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04/03/1998 | CEDH | N°31873/96

CEDH | GIAMPIETRI contre l'ITALIE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 31873/96 présentée par Teresa GIAMPIETRI contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première Chambre), siégeant en chambre du conseil le 4 mars 1998 en présence de MM. M.P. PELLONPÄÄ, Président N. BRATZA E. BUSUTTIL A. WEITZEL C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES B. CONFORTI I. BÉKÉS G. RESS

A. PERENIC C. BÎRSAN K. HERNDL ...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 31873/96 présentée par Teresa GIAMPIETRI contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première Chambre), siégeant en chambre du conseil le 4 mars 1998 en présence de MM. M.P. PELLONPÄÄ, Président N. BRATZA E. BUSUTTIL A. WEITZEL C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES B. CONFORTI I. BÉKÉS G. RESS A. PERENIC C. BÎRSAN K. HERNDL M. VILA AMIGÓ Mme M. HION M. R. NICOLINI Mme M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 20 décembre 1995 par la requérante contre l'Italie et enregistrée le 13 juin 1996 sous le N° de dossier 31873/96 ; Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 7 février 1997 et par la requérante le 7 mars 1997, ainsi que les observations complémentaires présentées par la requérante le 29 octobre 1997 et par le Gouvernement le 3 novembre 1997 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT La requérante est une ressortissante italienne née en 1932 et résidant à Florence. Les faits, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit. Le 18 mai 1991, la requérante, employée de la sécurité sociale, introduisit devant le tribunal administratif régional du Latium deux recours visant à obtenir l'annulation des décisions par lesquelles son employeur avait déterminé la liste des employés admis à un concours interne pour l'accès à un grade supérieur et avait approuvé le classement dudit concours. Elle contestait notamment le refus de son admission au concours en question. Des audiences eurent lieu respectivement les 17 juin et 1er juillet 1992. Par ordonnance rendue à cette dernière date, dont le texte fut déposé au greffe le 21 septembre 1992, le tribunal ordonna à la requérante de notifier son recours à tous les agents concernés et à la sécurité sociale de déposer certains documents. Le 19 mars 1993, la requérante présenta une demande de fixation de la date de l'audience. Le 9 novembre 1995, elle demanda la fixation urgente de la date de l'audience. Celle-ci eut lieu le 8 mai 1996. Par jugement du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 12 juin 1996, le tribunal prononça la jonction des recours de la requérante, rejeta le deuxième et déclara irrecevable le premier.
GRIEF Invoquant l'article 6 par. 1 de la Convention, la requérante se plaint de la durée et de l'iniquité de la procédure entamée devant le tribunal administratif régional du Latium.
PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 20 décembre 1995 et enregistrée le 13 juin 1996. Le 22 octobre 1996, la Commission (Première Chambre) a décidé, en application de l'article 48 par. 2 b) de son Règlement intérieur, de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur quant au grief tiré de la durée de la procédure et de l'inviter à lui présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien- fondé du grief de la requérante. Le Gouvernement a présenté ses observations le 7 février 1997 et la requérante y a répondu le 7 mars 1997. Le 16 septembre 1997, la Commission (Première Chambre) a décidé d'inviter les parties à présenter des observations complémentaires quant à l'applicabilité de l'article 6 par. 1 de la Convention à la procédure litigieuse. Les parties ont présenté leurs observations complémentaires, la requérante le 29 octobre 1997 et le Gouvernement le 3 novembre 1997.
EN DROIT La requérante se plaint de la durée et de l'iniquité de la procédure entamée devant le tribunal administratif régional du Latium. Elle invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, ainsi libellé : «1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil». Le Gouvernement italien fait valoir que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention n'est pas applicable à la procédure litigieuse qui porte sur l'organisation de l'activité de l'administration publique, et donc sur un domaine où les aspects de droit public sont prédominants. D'autre part, le Gouvernement observe que, comme il ressort du texte du jugement du tribunal administratif régional du 8 mai 1996, la demande introduite par la requérante devant les juridictions nationales était dépourvue de tout fondement juridique. Celle-ci ne pouvait donc se prétendre titulaire, au moins de façon défendable, d'un droit reconnu