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04/03/1998 | CEDH | N°31093/96

CEDH | POUBLAN contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 31093/96 présentée par Juliette POUBLAN contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 4 mars 1998 en présence de MM. J.-C. GEUS, Président M.A. NOWICKI G. JÖRUNDSSON A. GÖZÜBÜYÜK J.-C. SOYER H. DANELIUS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ

I. CABRAL BARRETO J. MUCHA ...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 31093/96 présentée par Juliette POUBLAN contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 4 mars 1998 en présence de MM. J.-C. GEUS, Président M.A. NOWICKI G. JÖRUNDSSON A. GÖZÜBÜYÜK J.-C. SOYER H. DANELIUS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY E. BIELIUNAS E.A. ALKEMA A. ARABADJIEV Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 11 septembre 1995 par Juliette POUBLAN contre la France et enregistrée le 22 avril 1996 sous le N° de dossier 31093/96 ; Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu les observations présentées par le gouvernement défendeur le 24 juin 1997 et les observations en réponse présentées par la requérante le 12 septembre 1997 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT La requérante, ressortissante française, est née en 1934. Elle est retraitée et réside à Os-Marsillon. Devant la Commission, elle est représentée par Mme Huguette Pola, entrepreneur, résidant à Orthez. Les faits, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit. A. Circonstances particulières de l'espèce La requérante reçut en héritage des terres. Elle paya pour certaines des droits de succession et voulut réaliser, en même temps, un lotissement. A cet effet, elle contracta des emprunts auprès de particuliers et de banques. Par ailleurs, par acte du 15 septembre 1976, la requérante se serait portée caution solidaire des époux P., au profit de la banque P., pour le remboursement d'un prêt. L'affaire des époux P. ayant périclité, la banque P. se retourna contre la requérante. La requérante nia formellement être la signataire et l'auteur de l'acte de caution. Pour garantir sa créance, la banque P. fit inscrire des hypothèques sur les biens immobiliers de la requérante et fit pratiquer une saisie-arrêt. Ces faits ont donné lieu à diverses procédures, dont les deux suivantes. Procédure en remboursement d'un prêt en caution solidaire Le 21 avril 1988, la banque P. assigna la requérante en remboursement d'un prêt dont elle se serait portée caution solidaire à la banque P. en 1976. La requérante affirma ne pas reconnaître sa signature, pas plus que la mention « bon pour caution solidaire » qui la précédait, qui, selon elle, auraient été imitées. Elle sollicita une expertise en écritures. Le 26 avril 1988, la requérante constitua avocat. Le 27 juin 1988, le juge de la mise en état donna injonction aux parties de conclure. Le 4 octobre 1988, la requérante déposa des conclusions. Le 17 octobre 1988, le juge de la mise en état prit une ordonnance. Le 28 octobre 1988, la requérante déposa des conclusions. Le 8 novembre 1988, l'ordonnance de clôture fut rendue. Par jugement du 13 décembre 1988, suivant audience du 13 novembre, le tribunal de grande instance de Pau rejeta la demande d'expertise et condamna la requérante au remboursement du prêt. Le 30 décembre 1988, la requérante interjeta appel. Le 10 février 1989, la cour d'appel de Pau reçut le dossier du tribunal. Le 7 mars 1989, la banque P. constitua avocat. Le 24 avril 1989, la banque P. déposa des conclusions. Le 30 mai 1989, la requérante déposa des conclusions. Le 3 octobre 1989, l'ordonnance de clôture fut rendue. Par arrêt du 14 décembre 1989, suivant audience du 2 novembre, la cour d'appel de Pau décida, avant dire droit au fond, de surseoir à statuer en demandant une expertise en écritures de la mention et de la signature engageant la caution solidaire. Le 13 février 1990, la requérante demanda le changement de l'expert. Par ordonnance du 27 février 1990, l'expert désigné fut remplacé. Le 23 mars 1990, le nouvel expert accepta sa mission. Le 31 décembre 1990, la requérante adressa une requête au procureur de la République. Le 7 janvier 1991, la banque P. déposa des conclusions. Le 11 janvier 1991, la requérante écrivit à l'expert. Le 26 janvier 1991, le nouvel expert déposa son rapport. Le 18 juin 1991, la