La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/1998 | CEDH | N°16817/90

CEDH | AFFAIRE PAULSEN-MEDALEN ET SVENSSON c. SUÈDE


AFFAIRE PAULSEN-MEDALEN ET SVENSSON c. SUÈDE
CASE OF PAULSEN-MEDALEN AND SVENSSON v. SWEDEN (149/1996/770/967)
ARRÊT/JUDGMENT
STRASBOURG
19 février/February 1998
Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1998, édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.
The present judgment is subject to editorial

revision before its reproduction in final form in Reports of Judgments...

AFFAIRE PAULSEN-MEDALEN ET SVENSSON c. SUÈDE
CASE OF PAULSEN-MEDALEN AND SVENSSON v. SWEDEN (149/1996/770/967)
ARRÊT/JUDGMENT
STRASBOURG
19 février/February 1998
Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1998, édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.
The present judgment is subject to editorial revision before its reproduction in final form in Reports of Judgments and Decisions 1998. These reports are obtainable from the publisher Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Köln), who will also arrange for their distribution in association with the agents for certain countries as listed overleaf.
Liste des agents de vente
Belgique : Etablissements Emile Bruylant (rue de la Régence 67,
  B-1000 Bruxelles)
Luxembourg : Librairie Promoculture (14, rue Duchscher
  (place de Paris), B.P. 1142, L-1011 Luxembourg-Gare)
Pays-Bas : B.V. Juridische Boekhandel & Antiquariaat
  A. Jongbloed & Zoon (Noordeinde 39, NL-2514 GC La Haye) 
SOMMAIRE1
Arrêt rendu par une chambre
Suède – durée d’une procédure concernant les restrictions pour une mère de voir ses deux fils placés à l’assistance publique et impossibilité alléguée par le père de l’un d’eux de faire décider par un tribunal de son droit de visite à son fils (articles 14 et 41 de la loi de 1990 portant dispositions spéciales sur l’assistance aux adolescents)
I. ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
A. Grief de la mère (la première requérante)
L’unique phase de la procédure interne qui pose un problème en l’espèce se situe entre le 22 janvier 1991, date de la demande par la première requérante de l’autorisation de se pourvoir devant la Cour administrative suprême, et le 28 juin 1993, jour où celle-ci a décidé de confirmer les décisions des juridictions inférieures concernant les restrictions au droit de visite – il ne ressort pas du dossier que le retard soit imputable au comportement de la requérante ou à la complexité de l’affaire – l’autorité concernée ne saurait passer pour avoir agi avec la diligence exceptionnelle requise par l’article 6 § 1 en pareil cas.
Conclusion : violation (unanimité).
B. Grief du père (le deuxième requérant)
Certes, il n’apparaît pas clairement si le père non titulaire de la garde de l’enfant ou d’un droit de visite conformément à une décision judiciaire ou à un accord peut revendiquer ce droit en invoquant l’article 14 de la loi de 1990, mais le libellé de cette disposition (« parent ou toute autre personne investie de la garde [de l’enfant] ») ne l’exclut pas – le fait que les grands-parents maternels du fils du second requérant, bien que n’entrant pas dans la catégorie des personnes évoquées à l’article 14, fussent en mesure d’obtenir une décision formelle sur le droit de visite permet de penser que le requérant aurait pu, lui aussi, bénéficier de pareille disposition – en réponse à sa demande de droit de visite, les services sociaux ont refusé qu’une personne autre que le titulaire de la garde jouisse de droits de visite – le requérant n’a cependant pas poussé la question plus avant lorsqu’il a été invité à discuter des modalités de visite – il n’a fourni aucune précision à l’appui de son argument selon lequel il aurait expressément réclamé sur sa demande de droit de visite une décision formelle que le service compétent ne pouvait ou ne voulait pas lui donner.
Dans ces conditions, la Cour n’est pas convaincue par le grief du second requérant selon lequel, en tant que « parent », il n’aurait pas pu obtenir une décision de ce genre – du reste pas établi qu’il n’aurait pas pu engager une procédure de contrôle juridictionnel, en invoquant l’article 41 de la loi de 1990, pour se plaindre d’une décision lui refusant un droit de visite.
Conclusion : non-violation (unanimité).
II. ARTICLES 8 ET 13 DE LA CONVENTION
Le grief tiré par le second requérant des articles 8 et 13 se réfère aux mêmes faits que celui tiré de l’article 6 § 1.
Conclusion : non-lieu à examen (unanimité).
III. ARTICLE 50 DE LA CONVENTION
A. Préjudice
Octroi d’une compensation en équité (unanimité).
B.      Frais et dépens
Accordés en partie (unanimité).
