La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/02/1997 | CEDH | N°29411/95

CEDH | ANGHELESCU contre la ROUMANIE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 29411/95 présentée par Stefan ANGHELESCU contre la Roumanie ________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 24 février 1997 en présence de M. S. TRECHSEL, Président Mme G.H. THUNE Mme J. LIDDY MM. E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.-C. SOYER H. DANELIUS

F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS L. LO...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 29411/95 présentée par Stefan ANGHELESCU contre la Roumanie ________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 24 février 1997 en présence de M. S. TRECHSEL, Président Mme G.H. THUNE Mme J. LIDDY MM. E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.-C. SOYER H. DANELIUS F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS L. LOUCAIDES M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO B. CONFORTI N. BRATZA I. BÉKÉS J. MUCHA D. SVÁBY G. RESS A. PERENIC C. BÎRSAN P. LORENZEN K. HERNDL E. BIELIUNAS E.A. ALKEMA M. VILA AMIGÓ Mme M. HION M. R. NICOLINI M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 16 octobre 1995 par Stefan ANGHELESCU contre la Roumanie et enregistrée le 30 novembre 1995 sous le N° de dossier 29411/95 ; Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 3 mai 1996 et les observations en réponse présentées par le requérant le 9 juin 1996 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit. Le requérant est un ingénieur qui a la double nationalité roumaine et allemande. Il est né en 1928 et réside actuellement à Wiesbaden, Allemagne.
1. Circonstances particulières de l'affaire En 1950, l'Etat s'appropria la maison des parents du requérant en invoquant le décret de nationalisation no. 92 du 20 avril 1950 [ci- après le décret no. 92/1950]. Considérant que l'immeuble avait été nationalisé à tort, car les dispositions du décret no. 92/1950 ne lui étaient pas applicables, la mère du requérant E.A. introduisit le 22 avril 1994 une action en revendication devant le tribunal de première instance (judecatoria) de Bucarest. Elle y fit valoir que l'article 2 du décret no. 92/1950 selon lequel les logements appartenant, entre autres, aux retraités et fonctionnaires étaient exclus de la nationalisation, avait été violé, eu égard au fait que son époux avait été fonctionnaire et qu'en tout état de cause il était retraité au moment de la nationalisation. Quant à elle, elle avait été femme au foyer. Par jugement du 7 juillet 1994, le tribunal de première instance de Bucarest fit droit à la demande de E.A. et confirma son droit de propriété, en ordonnant également à l'Etat de ne plus entraver la jouissance par E.A. de son droit. Le recours du Conseil municipal de Bucarest fut rejeté pour tardiveté le 14 septembre 1994 par le tribunal départemental (tribunalul) de Bucarest. Le jugement du 7 juillet 1994 devint définitif. L'exécution du jugement eut lieu à la demande de E.A. Le maire de la ville de Bucarest ordonna le 11 novembre 1994 la restitution de la maison et la radiation du registre foncier du droit de propriété de l'Etat. E.A. acquitta ensuite les taxes afférentes à cette propriété. Le 2 décembre 1994, par acte certifié devant le notaire, E.A. fit don de la maison au requérant. Le requérant fut aussitôt inscrit dans le registre des impôts immobiliers près la Direction des Impôts (Administratia Financiara). A une date qui n'a pas été précisée, le Procureur Général de la Roumanie forma devant la Cour Suprême de Justice (Curtea Suprema de Justitie) un recours en annulation. Devant cette dernière, seulement E.A. fut citée. Le 31 mai 1995, avant le début des débats sur le fond, le représentant du parquet fit valoir que lorsque le Procureur Général avait formé son recours en annulation, il n'avait pas connaissance du fait que E.A. avait fait don de l'immeuble, et demanda à la Cour d'ajourner les débats afin que le nouveau propriétaire soit cité à comparaître. L'avocat de E.A. fit la même demande. Il mit l'accent sur le fait que E.A. n'était plus propriétaire du bien, que le litige concernait un rapport juridique de droit réel et que seul