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28/02/1996 | CEDH | N°28235/95;28297/95

CEDH | HERRERA FERNANDEZ et MUÑOZ FARRE contre l'ESPAGNE


SUR LA RECEVABILITÉ des requêtes
N° 28235/95 N° 28297/95 présentée par Manuel présentée par Maricela HERRERA FERNANDEZ MUÑOZ FARRE contre l'Espagne contre l'Espagne La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER

H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ ...

SUR LA RECEVABILITÉ des requêtes
N° 28235/95 N° 28297/95 présentée par Manuel présentée par Maricela HERRERA FERNANDEZ MUÑOZ FARRE contre l'Espagne contre l'Espagne La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY P. LORENZEN Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête N° 28235/95 introduite le 5 septembre 1994 par Manuel HERRERA FERNANDEZ et enregistrée le 18 août 1995 et la requête N° 28297/95 introduite le 2 juillet 1995 par Maricela MUÑOZ FARRE et enregistrée le 24 août 1995 contre l'Espagne ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les requérants, mari et femme, sont deux ressortissants espagnols, nés respectivement en 1949 et 1960. Devant la Commission, ils sont représentés par Maîtres Arnau i Arias et De la Rosa Fernandez, avocats au barreau de Barcelone. Les faits de la cause, tels qu'exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit : Suite au meurtre de deux personnes survenu le 19 mars 1991, les requérants furent arrêtés le 17 avril 1991 et placés en détention provisoire sur ordre du juge d'instruction de Solsona. Le 18 avril 1991, le juge d'instruction inculpa les requérants du chef d'homicide volontaire sur les deux personnes en question. L'instruction se prolongea jusqu'au 15 juillet 1992, date à laquelle fut rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction et de renvoi des requérants pour jugement devant l'Audiencia provincial de Lleida. Durant l'instruction, les requérants, assistés de leurs défenseurs, furent interrogés à de multiples reprises par le juge d'instruction, de très nombreux témoins furent entendus et de multiples expertises médico-légales furent menées sur commission rogatoire du juge d'instruction. Dès leur arrestation et tout au long de la procédure, les requérants bénéficièrent de l'assistance d'un avocat. L'audience publique devant l'Audiencia provincial eut lieu du 17 au 20 mai 1993. Au cours de l'audience, plusieurs dizaines de témoins convoqués à la demande du ministère public et de la défense furent entendus et plusieurs médecins légistes et autres experts déposèrent leurs conclusions. Par jugement du 1er juin 1993, l'Audiencia provincial de Lleida reconnut coupables les requérants de deux délits d'assassinat et, en outre, de falsification de documents et d'usurpation de fonctions en ce qui concernait le premier requérant et les condamna à la peine de réclusion de 30 ans et au versement de dommages et intérêts aux héritiers des victimes au titre de la responsabilité civile. Les requérants se pourvurent en cassation en alléguant la violation du principe de la présomption d'innocence garantie par l'article 24 par. 2 de la Constitution, estimant qu'il y avait eu erreur dans l'appréciation des preuves. Par arrêt du 30 avril 1994, le Tribunal suprême rejeta le pourvoi au motif que l'examen du procès démontrait que la culpabilité des requérants était basée sur de nombreux éléments de preuve consistant en des témoignages, preuves matérielles et conclusions d'experts, tous soumis et discutés publiquement et contradictoirement lors de l'audience publique tenue par l'Audiencia provincial de Lleida. Les requérants formèrent un recours d'amparo devant le Tribunal constitutionnel en alléguant la violation du principe de la présomption d'innocence (article 24 de la Constitution) et en se plaignant de ne pas avoir été assistés de leurs avocats lors de l'administration de certains actes d'instruction (article 17 par. 3 de la Constitution). Par décision du 13 juin 1995, le Tribunal constitutionnel rejeta le recours. S'agissant des griefs tirés de la violation du principe de la présomption d'innocence, la haute juridiction les déclara non fondés. Quant aux griefs tirés de l'article 17 par. 3 de la Constitution, ils furent rejetés pour non-épuisement des voies de recours, les requérants ayant omis de les soumettre préalablement au Tribunal suprême.
GRIEFS Les requérants estiment que leur cause n'a pas été jugée équitablement et font valoir que les juges du fond n'ont retenu que les preuves à charge et que leur culpabilité n'a pas été prouvée. Ils invoquent l'article 6 par. 1 et 2 de la Convention. Les requérants se plaignent aussi que leurs défenseurs n'ont pas assisté à certains actes d'instruction et qu'ils n'ont pu faire interroger certains témoins. Ils invoquent l'article 6 par. 3 c) et d) de la Convention. Les requérants estiment que leur détention n'a pas été conforme à la loi et se plaignent de la durée de la détention provisoire. Ils invoquent l'article 5 par. 1 b) et 3 de la Convention. Ils considèrent également qu'ils n'ont pas été jugés dans un délai raisonnable.
EN DROIT
