La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/1999 | CEDH | N°39562/98

CEDH | MARCHESINI contre la FRANCE


DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 39562/98
présentée par Jean-Claude MARCHESINI
contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en chambre le 23 mars 1999 en présence de
Sir Nicolas Bratza, président,
M. J.-P. Costa,
M. L. Loucaides,
M. P. Kūris,
Mme F. Tulkens,
M. K. Jungwiert,
Mme H.S. Greve, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Lib

ertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 27 octobre 1997 par Jean-Claude MARCHESINI contre la France e...

DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 39562/98
présentée par Jean-Claude MARCHESINI
contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en chambre le 23 mars 1999 en présence de
Sir Nicolas Bratza, président,
M. J.-P. Costa,
M. L. Loucaides,
M. P. Kūris,
Mme F. Tulkens,
M. K. Jungwiert,
Mme H.S. Greve, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 27 octobre 1997 par Jean-Claude MARCHESINI contre la France et enregistrée le 29 janvier 1998 sous le n° de dossier 39562/98 ;
Vu le rapport prévu à l’article 49 du règlement de la Cour ;
Après en avoir délibéré ;
Rend la décision suivante :
EN FAIT
1. Le requérant est né en 1946 et réside à Cabasse dans le département du Var.
Les faits tels qu’ils sont exposés par le requérant et ressortent des pièces du dossier peuvent se résumer comme suit.
Par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 27 juin 1986, la société NORMED – société anonyme au capital majoritairement public – qui l’employait, fut mise en redressement judiciaire. Une convention fut signée avec le ministre des affaires sociales et de l’emploi en vue de permettre la reconversion d’une partie du personnel et le requérant fut placé en mission pour une durée de six mois à compter du 29 octobre 1986. Par une lettre du 19 mars 1987, il fut informé que sa mission ne serait pas renouvelée ; ledit courrier précisait que « la réduction de la charge du chantier et la nécessité de conserver prioritairement certains personnels [avaient conduit] à la suppression de [son] poste de travail ».
1. La plainte avec constitution de partie civile
2.   Le 19 mars 1990, le requérant déposa, devant le doyen des juges d’instructions du tribunal de grande instance de Toulon, une plainte contre X avec constitution de partie civile ; il invoquait notamment l’article 414 du code pénal et alléguait une entrave à la liberté du travail et un licenciement irrégulier. Le 3 avril 1990, ledit magistrat rendit l’ordonnance de refus d’informer suivante :
« Attendu que les faits décrits dans la plainte sont l’exposé d’un ensemble d’événements sociaux et de circonstances politico-économiques ayant eu pour résultat le licenciement économique du plaignant ; Que l’article 414 visé dans la plainte n’a pas pour objet la protection de la liberté individuelle du salarié (…) ni la protection du travail en soi, mais celle de la liberté collective du travail ; Qu’il réprime en effet le comportement frauduleux de quiconque amène une cessation concertée du travail ; que tel ne peut être le cas d’un licenciement dont le contrôle appartient à la juridiction prud’homale ; Attendu en conséquence que si les faits dénoncés par la partie civile étaient démontrés, ils ne pourraient admettre aucune qualification pénale ; (…). »
Saisie par le requérant le 9 avril 1990, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Aix-en-Provence confirma l’ordonnance le 21 février 1991, par un arrêt ainsi motivé :
« Attendu que les faits dénoncés par la partie civile dans sa plainte ont fait l’objet d’après le plaignant d’un recours devant le Conseil de prud’homme ; qu’ils ne sont pas susceptibles d’admettre quelque qualification pénale que ce soit ; (…). »
Le requérant déposa une déclaration de pourvoi le 25 février 1991, une demande d’aide juridictionnelle et, tout en indiquant que « les faits, moyens et motifs seront développés ultérieurement par l’avocat qui représentera [ses] intérêts à la Cour de cassation », le 6 juin 1991, un mémoire ampliatif partiel. Le 14 novembre 1991, le bureau d’aide juridictionnelle de la Cour de cassation rejeta la demande : il reconnaissait l’impécuniosité de l’intéressé mais estimait que « la décision critiquée parai[ssait] légalement justifiée et non susceptible de cassation ». Le 3 décembre 1991, le requérant saisit d’un recours contre cette décision le procureur général près la Cour de cassation qui le rejeta le 13 décembre.
