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28/02/1996 | CEDH | N°22108/93

CEDH | REYNAUD ESCARRAT contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITE de la requête N° 22108/93 présentée par Maryse REYNAUD ESCARRAT contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I

. CABRAL BARRETO J. MUCHA ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête N° 22108/93 présentée par Maryse REYNAUD ESCARRAT contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY P. LORENZEN Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 13 avril 1993 par Maryse REYNAUD ESCARRAT contre la France et enregistrée le 22 juin 1993 sous le N° de dossier 22108/93 ; Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 5 juillet 1995 et les observations en réponse présentées par la requérante le 19 octobre 1995 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT La requérante, de nationalité française, est née en 1946 à Marseille où elle réside. Elle exerce en qualité de médecin spécialiste en pédiatrie. Devant la Commission, elle est représentée par Maître Christian Chaussée, avocat au barreau de Marseille. Les faits, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit. A. Circonstances particulières de l'espèce La requérante a son cabinet principal de pédiatrie à Marseille. Par décision du 23 avril 1979, le conseil départemental des Bouches- du-Rhône de l'Ordre national des médecins (ci-après le conseil départemental) autorisa la requérante à ouvrir un cabinet secondaire de pédiatrie à Berre. Cette autorisation lui était accordée pour une période maximale de trois années, éventuellement renouvelable après accord du conseil départemental, et sous réserve de l'article 16 (alors en vigueur) du Code de déontologie médicale. Le cabinet secondaire fut ouvert dans le cadre d'un groupement d'intérêt économique, dit "Centre des spécialistes", regroupant diverses disciplines médicales. L'autorisation d'exploitation fut renouvelée en dernier lieu le 14 décembre 1987, par décision du conseil départemental. Celle-ci était accordée pour une période d'un an, éventuellement renouvelable après accord du conseil et sous réserve de l'article 63 (alors en vigueur) du Code de déontologie médicale. Lors de sa séance du 14 novembre 1988, le conseil départemental décida de ne pas renouveler l'autorisation d'exploitation, qui venait à expiration un mois plus tard. Il exposait que l'installation de pédiatres dans des communes voisines était de nature à satisfaire les besoins des malades. La requérante se vit notifier cette décision par un courrier du président du conseil départemental en date du 15 novembre 1988. Cette décision fut confirmée par une lettre en date du 3 mai 1989. La requérante saisit le conseil national de l'Ordre des médecins (ci-après le conseil national) en se fondant sur l'article 91 du Code de déontologie médicale, qui prévoit que les décisions prises par les conseils départementaux peuvent être réformées ou annulées par le conseil national à la demande des intéressés. Par décision du 21 octobre 1989, le conseil national, après avoir entendu les observations présentées au nom de la requérante par son avocat et celles du représentant du conseil départemental, rejeta la requête. Il accorda par ailleurs à la requérante un délai de six mois à compter de la notification de la décision pour fermer son cabinet secondaire. Celui-ci fut fermé le 7 juin 1990. Le conseil national écarta le moyen tiré du non-respect des règles de procédure au motif qu'il se rapportait aux règles applicables en matière juridictionnelle et n'avait pu entacher d'irrégularité la décision de nature administrative prise par le conseil départemental. Sur la légalité, le conseil national fit valoir que, compte tenu de la présence de plusieurs pédiatres dans des localités proches de Berre de nature à satisfaire les besoins des malades, le renouvellement de l'autorisation d'exploitation ne se justifiait plus. La requérante forma un recours devant le Conseil d'Etat à l'encontre de la décision du 21 octobre 1989. Dans sa requête sommaire en date du 7 février 1990 et dans son mémoire complémentaire assorti de conclusions aux fins de sursis à exécution du 7 juin 1990, la requérante soulevait deux moyens d'annulation. D'une part, elle arguait de l'irrégularité de la procédure. Elle estimait que le retrait de l'autorisation d'exploitation s'analysait en une sanction disciplinaire et donc que les instances ordinales auraient dû respecter les règles relatives à la procédure en matière disciplinaire, qui prescrivent le droit d'être entendu ou appelé à comparaître (article L-420 du Code de la Santé publique). D'autre part, elle faisait valoir que