RÉFÉRENCES À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR
25.2.1992, Margareta et Roger Andersson c. Suède ; 7.8.1996, Johansen c. Norvège ; 25.2.1997, Z c. Finlande
En l'affaire Paulsen-Medalen et Svensson c Suède2,
La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement B3, en une chambre composée des juges dont le nom suit :
MM. R. Bernhardt, président,
L.-E. Pettiti,
Mme E. Palm,
MM. R. Pekkanen,
A.N. Loizou,
M.A. Lopes Rocha,
K. Jungwiert,
U. Lōhmus,
P. Van Dijk,  
ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 26 novembre 1997 et 26 janvier 1998,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCéDURE
1.  L'affaire a été déférée à la Cour par les requérants, Mme Anne-Marie Paulsen-Medalen et M. Sven-Erik Svensson, tous deux ressortissants suédois, le 25 octobre 1996, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouve une requête (no 16817/90) dirigée contre le Royaume de Suède et dont les requérants avaient saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 7 août 1989 en vertu de l'article 25.
La requête a pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences de l'article 6 de la Convention.
Le 21 février 1997, le comité de filtrage a décidé de ne pas décliner l’examen de l’affaire et de la soumettre à la Cour (article 48 § 2 de la Convention).
2.  En réponse à l'invitation prévue à l'article 35 § 3 d) du règlement B, les requérants ont désigné leurs conseils (article 31).
3.  La chambre à constituer comprenait de plein droit Mme E. Palm, juge élu de nationalité suédoise (article 43 de la Convention), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement B). Le 19 mars 1997, celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. L.-E. Pettiti, R. Pekkanen, A.N. Loizou, M.A. Lopes Rocha, K. Jungwiert, U. Lōhmus et P. van Dijk, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement B). Par la suite, le 18 novembre 1997, M. R. Bernhardt, vice-président de la Cour, a remplacé M. Ryssdal, empêché (articles 21 § 3 b) et 24 § 1 du règlement B).
4.  En sa qualité de président de la chambre (article 21 §  6 du règlement B), M. Ryssdal a consulté, par l'intermédiaire du greffier adjoint, l'agent du gouvernement suédois (« le Gouvernement »), l’avocat des requérants et le délégué de la Commission au sujet de l'organisation de la procédure (articles 39 § 1 et 40). Conformément à l'ordonnance rendue en conséquence le 9 juillet 1997, le greffier a reçu le mémoire du Gouvernement le 22 octobre 1997 et celui des requérants le 29. Par une lettre du 6 novembre 1997, le secrétaire de la Commission a informé le greffier que le délégué n’entendait pas y répondre par écrit.
5.  Le 6 novembre 1997, la Commission a produit des extraits d'un document versé à son dossier ; le greffier l'y avait invitée sur les instructions du président. Le 17 novembre 1997, les requérants ont demandé à verser un document au dossier. Le 24 novembre, le président a décidé, après avoir consulté la chambre (article 39 § 1, troisième alinéa, du règlement B) de ne pas l’accepter.
6.  Ainsi qu'en avait décidé ce dernier, les débats se sont déroulés en public le 24 novembre 1997, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.
Ont comparu : 
– pour le Gouvernement  M.  C.H. Ehrenkrona, directeur des affaires juridiques,      ministère des Affaires étrangères, agent,  Mmes I. Stenkula, conseiller juridique,      ministère des Affaires sociales,     A. Wickström, conseiller juridique,      ministère de la Justice,   M.  T. Zander, conseiller juridique,      ministère des Affaires étrangères, conseillers ;
– pour la Commission   M. L. Loucaides, délégué ;
– pour les requérants   Mmes S. Westerberg, juriste, conseil,     R. Harrold-Claesson, juriste,     N. Nicolet, juriste, conseillères,     B. Hellwig, assistante.
La Cour a entendu en leurs déclarations M. Loucaides, Mme Westerberg et M. Ehrenkrona.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
A. Genèse de l'affaire
7.  La première requérante, Mme Anne-Marie Paulsen-Medalen, née en 1958 et célibataire, habite Västra Frölunda, faubourg de Göteborg. Le second requérant, M. Sven-Erik Svensson, né en 1957, est domicilié à Partille, un autre faubourg de Göteborg. La première requérante est la mère de deux garçons, P. et J. ; le second requérant est le père de J.
8.  La première requérante entra en rapport avec les services sociaux en 1984, alors qu'elle attendait son premier enfant, P. Après la naissance de P., elle vécut tout d'abord avec l'enfant chez ses parents, puis avec le second requérant, avant de s'installer, à partir de mai 1985, chez le père de P. Après la naissance en 1986 de son fils J., elle retourna chez ses parents avec ses fils puis déménagea à Högsbohöjd pendant l'été 1986. Depuis 1989, elle habite Västra Frölunda pour être plus près de ses parents. Pendant cette période, les services sociaux lui ont constamment apporté un soutien financier et une assistance pour l'aider à élever ses enfants.