Le 7 avril 1992, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi par un arrêt ainsi rédigé :
« Attendu que [le] mémoire, établi par le demandeur non condamné pénalement dans la présente procédure, n’a pas été déposé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée mais a été transmis directement à la Cour de cassation sans le ministère d’un avocat à la Cour ; que dès lors, ne répondant pas aux exigences de l’article 584 du code de procédure pénale, il ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu’il pourrait contenir ; Et attendu que l’arrêt est régulier en sa forme. »
2. Les procédures devant les juridictions administratives
a)  La première procédure
3.   Le 15 mars 1991, le requérant avait saisi le tribunal administratif de Nice d’une demande tendant à l’annulation de la décision mettant fin à sa mission et à la réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi. Le 13 décembre 1994, cette juridiction rendit le jugement suivant :
« (…) Considérant que l’action engagée le 15 mars 1991 devant le tribunal administratif de Nice par M. Marchesini est fondée sur les droits que celui-ci estime tenir d’accords collectifs intervenus au sein de la NORMED dans le cadre de son plan social ; que ces accords, auxquels aucune personne publique n’était partie, avaient le caractère d’actes de droit privé ; que nonobstant la circonstance que l’État avait accordé à la société NORMED certaines garanties financières pour la mise en place des congés de conversion, la société NORMED, en ayant placé M. Marchesini en congé de conversion et exécuté ainsi son plan social, ne peut être regardée comme ayant agi pour le compte de l’État ou participé à l’exécution d’une mission de service public ; qu’il suit de là, que la juridiction administrative est incompétente pour connaître de l’action engagée par M. Marchesini ; (…). »
Le 6 mars 1995, le requérant saisit la cour administrative d’appel de Lyon et adressa une demande d’aide juridictionnelle au bureau d’aide juridictionnelle de celle-ci, lequel se déclara incompétent le 9 novembre 1995 par la décision suivante : « (…) l’action est de la compétence d’un autre ordre de juridiction ; l’action est de la compétence d’un autre bureau d’aide juridictionnelle ; compétence du bureau d’aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Draguignan (…) ».
Le 3 janvier 1996, le requérant saisit de cette dernière décision le président de ladite cour qui, par une ordonnance du 7 mars 1996, constata « que la demande [était] manifestement dénuée de fondement et tant qu’elle contest[ait] le motif d’incompétence de la juridiction administrative retenu par le tribunal administratif » et rejeta en conséquence et le recours et la demande d’aide juridictionnelle.
Le 11 juillet 1996, le requérant déposa un mémoire devant la cour administrative d’appel, laquelle rendit son arrêt le 17 décembre 1996 : elle déclara la requête irrecevable au motif que l’intéressé « [avait] produit (…) un mémoire motivé non signé par un avocat et n’[avait] pas régularisé la procédure ».
Par une lettre du 23 décembre 1996 adressée au président de la section du contentieux du Conseil d’État, le requérant déclara entendre se pourvoir en cassation contre ce dernier arrêt et sollicita le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Il confirma ce courrier par une lettre du 4 janvier 1997, dans laquelle il soutenait que l’arrêt du 17 décembre 1996 avait été pris en méconnaissance des dispositions de l’article 6 § 1 de la Convention. Par une décision du 10 avril 1997, le bureau d’aide juridictionnelle rejeta la demande du requérant au motif du défaut d’un « moyen de cassation sérieux susceptible de convaincre le juge de cassation ».
Le 29 avril 1997, le requérant adressa au président de la section du contentieux du Conseil d’État un recours contre cette décision, lequel fut rejeté par une ordonnance du 21 mai 1997 au motif que l’intéressé n’apportait aucun élément susceptible d’infirmer ladite décision. Le 3 octobre 1997, le Conseil d’État rendit l’arrêt suivant :
« (…) Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 57-10 du décret du 30 juillet 1963 modifié, lorsque la décision attaquée ne fait pas mention de l’obligation du ministère d’avocat, le requérant est invité par le Conseil d’État à régulariser sa requête ; Considérant que la requête de M. Marchesini tend à l’annulation d’un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon ; qu’aucune loi ne dispense une telle requête du ministère d’avocat, que, dès lors, la requête de M. Marchesini présentée sans ce ministère, alors que la notification de la décision attaquée faisait mention de la disposition susrappelée de l’article 57-10 du décret du 30 juillet 1963, n’est pas recevable ».
b)  La deuxième procédure
4.   Le requérant avait parallèlement adressé au ministre de l’Industrie une demande d’indemnisation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait de son licenciement. Il avait ensuite, le 9 septembre 1991, saisi le tribunal administratif de Nice d’une requête en annulation de la décision implicite de rejet dudit ministre. Par une ordonnance du 8 août 1995, le président de la cinquième chambre de ce tribunal avait rejeté la requête au motif qu’elle était portée devant une juridiction incompétente pour en connaître dans la mesure où le contrat de travail litigieux relevait du droit privé.
