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30/03/1999 | CEDH | N°27265/95

CEDH | TERAZZI S.A.S. contre l'ITALIE


DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 27265/95
présentée par TERAZZI S.A.S.
contre l'Italie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en chambre le 30 mars 1999 en présence de
Mme E. Palm, présidente,
M. J. Casadevall,
M. B. Conforti,
M. L. Ferrari Bravo,
M. G. Jörundsson,
M. R. Türmen,
M. C. Bîrsan, juges,
et de M. M. O’Boyle, greffier de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fon

damentales ;
Vu la requête introduite le 12 août 1994 par TERAZZI S.A.S. contre l'Italie et enregistrée le 5 mai 199...

DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 27265/95
présentée par TERAZZI S.A.S.
contre l'Italie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en chambre le 30 mars 1999 en présence de
Mme E. Palm, présidente,
M. J. Casadevall,
M. B. Conforti,
M. L. Ferrari Bravo,
M. G. Jörundsson,
M. R. Türmen,
M. C. Bîrsan, juges,
et de M. M. O’Boyle, greffier de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 12 août 1994 par TERAZZI S.A.S. contre l'Italie et enregistrée le 5 mai 1995 sous le n° de dossier 27265/95 ;
Vu le rapport prévu à l’article 49 du règlement de la Cour ;
Vu les observations présentées par le gouvernement défendeur le 2 février 1998 et les observations en réponse présentées par la société requérante le 18 avril 1998 ;
Après en avoir délibéré ;
Rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante est une société en commandite simple ayant son siège à Rome.
Elle est représentée devant la Cour par Mes Alfredo Codacci Pisanelli et Giuseppe Lavitola, avocats à Rome.
Lors de l’introduction de la requête, la société requérante agissait par le biais de sa propriétaire et administratrice, Mme Vincenzina Terazzi. Toutefois, par un courrier du 8 mai 1998, les représentants de la société requérante ont informé la Commission européenne des Droits de l’Homme que le 1er février 1996 Mme Terazzi était décédée et que M. Pietro Terazzi, l’un de ses cinq héritiers, souhaitait continuer la procédure devant les organes de la Convention. Par une lettre du 25 juin 1998, les représentants de la société requérante ont en outre indiqué que les quatre autres héritiers – M. Francesco Terazzi et Mmes Adriana, Maria Rosa et Sandra Terazzi – avaient été consultés quant à leur volonté de poursuivre la requête et auraient par la suite communiqué leur position à ce sujet. Toutefois, aucune information n’a été fournie aux organes de la Convention depuis lors.
Les faits, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
A. Circonstances particulières de l’affaire
La société requérante est propriétaire d'un terrain d’environ 50 000 mètres carrés, situé dans la commune de Rome. Par une décision du 18 décembre 1962, approuvé par un décret présidentiel de 1965, la municipalité de Rome adopta un plan d'urbanisme (« piano regolatore generale ») qui prévoyait notamment la destination du terrain de la société à la création d’espaces verts (« area verde pubblica ») et, par conséquent, l'interdiction de construire sur celui-ci pour une durée de cinq ans.
Toutefois, les lois nos 756 de 1973, 696 de 1975 et 6 de 1977 (voir infra, sous « droit interne pertinent ») prorogèrent ce délai jusqu’au 28 janvier 1977. A partir de cette date, le terrain de la société requérante fut soumis au régime « de droit privé » prévu à l’article 4 de la loi n° 10 de 1977. Aux termes de cette disposition, un permis de construire peut être octroyé aux conditions suivantes : a) si le terrain est situé en dehors d’un centre habité, la construction ne doit pas dépasser certaines dimensions (index de 0,03 mètres cubes pour chaque mètre carré de terrain) ; b) si, comme dans le cas présent, le terrain est situé à l’intérieur d’un centre habité, le permis ne peut concerner que des travaux de restauration, conservation, consolidation et entretien ordinaire ou extraordinaire, tandis que toute nouvelle construction est interdite.
Par une décision du 4 juin 1990, la municipalité de Rome renouvela l'interdiction de construire pesant sur le terrain de la société requérante pour une durée de cinq ans.
Le 28 août 1990, la société requérante introduisit devant le tribunal administratif régional du Latium un recours visant à obtenir l'annulation de cette décision. Elle observait au préalable que selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle le droit de propriété ne pouvait être affecté sans indemnisation par des limitations de durée indéterminée et qu'aux termes de l’article 2 § 1 de la loi n° 1187 de 1968, toute interdiction de construire établie par un plan d'urbanisme est dépourvue d'effet si dans un délai de cinq ans l'administration ne commence pas une procédure d'expropriation ou n’approuve pas un plan d’urbanisme détaillé. De ce fait, elle soutenait que le renouvellement de l'interdiction de construire était contraire à l'esprit de la loi et aux principes développés par la Cour constitutionnelle. Elle excipait, en outre, de l’inconstitutionnalité de l’article 2 précité, alléguant que dans la mesure où cette disposition consentait à l’administration de réitérer sans indemnisation les vincula inaedificandi au-delà du délai légal de cinq ans, elle était incompatible avec les articles 42 et 3 de la Constitution italienne, garantissant respectivement le droit de propriété et l’égalité des citoyens devant la loi.
