragraphe 13 ci-dessous), je ne suis pas convaincu par l'argumentation développée par le Verfassungsgerichtshof autrichien dans l'arrêt cité à la note 4.  Selon cette argumentation quasi affective, dans la catégorie des affaires que nous étudions (voir plus haut, paragraphe 3), les conditions de l'article 6 (art. 6) seraient remplies même si le "tribunal" en question ne peut exercer qu'un contrôle limité, à condition que ce contrôle lui permette de se convaincre en substance que, finalement, la décision de l'administration était fondée en droit comme en fait.
16 Voir les recommandations nos R (77) 31 (28 septembre 1977), R (80) 2 (11 mars 1980) et R (89) 8 (13 septembre 1989).
17 Arrêt du 26 février 1993, série A n° 257-E, p. 59, par. 19, et arrêt du 24 juin 1993, série A n° 263, p. 17, par. 46.
18 Arrêt du 23 octobre 1985, série A n° 97.
19 Je ne peux pas m'empêcher de relever que cette réorganisation a conduit à introduire un système totalement nouveau et uniforme de procédure administrative fondé sur l'idée que la fonction première des règles de procédure administrative est de protéger l'individu; voir Daalder, De Groot et Van Breugel, De Parlementaire geschiedenis van de Algemene wet bestuursrecht, Tweede Tranche (Samsom H.D. Tjeenk Willink, Alphen aan den Rijn, 1994), pp. 174 et suiv. (par. 2.3), et pp. 460 et suiv. (Afd. 8.2.6).
20 Il incombe aux Etats contractants d'agencer leur système judiciaire de manière à lui permettre de répondre aux exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1): voir l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire De Cubber c. Belgique le 26 octobre 1984, série A n° 86, p. 20, par. 35.
21 Si, dans son arrêt évoqué note 4, le Verfassungsgerichsthof autrichien a voulu laisser entendre qu'en vertu de la réserve examinée aux paragraphes 23 et suiv. ci-dessous cela ne saurait être demandé à l'Autriche, elle se trompe.  La réserve n'est pas valide.
22 Voir l'arrêt De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique du 18 juin 1971, série A n° 12, p. 41, par. 78.
23 Voir l'arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere (paragraphe 3 ci-dessus), p. 23, par. 51.
24 Voir les arrêts Le Compte, Van Leuven et De Meyere, loc. cit.; Albert et Le Compte (note 1 ci-dessus), p. 16, par. 29.  Voir, en dernier lieu, pour le pouvoir de prendre une décision contraignante, l'un des éléments essentiels de la notion de tribunal au sens de l'article 6 (art. 6): les arrêts rendus par la Cour le 19 avril 1994 dans l'affaire Van de Hurk c. Pays-Bas (série A n° 288, p. 16, par. 45) et le 24 novembre 1994 dans l'affaire Beaumartin c. France (série A n° 296-B, pp. 62-63, par. 38).
25 Voir note 19.
26 Série A n° 52, p. 31, par. 87.
27 Ce point étant sans doute sans importance en l'espèce, je ne parlerai pas de l'intriguante question - pour autant que je sache, jamais explorée - de savoir si l'idée maîtresse de protection de l'individu suppose que le "tribunal" dispose obligatoirement du pouvoir d'appliquer la maxime jus curia novit, et par conséquent d'examiner d'office des questions de droit que les parties n'ont pas soulevées.
28 Il est intéressant de relever que, selon Bok (voir note 6), pp. 150, 193 et suiv., les tribunaux administratifs français et allemand estiment être habilités à contrôler pleinement l'application d'une norme floue établie par les autorités sans laisser place à un pouvoir discrétionnaire (sauf cas spéciaux).  Voir cependant aussi Klap (note 6), pp. 125 et suiv., et 250.
29 "Pour les besoins de l'exposé" car, de toute évidence, les deux catégories s'interpénètrent puisqu'un tribunal privé du pouvoir de tenir compte de faits autres que ceux sur lesquels s'est fondée l'administration, peut moins bien contrôler l'appréciation des faits, même s'il a, en principe, le pouvoir de procéder à un tel contrôle.