requérante écrivit à l'expert. En juillet 1991, l'expert écrivit au conseiller de la mise en état. Le 23 septembre 1991, la requérante écrivit à la cour d'appel. Le 12 novembre 1991, la requérante écrivit au président de la cour d'appel pour demander « un ultime délai ». Le 18 février 1992, la requérante déposa des conclusions et l'ordonnance de clôture fut rendue. Le 30 mars 1992, la requérante déposa une demande d'aide juridictionnelle. Le 10 avril 1992, la requérante écrivit au président de la cour d'appel pour demander un renvoi de l'affaire. Le 13 avril 1992, la requérante écrivit aux autorités judiciaires. Le 16 avril 1992, l'avocat de la requérante écrivit au président de la cour d'appel. Le 23 avril 1992, le bureau d'aide juridictionnelle accorda à la requérante l'aide juridictionnelle partielle. Par arrêt du 27 mai 1992, suivant audience du 14 avril, la cour d'appel de Pau ordonna, avant dire droit au fond, un complément d'expertise en vérification d'écritures en décidant de surseoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport de l'expert. Le 29 juillet 1992, l'expert renonça à sa mission. Le 25 août 1992, l'avocat de la banque P. écrivit au conseiller de la mise en état. Par ordonnance du 8 octobre 1992, un nouvel expert fut désigné. Le 12 novembre 1992, l'expert fut informé de sa mission par le tribunal et se fit remettre par le greffe les pièces originales contestées. Le 1er décembre 1992, la requérante adressa une lettre et, le 20 décembre 1992, de nombreux documents à l'expert. Le 29 décembre 1992, l'avocat de la banque P. écrivit au conseiller de la mise en état. Le 9 janvier 1993, l'expert convoqua les parties et leurs avocats pour une première réunion en date du 26 janvier 1993. Il demanda aux parties la transmission de pièces complémentaires afin de pouvoir comparer les écritures et analyser l'évolution du graphisme de la requérante. Il suspendit sa mission dans l'attente de la remise de ces documents. Le 16 août 1993, le conseiller de la mise en état relança l'expert. Le 23 mars 1994, le nouvel avocat de la requérante écrivit au conseiller de la mise en état. Le 6 avril 1994, l'expert répondit à la relance du conseiller de la mise en état en lui exposant les difficultés rencontrées auprès des parties pour obtenir la remise des documents demandés le 9 janvier 1993. Le même jour, l'expert relança les parties. Le 14 avril 1994, la requérante écrivit à l'expert en l'accusant du retard dans le déroulement de l'expertise. Le 9 mai 1994, la banque P. transmit toutes les pièces demandées à l'expert. Le 17 mai 1994, le conseiller de la mise en état relança l'expert. Le 10 juillet 1994, l'expert répondit au conseiller. Le même jour, l'expert convoqua les parties pour une réunion contradictoire le 19 juillet 1994 et rappela à la requérante qu'il demeurait dans l'attente des pièces demandées. Le 19 juillet 1994, lors de la réunion contradictoire, la requérante fournit un spécimen de sa signature remontant cependant à 1960, alors que l'expert lui avait demandé des documents remontant à 1976. Il réitéra à nouveau sa demande de remise de pièces à la requérante. Le 10 octobre 1994, la requérante écrivit à l'expert Le 19 novembre 1994, l'expert écrivit au conseiller de la mise en état. Le 23 novembre 1994, la requérante écrivit au conseiller de la mise en état. Le 1er décembre 1994, l'expert écrivit au conseiller de la mise en état. Le 16 janvier 1995, la requérante provoqua un incident de mise en état en demandant la communication de certaines pièces. Le 10 février 1995, la banque P. déposa des conclusions. Par ordonnance du 22 mars 1995, le conseiller de la mise en état estima la demande de la requérante du 16 janvier 1995 manifestement mal fondée en précisant : « qu'ainsi, Melle Poublan ne peut ignorer, ayant été appelée aux opérations d'expertise, que l'acte de cautionnement dont elle sollicite la communication se trouve entre les mains de l'expert et qu'en conséquence, il est matériellement impossible à la banque P. de satisfaire à sa demande ; que Melle Poublan ne précise pas en quoi les autres pièces dont elle réclame la communication, sont utiles à la solution du litige (...). » Les 26 septembre 1995 et 8 juillet 1996, la requérante écrivit à l'expert mais sans lui remettre les documents demandés pour le bon déroulement de l'expertise. Le 18 juin 1996, la banque P. écrivit à la cour