le titulaire du droit pouvait ester en justice, à savoir le requérant. La Cour Suprême de Justice rejeta la demande d'ajournement au motif que E.A., bien qu'elle ne fût plus propriétaire, avait toujours légitimation active et qu'en tout état de cause, il n'était pas nécessaire de citer le requérant, eu égard aux résultat des débats sur le fond qui montreraient qui était le véritable propriétaire. Le même jour, la Cour admit le recours en annulation et sur le fond, rejeta l'action en revendication de E.A. dans les termes suivants : "La restitution des biens nationalisés a été réglementée par le décret no. 524/1955 complétant et modifiant le décret no. 92/1950, selon lequel le Conseil des Ministres était compétent pour annuler les actes de nationalisation. Cette réglementation exclut la possibilité que les instances judiciaires censurent l'application de l'acte de nationalisation et ordonnent la restitution des biens nationalisés [...] D'autre part, le problème de réparations pour les biens devenus propriété d'Etat abusivement est réservé au domaine législatif. En effet, dans les lois nos. 58/1991 et 47/1992 il est mentionné que les réparations sus-mentionnées seront réglementées par une loi spéciale. Par conséquent, à présent, tant l'examen de l'application du décret de nationalisation que la possibilité de prononcer la nullité de l'acte de nationalisation sont exclus de la compétence des instances judiciaires. Il s'ensuit que c'est en outrepassant leurs attributions que les instances judiciaires ont procédé à l'établissement de la mauvaise application du décret no. 92/1950 et ont ordonné la restitution du bien. Les arrêts contestés seront donc annulés et l'action de la requérante sera rejetée." Le 31 mai 1995, la Direction des Impôts (Administratia Financiara) raya le requérant du registre des impôts et fit inscrire l'Etat comme propriétaire de la maison. E.A. décéda le 30 juillet 1995. Le 24 janvier 1996, la mairie de Bucarest se conforma à l'arrêt du 31 mai 1995 en arrêtant une décision par laquelle elle annulait sa décision du 11 novembre 1994 et enjoignait à E.A. de ne pas entraver l'envoi en possession de la société d'Etat H., administrateur des logements d'Etat. La décision mentionnait également que le droit de propriété de l'Etat serait inscrit dans le livre foncier près le tribunal.
2. Droit et pratique internes pertinents
a) Article 21 de la Constitution du 8 décembre 1991 : traduction "(1) Toute personne peut s'adresser à la justice pour la protection de ses droits, de ses libertés et de ses intérêts légitimes. (2) Aucune loi ne peut restreindre l'exercice de ce droit."
b) Article 330 du Code de procédure civile : traduction " Le Procureur Général, d'office ou à la demande du Ministre de la Justice, peut attaquer par la voie du recours en annulation introduit devant la Cour Suprême de Justice, les décisions judiciaires irrévocables, pour les raisons suivantes : 1. Lorsque l'instance judiciaire a outrepassé les attributions du pouvoir judiciaire; 2. [...]" Article 330¹ du Code de procédure civile : traduction "Le recours en annulation peut être introduit à tout moment." Article 330² du Code de procédure civile : traduction " Le Procureur Général peut ordonner, pour une période limitée, la suspension de l'exécution des arrêts avant l'introduction du recours en annulation. Après l'introduction du recours en annulation, l'instance judiciaire peut ordonner la suspension de l'exécution des arrêts ou révoquer la suspension déjà ordonnée."
c) Article II du décret no. 92/1950 concernant la nationalisation de certains immeubles traduction "Le présent décret ne régit pas et ne sont pas nationalisés les immeubles appartenant aux ouvriers, fonctionnaires, petits artisans, intellectuels par profession et retraités."
d) Article XI du décret no. 524 du 24 novembre 1955 portant modification du décret no. 92/1950 "En application des critères fixés [...] par l'article II, le Conseil des Ministres pourra opérer des modifications dans les annexes au décret [contenant la liste des immeubles nationalisés]. Le Conseil des Ministres pourra également décider de ne pas appliquer les dispositions de nationalisation, quelque soit l'appartement ou l'immeuble."