30 Là encore, je passe sur le point de savoir si et dans quelle mesure le "tribunal" - pour compenser l'écart de situation entre les parties et mieux protéger l'individu - doit avoir la faculté ou même être obligé d'essayer activement d'établir les faits pertinents.  Je note d'ailleurs qu'ici réside un autre problème assez difficile, celui de savoir si le tribunal doit contrôler ex tunc ou ex nunc: doit-il être autorisé à tenir compte des faits nouveaux ou non?  Je note seulement le problème en ajoutant que, pour le moment, j'incline à penser que les exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) supposent le pouvoir de contrôler ex nunc.  Voir sur le problème ex tunc/ex nunc: Teunissen in: Ten Berge et alii, Nieuw Bestuursrecht (Kluwer, Deventer, 1992), pp. 111 et suiv. (sur la question de l'article 6 (art. 6), pp. 126 et suiv.); Schueler, Vernietigen en opnieuw voorzien (Tjeenk Willink, Zwolle, 1994), pp. 215 et suiv.
31 Il doit avoir compétence pour "rectifier des erreurs de fait": voir l'arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere (paragraphe 3 ci-dessus).
32 C'est dans cette mesure - seulement - que je souscris à la jurisprudence Zumtobel: voir paragraphe 32 in fine de l'arrêt Zumtobel (paragraphe 2 ci-dessus).
33 Selon la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle allemande, lorsqu'est en jeu le droit à la liberté d'expression, on ne peut faire échec à une restriction inadmissible à ce droit que si la Cour constitutionnelle contrôle pleinement les appréciations portées sur les faits par les tribunaux de droit commun (voir BVerfGE 43,130 = EUGRZ 1977, pp. 109 et suiv.).  La Cour européenne a adopté la même méthode: voir, en dernier lieu, l'arrêt rendu par la grande chambre le 23 septembre 1994 dans l'affaire Jersild c. Danemark (série A n° 298), pp. 23-24, par. 31.  Voir également mon opinion concordante dans l'affaire Schwabe c. Autriche (série A n° 242-B, pp. 40 et suiv.) et le paragraphe 4 de mon opinion dissidente dans l'affaire Prager et Oberschlick c. Autriche (série A n° 313).
34 Silver et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 25 mars 1983, Série A n° 61, pp. 33-34, paras. 88-89.
35 Malone c. Royaume-Uni, arrêt du 2 août 1984, série A n° 82, p. 32, par. 67.
36 Leander c. Suède, arrêt du 26 mars 1987, série A n° 116, p. 23, par. 51.
37 Olsson c. Suède (n° 1), arrêt du 24 mars 1988, série A n° 130, p. 30, par. 61 c).
38 Chappell c. Royaume-Uni, arrêt du 30 mars 1989, série A n° 152-A, p. 24, par. 57.
39 Eriksson c. Suède, arrêt du 22 juin 1989, série A n° 156, pp. 24-25, paras. 59-62.
40 Kruslin c. France, arrêt du 24 avril 1990, série A n° 176-A, pp. 22-25, paras. 30-36.
41 Herczegfalvy c. Autriche, arrêt du 24 septembre 1992, série A n° 244, p. 27, par. 89.
42 Voir l'arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere (paragraphe 3 ci-dessus), p. 23, par. 51 in fine.
43 Voir paragraphe 8 ci-dessus.
44 Pudas c. Suède, arrêt du 27 octobre 1987, série A n° 125-A, p. 15, par. 34.
45 Allan Jacobsson c. Suède, arrêt du 25 octobre 1989, série A n° 163, p. 20, par. 69.
46 Mats Jacobsson c. Suède, arrêt du 28 juin 1990, série A n° 180-A, p. 13, par. 32.
47 Skärby c. Suède, arrêt du 28 juin 1990, série A n° 180-B, p. 37, par. 28.
48 Je songe à des principes comme par exemple l'égalité de traitement pour des cas analogues, la certitude juridique et la proportionnalité.