9.  Le 8 février 1989, à la suite d'une enquête des services sociaux, le président du conseil social du district (sociala distriktsnämnden) de Frölunda-Styrsö décida la prise en charge immédiate des enfants sur une base provisoire. Les garçons furent placés au foyer d'enfants de Bö à Göteborg.
10.  La première requérante attaqua cette décision de placement provisoire. Cependant, le tribunal administratif départemental (länsrätten) puis la cour administrative d'appel (kammarrätten) de Göteborg confirmèrent la décision et la Cour administrative suprême (regeringsrätten) refusa à l’intéressée l'autorisation de former un pourvoi.
11.  Par un jugement du 17 mars 1989, le tribunal administratif départemental ordonna la prise en charge de P. et J. en vertu de l'article 1 de la loi de 1980 portant dispositions spéciales sur l'assistance aux adolescents (lag 1980:621 med särskilda bestämmelser om vård av unga – « la loi de 1980 »), au motif qu'il y avait dans l'entretien des enfants des lacunes de nature à compromettre leur santé et leur développement.
12.  La première requérante fit appel du jugement, à l'origine pour ses deux fils. Elle se désista par la suite de son appel pour autant qu'il concernait P.
Par un arrêt du 13 février 1990, la cour administrative d'appel confirma l'ordonnance de prise en charge de J.
13.  Mme Paulsen-Medalen tenta un recours contre cette décision mais, le 22 mars 1990, la cour administrative d'appel le rejeta pour tardiveté, décision que confirma la Cour administrative suprême le 3 juillet 1990.
B.  Restrictions au droit de visite et procédure y afférente
1. Le droit pour la première requérante de voir ses fils
14.  J. et P. furent placés dans des familles d'accueil différentes les 7 mars et 18 avril 1989 respectivement. A l'origine, aucune décision ne fut prise quant aux contacts de la première requérante avec ses enfants, mais en fait de mars 1989 à mars 1990, elle put, semble-t-il, les voir une fois tous les quinze jours pendant deux heures et demie. Elle pouvait en outre les recevoir chez elle deux fois par an durant deux heures et demie. Le second requérant l'accompagnait généralement pendant ces visites au domicile des familles d'accueil.
15.  Le 19 mars 1990, après avoir pris contact avec la juriste qui la représente actuellement, Mme Siv Westerberg, la première requérante demanda aux services sociaux de lui confirmer que son droit de visite à ses enfants n’était assorti d’aucune restriction.
16.  Le 20 mars 1990, le président du conseil social (stadsdelsnämnden) de Högsbo décida, en vertu de l'article 16 de la loi de 1980 (paragraphe 29 ci-dessous), de limiter les contacts de la première requérante avec ses enfants à deux heures et demie tous les quinze jours, au domicile des familles d'accueil.
Le 27 mars 1990, agissant en son nom et en celui de ses enfants, Mme Paulsen-Medalen saisit le tribunal administratif départemental, soutenant à titre principal que la décision était illégale puisque le président du conseil social n'était pas habilité à restreindre un droit de visite.
17.  Par un jugement du 20 juin 1990, le tribunal administratif départemental annula la décision du président. Toutefois, le 6 juillet 1990, la cour administrative d'appel, saisie par le conseil social, infirma le jugement au motif que le président du conseil social avait bien le pouvoir de limiter le droit de visite. La cour renvoya l'affaire au tribunal administratif départemental pour qu'il statuât sur le fond, c'est-à-dire sur les restrictions au droit de visite.
La première requérante se pourvut contre l'arrêt de la cour administrative d'appel devant la Cour administrative suprême qui, le 5 novembre 1990, lui refusa l'autorisation de former un pourvoi.
18.  Entre temps, le 19 juin 1990, les services sociaux décidèrent de limiter le droit de la première requérante de s'entretenir au téléphone avec son fils J. à deux communications par semaine. En outre, par une décision du 3 juillet 1990, ils maintinrent les restrictions aux contacts de l'intéressée avec ses deux enfants à deux heures et demie tous les quinze jours, au domicile des familles d'accueil.
19.  La requérante contesta ces décisions devant le tribunal administratif départemental qui, après une audience tenue le 28 septembre 1990, les confirma par un jugement du 3 octobre 1990.
20.  Le 8 octobre 1990, l'intéressée attaqua ce jugement en son nom et en celui de ses fils devant la cour administrative d'appel qui, à la suite d'une audience contradictoire, rejeta l'appel le 11 janvier 1991.
21.  Le 22 janvier 1991, la première requérante et ses enfants, représentés par leur mère, demandèrent l'autorisation de former un pourvoi devant la Cour administrative suprême, qui la leur accorda le 23 juillet 1991.
22.  Le 28 juin 1993, la Cour administrative suprême confirma les décisions des juridictions inférieures sur les restrictions au droit de visite.