d'appel. Le 1er juillet 1996, le conseiller de la mise en état prit acte du refus de la requérante de remettre les pièces demandées à l'expert et demanda à l'expert de clore ses opérations au vu des seuls éléments à sa disposition. Le 12 juillet 1996, la requérante déposa des conclusions. Le 17 mai 1997, l'expert déposa son rapport d'expertise en écritures sur la base des seuls documents antérieurement remis. Dans son rapport, l'expert nota : « Nous signalons être en présence de la seule pièce originale que Melle Poublan a bien voulu produire en comparaison malgré nos demandes pressantes et réitérées d'écrits contemporains de l'acte litigieux qu'elle entend désavouer. Cette négligence - volontaire ou non - est à regretter et l'expert ne peut manquer d'être surpris par la production d'une pièce aussi ancienne - seize ans environ - à l'appui de la contestation engagée par l'appelante (...). Après lui avoir accordé un délai suffisant de plus de deux ans d'attente, nous sommes confrontés à l'attitude de Melle Poublan qui se refuse à fournir la moindre pièce de comparaison véritablement susceptible de 'servir son raisonnement' en étant contemporaine de l'acte de caution qu'elle conteste avec tant de force. Dès lors nos travaux d'expertise qui ne pouvaient être différés davantage, ont été conduits avec les divers documents et spécimen dont il nous a été donné par ailleurs de disposer. (...) Rappel est fait qu'à l'appui de son opiniâtre contestation de l'acte litigieux, Melle Poublan n'a pas déposé la moindre pièce de comparaison présentant des écrits datant d'une époque voisine ou contemporaine de l'engagement contesté sauf un document rédigé au crayon graphique et qui serait de seize ans antérieur (...). » En octobre et décembre 1997, la requérante déposa des conclusions additionnelles. L'audience de plaidoirie a été fixée au 26 mai 1998. Procédure pénale avec constitution de partie civile Les 2 et 13 janvier 1992, la requérante déposa une plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Pau. Elle assortit sa plainte d'une demande de dommages-intérêts. Elle estimait que le document portant engagement de caution solidaire envers la banque P. était un faux (voir la procédure civile ci-avant). Le 14 janvier 1992, la requérante déposa une demande d'aide juridictionnelle. Le 22 janvier 1992, le bureau d'aide juridictionnelle accorda l'aide juridictionnelle à titre provisoire. Le 27 janvier 1992, le juge d'instruction prit une ordonnance de consignation. Le 28 janvier 1992, la requérante écrivit au juge d'instruction. Le même jour, le juge d'instruction prit une ordonnance de soit- communiqué. Le 29 janvier 1992, le procureur adressa une note au juge d'instruction. Le 30 janvier 1992, le juge d'instruction adressa un soit- transmis au procureur. Le 3 février 1992, la requérante écrivit au juge d'instruction. Le 12 février 1992, le juge d'instruction auditionna la requérante. Le 5 mars 1992, le juge d'instruction prit une ordonnance constatant le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile. Le 6 mars 1992, le juge d'instruction prit une ordonnance de soit-communiqué. Le 23 mars 1992, le parquet requit l'ouverture d'une information contre X du chef de faux et usage de faux. Le 6 avril 1992, la requérante écrivit au juge d'instruction. Le 13 avril 1992, le juge d'instruction auditionna la requérante. Le 5 mai 1992, la requérante écrivit aux autorités judiciaires. Le 6 juin 1992, le bureau d'aide juridictionnelle refusa définitivement l'aide juridictionnelle. Les 4 septembre 1992, 12 janvier, 2 et 29 mars 1993, la requérante écrivit au juge d'instruction. Le 29 mars 1993, le procureur général écrivit à la requérante. Les 14 avril, 18 mai, 19 juillet, 5 août et 29 septembre 1993, la requérante écrivit au juge d'instruction. Le 4 mai 1994, le juge d'instruction adressa un avis de fin d'information aux parties. Le 10 mai 1994, la requérante lui demanda de procéder à de nombreuses investigations et auditions supplémentaires. Les 11, 20 et 24 mai 1994, la requérante écrivit aux autorités. Le 27 juin 1994, le juge d'instruction prit une ordonnance de soit-communiqué. Le 8 juillet 1994, la requérante écrivit aux autorités judiciaires. Par réquisitoire du 21 juillet 1994, le parquet requit le non- lieu. Le 28 septembre 1994, le juge d'instruction rendit une ordonnance de non-lieu. Le 4 octobre 1994, la