e) La position de la Cour Suprême de Justice i) Jurisprudence jusqu'au 2 février 1995 La section civile de la Cour Suprême de Justice a confirmé à plusieurs reprises la jurisprudence des tribunaux inférieurs dans le sens de l'existence d'une compétence des tribunaux pour examiner les litiges portant sur la nationalisation des biens immeubles, en particulier en application du décret no. 92/1950. Par exemple, dans son arrêt no. 518 du 9 mars 1993, la Cour s'est exprimée dans les termes suivants sur la compétence des tribunaux pour examiner des litiges portant sur l'application du décret no. 92/1950 : traduction "...en jugeant l'action en revendication introduite par la requérante et en faisant droit à sa demande, les instances judiciaires - auxquelles la loi confère la compétence générale pour trancher les litiges civils - ont appliqué le décret-même, plus précisément, d'une part, les dispositions interdisant la nationalisation de certains biens immeubles et d'autre part, celles exigeant la restitution de ces biens dans le cas d'application mauvaise ou abusive du décret." ii) Le revirement de jurisprudence du 2 février 1995 Le 2 février 1995, la Cour Suprême de Justice, statuant en collège de juges réunissant les chambres civile, administrative, pénale et militaire, décida avec une majorité de 25 voix (contre 20 voix), le changement de la jurisprudence de la Chambre civile de la même cour. Elle jugea donc que "les instances judiciaires n'ont pas l'attribution de censurer et ordonner la restitution des immeubles nationalisés en application du décret no. 92/1950". La Cour conclut que "la mise en accord des nationalisations effectuées en application du décret no. 92/1950 avec les dispositions de la présente Constitution concernant le droit de propriété ne pourrait se faire que par voie législative [...]."
f) La position de la Cour Constitutionnelle Le 19 juillet 1995, la Cour Constitutionnelle se prononça sur la constitutionnalité du projet de loi concernant la réglementation de la situation juridique des immeubles à usage d'habitation devenus propriété d'Etat. La Cour Constitutionnelle statua ainsi sur la possibilité, pour les propriétaires des immeubles devenus propriété d'Etat abusivement ou en l'absence de tout titre, d'obtenir soit la restitution de ces biens ou bien des dédommagements : traduction "[...] La situation est différente dans le cas des logements qui sont devenus propriété d'Etat par acte administratif illégal, ou purement et simplement de facto, donc en l'absence de titre, sans que la constitution du droit de propriété de l'Etat ait un fondement juridique. Dans ces cas, le droit de propriété de la personne physique ne s'est pas éteint légalement, de sorte que, l'Etat n'étant pas propriétaire, de tels biens ne peuvent pas être inclus dans la catégorie des biens visés par une loi dont l'objet est de réglementer la situation juridique des logements devenus propriété d'Etat. En d'autres termes, [...] les mesures prévues dans la présente loi ne sont pas applicables aux logements pour lesquels le droit de propriété de l'Etat ne s'est pas constitué légalement. Si la loi considérait que le droit de propriété de l'Etat portait sur les immeubles qu'il s'est appropriés en l'absence de tout titre, cela signifierait que cette loi a un effet constitutif du droit de propriété de l'Etat, donc rétroactif, ou qu'elle mettrait en oeuvre une modalité non prévue par la Constitution de 1991 portant transformation du droit de propriété des personnes physiques en propriété d'Etat, ce qui ne peut pas être accepté. Il s'ensuit qu'il convient d'accueillir l'exception d'inconstitutionnalité de cette partie de la loi, concernant les immeubles que l'Etat ou d'autres personnes morales se sont appropriés en l'absence de tout titre [...] Il appartient au Parlement de décider, lors de la révision du projet de loi, d'adopter des mesures relatives au droit des personnes -ou de leurs héritiers- qui se sont vu priver de leurs logements par l'Etat en l'absence de tout titre, de choisir de bénéficier de cette loi, dans l'hypothèse où elles souhaiteraient renoncer à la voie lente, incertaine et coûteuse d'une action en revendication [...]"
g) Loi no. 112 du 23 novembre 1995 pour la réglementation de la situation juridique de certains biens immeubles destinés au logement, devenus propriété de l'Etat : traduction "Article 1 : Les anciens propriétaires - personnes physiques - des biens immeubles à usage d'habitation qui sont devenus, en vertu de titre, propriété de l'Etat ou d'autres personnes morales, après le 6 mars 1945, et qui se trouvaient dans la possession de l'Etat ou d'autres personnes morales le 22 décembre 1989, bénéficient à titre de réparation des mesures prévues par la présente loi. Les dispositions de la présente loi sont applicables également aux héritiers des anciens propriétaires, conformément à la loi. Article 2 : Les personnes mentionnées à l'article 1 bénéficient d'une restitution en nature, par leur rétablissement dans le droit de propriété sur les appartements dans lesquels elles habitent en tant que locataires ou ceux qui sont libres ; pour les autres appartements, elles seront indemnisées dans les conditions prévues dans l'article 12 [...]"
