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28/02/1996 | CEDH | N°23514/94

CEDH | A. B. contre l'ITALIE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 23514/94 présentée par A.B. contre l'Italie La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de M. C.L. ROZAKIS, Président Mme J. LIDDY MM. E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER N. BRATZA I. BÉKÉS

E. KONSTANTINOV G. RESS A. PERE...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 23514/94 présentée par A.B. contre l'Italie La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de M. C.L. ROZAKIS, Président Mme J. LIDDY MM. E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER N. BRATZA I. BÉKÉS E. KONSTANTINOV G. RESS A. PERENIC C. BÎRSAN K. HERNDL Mme M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 14 août 1992 par A.B. contre l'Italie et enregistrée le 30 janvier 1994 sous le N° de dossier 23514/94 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant italien, né en 1946. Il est détenu à la prison de Padoue. Devant la Commission, il est représenté par Me Chiello, avocat au barreau de Padoue. Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Le 16 mars 1991, ayant appris que le requérant était le fournisseur de drogue habituel de F., deux agents de la police de Padoue se rendirent à Perarolo di Vigonza. Ils virent arriver F., qui entrait dans une pâtisserie, et, quelques minutes plus tard, le requérant. Ce dernier, appelé par les agents de police, tenta en vain de s'enfuir, engagea une lutte avec eux et essaya sans succès de se débarrasser des sachets d'héroïne qu'il portait sur lui. Le requérant fut arrêté et conduit à la prison de Padoue. Le lendemain matin, il déclara souffrir d'une forte nausée, la veille s'étant heurté contre un poteau en bois. Il ressort du dossier que le requérant présentait des ecchymoses et un traumatisme crânien. Aucune trace de piqûre ne fut constatée. Au cours de l'enquête préliminaire, le requérant ne fit aucune déclaration. Au cours des débats, le requérant ne contesta pas la matérialité des faits reprochés. Il déclara que les sachets d'héroïne retrouvés sur lui avaient été mis dans ses poches à son insu par trois inconnus. Ces derniers l'avaient obligé à monter dans une voiture Alfa Romeo bleue et lui avaient fait une piqûre, suite à laquelle il s'était évanoui. Après qu'il eût repris connaissance, les trois inconnus l'avaient fait descendre de la voiture. Il s'était mis à marcher et avait cherché un mouchoir dans la poche de son pantalon parce qu'il avait des taches de sang sur sa chemise et sur ses mains ; à ce moment, il s'était aperçu qu'il y avait des sachets dans les poches de son pantalon ; quelques instants plus tard, les agents de police l'avaient bloqué. Etant dans un état de confusion mentale, le requérant s'était défendu. Par jugement du 12 novembre 1991, le tribunal de Padoue condamna le requérant à une peine d'emprisonnement de huit ans et dix mois et à payer une amende de 60.500.000 lires. Contre ce jugement, le requérant interjeta appel devant la cour d'appel de Venise. Au cours des débats, F. fut entendu. Celui-ci déclara avoir vu le requérant descendre d'une voiture Alfa bleue. Le requérant demanda à la cour d'entendre un nouveau témoin, qui était prêt à confirmer sa version des faits ; cette demande fut rejetée par la cour d'appel, au motif que l'audition de ce témoin n'avait pas été demandée en première instance. Le requérant demanda également l'audition de B., qui avait été entendu en première instance et avait déclaré avoir vu le requérant descendre d'une voiture Alfa bleue. Cette demande fut rejetée par la cour d'appel, estimant inutile de procéder à cette audition au vu des déclarations rendues par B. en première instance et versées au dossier. Par arrêt du 13 juillet 1992, la cour d'appel de Venise confirma la condamnation du requérant. Les juges estimèrent que la version des faits donnée par le requérant n'était pas crédible et était démentie par les éléments de preuve recueillis. En fait, les agents de police avaient déclaré que le requérant ne présentait aucune tache de sang ni de signes de lutte et qu'il semblait être dans un état normal ; par ailleurs, le rapport du médecin de la prison faisait état uniquement de la nausée suite à un traumatisme et ne contenait aucun élément corroborant les déclarations du requérant. Quant aux témoignages rendus par B. en première instance et par F. en deuxième instance, la cour estima également qu'ils n'étaient pas crédibles. Par la suite, le requérant se pourvut en cassation. Il s'en prenait à l'appréciation des éléments de preuve par la cour d'appel de Venise et faisait valoir que la cour d'appel de Venise avait à tort refusé l'audition du nouveau témoin à décharge et la deuxième audition de B. A l'audience du 19 mai 1993, le Procureur Général demanda à la Cour d'annuler l'arrêt rendu par la cour d'appel de Venise. Par arrêt du 19 mai 1993, la Cour de cassation rejeta le recours introduit par le requérant. D'après la Cour, la non-audition du troisième témoin n'entachait pas la procédure de nullité, étant donné que ce témoignage n'était pas déterminant. En effet, le témoin aurait fait des déclarations à l'appui de la version des faits fournie par le requérant, qui avait été démentie par les autres éléments de preuve recueillis. Quant à l'appréciation des éléments de preuve par la cour d'appel, la Cour estima que les juges de fond avaient dûment et logiquement motivé leur décision.