Au dire du Gouvernement, le retard à statuer mis par la Cour administrative suprême serait dû au fait qu’elle attendait l’arrêt de la Cour de Strasbourg en l’affaire Margareta et Roger Andersson c. Suède (arrêt du 25 février 1992, série A n° 226-A), qui soulevait des questions analogues pour des restrictions aux communications téléphoniques entre une mère et son enfant.
2. Le droit pour le second requérant de voir son fils J.
23.  Le 5 février 1991, Mme Westerberg présenta, au nom du second requérant, la demande suivante à l'autorité compétente :
« [Le second requérant] demande à voir son fils [J.] tous les week-ends du vendredi 17 heures au dimanche 17 heures, à compter du 15 février 1991. Les visites auront lieu au domicile [du second requérant] à Partille, en dehors de toute présence obligatoire d'autres personnes. [Le second requérant] viendra chercher et ramènera [J.] au domicile de sa famille d'accueil.
Je vous serais obligée de bien vouloir m'informer immédiatement, dans le délai d'une semaine, si vous acceptez ces modalités de visite, et d'en aviser la famille d'accueil. Si vous estimez ne pas être habilité, en votre qualité de fonctionnaire, à prendre une décision sur cette affaire, je vous demande de transmettre le dossier au conseil social, de m'en informer, et de me faire part de la date pour laquelle je peux attendre la décision du conseil social. »
24.  Le 11 février 1991, le chef des services sociaux du dixième district (Högsbo) de Göteborg (stadsdelsförvaltningen 10, Högsbo, Göteborgs Stad) communiqua au second requérant les informations suivantes :
« (…) Il me faut souligner que c'est la loi portant dispositions spéciales sur l'assistance aux adolescents qui s'applique aux enfants pris en charge par l'autorité publique. Les dispositions de cette loi concernant le droit de visite ne s'appliquent, vous le savez, qu'au titulaire de la garde de l'enfant ou aux personnes qui ont pris l'enfant en charge. En conséquence, elles ne s’appliquent qu’à la mère [la première requérante]. Bien entendu, le père naturel est important pour l'enfant et celui-ci est en droit de le voir, mais selon les modalités qui répondent au mieux à ses intérêts. En vertu de l'article 11 de [la loi de 1990], il appartient aux services sociaux, en l'espèce au bureau des familles d'accueil du district de Tynnered [familjehemsverksamheten i stadsdels-förvaltningen Tynnered], de décider des conditions personnelles de J. au sein du foyer d'accueil. [Le second requérant] est invité à prendre contact avec la [personne chargée du placement en famille d'accueil] pour examiner la question du droit de visite.
(…) Je tiens à rappeler que cette affaire concerne un enfant qui a été placé dans un foyer d'accueil en vertu d'une ordonnance judiciaire parce que sa prise en charge s'imposait. On ne saurait considérer qu'il est dans l'intérêt d'un enfant, surtout dans la situation de [J.], d'être retiré de son foyer tous les week-ends. Même dans les cas de divorce, il n'est pas d'usage d'accorder un droit de visite à des intervalles aussi rapprochés, alors même que souvent il ne s'agit pas d'enfants nécessitant des soins spécifiques à donner dans le foyer où ils vivent.
Vous demandez en fait que l'on accorde à une personne qui n'est pas titulaire de la garde de l'enfant un droit de visite plus étendu que celui que le gardien a obtenu. »
25.  Le second requérant renonça à aller plus loin mais, apparemment il se renseigna auprès des services sociaux de Frölunda sur son droit de visite à J. Par une lettre du 6 octobre 1995, ces derniers lui répondirent :
« En droit interne, aucun droit de visite à un enfant n'est prévu pour une personne autre que le titulaire de la garde. Toutefois, il est indiqué pour un enfant de rencontrer également des membres de sa famille.
Le tribunal administratif départemental a décidé que [J.] n’irait chez sa mère que deux fois par an, le nombre des visites pouvant être augmenté avec le consentement de [J.]. Les contacts éventuels de l'enfant avec d'autres parents doivent être appréciés à la lumière de ce fait. Quant à la demande du [second requérant] de rencontrer [J.], on pourrait convenir que [le second requérant] participe aux visites régulières tous les quinze jours. Certes, [J.] n'a été présent qu'à quelques reprises pendant la dernière   année, mais l'objectif est qu'il prenne plus souvent part à ces visites à l'avenir. Cela signifie que [le second requérant] pourra alors rencontrer [J.] aux mêmes conditions que la mère [la première requérante].  »
26.  Apparemment, le second requérant n'a pas entrepris d'autres démarches pour obtenir le droit de voir son fils J.
3. Droit de visite des grands-parents à P. et J.
27.  Le 12 novembre 1990, Mme Westerberg avait présenté au conseil social du district de Högsbo la demande des grands-parents maternels de voir leurs petits-enfants P. et J. passer tous les week-ends chez eux.