Saisie par l’intéressé, la cour administrative d’appel de Lyon avait, le 1er avril 1997, jugé ce qui suit :
« (…) Considérant que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur la responsabilité qui peut incomber à l’État pour les dommages causés aux particuliers imputables aux fautes commises par les services publics à caractère administratif ; que, par suite, c’est à tort que le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître la demande de M. Marchesini qui tendait à obtenir réparation des dommages résultant des fautes qui auraient été commises par les services de l’État et qui, selon lui, auraient permis à son employeur de le licencier le 19 mars 1987 ; Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. Marchesini ; (…) Considérant que M. Marchesini n’apporte pas la preuve d’un lien de causalité direct entre le préjudice qu’il allègue avoir subi du fait de son licenciement par son employeur et les fautes qui auraient été commises par les services de l’État, dont il demande réparation ; que, dans ces conditions, la demande d’indemnité qu’il a présentée ne peut qu’être rejetée ».
Par une lettre du 7 avril 1997 adressée au président de la section du contentieux du Conseil d’État, le requérant avait déclaré entendre se pourvoir en cassation contre ce dernier arrêt et sollicité le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par une lettre du 5 août 1997, il avait confirmé son pourvoi, exposé deux moyens de cassation et précisé qu’un mémoire ampliatif serait produit dès que le bureau d’aide juridictionnel se serait prononcé sur sa demande.
Le 8 septembre 1997, le bureau d’aide juridictionnel avait retenu l’impécuniosité du requérant mais avais rejeté sa demande au motif du défaut d’un « moyen de cassation sérieux susceptible de convaincre le juge de cassation ».
Le 22 septembre 1997, le requérant avait saisi le président de la section du contentieux du Conseil d’État de cette décision qui, par une ordonnance du 1er octobre 1997, avait rejeté la demande au motif qu’« en l’état [elle] apparai[ssait] dénuée de tout moyen de cassation sérieux ». Le 16 septembre 1998, le président de la quatrième sous-section de la section du contentieux du Conseil d’État avait donné acte du désistement du requérant par une ordonnance ainsi motivée :
« (…) Considérant que par une requête sommaire enregistrée le 11 août 1997, M. Marchesini a exprimé l’intention de produire un mémoire complémentaire ; qu’à la date du 1er septembre 1998, soit plus de quatre mois après réception par l’intéressé, le 9 septembre 1997, de la notification de la décision du 1er juillet 1997 par laquelle le bureau d’aide juridictionnelle établi près le Conseil d’État a refusé de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en cassation contre la décision rendue le 1er avril 1997 par la cour administrative de Lyon, ce mémoire n’avait pas été déposé au secrétariat du contentieux du Conseil d’État et qu’ainsi le délai de quatre mois imparti, pour cette production, par les dispositions (…) de l’article 53-3 du décret du 30 juillet 1963 modifié était expiré ; que M. Marchesini doit, par suite, être réputé s’être désisté de sa requête ; (…) ».
c)  La troisième procédure
5.   Le requérant avait également, le 13 novembre 1991, saisi le tribunal administratif de Nice d’une demande tendant à la condamnation de l’État à la réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait qu’il avait été mis fin à sa mission. Cette demande avait été rejetée le 30 mai 1995 par une ordonnance du président de la cinquième chambre de ce tribunal au motif suivant :
« Considérant qu’aux termes de l’article R. 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la requête concernant toute affaire sur laquelle le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel est appelé à statuer doit contenir l’exposé des faits et des moyens, les conclusions, nom et demeure des parties » ; que la requête (…) de M. Marchesini, dans laquelle le requérant se borne à demander au tribunal de lui accorder une légitime réparation, ne satisfait pas à ces prescriptions, qu’il s’agit à la date de la présente ordonnance d’une irrecevabilité qui ne peut être satisfaite en cours d’instance ; que dès lors la requête de M. Marchesini doit être rejetée ».
Cette ordonnance avait été confirmée par un arrêt du 17 juin 1997 de la cour administrative d’appel de Lyon.
Le requérant s’était ensuite pourvu en cassation et avait parallèlement déposé une demande d’aide juridictionnelle, laquelle avait été rejetée le 21 octobre 1997 par le bureau d’aide juridictionnelle du Conseil d’État, motif pris du défaut « de moyen de cassation sérieux » puis, le 26 novembre 1997, par le président de la section du contentieux au motif « qu’en l’état, M. Jean-Claude Marchesini n’apport[ait] aucun élément susceptible d’infirmer cette [dernière] décision ».