requérante en interjeta appel. Le 6 octobre 1994, le procureur général prit ses réquisitions. Le 15 décembre 1994, la requérante déposa un mémoire et demanda un complément d'information. Le 11 juillet 1995, la requérante écrivit au président de la chambre d'accusation. Le 12 juillet 1995, le président lui adressa un soit-transmis. Par arrêt du 29 août 1995, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Pau confirma l'ordonnance de non-lieu sur la plainte pour faux, mais la réforma partiellement sur la plainte d'usage de faux. Sur ce point, elle ordonna la poursuite de l'information afin de vérifier si « les éléments constitutifs de l'infraction d'usage de faux étaient susceptibles d'être réunis et pouvaient être imputés à une personne ». Elle renvoya donc le dossier au juge d'instruction précédemment saisi pour qu'il poursuive l'instruction, « même si la plainte de Juliette Poublan peut apparaître comme dilatoire ». Le 9 avril 1996, une ordonnance de désignation d'un nouveau juge d'instruction fut rendue. Le 26 novembre 1996, le juge d'instruction convoqua la requérante. Le 10 décembre 1996, le juge d'instruction auditionna la requérante. La requérante refusa de fournir un spécimen d'écriture et de signature bien que celui-ci fût jugé indispensable par le juge d'instruction. Celui-ci indiqua à la requérante que son refus compromettait la poursuite de l'instruction. Le 12 décembre 1996, le juge d'instruction adressa aux parties un avis de fin d'information sur les investigations supplémentaires ordonnées par la chambre d'accusation. En effet, la requérante refusa expressément de faire une page d'écriture et de signatures, au motif qu'elle avait déjà procédé à cette opération dans le cadre de l'instance civile. Le 24 décembre 1996 et le 3 janvier 1997, la requérante écrivit aux autorités. Le 28 avril 1997, le parquet prit un réquisitoire définitif de non-lieu. Le 7 janvier 1997, le juge d'instruction prit une ordonnance de soit-communiqué. Le 28 avril 1997, le parquet requit le non-lieu. Par ordonnance du 28 mai 1997, le juge d'instruction prit une ordonnance de non-lieu. Après avoir rappelé l'ensemble de la procédure pénale, il releva que la requérante, du fait de son « attitude singulière » n'avait pas fourni les éléments nécessaires à la bonne marche de l'instruction et qu'en conséquence, il n'avait pu établir l'existence de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis l'infraction reprochée par la requérante. Le 2 juin 1997, la requérante interjeta appel de l'ordonnance. Le 1er juillet 1997 se tint l'audience devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Pau qui mit l'affaire en délibéré. Par arrêt du 12 septembre 1997, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Pau confirma l'ordonnance de non-lieu. La cour indiqua qu'« en refusant de faire une page d'écriture, alors que cette demande était extrêmement facile à satisfaire, Juliette Poublan a volontairement empêché que l'expertise [ordonnée par le juge d'instruction] soit réalisée ». Le 17 octobre 1997, la requérante forma un pourvoi en cassation et déposa un mémoire. Le 22 octobre 1997, la requérante déposa un second mémoire. Le 23 octobre 1997, le dossier fut transmis à la Cour de cassation. B. Droit interne pertinent Article 175-1 du Code de procédure pénale (loi n° 93-2 du 4 janvier 1993) entré en vigueur le 1er mars 1993 « Toute personne mise en examen ou la partie civile peut, à l'expiration d'un délai d'un an à compter, selon le cas, de la date à laquelle elle a été mise en examen ou du jour de sa constitution de partie civile, demander au juge d'instruction de prononcer le renvoi devant la juridiction de jugement ou de déclarer qu'il n'y a pas lieu à poursuivre. Dans le délai d'un mois à compter de la réception de cette demande, le juge d'instruction, par ordonnance spécialement motivée, fait droit à celle-ci ou déclare qu'il y a lieu à poursuivre l'information. Dans le premier cas, il procède selon les modalités prévues à la première section. A défaut par le juge d'instruction d'avoir statué dans le délai fixé à l'alinéa précédent, la personne peut saisir directement de sa demande la chambre d'accusation qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa saisine. » Article 81 du Code de procédure pénale « Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité (...) (modifié par la loi du 4 janvier 