GRIEFS Le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié d'une procédure équitable. Il s'en prend à l'appréciation des faits et des éléments de preuve par les juridictions qui ont eu à connaître de son affaire. Il fait également valoir que B. a été entendu uniquement en première instance et que la cour d'appel de Venise a refusé d'entendre un nouveau témoin à décharge. Le requérant allègue la violation de l'article 6 par. 1 et par. 3 d).
EN DROIT Invoquant l'article 6 par. 1 et par. 3 d) (art. 6-1, 6-3-d) de la Convention, le requérant se plaint de l'appréciation des preuves par les tribunaux appelés à connaître de sa cause, de ce que la cour d'appel de Venise a refusé de convoquer et d'entendre un témoin à décharge et a refusé la deuxième audition du témoin B. Les passages pertinentes de l'article 6 (art. 6) de la Convention se lisent ainsi: "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) 3. Tout accusé a droit notamment à : (...) d. interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; (...)." La Commission relève tout d'abord que le grief soulevé par le requérant au titre du paragraphe 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention ne vise qu'un aspect particulier du droit à un procès équitable, tel que garanti par l'article 6 par. 1 (art. 6-1). Dans la présente affaire, elle en tiendra compte dans le cadre de l'examen de la procédure dans son ensemble sous l'angle de cette garantie générale (Cour eur. D.H., arrêt Pelladoah c/Pays-Bas du 22 septembre 1994, série A n° 297-B, p. 33, par. 33 ; arrêt Poitrimol c/France du 23 novembre 1993, série A n° 277-A, p. 13, par. 29). La Commission est donc appelée à établir si la procédure litigieuse considérée dans son ensemble a été équitable. La Commission rappelle d'abord qu'elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (No 21283/93, déc. 5.4.94, D.R. 77-B, pp. 81, 82, 88). Sa tâche se limite à vérifier que les décisions litigieuses ont été acquises dans le respect des garanties énoncées à l'article 6 (art. 6) de la Convention. Il ne lui incombe pas, par conséquent, de se prononcer sur la question de savoir si les tribunaux nationaux ont correctement apprécié les circontances de la cause, sauf s'il y lieu de croire que les juges ont tiré des conclusions de caractère arbitraire des faits qui leur ont été soumis. La Commission estime que les motifs fournis dans les décisions judiciaires mises en cause par le requérant permettent d'exclure une telle hypothèse. En effet, la Commission observe, d'une part, que le requérant n'a pas contesté la matérialité des faits reprochés et que les explications qu'il a fournies ont été démenties par les éléments de preuve recueillis ; d'autre part, aucun élément du dossier ne permet de conclure que les juridictions italiennes soient parvenues à des conclusions arbitraires. S'agissant du grief tiré du refus opposé par la cour d'appel de Venise à l'audition du nouveau témoin et à l'audition du témoin B., la Commission rappelle que l'article 6 par. 3 d) (art. 6-3-d) ne reconnaît pas à l'accusé un droit illimité d'obtenir la convocation de témoins (cf. No 8417/78, déc. 4.5.79, D.R. 16, p. 200 ; No 10563/83, déc. 5.7.85, D.R. 44, p. 113). Les autorités judiciaires internes jouissent d'une marge d'appréciation leur permettant, sous réserve du respect de la Convention et des droits de la défense, de s'assurer que l'audition d'un témoin sollicitée par la défense est susceptible de contribuer à la manifestation de la vérité et, dans la négative, de refuser son audition (cf. No 8231/78, déc. 6.3.82, D.R. 28, p. 5 ; No 9000/80, déc. 11.3.82, D.R. 28, p. 127). Dans la mesure où le requérant se plaint de ce que la cour d'appel de Venise a refusé d'entendre le nouveau témoin, la Commission relève que la Cour de cassation a estimé que les déclarations de ce témoin n'étaient pas déterminantes. Dans la mesure où le requérant se plaint de ce que B. n'a pas été entendu par la cour d'appel de Venise, la Commission relève que les juges ont considéré inutile de procéder à cette audition au vu des déclarations rendues par B. en première instance et versées au dossier. D'autre part, le requérant n'a pas démontré que l'audition devant la cour d'appel de Venise de ces deux témoins aurait pu apporter quoique ce soit de nouveau et de pertinent à l'examen de sa cause. Dans ces circonstances, la Commission estime que les juridictions appelées à statuer sur l'accusation portée contre le requérant ont respecté son droit à un procès équitable conformément à l'article 6 par. 1 et 3 d) (art. 6-1, 6-3-d) de la Convention. Il s'ensuit que la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Première Chambre de la Première Chambre (M.F. BUQUICCHIO) (C.L. ROZAKIS)


Synthèse
Formation : Commission (deuxième chambre)
Numéro d'arrêt : 23514/94
Date de la décision : 28/02/1996
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement irrecevable ; Partiellement recevable

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF


Parties
Demandeurs : A. B.
Défendeurs : l'ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1996-02-28;23514.94 ?

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