GRIEFS
1. Le requérant se plaint de ce que l'arrêt du 31 mai 1995 de la Cour Suprême de Justice a porté atteinte à son droit au respect de ses biens. Il invoque l'article 1 du Protocole N° 1 à la Convention.
2. Sous l'angle de l'article 6 de la Convention, le requérant se plaint de ce qu'il n'a pas bénéficié d'un procès équitable devant la Cour Suprême de Justice, car il n'a pas été cité à comparaître, alors qu'il était le propriétaire du bien en litige. Ainsi, il n'a pu ni présenter des preuves, ni défendre son droit. Le requérant ajoute que la motivation du refus de la Cour de le citer démontre qu'elle avait déjà pris une décision sur le fond, alors que ce refus était antérieur aux débats sur le fond.
3. Le requérant allègue également une violation des articles 6 et 13 de la Convention, l'arrêt de la Cour Suprême de Justice l'ayant privé d'accès à un tribunal qui puisse examiner sa contestation visant à démontrer qu'il est propriétaire de la maison en question.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 16 octobre 1995 et enregistrée le 30 novembre 1995. Le 26 février 1996, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur, en l'invitant à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Le Gouvernement a présenté ses observations le 3 mai 1996, et le requérant y a répondu le 9 juin 1996.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint au regard de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1) à la Convention, de ce que l'arrêt du 31 mai 1995 de la Cour Suprême de Justice a porté atteinte à son droit au respect de ses biens. L'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1) à la Convention est ainsi libellé : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes." Le Gouvernement soutient que le requérant n'a jamais eu un droit de propriété, car il ne pouvait pas recevoir en don un bien qui ne se trouvait pas dans le patrimoine de E.A. Le Gouvernement fait valoir que le requérant bénéficie des mesures réparatrices de la loi no. 112 de 1995, selon laquelle les personnes qui se sont vu priver par l'Etat, en vertu d'un titre, de leurs biens immeubles à destination de logement, peuvent être rétablies dans leur droit de propriété, si elles habitent toujours le logement confisqué, ou bien se voir octroyer des dédommagements. Le Gouvernement ajoute que la maison de E.A. avait été nationalisée en application du décret no. 92/1950 et que ce décret interdisait le contrôle par voie judiciaire de son application. Le jugement du 7 juillet 1994 du tribunal de première instance de Bucarest, censurant l'application du décret no. 92/1950, a été rendu en violation de sa propre compétence. La Cour Suprême de Justice a rétabli la légalité en constatant que la maison n'était pas la propriété de E.A., mais de l'Etat. Le requérant soutient que le tribunal de première instance de Bucarest n'a pas rendu son jugement du 7 juillet 1994 en outrepassant ses attributions judiciaires. Tel aurait été le cas si le tribunal avait jugé que le décret no. 92/1950 était abusif et injuste et que la restitution de la maison était un acte destiné à réparer les actes injustes de nationalisation. Le requérant soutient qu'au contraire, le tribunal a appliqué à la lettre le décret de nationalisation et a constaté que la maison de E.A. ne tombait pas sous le coup du décret. En appliquant ensuite les dispositions du Code civil concernant le droit de propriété, le tribunal a simplement fait usage de sa compétence judiciaire et confirmé le fait que E.A. était bien propriétaire de la maison. Le requérant fait valoir que l'arrêt de la Cour Suprême de Justice annulant le jugement du 7 juillet 1994 l'a privé de son droit au respect de ses biens. L'arrêt du 31 mai 1995 constitue lui-même un acte de nationalisation, car il a affirmé que la maison était la propriété de l'Etat, alors que le décret no. 92/1950 exemptait expressément de la nationalisation cette maison. Cette privation ne poursuit pas un but d'utilité publique. En effet, la Cour Suprême de Justice lui a refusé une solution judiciaire à son litige et lui a indiqué qu'il devait obtenir satisfaction par le biais de la loi no. 112/1995. Or, la loi no. 112/1995 prévoit que les anciens propriétaires peuvent se voir octroyer une indemnité pour la nationalisation de leur anciens logements. En même temps, l'Etat vend ces logements aux locataires actuels. Le requérant estime que ces mesures ne poursuivent pas un but d'utilité publique, mais sont destinées à obtenir les votes des locataires en faveur des gouvernants. La Commission a procédé à un examen préliminaire des thèses développées par les parties. Elle estime que ces questions soulèvent des problèmes de fait et de droit qui ne sauraient être résolus à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond. Dès lors, cette partie de la requête ne saurait être déclarée manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. En outre, la Commission constate que celle-ci ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité.