1993) : S'il est saisi d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à l'un des examens ou à toutes autres mesures utiles prévus par l'alinéa qui précède, le juge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans le délai d'un mois, la partie peut saisir directement le président de la chambre d'accusation, qui statue et procède conformément aux troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 186- 1. » Article 82-1 du Code de procédure pénale (loi n° 93-2 du 4 janvier 1993)(entré en vigueur le 1er mars 1993, voir art. 226 de la loi) « Les parties peuvent, au cours de l'information, saisir le juge d'instruction d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, à l'audition d'un témoin, à une confrontation ou à un transport sur les lieux, ou à ce qu'il soit ordonné la production par l'une d'entre elles d'une pièce utile à l'information. Le juge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Les dispositions du dernier alinéa de l'article 81 sont applicables (...). »
GRIEFS
1. La requérante se plaint de la durée de la procédure civile et de la procédure pénale. Elle invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
2. Dans des écrits postérieurs au 26 février 1997, la requérante soulève des griefs nouveaux ou identiques à ceux rejetés par décision du 26 février 1997.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 11 septembre 1995 et enregistrée le 22 avril 1996. Le 26 février 1997, la Commission a décidé de porter le grief du requérant tiré de la durée de la procédure civile concernant l'expertise graphologique ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 27 mai 1992 et de la procédure pénale avec constitution de partie civile des 2 et 13 janvier 1992 pour faux et usage de faux, à la connaissance du gouvernement mis en cause, en l'invitant à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé du grief. Elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus. Le Gouvernement a présenté ses observations le 24 juin 1997, après prorogation du délai imparti, et la requérante y a répondu le 12 septembre 1997 (ses observations incluent ses écrits adressés à la Commission depuis mai 1997).
EN DROIT
1. La requérante se plaint de la durée de la procédure civile et de la procédure pénale. Elle invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...). » Procédure en remboursement d'un prêt en caution solidaire Le gouvernement mis en cause estime que la procédure, évaluée dans sa globalité, n'a pas connu à ce jour de durée excessive. Il estime que l'affaire est complexe en fait en raison de la multiplicité des actions civiles et pénales fondées sur les mêmes faits (cinq au total) et de l'attitude peu rationnelle de la requérante qui a exigé une expertise en écritures pour empêcher ensuite qu'il y soit procédé dans des conditions normales et dans un délai raisonnable, en refusant de remettre à l'expert un spécimen d'écriture datant de 1976 et permettant à l'expert de le comparer avec l'acte qu'elle critique. Selon le Gouvernement, la durée de la procédure s'explique par le comportement des parties, principalement de la requérante, en raison du refus catégorique ou des réticences à fournir les pièces utiles à l'expert. Après le dépôt du premier rapport défavorable, la requérante adressa de nombreuses lettres aux autorités judiciaires pour le contester. De plus, par lettre du 12 novembre 1991, la requérante demandait un délai alors que dans d'autres lettres elle se plaignait de la durée. Enfin, le 10 avril 1992, elle demandait un renvoi de l'affaire. Au surplus, les experts signalèrent à plusieurs reprises les difficultés rencontrées auprès des parties qui les contraignaient à suspendre leurs opérations. Le Gouvernement souligne que, de leur côté, les autorités judiciaires ont accompli des diligences : le tribunal a statué en moins de huit mois et le conseiller de la mise en état avait délivré une injonction de conclure et, devant la cour d'appel, le conseiller de la mise en état relança plusieurs fois l'expert. La requérante combat cette thèse. Elle maintient ses prétentions selon lesquelles la durée de la procédure a excédé le « délai raisonnable » prévu à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Elle réfute l'argument selon lequel la durée de la procédure serait due à son comportement. La Commission observe que la procédure a débuté le 21 avril 