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26/02/1997 | CEDH | N°32809/96

CEDH | RENNA contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 32809/96 présentée par Giuseppe RENNA contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 26 février 1997 en présence de Mme G.H. THUNE, Présidente MM. J.-C. GEUS G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H. DANELIUS F. MARTINEZ M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO

D. SVÁBY P. LORENZEN ...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 32809/96 présentée par Giuseppe RENNA contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 26 février 1997 en présence de Mme G.H. THUNE, Présidente MM. J.-C. GEUS G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H. DANELIUS F. MARTINEZ M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO D. SVÁBY P. LORENZEN E. BIELIUNAS E.A. ALKEMA Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 28 mars 1995 par Giuseppe RENNA contre la France et enregistrée le 29 août 1996 sous le N° de dossier 32809/96 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant italien, né en 1951. Il est incarcéré à la maison d'arrêt de Strasbourg. Les faits, tels que présentés par le requérant, peuvent se résumer comme suit : Le requérant est entré en août 1978 en France où il a résidé régulièrement. En 1985 il a eu un fils qui est de nationalité française. Par jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg rendu le 17 juin 1994, le requérant fut reconnu coupable d'infraction à la législation sur les stupéfiants (trafic d'héroïne, cocaïne et cannabis) et condamné à la peine de six ans d'emprisonnement ainsi qu'à des amendes douanières. Sur appel du ministère public et du requérant, la cour d'appel de Colmar, par arrêt rendu le 30 septembre 1994, porta la peine d'emprisonnement à huit ans et prononça à son encontre l'interdiction définitive du territoire français en se fondant sur l'article L. 630-1 du Code de la santé publique dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1991, en vigueur au moment des faits, et les dispositions de l'article 131-30 du Code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993 applicable à compter du 1er mars 1994. Contre cet arrêt, le requérant forma un pourvoi en cassation en invoquant l'article 7 de la Convention. Le requérant faisait valoir que la cour d'appel de Colmar ne pouvait prononcer à son encontre une interdiction définitive du territoire français sur le fondement de l'article 131-30 du Nouveau Code pénal, tel que modifié par la loi du 24 août 1993 applicable à compter du 1er mars 1994, pour des faits commis entre 1989 et 1992. Par arrêt du 21 mars 1996, la Cour de cassation rejeta le pourvoi aux motifs suivants : "Attendu que Giuseppe Renna, déclaré notamment coupable d'importations de stupéfiants commises en 1991 et 1992, a été condamné par l'arrêt attaqué à la peine complémentaire de l'interdiction définitive du territoire français, prévue par les articles L. 627 et L. 630-1 du Code de la santé publique, applicables lors des faits, et par les articles 131-30, 222-36, et 222-48 du Code pénal en vigueur depuis le 1er mars 1994 ; Attendu, dès lors, d'une part que l'abrogation de l'article L. 630-1 précité par la loi du 16 décembre 1992, n'est intervenue qu'à l'entrée en vigueur de cette loi le 1er mars 1994, et dès lors, d'autre part, qu'à cette date, sont devenus applicables les articles 131-30 et 222-48 du Code pénal, dans leur rédaction issue de la loi du 24 août 1993, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués."
GRIEFS Le requérant se plaint que l'interdiction définitive du territoire français a été prononcée sur la base de lois qui n'étaient pas applicables au moment où l'infraction fut commise. Il estime qu'il y a eu application rétroactive d'une peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise, en violation de l'article 7 par. 1 de la Convention. Le requérant se plaint également des conséquences de la mesure d'éloignement de la France sur sa vie familiale. En particulier, il fait valoir qu'il a un fils, en France, de nationalité française qui lui rend visite tous les mois et qu'il verse à la mère l'ensemble de l'argent qu'il gagne. Son éloignement de la France l'empêcherait de garder un bon contact avec son fils. Il invoque l'article 8 de la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant, invoquant l'article 7 par. 1 (art. 7-1) de la Convention, se plaint de l'application rétroactive d'une peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. L'article 7 par. 1 (art. 7-1) de la Convention est ainsi libellé : "1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise." Toutefois, la Commission rappelle que, selon sa jurisprudence, la mesure d'expulsion consistant dans l'interdiction définitive du territoire français doit être assimilée à une mesure de police à laquelle le principe de non-rétroactivité énoncé à l'article 7 (art. 7) de la Convention ne s'applique pas. Elle note à cet égard qu'une mesure d'expulsion peut être prise non seulement à la suite d'une condamnation pénale mais également comme une mesure administrative à l'encontre de personnes dont la présence sur le territoire n'est pas souhaitable (N° 16725/90, déc. 6.12.91, non publiée). Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 7 (art. 7) de la Convention doit être rejeté comme étant incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2).
2. Le requérant fait valoir qu'il a un fils en France de nationalité française qui lui rend visite tous les mois et qu'il verse à la mère tout l'argent qu'il gagne. Son éloignement de la France l'empêcherait de garder un bon contact avec son fils. Il invoque l'article 8 (art. 8) de la Convention qui se lit comme suit : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." La Commission rappelle en premier lieu que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, les Etats contractants ont le droit de contrôler, en vertu d'un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, l'entrée, le séjour et l'éloignement des non- nationaux (cf., par exemple, Cour eur. D.H., arrêts Moustaquim c. Belgique du 18 février 1991, série A n° 193, p. 19, par. 43 ; Beldjoudi c. France du 26 mars 1992, série A n° 234-A, p. 27, par. 74 et Boughanemi c. France du 24 avril 1996, par. 41, Recueil, 1996). Toutefois, leurs décisions en la matière peuvent porter atteinte dans certains cas au droit protégé par l'article 8 par. 1 (art. 8-1) de la Convention. La Commission note que le requérant vit en France depuis 1978 et que dans ce pays vit son fils de nationalité française à l'entretien duquel il participe et avec lequel il garde des contacts réguliers. La Commission considère que, compte tenu des liens sociaux et familiaux du requérant en France, la mesure d'interdiction définitive du territoire français constitue une ingérence dans sa vie privée et familiale (cf. Cour eur. D.H. arrêt Berrehab c. Pays-Bas du 21 juin 1988, série A n° 138, p. 14, par. 23). Toutefois, la Commission estime qu'eu égard, d'une part, au fait que le requérant est arrivé en France à l'âge adulte et, d'autre part, à la nature et à la gravité de l'infraction pénale dont il a été reconnu coupable, la mesure d'interdiction définitive du territoire français peut être considérée comme une mesure nécessaire à la défense de l'ordre, à la prévention des infractions pénales et à la protection de la santé au sens de l'article 8 par. 2 (art. 8-2) de la Convention (cf. Cour eur. D.H. arrêts Boughanemi c. France précité, par. 44 et 45, et C. c. Belgique du 7 août 1996, par. 35 et 36, Recueil, 1996. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à la majorité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. M.-T. SCHOEPFER G.H. THUNE Secrétaire Présidente de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre


Synthèse
Formation : Commission (deuxième chambre)
Numéro d'arrêt : 32809/96
Date de la décision : 26/02/1997
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6-1) EGALITE DES ARMES, (Art. 6-1) PROCEDURE CONTRADICTOIRE


Parties
Demandeurs : RENNA
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1997-02-26;32809.96 ?

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