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26/02/1997 | CEDH | N°31093/96

CEDH | POUBLAN contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 31093/96 présentée par Juliette POUBLAN contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 26 février 1997 en présence de Mme G.H. THUNE, Présidente MM. J.-C. GEUS G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H. DANELIUS F. MARTINEZ M.A. NOWICKI I. CABRAL BA

RRETO D. SVÁBY P. LORENZ...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 31093/96 présentée par Juliette POUBLAN contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 26 février 1997 en présence de Mme G.H. THUNE, Présidente MM. J.-C. GEUS G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H. DANELIUS F. MARTINEZ M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO D. SVÁBY P. LORENZEN E. BIELIUNAS E.A. ALKEMA Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 11 septembre 1995 par Juliette POUBLAN contre la France et enregistrée le 22 avril 1996 sous le N° de dossier 31093/96 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT La requérante, ressortissante française, est née en 1934. Elle est retraitée et réside à Os-Marsillon. Devant la Commission, elle est représentée par Mme Huguette Pola, entrepreneur, résidant à Orthez. Les faits, tels qu'ils ont été présentés par la requérante, peuvent se résumer comme suit. La requérante reçut en héritage des terres. Elle paya pour certaines des droits de succession et voulut réaliser, en même temps, un lotissement. A cet effet, elle contracta des emprunts auprès de particuliers et de banques, ce qui entraîna les diverses procédures engagées par elle ou à son encontre devant le tribunal de grande instance et la cour d'appel de Pau et décrites ci-après.
a. Contentieux bancaire en remboursement d'un prêt en caution solidaire Par jugement du 13 décembre 1988, suivant assignation de la banque P., le tribunal de grande instance de Pau condamna la requérante au remboursement d'un prêt dont elle s'était portée caution solidaire à la banque P. en 1976. La requérante fit appel. Elle affirma ne pas reconnaître sa signature, pas plus que la mention "bon pour caution solidaire" qui la précédait ; selon elle, cette signature et cette mention auraient été imitées. Par arrêt du 14 décembre 1989, la cour d'appel de Pau décida, avant dire droit au fond, de surseoir à statuer en demandant une expertise graphologique de la mention et de la signature engageant la caution solidaire. Par ordonnance du 27 février 1990, l'expert désigné fut remplacé. Le 26 janvier 1991, l'expert déposa son rapport. Par arrêt du 27 mai 1992, la cour d'appel de Pau, ayant relevé que l'expertise était incomplète, ordonna avant dire droit au fond, un complément d'expertise graphologique en décidant de surseoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport de l'expert. Par ordonnance du 8 octobre 1992, l'expert fut désigné. Par lettre du 1er juillet 1996, le magistrat de la mise en l'état de la cour d'appel de Pau demanda à l'expert de faire connaître ses conclusions car le délai imparti pour les déposer était échu.
b. Contentieux bancaire concernant une saisie immobilière Par jugement du 5 novembre 1993, le tribunal de grande instance de Pau autorisa la reprise des poursuites d'une saisie immobilière demandée par la banque C.A. à l'encontre de la requérante suivant commandement du 10 juillet 1989. La requérante déposa un recours en nullité contre ce jugement. Par ordonnance du 30 novembre 1994, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Pau ordonna la production par la banque de certains documents. Par ordonnance du 5 avril 1995, le conseiller de la mise en état indiqua que, selon le droit interne applicable, le seul recours ouvert contre le jugement du 5 novembre 1993 était le pourvoi en cassation. Il prononça donc l'irrecevabilité du recours en nullité formé par la requérante. Celle-ci ne fit pas de pourvoi en cassation.
c. Contentieux bancaire concernant une saisie immobilière Le 25 juillet 1994, la banque S.G. délivra un commandement de saisie immobilière à l'encontre de la requérante. Le 25 novembre 1994, la requérante y fit opposition. Le 13 janvier 1995, le tribunal de grande instance de Pau rejeta l'opposition de la requérante. Les 10 mars et 23 août 1995, le tribunal prononça, à la demande des parties, le renvoi de la date de l'adjudication. Le 13 octobre 1995, le tribunal prononça un jugement de radiation à la demande de la banque, qui avait obtenu satisfaction. Le 19 octobre 1995, la requérante fit appel du jugement et demanda le sursis à exécution du jugement eu égard à la plainte pour faux et usage de faux du 2 janvier 1992 (voir ci-après e). L'ordonnance de clôture fut rendue le 19 mars 1996. L'audience de plaidoirie fut fixée au 13 novembre 1996.