par la loi interne. Quant à la durée de la procédure, elle ne serait en tout cas pas excessive, compte tenu du fait que la requérante n'a présenté sa demande de fixation urgente de la date de l'audience que le 9 novembre 1995, c'est-à-dire plus de deux ans et sept mois après la présentation de la demande de fixation de la date de l'audience. Dans ses observations complémentaires, le Gouvernement se réfère à la jurisprudence de la Cour dans l'arrêt Spurio (Cour eur. D.H., arrêt Spurio c. Italie du 2 septembre 1997, Recueil des arrêts et décisions, 1997-V, p. 1576) et observe que la contestation soulevée par la requérante avait trait à sa carrière et que par conséquent, elle ne portait pas sur un «droit de caractère civil». La requérante s'oppose aux thèses du Gouvernement et plaide le bien-fondé de la demande introduite devant le tribunal administratif régional. D'autre part, elle souligne qu'aux termes de l'article 3 de la Constitution italienne, tous les citoyens sont égaux devant la loi. Or, elle estime que le fait de ne pas appliquer l'article 6 (art. 6) de la Convention aux fonctionnaires s'analyserait en une discrimination injustifiée de ceux-ci par rapport aux salariés de droit privé. La Commission doit donc déterminer si l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention est applicable à la présente requête. Elle observe que dans l'affaire Zilaghe (Cour eur. D.H., arrêt Zilaghe c. Italie du 2 septembre 1997, Recueil 1997-V, n° 46, p. 1602, par. 19), la Cour a statué comme suit : «[La Cour constate que] le droit de nombreux Etats membres du Conseil de l'Europe distingue fondamentalement les fonctionnaires des salariés de droit privé. Cela l'a conduite à juger que «les contestations concernant le recrutement, la carrière et la cassation d'activité des fonctionnaires sortent, en règle générale, du champ d'application de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)» (voir les arrêts Massa c. Italie du 24 août 1993, série A n° 265-B, p. 20, par. 26, et Neigel c. France du 17 mars 1997, Recueil 1997-II, n° 32, pp. 410-411, par. 43). Dans l'affaire Massa c. Italie (arrêt précité), le requérant, à la suite du décès de son épouse qui avait exercé la profession de directrice d'école, réclamait le bénéfice d'une pension de réversion. Dans l'affaire Francesco Lombardo c. Italie (arrêt du 26 novembre 1992, série A n° 249-B), il s'agissait d'un gendarme (carabiniere) réformé pour invalidité qui soutenait que celle-ci résultait de maladies «dues au service» et qui demandait en conséquence le versement d'une «pension privilégiée ordinaire». Les doléances des intéressés n'avaient trait ni au «recrutement» ni à la «carrière» et ne concernaient qu'indirectement la «cessation d'activité» d'un fonctionnaire puisqu'elle consistaient en la revendication d'un droit purement patrimonial légalement né après celle-ci. Dans ces circonstances, et eu égard au fait qu'en s'acquittant de l'obligation de payer les pensions litigieuses l'Etat italien n'usait pas de «prérogatives discrétionnaires» et pouvait se comparer à un employeur partie à un contrat de travail régi par le droit privé, la Cour a conclu que les prétentions des intéressés revêtaient un caractère civil au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) (arrêt Neigel précité, pp. 410-411,par. 43)». La Commission observe qu'en l'occurrence, la requérante demandait l'annulation des décisions par lesquelles la sécurité sociale avait déterminé la liste des employés admis à un concours interne et avait approuvé le classement dudit concours. La requérante visait notamment la reconnaissance de son droit à participer audit concours en vue d'obtenir un poste d'une catégorie plus élevée. La contestation qu'elle a soulevée ainsi avait manifestement trait à sa carrière et ne portait pas sur un «droit de caractère civil» au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention (voir arrêt Zilaghe, précité, p. 1602, par. 20). Il s'ensuit que cette requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de celle-ci. En conséquence, la Commission, à la majorité, DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE. M.F. BUQUICCHIO M.P. PELLONPÄÄ Secrétaire Président de la Première Chambre de la Première Chambre


Synthèse
Formation : Cour (chambre)
Numéro d'arrêt : 31873/96
Date de la décision : 04/03/1998
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : Non-violation de l'Art. 6

Analyses

(Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 8-1) RESPECT DE LA CORRESPONDANCE, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE PRIVEE, (Art. 8-2) INGERENCE


Parties
Demandeurs : GIAMPIETRI
Défendeurs : l'ITALIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1998-03-04;31873.96 ?
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