1988 par l'assignation de la requérante par la banque P. La procédure, qui est pendante à ce jour, dure donc depuis presque dix ans. La Commission rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et à l'aide des critères suivants : la complexité de l'affaire, le comportement des parties et le comportement des autorités saisies de l'affaire (Cour eur. D.H., arrêt Vernillo c. France du 20 février 1991, série A n° 198, p. 12, par. 30). En matière civile, l'article 2 du Nouveau Code de procédure civile laisse l'initiative aux parties : il leur incombe « d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis ». Cela ne dispense pourtant pas les tribunaux de veiller à ce que le procès se déroule dans un délai raisonnable. L'article 3 du même Code prescrit d'ailleurs au juge de veiller au bon déroulement de l'instance et l'investit du « pouvoir d'impartir les délais et d'ordonner les mesures nécessaires » (Cour eur. D.H., arrêt Duclos c. France du 17 décembre 1996, Recueil 1996-VI, n° 25). Seules les lenteurs imputables à l'Etat peuvent amener à constater un dépassement du « délai raisonnable » (Cour eur. D.H., arrêt Monnet c. France du 27 octobre 1993, série A n° 273, p. 12, par. 30). En l'espèce, la Commission relève que le délai se situe essentiellement à la phase de la réalisation du complément d'expertise ordonné par la cour d'appel de Pau le 27 mai 1992. Si l'affaire, qui porte sur l'authentification de signatures et de mentions manuscrites sur des actes juridiques, ne présente en principe pas de difficulté juridique particulière, la requérante a manifestement contribué par son comportement à la complexité et ainsi à l'allongement de la procédure. La Commission note que la réalisation du complément d'expertise exigeait la transmission par la requérante de certains documents. Or il ressort de la chronologie des actes de la procédure et du contenu du rapport d'expertise du 17 mai 1997, que la requérante ne s'est pas départie d'une attitude de rejet systématique des nombreuses demandes de l'expert tendant à la communication de ces documents. Si la requérante a adressé de nombreuses lettres à l'expert, celles-ci ne contenaient pas les documents en question. Or il convient de souligner que c'est la requérante qui, à l'origine, avait sollicité la réalisation de l'expertise. De leur côté, les autorités judiciaires compétentes ont accompli des diligences en vue de permettre un déroulement normal de la procédure : ainsi l'expert convoqua régulièrement les parties en vue d'un débat contradictoire et les relança régulièrement afin qu'elles produisent les documents demandés, il répondit également sans délai aux relances du conseiller de la mise en état. De même, le conseiller de la mise en état veilla au bon déroulement de l'instance en rappelant à l'expert les délais impartis, en répondant à bref délai à l'incident de mise en état provoqué par la requérante et, enfin, en ordonnant à l'expert les mesures nécessaires au vu de l'attitude de la requérante. La Commission constate, dès lors, que les délais dans la conduite de la procédure s'expliquent essentiellement par le comportement de la requérante. Elle considère qu'en l'espèce la justice n'a pas été « administrée avec des retards propres à en compromettre l'efficacité et la crédibilité » (Cour eur. D.H., arrêt Katte Klitsche de la Grange c. Italie du 27 octobre 1994, série A n° 293-B, p. 39, par. 61). Examinant la procédure dans son ensemble, la Commission n'a pas relevé de manquement au devoir de diligence incombant aux autorités judiciaires au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie du grief doit être rejetée pour défaut manifeste de fondement, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Procédure pénale avec constitution de partie civile Le Gouvernement excipe, à titre principal, du non-épuisement des voies de recours internes. Il soutient que la requérante pouvait demander au juge d'instruction de prononcer le renvoi de l'affaire devant une juridiction de jugement ou de rendre une décision de non- lieu, un an après sa constitution de partie civile (article 175-1 du Code de procédure pénale entré en vigueur le 1er mars 1993). Elle pouvait également saisir le juge d'instruction d'une demande d'acte d'investigation (articles 81 et 82-1 du même Code). La requérante s'est limitée à demander au juge d'instruction des actes complémentaires