d. Contentieux relatif à des saisies immobilières à la demande de particuliers et d'un office de notaires Le 31 octobre 1991, des immeubles de la requérante furent saisis pour couvrir une partie du remboursement d'un prêt contracté auprès de plusieurs particuliers et d'un office de notaires. Le 13 mars 1992, la requérante demanda au tribunal de surseoir aux poursuites de saisies immobilières, en raison du dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile du 2 janvier 1992 pour faux et usage de faux à l'encontre de certains documents présentés à l'appui de cette procédure (voir ci-après e). Le 20 mars 1992, le tribunal de grande instance de Pau rejeta la demande de la requérante au motif qu'elle ne constituait qu'une obstruction de procédure. Le tribunal condamna la requérante à une amende pour "mauvaise foi manifeste". Le 20 mars 1992, le tribunal prononça le renvoi de l'adjudication sur la demande des parties. Le 15 mai 1992, le tribunal prononça l'adjudication des immeubles saisis. Le 27 juillet 1992, la requérante interjeta appel. Par arrêt du 17 juin 1993, la cour d'appel de Pau indiqua que la décision attaquée était insusceptible de voies de recours. Elle déclara donc irrecevable l'appel formé par la requérante à l'encontre du jugement du 15 mai 1992. La requérante forma un recours en révision contre cet arrêt. Par jugement du 30 novembre 1993, le tribunal de grande instance de Pau ordonna la distribution du prix d'adjudication de l'immeuble. Le 22 novembre 1995, la cour déclara irrecevable le recours en révision. La requérante ne fit pas de pourvoi en cassation. Le 4 septembre 1992, les créanciers firent assigner la requérante afin de recouvrer la totalité de leur créance, l'adjudication de l'immeuble ne permettant de couvrir qu'une partie de cette dernière. Par jugement en date du 2 mars 1993, le tribunal de grande instance de Pau condamna la requérante au paiement de la créance. Elle interjeta appel et, le 24 mai 1993, bénéficia de l'aide juridictionnelle. Les 16 septembre et 17 octobre 1994, la requérante fit délivrer à ses adversaires des sommations de communication de pièces. Le 9 novembre 1994, la requérante demanda au conseiller de la mise en état de donner injonction à son adversaire de communiquer ces pièces. Le 23 février 1995, la cour d'appel de Pau décida de surseoir à statuer en attendant la décision définitive dans l'information pénale consécutive à la plainte de la requérante pour faux et usage de faux (voir ci-après e). Le 5 décembre 1995, la requérante déposa des conclusions complémentaires. Par arrêt en date du 24 octobre 1996, la cour d'appel de Pau confirma le jugement du 2 mars 1993. Elle considéra que l'arrêt de la chambre d'accusation du 29 août 1995 confirmait l'ordonnance de non-lieu, à la seule exception de l'acte de cautionnement qui n'était pas en cause dans la présente affaire. Par conséquent, la cour condamna la requérante au paiement de dommages-intérêts pour résistance "abusive et injustifiée" à la demande de paiement de sa créance.
e. Plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux Les 2 et 13 janvier 1992, la requérante déposa une plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux, auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Pau. Elle fit une demande de dommages-intérêts. Elle estimait que le document portant engagement de caution solidaire envers la banque P. était un faux (voir ci-avant a). Le 23 mars 1992, le parquet requit l'ouverture d'une information contre X. Le 13 avril 1992, le juge d'instruction entendit la requérante. Le 4 mai 1994, le juge d'instruction adressa un avis de fin d'information. Le 10 mai 1994, la requérante lui demanda de procéder à de nombreuses investigations et auditions supplémentaires. Par réquisitoire du 21 juillet 1994, le parquet requit le non-lieu. Le 28 septembre 1994, le juge d'instruction rendit une ordonnance de non- lieu. Le 4 octobre 1994, la requérante interjeta appel. Le 29 août 1995, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Pau confirma l'ordonnance de non-lieu sur la plainte pour faux mais la réforma sur la plainte d'usage de faux du fait de la caution solidaire de 1976 (voir ci-avant a). Sur ce point, elle ordonna la poursuite de l'information. Le 12 décembre 1996, le juge d'instruction adressa à la requérante un avis de fin d'information sur les investigations supplémentaires ordonnées par la chambre d'accusation. GRIEFS
1. La requérante se plaint de la durée des procédures civiles et de la procédure pénale. Elle invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
2. La requérante estime que ces procédures ne sont pas équitables. Elle se plaint notamment de la violation des règles de droit interne et d'irrégularités de procédure. Elle invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
3. La requérante se plaint de ce que de nombreuses interventions auprès des autorités judiciaires et administratives sont restées sans réponse. Elle invoque l'article 13 de la Convention.
4. La requérante se plaint d'une "discrimination générale" à son encontre, principalement en raison de la qualité de ses poursuivants et du "fonctionnement défectueux de la justice nationale". Elle invoque les articles 13 et 14 de la Convention.
5. La requérante se plaint du comportement de ses avocats. Elle invoque également les articles 13 et 14 de la Convention.
EN DROIT
1. La requérante se plaint de la durée des procédures civiles et de la procédure pénale. Elle invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui dispose: "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)"
i) La requérante se plaint de la durée de la procédure relative au remboursement du prêt en caution solidaire (voir a). La Commission note que la procédure civile engagée à la demande de la banque P. se trouve pendante devant la cour d'appel de Pau, suite à l'ordonnance de désignation d'un expert datée du 8 octobre 1992. La requérante se plaint de la durée de la procédure pénale pour faux et usage de faux ouverte sur sa constitution de partie civile des 2 et 13 janvier 1992 (voir e). La Commission note que, par arrêt du 29 août 1995, la cour d'appel de Pau a ordonné un complément d'information. La Commission considère qu'en l'état actuel du dossier, elle n'est pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de porter cette partie de la requête, relative à deux procédures, à la connaissance du Gouvernement français, en application de l'article 48 par. 2 b) de son Règlement intérieur.