2. Le requérant se plaint de ce qu'il n'a pas bénéficié d'un procès équitable devant la Cour Suprême de Justice, eu égard au fait qu'il n'a pas été cité à comparaître et eu égard également aux motifs avancés par la Cour pour refuser de citer le requérant. Il invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, qui est libellé comme suit : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera [...] des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil [...]" Le Gouvernement fait valoir que le requérant ne pouvait pas exiger la possibilité d'intervenir dans la procédure qui s'est déroulée devant la Cour Suprême de Justice, parce que la validité de son titre de propriété, à savoir la donation, dépendait directement de la validité du titre de E.A., sa mère, qui elle, avait été citée à comparaître. Le requérant souligne qu'au moment où ont commencé les débats devant la Cour Suprême de Justice, il était propriétaire de droit de la maison, car il l'avait reçue en don de sa mère, propriétaire en vertu du jugement définitif du 7 juillet 1994. Néanmoins, seulement sa mère a été citée devant cette cour, alors que tant son avocat que le parquet ont demandé, avant le début des débats, à ce que soit cité à comparaître également le propriétaire. Le requérant ajoute que ces demandes ont été rejetées avant l'examen du fond de l'affaire, au motif que les débats sur le fond démontreraient l'inutilité de sa citation, car le propriétaire de l'immeuble était l'Etat. Le requérant fait valoir que la motivation du refus de la Cour Suprême de Justice de citer le requérant, porte atteinte à son droit au procès équitable, car elle démontre que la Cour avait, avant même le début des débats, pris une décision sur le fond. Après avoir examiné cette partie de la requête, la Commission est d'avis que ce grief soulève d'importantes questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues au stade de la recevabilité, mais appellent un examen au fond. Dès lors, ce grief ne saurait être considéré comme manifestement mal fondé au sens de l'article 27, paragraphe 2 (art. 27-2), de la Convention. En outre, cette partie de la requête ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité.
3. Le requérant allègue une violation de l'article 6 (art. 6) de la Convention tirée du fait que l'arrêt de la Cour Suprême de Justice l'a privé d'accès à un tribunal qui examine sa contestation portant sur le droit de propriété sur la maison. Il invoque également l'article 13 (art. 13) de la Convention, aux termes duquel "toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles." Selon le Gouvernement, la Cour Suprême de Justice n'a pas privé le requérant du droit d'accès à un tribunal, mais a simplement jugé que E.A. n'était pas propriétaire de la maison. Par l'effet de l'arrêt de la Cour Suprême de Justice, le requérant n'est pas propriétaire non plus et en l'absence de droit, il ne peut pas agir en justice. Le requérant fait valoir que l'arrêt de la Cour Suprême de Justice, en affirmant que la maison en litige est la propriété de l'Etat, l'a pratiquement privé de son droit de propriété sans qu'il ait pu se défendre. Il souligne qu'il ne peut plus défendre son droit devant un tribunal, eu égard au fait que l'arrêt de la Cour Suprême de Justice est définitif et surtout au fait qu'en application de la loi no. 112 du 23 novembre 1995, l'Etat, après avoir ordonné la radiation de son titre de propriété du registre foncier, a mis en vente la maison. La Commission estime, à la lumière d'un examen préliminaire de l'argumentation des parties, que le grief soulevé par le requérant pose des problèmes de fait et de droit suffisamment complexes pour que leur solution doive relever d'un examen du bien-fondé de l'affaire. Ce grief ne saurait, dès lors, être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 2) de la Convention. Par ailleurs, ce grief ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés. H.C. KRÜGER S. TRECHSEL Secrétaire Président de la Commission de la Commission


Synthèse
Formation : Commission (première chambre)
Numéro d'arrêt : 29411/95
Date de la décision : 24/02/1997
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6-1) EGALITE DES ARMES, (Art. 6-1) PROCEDURE CONTRADICTOIRE


Parties
Demandeurs : ANGHELESCU
Défendeurs : la ROUMANIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1997-02-24;29411.95 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award