Le 14 novembre 1990, le conseil informa Mme Westerberg que la question concernant le droit pour les grands-parents de voir leurs petits-enfants n'était pas régie par la loi. La demande pouvait néanmoins être examinée dans le cadre des pouvoirs généraux accordés aux services sociaux de décider de la situation personnelle des enfants. Ces décisions n’étaient susceptibles d'aucun recours. On conseilla aux grands-parents de rencontrer les autorités sociales responsables du foyer d'accueil pour discuter des possibilités de droit de visite bien que ce dernier ne semblât pas se concilier avec les besoins des enfants.
Par une lettre du 22 novembre 1992, les grands-parents insistèrent pour avoir à cet égard une décision formelle. Le 4 décembre 1992, le conseil social du district décida d’en rester là.
II. Le droit et la pratique internes pertinents
28.  Au cours de la présente procédure, la loi de 1980 portant dispositions spéciales sur l’assistance aux adolescents (la loi de 1980) a été remplacée par une nouvelle loi du même nom (lagen 1990:52 med särskilda bestämmelser om vård av unga – « la loi de 1990 »), comportant des amendements et des ajouts au texte de 1980. La loi de 1990 est entrée en vigueur le 1er juillet 1990. Selon ses dispositions transitoires, une ordonnance de prise en charge délivrée en vertu de la loi de 1980 est assimilée à une ordonnance de prise en charge rendue conformément à la disposition correspondante de la loi de 1990. La même règle vaut pour les décisions concernant le droit de visite.
29.  L’article 16 de la loi de 1980 était ainsi libellé :
« Si cela s’avère nécessaire à la mise en œuvre de la prise en charge prévue par la présente loi, le conseil social peut
1. fixer les modalités de l’exercice par un parent ou toute autre personne investie de la garde de l’enfant de son droit à avoir des contacts avec lui, ou
2. décider que le lieu de résidence du jeune ne doit pas être indiqué au parent ou au titulaire de la garde. »
30.  L’article 14 de la loi de 1990, qui a remplacé l’article 16 de la loi de 1980, dispose :
« Il incombe au conseil social de répondre autant que faire se peut aux besoins du jeune d’avoir des contacts avec ses parents ou avec une autre personne investie de la garde.
Si cela s’avère nécessaire à la mise en œuvre de la prise en charge prévue par la présente loi, le conseil peut
1. fixer les modalités de l’exercice par un parent ou toute autre personne investie de la garde de l’enfant de son droit à avoir des contacts avec lui, ou
2. décider que le lieu de résidence du jeune ne doit pas être indiqué au parent ou  au titulaire de la garde.
Le conseil examine au moins une fois par trimestre si les décisions visées au deuxième paragraphe s’imposent toujours. »
31.  Jusqu’à présent, la Cour administrative suprême n’a pas rendu d’arrêt de principe précisant si un parent non investi de la garde de l’enfant et ne bénéficiant pas d’un droit de visite consacré par une décision judiciaire ou par un accord entre les parents peut solliciter une décision du conseil social sur ses contacts avec l’enfant.
32.  Aux termes de l’article 41 de la loi de 1990, la décision d’un conseil social concernant un droit de visite est susceptible de recours devant le tribunal administratif départemental. Celui-ci peut revoir la décision du conseil social pour autant que son contenu relève de l’article 14 de la loi de 1990 (ou de l’article 16 de la loi de 1980 ; Recueil de la Cour administrative suprême, Regeringsrättens Årsbok 1984, 2/38).
procÉdure devant la commission
33.  Mme Anne-Marie Paulsen-Medalen et M. Sven-Erik Svensson, ainsi que les enfants P. et J. et leurs grands-parents maternels, ont saisi la Commission (requête n° 16817/90) le 7 août 1989. Ils se plaignaient diversement de violations du droit au respect de la vie familiale que leur garantit l’article 8 de la Convention, en raison de la prise en charge des enfants par l’autorité publique, du maintien en vigueur de l’ordonnance de placement et de la mise en œuvre du placement. Sur ce dernier point, la première requérante et ses enfants dénonçaient les conditions dans les foyers d’accueil et les restrictions aux visites. A leur avis, les restrictions aux communications téléphoniques violeraient également l’article 10 de la Convention. La première requérante protestait en outre, sur le terrain de  l’article 6 § 1 de la Convention, contre l'absence d’équité et la durée de la procédure concernant les restrictions au droit de voir ses enfants et contre la durée de la procédure de mainlevée de l’ordonnance de placement. Les autres requérants alléguaient que les refus du conseil social de prendre une décision sur leur droit de visite les avaient privés, au mépris de l’article 6 § 1, de toute possibilité de contrôle juridictionnel des restrictions imposées de facto à leur droit de visite. Enfin, la première requérante et ses fils se plaignaient de ce que, contrairement à l’article 25 de la Convention, Mme Westerberg n’ait pas été autorisée à rencontrer les enfants pour remplir
le formulaire de leur requête à la Commission et qu’ils n'aient pas pu, dans le cadre du régime national d'aide judiciaire, faire appel à elle pour les représenter.