Par un jugement du 4 avril 1991, dont le texte fut déposé au greffe le 16 novembre 1991, le tribunal administratif régional rejeta le recours de la société.
Le tribunal observa notamment que l'interdiction de construire était justifiée par l'intérêt général à une planification moderne et efficace de la ville et que le plan d'urbanisme ne consentait pas d'autres solutions. Quant à la réitération, par acte administratif, des interdictions de construire précédemment établies ex lege, le tribunal estima qu'elle avait une durée déterminée et ne constituait pas, à l’époque, une expropriation de facto visant à vider de sa substance le droit de propriété de la société requérante. Dès lors, elle ne demandait pas, aux termes de l’article 42 § 3 de la Constitution, l'octroi d'une compensation financière et l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par ladite société devait être déclarée irrecevable comme étant manifestement mal fondée. 
Le 30 avril 1992, la société requérante interjeta appel devant le Conseil d'Etat. Elle reprit, pour l’essentiel, les arguments exposés dans son recours du 28 août 1990 et réitéra l’exception d’inconstitutionnalité soulevée lors du procès de première instance, précisant qu’elle concernait également les principes généraux du système juridique italien relatifs au renouvellement des vincula inaedificandi sans indemnisation.
Dans deux mémoires des 20 janvier et 20 mars 1993, la commune de Rome excipa de l’irrecevabilité de l’appel. Elle observa que ladite société n’avait aucun intérêt à obtenir l’annulation de la décision litigieuse, étant donné que son terrain était, de toute manière, assigné à une destination publique pour des raisons de protection du paysage (« vincolo paesistico »). 
Par un arrêt des 30 mars 1993 et 18 janvier 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 22 février 1994, le Conseil d'Etat rejeta l'appel de la société requérante.
Le Conseil d’Etat rejeta, à titre préalable, l’exception de la commune de Rome, observant que, sous condition du respect des dispositions législatives pertinentes, les limitations pour des raisons de protection du paysage étaient susceptibles d’être révoquées par les autorités compétentes. Il déclara en outre manifestement mal fondée l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par la société requérante, rappelant qu’aux termes de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, aucune indemnisation n’était due lorsqu’une interdiction de construire avait, comme dans la présente affaire, une durée déterminée. Quant au fond de l’affaire, le Conseil d’Etat estima que la décision litigieuse respectait les conditions fixées par la loi, était conforme à l’intérêt général et motivée de façon logique et suffisante.
D’après les informations fournies par les parties, l’interdiction de construire établie par la décision du 4 juin 1990 ne fut pas suivie d’une expropriation ou de l’adoption d’un plan d’urbanisme détaillé. De ce fait, elle perdit sa vigueur à l’échéance de la période de cinq ans prévue à l’article 2 § 1 de la loi n° 1187 de 1968. A partir de cette date et jusqu’au 18 avril 1998 (date des dernières informations) le terrain litigieux a été à nouveau soumis au régime « de droit privé » de l’article 4 de la loi n° 10 de 1977.
B. Droit interne pertinent
Aux termes de l’article 42 §§ 2 et 3 de la Constitution italienne, « la propriété privée est garantie et reconnue par la loi, qui en détermine les modes d’acquisition et de jouissance, ainsi que les limites, dans le but d’assurer sa fonction sociale et de la rendre accessible à tous. La propriété privée peut être expropriée, dans le cas prévus par la loi, sauf indemnisation, pour des raisons d’intérêt général ».
Par des arrêts rendus entre 1966 et 1968, la Cour constitutionnelle a précisé que la loi peut limiter le droit de propriété des particuliers, à condition que sa substance ne soit pas vidée. D’autre part, le jus aedificandi doit être considéré comme une faculté inhérente au droit de propriété, qui ne peut être limitée que pour des raisons d’utilité publique précises et actuelles. En cas d’expropriation ou de limitations portant atteinte à la nature même du droit en question, ou bien ayant une durée indéterminée, le propriétaire doit recevoir une compensation financière. En revanche, aucune indemnisation n’est due lorsqu’une interdiction de construire est prévue pour une durée déterminée (voir arrêts nos 6 de 1966 et 55 de 1968).