après la réception de l'avis de fin d'instruction. Il renvoie sur ce point à la décision de la Commission dans l'affaire Redoutey c. France (N° 22608/93) du 20 janvier 1995. La requérante ne répond pas à cette exception. La Commission constate que le Gouvernement soutient que la requérante aurait dû utiliser les recours que certaines dispositions de la loi du 4 janvier 1993 mettaient à sa disposition. Elle estime toutefois, pour ce qui est de la période allant du 5 mars 1992, date à laquelle le juge d'instruction fut valablement saisi de la plainte de la requérante, jusqu'au 1er mars 1993, date d'entrée en vigueur des dispositions pertinentes de la loi du 4 janvier 1993 invoquées par le Gouvernement, qu'il ne saurait être mis à la charge de la requérante une obligation d'utiliser des recours qui n'existaient pas avant la date d'entrée en vigueur de la loi en question. Toutefois, la Commission considère que cette période d'un an ne suffit pas, à elle seule, pour conclure à l'inobservation par la France de l'exigence du respect du droit à un procès dans un délai raisonnable fixé à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, d'autant que des actes d'instruction furent accomplis durant cette période. Pour ce qui est de la période postérieure au 1er mars 1993, il incombe à la Commission d'établir si les conditions posées par l'article 26 (art. 26) de la Convention ont été remplies en l'espèce. La Commission rappelle à cet égard que la requérante doit avoir donné à l'Etat responsable la faculté de remédier aux violations alléguées, en utilisant les ressources judiciaires offertes par la législation nationale pourvu qu'elles se révèlent efficaces et suffisantes (Cour eur. D.H., arrêt Cardot c. France du 19 mars 1991, série A n° 200, p. 19, par. 36). Or, la Commission constate qu'à partir du 1er mars 1993 les dispositions pertinentes de la loi du 4 janvier 1993 permettaient à la requérante de remédier à l'inaction ou à la carence du juge d'instruction saisi de sa plainte puisque, en vertu de l'article 82-1 du Code de procédure pénale combiné avec l'article 81 modifié, elle pouvait saisir le président de la chambre d'accusation de tout refus du juge d'accomplir un acte d'instruction dans son affaire. De même il aurait été loisible à la requérante d'accélérer l'issue de la procédure en mettant en demeure le juge d'instruction et à défaut la chambre d'accusation, conformément à l'article 175-1 du Code de procédure pénale, de prononcer un renvoi devant la juridiction de jugement. La Commission observe que durant les périodes de délais dans la procédure, qui se situent en l'espèce dans la phase de l'instruction de l'affaire, soit d'une part entre le 1er mars 1993 et le 4 mai 1994, et d'autre part entre le 29 août 1995 et le 12 décembre 1996, la requérante n'a pas fait usage des voies de recours ainsi mises à sa disposition en droit français. Dans ces conditions, la Commission estime qu'il convient de faire droit à l'exception soulevée par le Gouvernement. Il s'ensuit que cette partie du grief doit être rejetée, conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
2. Dans des écrits postérieurs au 26 février 1997, la requérante soulève des griefs nouveaux ou identiques à ceux rejetés par décision du 26 février 1997. La Commission relève qu'il s'agit, soit de griefs rejetés par la décision d'irrecevabilité, décision définitive et non susceptible de recours, soit de griefs nouveaux qui, pour autant qu'ils visent la procédure civile ou la procédure pénale pendantes, sont prématurés. Il s'ensuit que ces griefs doivent être rejetés, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LE RESTANT DE LA REQUETE IRRECEVABLE. M.-T. SCHOEPFER J.-C. GEUS Secrétaire Président de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre


Type d'affaire : DECISION (Finale)
Type de recours : Non-violation de l'Art. 6

Analyses

(Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 8-1) RESPECT DE LA CORRESPONDANCE, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE PRIVEE, (Art. 8-2) INGERENCE


Parties
Demandeurs : POUBLAN
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (chambre)
Date de la décision : 04/03/1998
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 31093/96
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1998-03-04;31093.96 ?
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