49 Voir, en dernier lieu, l'arrêt Van de Hurk c. Pays-Bas du 19 avril 1994, série A n° 288, p. 16, par. 45.  Afin d'éviter tout malentendu, j'ajouterais qu'à mon avis cette exigence ne signifie pas que la décision définitive du "tribunal" acquiert force de chose jugée au sens où il serait impossible, ou possible seulement dans des circonstances exceptionnelles, d'entamer une nouvelle procédure sur la même question; elle implique simplement que c'est le "tribunal" lui-même, et non une autre autorité, qui doit prendre la décision définitive.
50 Voir Robertson-Merills, Human Rights in Europe (Manchester University Press, Manchester and New York, 1993), p. 91.
51 AGOSI c. Royaume-Uni, arrêt du 24 octobre 1986, série A n° 108, p. 20, par. 58, lu en liaison avec la page 14, par. 38, dernier tiret.
52 A cet égard, le Verwaltungsgerichtshof répond aux conditions de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) puisqu'en vertu de l'article 63 de la loi sur la Cour administrative, lorsque le Verwaltungsgerichtshof a annulé une décision de l'administration, celle-ci doit en prendre une autre conforme à l'avis juridique donné par la Cour administrative et si elle ne le fait pas, la Cour peut elle-même prendre cette décision (voir l'arrêt du Verfassungsgerichtshof évoqué à la note 4).
53 Voir l'arrêt Zumtobel (paragraphe 2 ci-dessus), p. 14, par. 32, et le paragraphe 33 du présent arrêt.
54 Voir également mon opinion concordante dans l'affaire Fey c. Autriche, série A n° 255-A, p. 16, par. 1.
55 Arrêt Zumtobel (paragraphe 2 ci-dessus), p. 13, par. 31, et le paragraphe 34 du présent arrêt.  On peut se demander tout au moins si ce premier critère est convenablement formulé car, selon l'article 130 par. 1 de la Constitution fédérale (voir paragraphe 20 ci-dessous), le Verwaltungsgerichtshof ne peut plus exercer sa compétence dans la mesure où l'administration a fait usage de son pouvoir discrétionnaire.
56 Ou du droit des autres Etats membres puisqu'il est à craindre que la jurisprudence Zumtobel sera appliquée aux tribunaux administratifs de ces autres Etats.
57 Il en est ainsi parce que le critère suppose pour le moins que la Cour compare "point par point" les moyens exposés par le requérant devant la Cour administrative et l'arrêt rendu par cette dernière pour vérifier si tous ont reçu réponse.
58 Voir le paragraphe 15 du présent arrêt.
59 "Rechtswidrigkeit liegt nicht vor, soweit die Gesetzgebung von einer bindenden Regelung des Verhaltens der Verwaltungsbehörde absieht und die Bestimmung dieses Verhaltens der Behörde selbst überläßt, die Behörde aber von diesem freien Ermessen im Sinne des Gesetzes Gebrauch gemacht hat."
60 Voir paragraphes 17 et 18 du présent arrêt.
61 Aucune des parties n'a cependant cité L.K. Adamovich et B.-C. Funk, Allgemeines Verwaltungsrecht (3., neubearb. Aufl. Springer, Wien, New York, 1987), pp. 93-94, 449 et 453.  Je mentionne cet ouvrage parce que le premier auteur est le président de la Cour constitutionnelle autrichienne, précision qui donne toute son importance à ce que les auteurs écrivent qu'il y a doute (lassen es zweifelhaft erscheinen) sur le point de savoir si la compétence de la Cour administrative répond aux exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).  Ils mentionnent notamment le principe selon lequel la Cour administrative ne peut que casser une décision, c'est-à-dire qu'elle n'a qu'une compétence limitée pour réexaminer les faits (begrenzte Sachverhaltsprüfung) et également une possibilité limitée de contrôler les actes discrétionnaires de l'administration.  Ils ajoutent que des changements radicaux du système pourront s'avérer nécessaires.
62 K. Ringhofer, Der Sachverhalt im verwaltungsgerichtlichen Bescheidprüfungsverfahren, in: Festschrift zum 100-jährigen Bestehen des österreichischen Verwaltungsgerichtshofes, pp. 351-375.