Le 16 septembre 1998, le président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d’État donna acte du désistement du requérant par une ordonnance ainsi motivée :
« (…) Considérant que par une requête sommaire enregistrée le 12 août 1997, M. Marchesini a exprimé l’intention de produire un mémoire complémentaire ; qu’à la date du 1er septembre 1998, soit plus de quatre mois après réception par l’intéressé, le 18 novembre 1997, de la notification de la décision du 21 octobre 1997 par laquelle le bureau d’aide juridictionnelle établi près le Conseil d’État a refusé de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en cassation contre la décision rendue le 17 juin 1997 par la cour administrative de Lyon, ce mémoire n’avait pas été déposé au secrétariat du contentieux du Conseil d’État et qu’ainsi le délai de quatre mois imparti, pour cette production par les dispositions (…) de l’article 53-3 du décret du 30 juillet 1963 modifié était expiré ; que M. Marchesini doit, par suite, être réputé s’être désisté de sa requête ; (…). »
GRIEFS
6.  Le requérant soutient que sa plainte avec constitution de partie civile n’a pas été entendue équitablement et dans un délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, dans la mesure où elle s’est heurtée à une ordonnance de refus d’informer et où, saisie de l’arrêt confirmatif d’appel, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi sur un motif de procédure mal fondé. Il se dit aussi victime d’une méconnaissance de son droit à un recours effectif au sens de l’article 13 résultant du fait que le bureau d’aide juridictionnelle de la Cour de cassation, puis le procureur général près cette juridiction, rejetèrent sa demande d’aide juridictionnelle.
Il ajoute, dans le cadre de la procédure qui a débuté le 15 mars 1991 devant le tribunal administratif de Nice, que la circonstance que le Conseil d’État a rejeté son pourvoi au motif qu’il était présenté sans ministère d’avocat alors même que le bureau d’aide juridictionnelle et le président de la section du contentieux de cette juridiction avaient rejeté sa demande d’aide juridictionnelle, s’analyse en une méconnaissance de son droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et dans un délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1.
Il plaide enfin, sur le terrain de l’article 13 de la Convention, ne pas avoir eu un accès effectif au Conseil d’État du fait que les demandes d’aide juridictionnelle qu’il présenta dans le cadre des trois procédures devant les juridictions administratives furent rejetées par le bureau d’aide juridictionnelle, puis le président de la section du contentieux de cette juridiction.
EN DROIT
7. Le requérant soutient que ses causes relatives à sa plainte avec constitution de partie civile et au recours introduit le 15 mars 1991 devant le juge administratif n’ont pas été entendues équitablement et dans un délai raisonnable. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…). »
8.   Il se dit aussi victime, dans le cadre des deux procédures susmentionnées et de celles qui débutèrent les 9 septembre et 13 novembre 1991 avec la saisine du tribunal administratif de Nice, d’une méconnaissance de son « droit d’accès effectif » à la Cour de cassation et au Conseil d’État. Il fonde son grief sur l’article 13 de la Convention, lequel dispose :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
A. Procédure relative à la plainte avec constitution de partie civile
9.   La Cour observe que la procédure relative à la plainte avec constitution de partie civile (paragraphe 2 ci-dessus) s’est achevée avec l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 avril 1992, soit plus de six mois avant la date d’introduction de la requête. Il s’ensuit qu’en ce qu’elle a trait à cette procédure, la requête doit en tout état de cause être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4.
B. Procédures devant les juridictions administratives
1. Procédures introduites devant le tribunal administratif de Nice le 15 mars 1991 (paragraphe 3 ci-dessus) et le 13 novembre 1991 (paragraphe 5 ci-dessus)
a) Équité et durée de la procédure introduite devant le tribunal administratif de Nice le 15 mars 1991
10.   La requête introduite le 15 mars 1991 devant le tribunal administratif de Nice tendait à l’annulation de la décision mettant fin à la mission du requérant ainsi qu’à l’obtention d’une réparation du préjudice qui, selon lui, en découlait ; elle fut rejetée par un jugement dudit tribunal du 13 décembre 1994 au motif de l’incompétence des juridictions administratives. L’intéressé saisit de ce jugement la cour administrative d’appel de Lyon, puis se pourvut devant le Conseil d’État.