34.  Le 7 septembre 1995, la Commission (deuxième chambre) a retenu la requête s’agissant du grief de Mme Paulsen-Medalen quant à la durée de la procédure sur le droit de visite, et du grief de M. Svensson quant à l’absence de recours en justice pour voir statuer sur le droit de voir son fils J. Elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus et décidé de ne pas donner suite à l’allégation d’entrave à l’exercice effectif du droit de recours individuel.
Dans son rapport du 4 septembre 1996 (article 31), la Commission formule à l’unanimité l’avis qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 dans le chef de la première requérante mais pas dans celui du second requérant. Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt4.
conclusions présentées à la cour
35.  A l’audience du 24 novembre 1997, le Gouvernement, comme il l’avait fait dans son mémoire, a invité la Cour à constater l’absence de violation dans le chef du deuxième requérant et a laissé à la Cour le soin d’apprécier s’il y a eu violation s’agissant de la première requérante.
36.  A la même occasion, les requérants ont réitéré les demandes formulées dans leur mémoire, en priant la Cour de conclure à des violations des articles 6, 8 et 13 de la Convention et à leur accorder une satisfaction équitable au titre de l’article 50.
en droit
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
37.  Les requérants se prétendent victimes de violations de l’article 6 § 1 de la Convention, libellé ainsi dans sa partie pertinente :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
A. Sur le grief de la première requérante
38.  La première requérante se plaint de ce que, au mépris de la disposition précitée, la procédure concernant son droit de visite à ses fils (paragraphes 14–22 ci-dessus) ait dépassé un délai raisonnable.
39.  Selon la jurisprudence de la Cour, le caractère raisonnable de la durée d’une procédure doit s’apprécier notamment à la lumière de la complexité de l’affaire et du comportement du requérant et des autorités compétentes. Dans les affaires concernant les restrictions au droit de visite d’un parent à son enfant placé à l’assistance publique, la nature des intérêts en jeu pour le requérant et les éventuelles conséquences, graves et irréversibles, de la prise en charge de l’enfant sur la jouissance du droit au respect de la vie familiale font obligation aux autorités d’agir avec une diligence exceptionnelle pour garantir un déroulement rapide de la procédure (arrêt Johansen c. Norvège du 7 août 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 1010–1011, § 88).
40.  La Commission, partageant le point de vue de la requérante sur la durée excessive de la procédure, n’a pas estimé que cela fût dû à la complexité de l’affaire ou au comportement de l’intéressée. En l’absence d’une explication convaincante du Gouvernement quant au fait que l’affaire soit restée pendante devant la Cour administrative suprême pendant deux ans et cinq mois (paragraphes 21–22 ci-dessus), elle conclut à une violation de l’article 6 § 1 dans le chef de la requérante.
41.  Le Gouvernement n’a pas cherché à soutenir que la durée de la procédure a été raisonnable ; il a néanmoins invité la Cour à tenir compte de la charge de travail de la Cour administrative suprême et de ce que, dans l’appareil judiciaire suédois, celle-ci a pour rôle de fournir des directives sur l’interprétation du droit interne. De plus, la première requérante n’a pris aucune mesure pour inciter ladite juridiction à accélérer la procédure.      42.   De l’avis de la Cour, la période à considérer a commencé le 19 mars 1990, date à laquelle la première requérante a soumis aux services sociaux la demande concernant son droit de visite, et s’est terminée le 28 juin 1993, lorsque la Cour administrative suprême a rendu son arrêt (paragraphes 15-22 ci-dessus). Pendant cette période, la première requérante a obtenu des autorités et des juridictions administratives un certain nombre de décisions sur son droit de voir ses enfants.
L’unique phase de la procédure qui pose un problème en l’espèce se situe entre le 22 janvier 1991, date de la demande par la première requérante de l’autorisation de se pourvoir devant la Cour administrative suprême, et le 28 juin 1993, jour où celle-ci a décidé de confirmer les décisions des juridictions inférieures concernant les restrictions au droit de visite (paragraphes 21–22 ci-dessus). Il ne ressort pas du dossier que le retard fût imputable au comportement de la requérante ou à la complexité de l’affaire. Dans ce contexte, l’autorité concernée ne saurait passer pour avoir agi avec la diligence exceptionnelle requise par l’article 6 § 1 de la Convention en pareil cas. En conséquence, il y a eu violation de cette disposition dans le chef de la première requérante.
B.  Sur le grief du second requérant
43.  Le second requérant allègue que, contrairement à l’article 6 § 1 de la Convention, il s’est vu refuser la possibilité de faire statuer par un tribunal sur le droit de voir son fils J. (paragraphes 23–26 ci-dessus). Selon lui, il n’aurait pas pu obtenir des services sociaux une décision lui permettant de solliciter ultérieurement le contrôle d’un tribunal sur la question du droit de visite. Il a bien demandé une telle décision mais le conseil social a expressément refusé de se prononcer, car le droit suédois ne l’y habilitait pas.