1. Les requérants, invoquant l'article 6 par. 1 et 2 (art. 6-1, 6-2) de la Convention, se plaignent que leur cause n'a pas été jugée équitablement et que le principe de la présomption d'innocence a été violé dans la mesure où les juges du fond n'ont retenu que les preuves à charge et que leur culpabilité n'a pas été prouvée. Les requérants se plaignent aussi que leurs défenseurs n'ont pas assisté à certains actes d'instruction et qu'ils n'ont pu faire interroger certains témoins, en violation de l'article 6 par. 3 c) et d) (art. 6-3-c, 6-3-d) de la Convention. Les parties pertinentes des dispositions invoquées sont les suivantes : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 3. Tout accusé a droit notamment à : (...) c. se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix (...). d. interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; (...)". La Commission a examiné ces griefs sous l'angle de la règle générale du paragraphe 1 de l'article 6 (art. 6-1) de la Convention tout en ayant également à l'esprit les exigences des paragraphes 2 et 3 d) (art. 6-2, 6-3-d) de la Convention. Elle rappelle que les garanties du paragraphe 3 (art. 6-3) constituent des aspects particuliers de la notion de procès équitable contenue dans le paragraphe 1 de l'article 6 (art. 6-1). La Commission rappelle que la question de savoir si une procédure s'est déroulée conformément aux exigences du procès équitable, telles que prévues à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, doit être tranchée sur la base d'une appréciation de la procédure en cause considérée dans sa globalité. La Commission renvoie à cet égard à la jurisprudence constante (cf. par exemple Cour eur. D.H., arrêt Barbera, Messegué et Jabardo du 6 décembre 1988, série A n° 146, p. 31, par. 68; No 7987/77, déc. 13.12.79, D.R. 18, p. 31). Par ailleurs, il n'entre pas dans les attributions de la Commission de substituer sa propre appréciation des faits et des preuves à celle des juridictions internes, sa tâche étant de s'assurer que les moyens de preuve ont été présentés de manière à garantir un procès équitable (No 9000/80, déc. 11.3.82, D.R. 28, p. 127). La Commission constate que les requérants ont été assistés tout au long de la procédure par leurs défenseurs. Elle note également que les tribunaux espagnols ont déclaré les requérants coupables des faits qui leur étaient reprochés en se basant sur tout un ensemble d'éléments de preuve qu'ils ont estimés suffisants, recueillis tout au long de l'instruction et discutés publiquement et contradictoirement lors de l'audience publique qui eut lieu pendant quatre jours. Les tribunaux de l'ordre interne se sont fondés sur les témoignages de plusieurs dizaines de personnes, sur plusieurs rapports d'expertise effectués par des médecins légistes et d'autres experts dont ni l'impartialité ni la compétence ne sont réellement mises en cause par les requérants. Par ailleurs, il ne ressort pas des dossiers que des demandes d'actes de procédure ou d'administration de preuves faites, en application des dispositions pertinentes du Code de procédure pénale, aient été rejetées par la juridiction du fond. Dans ces conditions, la Commission estime que rien dans les dossiers ne permet de montrer la moindre apparence de violation par les juridictions espagnoles du droit des requérants à un procès équitable garanti à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie des requêtes doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Les requérants estiment que leur détention n'a pas été conforme à la loi et se plaignent de la durée de la détention provisoire. Ils invoquent l'article 5 par. 1 b) et 3 (art. 5-1-b, 5-3) de la Convention. Ils considèrent également qu'ils n'ont pas été jugés dans un délai raisonnable. En ce qui concerne ces griefs, la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur la question de savoir si les faits présentés par les requérants révèlent l'apparence d'une violation de la Convention. Les requérants ont, en effet, soit omis de les soumettre au Tribunal constitutionnel (cas de la durée de la procédure et de la détention provisoire) soit, pour ce qui est du grief tiré de la légalité de la détention, omis de le soumettre au Tribunal suprême avant de le soumettre au Tribunal constitutionnel qui dès lors l'a rejeté pour non-épuisement des voies de recours ordinaires. Dans ces conditions, ils n'ont pas valablement épuisé les voies de recours internes qui leur étaient offertes en droit espagnol. Il s'ensuit que cette partie des requêtes doit être rejetée, conformément aux articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, ORDONNE la jonction des requêtes N° 28235/95 et N° 28297/95, DECLARE LES REQUETES IRRECEVABLES. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (M.-T. SCHOEPFER) (H. DANELIUS)


Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF


Parties
Demandeurs : HERRERA FERNANDEZ et MUÑOZ FARRE
Défendeurs : l'ESPAGNE

Références :

Origine de la décision
Formation : Commission (deuxième chambre)
Date de la décision : 28/02/1996
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 28235/95;28297/95
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1996-02-28;28235.95 ?

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