la décision du conseil national était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il avait considéré à tort que l'intérêt des malades ne justifiait plus le renouvellement de l'autorisation d'exploitation. A la suite du dépôt par le conseil national d'un mémoire en défense, la requérante présenta un mémoire en réplique le 12 mars 1991. Elle y développait un moyen nouveau tiré de la violation du principe d'égalité. Elle constatait en effet que les motifs invoqués pour le retrait de l'autorisation d'exploitation n'avaient pas conduit les instances ordinales à retirer les autorisations relatives aux autres cabinets secondaires regroupés au sein du "Centre des spécialistes". Par arrêt du 16 octobre 1992, le Conseil d'Etat, après avoir entendu les observations de l'avocat de la requérante et celui de l'Ordre des médecins, rejeta le recours de la requérante. Il indiqua notamment ce qui suit : "(...) il résulte des dispositions susrappelées (articles 63 et 91 du Code de déontologie) que le retrait d'une autorisation d'exercer dans un cabinet secondaire ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire ; que par suite, le moyen tiré de ce que seule la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins était compétente pour statuer sur la demande de (la requérante) et que la procédure disciplinaire n'aurait pas été respectée doit être écarté ; (...) il ressort des pièces du dossier que le conseil national de l'Ordre des médecins a pu légalement estimer que les besoins des malades étaient satisfaits par l'installation d'un pédiatre dans la commune de Rognac, située à 6 km de la commune de Berre et par la présence de plusieurs pédiatres dans les communes de Vitrolées, Marignane et Salon ; que Mme Reynaud-Escarat ne justifie pas que des difficultés de liaison entre Berre et ces localités étaient de nature à empêcher la satisfaction des besoins des malades ; que la circonstance alléguée que l'autorisation d'ouvrir un cabinet secondaire à Berre aurait été illégalement accordée à d'autres médecins, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée (...)" Selon la requérante, après lui avoir retiré l'autorisation d'exploitation, le conseil départemental de l'Ordre des médecins aurait autorisé, à une date indéterminée, un médecin pédiatre de sexe masculin, le docteur G., à ouvrir un cabinet secondaire à l'endroit même où se trouvait son cabinet secondaire. Selon le Gouvernement, le docteur G. n'aurait déposé aucune demande de cabinet secondaire à Berre et par conséquent l'Ordre des médecins ne lui aurait accordé aucune autorisation de cabinet secondaire. B. Droit interne pertinent Article 16 du Décret du 28 novembre 1955 portant Code de déontologie médicale "Un médecin ne peut avoir, en principe, plusieurs cabinets. La création ou le maintien d'un cabinet secondaire peut être autorisé par le conseil départemental lorsque l'intérêt des malades l'exige. Cette dérogation ne peut être refusée par le conseil départemental ou les conseils départementaux intéressés, si l'éloignement d'un médecin de même discipline est tel que l'intérêt des malades puisse en souffrir. L'autorisation doit être retirée lorsque l'installation d'un médecin de même discipline est de nature à satisfaire les besoins des malades. En aucun cas un médecin ne peut avoir, en dehors de son cabinet principal, plus d'un cabinet secondaire." Article 63 du Décret du 28 juin 1979 portant Code de déontologie médicale "Un médecin ne doit avoir, en principe, qu'un seul cabinet. La création ou le maintien d'un cabinet secondaire, sous quelque forme que ce soit, n'est possible qu'avec l'autorisation du conseil départemental. Cette autorisation ne peut être refusée par le conseil départemental ou les conseils départementaux intéressés si l'éloignement d'un médecin de même discipline est préjudiciable à l'intérêt des malades. L'autorisation est donnée à titre personnel et n'est pas cessible. Limitée à trois années, renouvelable après une nouvelle demande, elle est révocable à tout moment. Elle est retirée lorsque l'installation d'un médecin de même discipline est de nature à satisfaire les besoins des malades. En aucun cas, un médecin ne peut avoir plus d'un cabinet secondaire." Article 91 du Code de déontologie médicale "Les décisions prises par les conseils départementaux peuvent être réformées ou annulées par le conseil national soit d'office, soit à la demande des intéressés ; celle-ci doit être présentée dans les deux mois de la notification de la décision." Selon la jurisprudence, les décisions relatives aux cabinets secondaires sont des décisions administratives susceptibles de recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat.