44.  Le Gouvernement et la Commission sont d’un avis opposé à celui du requérant. Selon eux, comme le montre l’exemple des grands-parents (paragraphe 27 ci-dessus), rien n’aurait empêché le second requérant d’obtenir sur le droit de voir son fils une décision formelle en vertu de l’article 14 de la loi de 1990, décision qu’il aurait pu contester devant le tribunal administratif départemental en vertu de l’article 41 de ladite loi (paragraphes 30–32 ci-dessus). On ne saurait examiner dans l’abstrait le point de savoir dans quel cas cette juridiction aurait tranché la question pour établir s’il y a eu ou non violation de l’article 6 § 1.
Le Gouvernement souligne en outre que la situation juridique n’est pas claire sur le droit de visite d’un parent non titulaire de droits de garde sur l’enfant, en l’absence d’une décision judiciaire rendue en vertu du code de la famille ou d’un accord entre les parents à ce sujet (paragraphes 30–32   ci-dessus). La Cour administrative suprême n’a pas, à ce jour, rendu d’arrêt de principe sur la question. Cependant, la première requérante ayant apparemment accepté que le second requérant ait un droit de voir J. (paragraphes 14 et 25 ci-dessus), il est peu probable que le conseil social eût refusé de rendre une décision formelle qui, elle, aurait été susceptible de recours.
45.  La Cour relève que la question de savoir si le père qui n’a pas la garde de l’enfant ou ne bénéficie pas d’un droit de visite conformément à une décision judiciaire ou à un accord pourrait revendiquer ce droit en invoquant l’article 14 de la loi de 1990, n’est certes pas très claire, mais cela n’est pas exclu par le libellé de cette disposition. Cet article s’applique en effet au « parent ou toute autre personne investie de la garde [de l’enfant] » (paragraphes 30–32 ci-dessus). Au surplus, le fait que les grands-parents maternels de J., bien que n’entrant pas dans la catégorie des personnes évoquées à l’article 14, fussent en mesure d’obtenir une décision formelle sur le droit de visite, permet de penser que le requérant aurait pu, lui aussi, bénéficier de pareille disposition (paragraphe 27 ci-dessus).
Il est exact que, en réponse à la demande de droit de visite formulée par le second requérant, le directeur des services sociaux a répondu le 11 février 1991 que seule la première requérante, en sa qualité de mère de l’enfant, relevait des dispositions de la loi de 1990 régissant le droit de visite. Toutefois, comme c’est également souligné, le second requérant avait été invité à examiner les modalités de visite avec le travailleur compétent mais n’a pas poussé la question plus avant. Il n’a pas non plus pris d’initiative pour donner suite à la réponse apportée à sa demande par les services sociaux le 6 octobre 1995, par laquelle ils indiquaient que la législation interne ne prévoit pas de droit de visite pour une personne autre que le gardien (paragraphes 24–26 ci-dessus). L’intéressé n’a fourni aucune précision à l’appui de son argument voulant qu’il aurait expressément réclamé ce droit et que les services compétents ne pouvaient ou ne voulaient lui donner une décision formelle sur sa requête en droit de visite.
46.  Dans ces conditions, la Cour n’est pas convaincue par le grief du second requérant selon lequel, en tant que « parent », il n’aurait pas pu obtenir une décision de ce genre. Par ailleurs, il n’est pas établi qu’il n’aurait pas pu engager une procédure de contrôle juridictionnel, en invoquant l’article 41 de la loi de 1990 devant le tribunal administratif départemental pour se plaindre d’une décision lui refusant un droit de visite (paragraphe 32 ci-dessus).
47.  Cela étant, la Cour conclut que les faits de la cause ne révèlent pas de méconnaissance de l’article 6 § 1 de la Convention, pour ce qui est du second requérant.
II. Sur les violations alléguées des articles 8 et 13 de la Convention
48.  Se référant aux mêmes faits que ceux relatifs au grief qu'il tire de l'article 6 § 1, le second requérant invoque également les articles 8 et 13 de la Convention.
L’article 8 est ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
L’article 13 se lit ainsi :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
49.  La Commission et le Gouvernement n’ont pas formulé d’autres observations que celles concernant l’article 6 § 1.
50.  La Cour, vu son constat concernant l’article 6 § 1 (paragraphes 45-47 ci-dessus), n’estime pas nécessaire d’examiner le même grief sur le terrain des articles 8 et 13.
III. sur l’application de l’article 50 de la Convention
51.  Les requérants réclament une satisfaction équitable au titre de l’article 50 de la Convention, ainsi libellé :
« Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable. »
A. Préjudice
52.  Les requérants réclament respectivement 800 000   couronnes suédoises (SEK) et 500 000 SEK en réparation des souffrances qu’ils ont subies à la suite des violations de la Convention.