ii) La requérante se plaint également de la durée des trois autres procédures engagées par ces créanciers. S'agissant de la procédure opposant la requérante à la banque C.A. (voir b), la Commission relève que la "décision interne définitive" au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention est le jugement du 5 novembre 1993. En effet, le recours en nullité formé par la requérante contre ce jugement ne constituait pas un recours efficace. Or, la requête a été introduite le 11 septembre 1995, soit en dehors du délai de six mois prévu à l'article 26 (art. 26). S'agissant de la procédure opposant la requérante à la banque S.G. (voir c), la Commission note qu'elle a débuté le 25 juillet 1994. Elle estime, compte tenu de décisions rendues depuis cette date et du comportement de la requérante, que la procédure n'excède pas, en l'état, le délai raisonnable prévu à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. S'agissant du contentieux relatif à des saisies immobilières (voir d), la Commission estime que les décisions de justice rendues l'ont été dans un délai raisonnable et que l'allongement de la durée du contentieux s'explique essentiellement par le comportement de la requérante. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée, par application de l'article 27 (art. 27) de la Convention.
2. La requérante estime que ces procédures ne sont pas équitables. Elle invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. S'agissant des procédures terminées, la Commission rappelle qu'elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention. En outre, l'application et l'interprétation du droit interne sont en principe réservées à la compétence des juridictions nationales (N° 21283/93, déc. 5.4.94, D.R. 77-B, p. 81). En l'espèce, l'examen du grief, tel qu'il a été présenté par la requérante, n'a permis de déceler aucune apparence de violation du droit à un procès équitable garanti par la Convention. S'agissant des procédures encore pendantes, la Commission rappelle que la question de savoir si un procès est conforme aux exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) ne peut être résolue que grâce à un examen de l'ensemble de la procédure, c'est-à-dire une fois celle-ci terminée (N° 12952/87, déc. 6.11.90, D.R. 67, p. 175). Néanmoins, on ne saurait exclure qu'un élément déterminé de la procédure, qui peut être apprécié plus tôt, soit d'une importance telle, qu'il soit décisif pour le déroulement du procès, même à un stade plus précoce (N° 9938/82, déc. 15.7.86, D.R. 48, p. 21). En l'espèce, la Commission note que les procédures critiquées sont encore pendantes devant les tribunaux internes. Elle ne décèle en outre à ce stade aucun indice permettant de penser que les procédures ne sont pas équitables. Il s'ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3. La requérante se plaint que des interventions auprès des autorités judiciaires et administratives françaises restent sans réponse. Elle invoque l'article 13 (art. 13) de la Convention qui prévoit que "toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale". La Commission rappelle que le mot "recours" au sens de cet article ne signifie pas un recours voué au succès mais simplement l'ouverture d'un recours auprès d'une autorité compétente pour en apprécier le bien- fondé (N° 11468/85, déc. 15.10.86, D.R. 50, p. 199). Or, en l'espèce, la Commission relève que de nombreux recours étaient offerts à la requérante qui a pu les utiliser. Il s'ensuit que le grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
4. La requérante se plaint de la violation des articles 13 et 14 (art. 13, 14) de la Convention dans le cadre des procédures litigieuses. Dans la mesure où ces allégations ont été étayées et où elle est compétente pour en connaître, la Commission n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par ces articles. Il s'ensuit que le grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
5. La requérante se plaint du comportement de ses avocats. Elle invoque les articles 13 et 14 (art. 13, 14) de la Convention. La Commission rappelle que le comportement d'un avocat n'engage pas la responsabilité de l'Etat au regard de la Convention (N° 9022/80, déc. 13.7.83, D.R. 33, p. 21). Il s'ensuit que le grief est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention et doit être rejeté, par application de son article 27 par. 2 (art. 27-2). Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, AJOURNE l'examen du grief tiré de la durée de la procédure civile relative au remboursement du prêt en caution solidaire et de la procédure pénale avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux ; DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus. M. -T. SCHOEPFER G.H. THUNE Secrétaire Présidente de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre


Synthèse
Formation : Commission (deuxième chambre)
Numéro d'arrêt : 31093/96
Date de la décision : 26/02/1997
Type d'affaire : DECISION (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6-1) EGALITE DES ARMES, (Art. 6-1) PROCEDURE CONTRADICTOIRE


Parties
Demandeurs : POUBLAN
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1997-02-26;31093.96 ?

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