GRIEFS
1. La requérante se plaint tout d'abord de ce que les garanties énoncées à l'article 6 par. 1 de la Convention n'ont pas été respectées lors de la procédure devant l'Ordre national des médecins. En particulier, elle soutient que la décision du conseil départemental a été adoptée en violation du principe du contradictoire, du droit à être entendue et par un organe qui ne saurait être assimilé à un tribunal indépendant et impartial.
2. En second lieu, la requérante conteste le bien-fondé de la décision du Conseil d'Etat. Elle fait valoir que c'est à tort que la haute juridiction administrative a non seulement estimé que la mesure de retrait ne revêtait pas le caractère d'une sanction disciplinaire mais encore jugé que le conseil national avait légalement estimé que les besoins des malades se trouvaient satisfaits.
3. Enfin, la requérante se plaint d'une violation de l'article 1 du Protocole N° 1 et de l'article 14 de la Convention en ce que le conseil départemental de l'Ordre des médecins, après lui avoir retiré l'autorisation d'exploitation du cabinet secondaire, a autorisé un pédiatre de sexe masculin, le docteur G., à ouvrir un cabinet secondaire, à Berre, à l'endroit même où se trouvait son ancien cabinet. Selon la requérante, il en résulterait que la décision de retrait de l'autorisation de cabinet secondaire a été prise dans un but d'intérêt privé étranger à l'intérêt de santé publique dont l'Ordre a la charge. La requérante ajoute que l'autorisation de cabinet secondaire accordée à son confrère a permis à ce dernier de reprendre l'intégralité de sa clientèle et donc de son patrimoine sans être redevable pour autant d'aucune contrepartie financière, ce qui constituerait une discrimination fondée sur le sexe.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 13 avril 1993 et enregistrée le 22 juin 1993. Le 24 février 1995, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur, en l'invitant à présenter par écrit ses observations sur sa recevabilité et son bien-fondé. Le Gouvernement a présenté ses observations le 5 juillet 1995, après prorogation du délai imparti et le requérant y a répondu le 19 octobre 1995.
EN DROIT
1. La requérante se plaint tout d'abord de ce que les garanties énoncées à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention n'ont pas été respectées lors de la procédure devant l'Ordre national des médecins. Elle invoque la violation du principe du contradictoire, du droit à être entendue et affirme que la décision en question a été adoptée par un organe qui ne saurait être assimilé à un tribunal indépendant et impartial. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention prévoit notamment que : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)" Le Gouvernement estime, à titre principal, que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention. Le Gouvernement considère, à titre subsidiaire, que le grief est manifestement mal fondé. Il fait valoir que, conformément à la jurisprudence de la Cour (voir Cour eur. D.H., arrêt Albert et Le Compte du 10 février 1983, série A n° 58, p. 16, par. 29), la requérante a pu faire entendre sa cause par le Conseil d'Etat statuant comme juge de l'excès de pouvoir, et bénéficiant d'une compétence de pleine juridiction lui permettant d'examiner la cause au fond, en fait et en droit. Le Gouvernement précise que dans ce cadre le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel rigoureux sur la motivation des décisions administratives relatives aux cabinets secondaires. Il considéra par exemple dans un arrêt que l'autorisation d'ouvrir un cabinet secondaire ne peut être légalement refusée alors qu'une population importante se trouve obligée de parcourir près de 30 km pour atteindre un cabinet préexistant. La requérante ne prend pas position sur la question de l'applicabilité de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention à la procédure en cause. Sur le fond, la requérante considère que l'Ordre des médecins a, par le biais d'un détournement de procédure, utilisé la voie administrative pour appliquer une mesure disciplinaire. Elle estime que les instances ordinales saisies ne remplissaient pas elles-mêmes les exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. La requérante ajoute que le fait que le Conseil d'Etat