63 Ringhofer, loc. cit., pp. 353, 358, et surtout 361-362.
64 Ringhofer, loc. cit., p. 363.  Dans son arrêt évoqué à la note 4, la Cour constitutionnelle autrichienne a essentiellement confirmé l'analyse de Ringhofer.  Elle a déclaré: "Toutefois, la Constitution n'autorise pas à abandonner le système du contrôle limité (das System der nachprüfenden Kontrolle) et à conférer au Verwaltungsgerichtshof le pouvoir de rendre (sur requête de l'une des parties) une décision contraignante dans toutes les questions administratives sur la base d'un examen nouveau et complet des faits (...).  Le Verwaltungsgerichtshof ne pourrait pas s'acquitter de cette tâche, ne serait-ce qu'en raison de son ampleur."
65 Dans un arrêt de la même date que celui évoqué à la note 4, la Cour constitutionnelle autrichienne a déclaré que, s'agissant des questions pénales (im Bereich des Strafrechts) "le contrôle purement limité (die bloß nachprüfende Kontrolle)" de la Cour administrative ne répond pas aux exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).  Il est intéressant de savoir (voir Merli (note 4), p. 257) que la Cour constitutionnelle en a ainsi décidé alors que le Gouvernement s'était appuyé, dans cette affaire aussi, sur l'analyse de Ringhofer (voir note 59): apparemment, cette analyse de son vice-président a moins impressionné la Cour constitutionnelle que la Cour européenne des Droits de l'Homme !
A mon sens, cet arrêt de la Cour constitutionnelle s'agissant d'affaires pénales est décisif puisqu'il n'y a pas de raison de distinguer entre les exigences d'un "tribunal" selon qu'il doit décider d'une accusation pénale ou de droits et obligations de caractère civil. Ce dernier point a été retenu par la Cour constitutionnelle: dans sa jurisprudence récente, la Cour administrative a appliqué sa théorie de l'insuffisance de sa compétence pour des procédures administratives qui, selon la Cour européenne, concernent des "droits et obligations de caractère civil" au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1), mais seulement si les droits en jeu peuvent être réputés appartenir à une catégorie spéciale dite de "droits essentiellement civils" (voir Holoubek, note 4).
66 Voir le paragraphe 28 du présent arrêt.
67 Voir le texte de la réserve du paragraphe 36 du présent arrêt.
68 Voir note 1.
69 Voir le paragraphe 41 de son arrêt.
70 Voir l’arrêt Ringeisen c. Autriche du 16 juillet 1971, série A no 13, p. 40, par. 98, et l’arrêt Ettl et autres c. Autriche du 23 avril 1987, série A no 117, p. 19, par. 42.
71 Ceci est aussi la doctrine dominante en Autriche: voir C. Grabenwarter, Juristische Blätter, Jg. 116, p. 107, par. 5.
MALONE v. THE UNITED KINGDOM JUGDMENT
ARRÊT FISCHER c. AUTRICHE
ARRÊT FISCHER c. AUTRICHE
ARRÊT FISCHER c. AUTRICHE
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE MATSCHER
ARRÊT FISCHER c. AUTRICHE
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE MATSCHER
ARRÊT FISCHER c. AUTRICHE
OPINION SEPAREE DE M. LE JUGE MARTENS
ARRÊT FISCHER c. AUTRICHE
OPINION SEPAREE DE M. LE JUGE MARTENS
ARRÊT FISCHER c. AUTRICHE
OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE JAMBREK


Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Non-violation de l'Art. 6-1 (droit d'accès) ; Violation de l'Art. 6-1 (publiquement) ; Dommage matériel - demande rejetée ; Remboursement frais et dépens - procédure nationale ; Remboursement frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 2-1) TRIBUNAL COMPETENT, (Art. 57) LOI ALORS EN VIGUEUR, (Art. 57) RESERVES, (Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL


Parties
Demandeurs : FISCHER
Défendeurs : AUTRICHE

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (chambre)
Date de la décision : 26/04/1995
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16922/90
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1995-04-26;16922.90 ?

Source

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