La Cour souligne que l’article 6 § 1 ne s’applique qu’aux procédures dans lesquelles il est « décidé » d’une contestation sur des droits et obligations de caractère civil. Tel n’est pas le cas lorsqu’une juridiction ne se prononce pas au fond mais, par exemple, examine en appel ou en cassation une décision rejetant un recours pour des motifs procéduraux comme l’incompétence du juge saisi. Or en l’espèce, l’appel du requérant portait exclusivement sur la déclaration d’incompétence du tribunal administratif de Nice. Il s’ensuit que, en ce qui concerne la phase de la procédure devant la cour administrative d’appel et le Conseil d’État, à supposer que le droit dont se prévalait M. Marchesini en première instance fût de « caractère civil », le requérant ne peut valablement invoquer l’article 6 § 1. Cette partie de la requête est donc incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Quant à l’instance devant le tribunal administratif de Nice, en tout état de cause, elle s’acheva avec le jugement du 13 décembre 1994, soit plus de six mois avant la date d’introduction de la requête. Cette partie de la requête doit en conséquence être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
b) Droit d’accès au Conseil d’État dans le cadre des deux procédures
11. La Cour rappelle que l’article 13 de la Convention se borne à garantir à qui se prétend, pour des motifs défendables, victime d’une violation des droits et libertés protégés par la Convention, un recours effectif devant une instance nationale afin de voir statuer sur ses griefs et, s’il y a lieu, d’obtenir une réparation (voir par exemple l’arrêt Valsamis c. Grèce du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2327, § 46). On ne saurait en déduire un principe général selon lequel les justiciables doivent avoir accès à une juridiction d’appel ou de cassation.
Ceci étant, lorsqu’un droit de « caractère civil » au sens de l’article 6 § 1 est en cause, il convient d’examiner les questions relatives au respect du droit d’accès à la justice sous l’angle de cette disposition et non de l’article 13 ; les exigences de ce dernier sont en effet moins strictes que celles de l’article 6 § 1 et se trouvent absorbées par elles (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, série A n° 52, p. 32, § 88). La Cour entend en conséquence examiner la recevabilité du grief tiré du défaut d’accès au Conseil d’État aussi sous l’angle de l’article 6 § 1.
A cet égard, quant à la première des procédures litigieuses (celle ayant débuté le 15 mars 1991 avec la saisine du tribunal administratif de Nice), la Cour a déjà jugé qu’en tout état de cause, l’article 6 § 1 n’est pas applicable à l’instance devant le Conseil d’État (paragraphe 10 ci-dessus). Quant à la seconde desdites procédures, elle observe que le Conseil d’État était saisi en cassation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 17 juin 1997, lequel confirmait l’ordonnance rejetant la requête du 13 novembre 1991 au motif qu’elle ne satisfaisait pas aux conditions de forme légales. La haute juridiction n’était donc pas amenée à « décider » d’une contestation puisqu’elle ne devait pas se prononcer au fond mais examiner une décision rejetant un recours pour des motifs procéduraux. Il s’ensuit que, même à supposer que le droit dont se prévalait M. Marchesini en première instance fût de « caractère civil », un grief tiré de la méconnaissance de l’article 6 § 1 devant le Conseil d’État ne saurait prospérer.
Bref, cette partie de la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2. Procédure introduite devant le tribunal administratif de Nice le 9 septembre 1991 (paragraphe 4 ci-dessus)
12.   Le requérant affirme qu’il n’a pas eu un accès effectif au Conseil d’État du fait que sa demande d’aide juridictionnelle fut rejetée par le bureau d’aide juridictionnelle puis par le président de la section du contentieux de cette juridiction au motif du défaut d’un moyen de cassation sérieux.
En l’état du dossier, la Cour estime ne pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité du présent grief et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du gouvernement défendeur par application de l’article 54 § 3 b) de son règlement.
13.   Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
AJOURNE l’examen du grief selon lequel, dans le cadre de celle des procédures qui a débuté le 9 septembre 1991 avec la saisine du tribunal administratif de Nice, le rejet de la demande d’aide juridictionnelle du requérant par le bureau d’aide juridictionnelle puis par le président de la section du contentieux du Conseil d’État au motif du défaut d’un moyen de cassation sérieux, s’analyse en une méconnaissance du droit d’accès à cette juridiction ;
DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE POUR LE SURPLUS.
S. Dollé N. Bratza
Greffière Président
39562/98 - -
- - 39562/98


Type d'affaire : Décision (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 37-1-b) LITIGE RESOLU, (Art. 39) REGLEMENT AMIABLE, (Art. 6) PROCEDURE CIVILE, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL


Parties
Demandeurs : MARCHESINI
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (troisième section)
Date de la décision : 23/03/1999
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 39562/98
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1999-03-23;39562.98 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award