statue en dernier ressort sans possibilité d'un double degré de juridiction et d'un contrôle de la légalité par le pourvoi en cassation enfreint l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. La Commission relève que la question se pose de savoir si l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention s'applique au cas d'espèce. Elle n'estime cependant pas nécessaire de trancher cette question dans la mesure où le grief doit être rejeté, en tout état de cause, comme étant manifestement mal fondé. Selon la jurisprudence constante, "l'article 6 par. 1 (art. 6-1), s'il consacre 'le droit à un tribunal' n'astreint pas pour autant les Etats contractants à soumettre 'les contestations sur des droits et obligations de caractère civil" à des procédures se déroulant à chacun de leurs stades devant des tribunaux conformes à ses diverses prescriptions. Des impératifs de souplesse et d'efficacité, entièrement compatibles avec la protection des Droits de l'Homme, peuvent justifier l'intervention préalable d'organes administratifs ou corporatifs, et a fortiori d'organes juridictionnels ne satisfaisant pas sur tous leurs aspects à ces mêmes prescriptions ; un tel système peut se réclamer de la tradition juridique de beaucoup d'Etats membres du Conseil de l'Europe" (Cour eur. D.H., arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere du 23 juin 1981, série A n° 43, p. 23, par. 51 a)). Il convient toutefois que les décisions de pareils organes "subissent le contrôle ultérieur d'un organe judiciaire de pleine juridiction présentant lui, les garanties" de l'article 6 (art. 6) de la Convention (Cour eur. D.H., arrêt Albert et Le Compte précité, p. 16, par. 29). La Cour a précisé que par "organe judiciaire de pleine juridiction", il fallait entendre un organe juridictionnel compétent pour donner "une solution juridictionnelle du litige..., tant pour des points de fait que pour des questions de droit" (arrêt Albert et Le Compte précité, p. 16, par. 29). La Commission observe que la requérante a fait l'objet d'une procédure administrative au terme de laquelle elle a saisi le Conseil d'Etat dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir. Or, la Commission note qu'en la matière, le Conseil d'Etat dispose d'un pouvoir de contrôle qui s'étend non seulement au droit mais encore aux faits. En l'espèce, le Conseil d'Etat a procédé, dans le cadre du recours pour excès de pouvoir soulevé devant lui par la requérante, à un contrôle de la légalité et des faits. La Commission constate également que le Conseil d'Etat a statué au vu des observations présentées au nom de la requérante par son avocat. En outre, rien dans le dossier ne permet de conclure que la requérante n'a pas bénéficié d'une procédure conforme aux exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dans le cadre de l'examen de son recours pour excès de pouvoir par le Conseil d'Etat. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. En second lieu, la requérante conteste le bien-fondé de la décision du Conseil d'Etat. Elle fait valoir que c'est à tort que la haute juridiction administrative a non seulement estimé que la mesure de retrait ne revêtait pas le caractère d'une sanction disciplinaire mais encore jugé que le conseil national avait légalement estimé que les besoins des malades se trouvaient satisfaits. En ce qui concerne la décision judiciaire litigieuse, à supposer même que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) soit applicable, la Commission rappelle qu'elle a pour seule tâche, conformément à l'article 19 de la Convention, d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties Contractantes. En particulier, elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (voir par exemple No 13926/88, déc. 4.10.90, D.R. 66, pp. 209, 225 ; No 17722/91, déc. 8.4.91, D.R. 69, pp. 345, 354). En l'espèce, la Commission ne voit pas en quoi le Conseil d'Etat aurait commis des erreurs de droit ou de fait d'une telle ampleur et d'un tel arbitraire que la requérante se serait trouvée privée d'un procès équitable. Il s'ensuit que ce grief doit également être rejeté comme étant manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. Enfin, la requérante se plaint de ce que le conseil départemental de l'Ordre des médecins, après lui avoir retiré