53.  Le Gouvernement estime que dans l’hypothèse et dans la mesure où la Cour conclurait à une violation de la Convention, elle ne devrait accorder qu’un montant symbolique. Quant au grief de la première requérante, il souligne que l’intéressée ne semble pas avoir fait quoi que ce soit pour accélérer la procédure.
54.  Le délégué de la Commission invite la Cour à prendre en compte le fait que la Commission a déclaré irrecevables la plupart des griefs des requérants.
55.  Sur le grief de la première requérante, la Cour observe que son constat de violation de la Convention se limite à une question de procédure, la durée de l’instance devant la Cour administrative suprême (paragraphe 42 ci-dessus). Elle estime qu’en raison de l’incertitude causée par les lenteurs de l’instance, la requérante a subi un préjudice moral que ne saurait compenser le seul constat de violation. Statuant en équité, la Cour accorde à ce titre 10 000 SEK à la première requérante.
En revanche, la Cour, n’ayant constaté aucune violation de la Convention dans le chef du second requérant, écarte ses prétentions.
B.  Frais et dépens
56.  Les requérants demandent en outre le remboursement de 756 000 SEK pour le travail (420 heures à 1 800 SEK l’heure, taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comprise) effectué par leur représentante dans la procédure devant la Commission et la Cour.
57.  Le Gouvernement souligne que le nombre d’heures de travail invoqué est excessif et il invite la Cour à examiner si les services du conseil des requérants ont été satisfaisants. Il souligne à cet égard que les arguments avancés et les éléments produits étaient en partie hors de propos. A son avis, 40 000 SEK constitueraient une indemnisation raisonnable au titre des frais et dépens.
58.  Le délégué de la Commission rappelle que celle-ci a déclaré irrecevables un certain nombre de griefs.
59.  La Cour fait remarquer que les observations et éléments produits par les requérants n’avaient pas grand lien avec les deux griefs dont elle a été saisie et qu’au demeurant, elle n’a constaté de violation qu’à l’égard de la première requérante (paragraphes 42 et 48 ci-dessus). Conformément à sa jurisprudence, la Cour ne peut ordonner le remboursement des frais et dépens que dans la mesure où ils ont été réellement et nécessairement encourus afin de prévenir ou de redresser des faits jugés constitutifs d’une   violation de la Convention (voir, par exemple, l’arrêt Z c. Finlande du 25 février 1997, Recueil 1997-I, p. 355, § 126). Statuant en équité, elle alloue à la première requérante 40 000 SEK au titre des frais et dépens (TVA incluse), moins la somme reçue pour les honoraires au titre de l’assistance judiciaire du Conseil de l'Europe.
C. Intérêts moratoires
60.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux légal applicable en Suède à la date d’adoption du présent arrêt est de 10,5 % l’an.
Par ces motifs, la Cour, à L'UNANIMITé,
1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention dans le chef de la première requérante ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 dans le chef du second requérant ;
3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief du second requérant sous l’angle des articles 8 et 13 de la Convention ;
4. Dit :
a) que l’Etat défendeur doit verser à la première requérante, dans les trois mois, 10 000 (dix mille) couronnes suédoises pour dommage moral et 40 000 (quarante mille) couronnes, moins 3 900 (trois mille neuf cents) francs français à convertir en couronnes suédoises au taux applicable à la date du prononcé du présent arrêt, pour frais et dépens ;
b) que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 10,5 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 19 février 1998.
Signé : Rudolf Bernhardt  Président 
Signé : Herbert Petzold            Greffier
1.  Rédigé par le greffe, il ne lie pas la Cour.
Notes du greffier
2.  L'affaire porte le n° 149/1996/768/969. Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.
3.  Le règlement B, entré en vigueur le 2 octobre 1994, s’applique à toutes les affaires concernant les Etats liés par le Protocole n° 9.
4  Note du greffier : pour des raisons d’ordre pratique il n’y figurera que dans l’édition imprimée (Recueil des arrêts et décisions 1998), mais chacun peut se le procurer auprès du greffe.
ARRÊT PAULSEN-MEDALEN ET SVENSSON DU 19 FÉVRIER 1998
ARRÊT PAULSEN-MEDALEN ET SVENSSON DU 19 FÉVRIER 1998


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 16817/90
Date de la décision : 19/02/1998
Type d'affaire : Arrêt (Au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 (première requérante) ; Non-violation de l'art. 6-1 (deuxième requérant) ; Non-lieu à examiner l'art. 8 ; Non-lieu à examiner l'art. 13 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE ADMINISTRATIVE, (Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL


Parties
Demandeurs : PAULSEN-MEDALEN ET SVENSSON
Défendeurs : SUÈDE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1998-02-19;16817.90 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award