l'autorisation d'exploitation du cabinet secondaire, a autorisé un pédiatre de sexe masculin, le docteur G., à ouvrir un cabinet secondaire, à Berre, à l'endroit même où se trouvait son ancien cabinet. Selon la requérante, il en résulterait que la décision de retrait de l'autorisation de cabinet secondaire a été prise dans un but d'intérêt privé étranger à l'intérêt de santé publique dont l'Ordre à la charge. La requérante ajoute que l'autorisation de cabinet secondaire accordée à son confrère a permis à ce dernier de reprendre l'intégralité de sa clientèle et donc de son patrimoine sans être redevable pour autant d'aucune contrepartie financière, ce qui constituerait une discrimination fondée sur le sexe. La requérante allègue la violation de l'article 1er du Protocole N° 1 (P1-1) à la Convention et de l'article 14 (art. 14) de la Convention. Le Gouvernement conteste la version des faits critiqués par la requérante. Il produit une lettre du conseil départemental des Bouches- du-Rhône de l'Ordre national des médecins datée du 31 mai 1995 attestant que le docteur G. n'a pas formulé de demande de cabinet secondaire à Berre et qu'il ne lui a pas, par conséquent, accordé d'autorisation d'ouverture d'un cabinet secondaire dans cette localité. Le Gouvernement ajoute que le grief se heurte au non-épuisement des voies de recours internes. Subsidiairement, il fait valoir qu'aucun droit au sens de l'article 1er du Protocole N° 1 (P1-1) à la Convention n'était en cause en l'espèce et qu'à supposer même que tel fût le cas, l'ingérence serait justifiée. La requérante conteste la véracité de cette affirmation. Elle produit l'attestation, datée du 5 octobre 1995, d'une secrétaire du "Centre des spécialistes" (depuis 1978) où se situait le cabinet secondaire de la requérante jusqu'en juillet 1990, selon laquelle le docteur G. "a exercé au Centre (des spécialistes) du 7 décembre 1991 au 15 juillet 1992". La requérante ajoute qu'il serait illusoire de croire que le docteur G. a exercé en son cabinet secondaire sans autorisation du conseil de l'Ordre. Le requérant ajoute que l'article 1er du Protocole N° 1 (P1-1) est applicable en l'espèce et que celui-ci a été violé par les faits critiqués. L'article 1er du Protocole N° 1 (P1-1) à la Convention garantit le droit au respect de ses biens. L'article 14 (art. 14) de la Convention interdit la discrimination dans la jouissance des droits et libertés garantis par la Convention. La Commission n'estime pas nécessaire d'examiner si le requérant a satisfait à la règle de l'épuisement des voies de recours internes sur ce point, dans la mesure où, en tout état de cause, le grief doit être rejeté. Elle note que le présent grief est fondé, sous ses deux aspects, sur l'allégation de la requérante selon laquelle l'Ordre aurait autorisé à un de ses confrères masculins à établir un cabinet secondaire à l'emplacement du sien pour lequel l'Ordre lui avait retiré l'autorisation nécessaire. Or, la Commission ne relève, dans le dossier, aucun élément tendant à démontrer qu'une autorisation a été accordée par les organismes compétents à un confrère masculin de la requérante, le docteur G., pour établir un cabinet secondaire à l'emplacement de l'ancien cabinet secondaire de la requérante. Si la requérante rapporte que le docteur G. a "exercé" pendant une période à l'emplacement de son ancien cabinet secondaire, elle n'apporte aucun élément permettant de contredire l'argumentation du Gouvernement selon laquelle aucune "autorisation" de cabinet secondaire à Berre n'a été donnée au docteur G. Dans ces conditions, la Commission ne discerne pas, en l'espèce, le moindre commencement de preuve d'une violation des droits et libertés garantis par les dispositions invoquées. La Commission n'aperçoit dès lors aucune apparence de violation de ces dispositions. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à la majorité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (M.-T. SCHOEPFER) (H. DANELIUS)


Synthèse
Formation : Commission (première chambre)
Numéro d'arrêt : 22108/93
Date de la décision : 28/02/1996
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF


Parties
Demandeurs : REYNAUD ESCARRAT
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1996-02-28;22108.93 ?

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