Le législateur italien a donné suite à ces arrêts en adoptant, le 19 novembre 1968, la loi n° 1187 de 1968. Aux termes de l’article 2 § 1 de celle-ci, lors de l’adoption d’un plan général d’urbanisme, les autorités locales peuvent imposer aux particuliers des interdictions de construire. Cependant, ces limitations perdent leur vigueur lorsqu’aucun plan d’urbanisme détaillé n’est adopté dans un délai de cinq ans. L’article 2 susmentionné prévoyait également, dans son deuxième paragraphe, une prorogation ex lege, pour une période de cinq ans, des délais fixés par les plans d’urbanisme approuvés avant la date de son entrée en vigueur. Les lois nos 756 de 1973, 696 de 1975 et 6 de 1977 ont prorogé ces mêmes délais jusqu’au 28 janvier 1977, date de l’entrée en vigueur de la loi n° 10 de 1977 réformant la législation du bâtiment et des règlements de voirie.
Dans le cas où l’interdiction de construire cesse aux termes de l’article 2 § 1 de la loi n° 1187 de 1968 et dans l’attente de l’adoption d’un nouveau plan d’urbanisme, les immeubles concernés sont soumis au régime « de droit privé » prévu à l’article 4 de la loi n° 10 de 1977, relatif aux terrains des municipalités n’ayant pas adopté de plans généraux d’urbanisme (voir arrêts de la chambre plénière du Conseil d’Etat nos 7 et 10 de 1984).
D’autre part, par un arrêt de 1989 (n° 575), la Cour constitutionnelle a indiqué qu’à échéance de la période de cinq ans prévue à l’article 2 de la loi n° 1187 de 1968 et lors d’une nouvelle planification du territoire, les autorités locales peuvent renouveler l’interdiction de construire pour des raisons d’utilité publique. Toutefois, lorsque l’interdiction en question est prorogée pour une durée indéterminée, donnant lieu à une incertitude substantielle, le propriétaire a droit à l’octroi d’une indemnisation (voir également l’arrêt du Conseil d’Etat n° 159 de 1994).
La Cour de cassation a en outre indiqué qu’en cas de limitations du droit de propriété en vue d’expropriation et même en l’absence de toute indemnisation, le propriétaire concerné est titulaire d’un simple intérêt légitime (« interesse legittimo »), c'est-à-dire d’une position individuelle protégée de façon indirecte et subordonnée au respect de l'intérêt public et non pas d’un droit plein et absolu (« diritto soggettivo ») à l’octroi d’une compensation financière (voir les arrêts de la chambre plénière de la Cour de cassation nos 11308 du 28 octobre 1995, 11257 du 15 octobre 1992 et 3987 du 10 juin 1983). Dès lors, face à la décision des autorités municipales lui imposant une interdiction de construire, le propriétaire peut saisir les juridictions administratives afin de faire constater si, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, l’administration a respecté les règles fixées par la loi et n’a pas excédé la marge d’appréciation dont elle dispose dans l’évaluation de l’équilibre entre l’intérêt public et celui des particuliers.
GRIEF
La société requérante se plaint des limitations imposées sur son terrain et notamment de l’absence totale d’indemnisation pour l’interdiction de construire. Elle allègue la violation du droit au respect de ses biens, tel que garanti par l'article 1 du Protocole n° 1.
PROCÉDURE
La requête a été introduite le 12 août 1994 et enregistrée le 5 mai 1995.
Le 2 juillet 1997, la Commission européenne des Droits de l’Homme a décidé de porter la requête à la connaissance du gouvernement défendeur, l'invitant à présenter par écrit des observations sur la recevabilité et le bien-fondé du grief tiré de l’article 1 du Protocole n° 1. Elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus.
Le Gouvernement a présenté ses observations le 2 février 1998 après une prorogation du délai imparti à cet effet et la société requérante y a répondu le 18 avril 1998, après qu’un nouveau délai lui avait été accordé.
En vertu de l’article 5 § 2 du Protocole No. 11, entré en vigueur le 1er novembre 1998, l’affaire est à examiner par la Cour européenne des Droits de l’Homme à partir de cette date.
EN DROIT
La société requérante se plaint des limitations imposées sur son terrain et notamment de l’absence totale d’indemnisation pour l’interdiction de construire. Elle allègue la violation du droit au respect de ses biens, garanti par l'article 1 du Protocole n° 1,  ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
1. Quant à l’épuisement des voies de recours internes.
Selon le Gouvernement, ladite société n’aurait pas épuisé les voies de recours qui lui étaient ouvertes en droit italien. En particulier, elle aurait omis de contester devant les juridictions nationales les dispositions législatives limitant son droit de propriété et de saisir les juridictions judiciaires d’une demande en indemnisation pour les limitations imposées après juin 1990.
La société fait valoir que lors de son recours au tribunal administratif régional, elle a excipé de l’inconstitutionnalité des dispositions pertinentes, mais que cette exception a été rejetée par les juridictions administratives. D’autre part, elle n’aurait pas pu, comme le veut le Gouvernement, saisir le juridictions judiciaires d’une demande en indemnisation, étant donné que la jurisprudence constante de la Cour de cassation exclut une telle possibilité. En effet, la position d’un propriétaire doit se qualifier de simple « intérêt légitime » et les juridictions administratives sont compétentes à trancher de toute question relative.
La Cour rappelle que dans le cadre de l’article 35 § 1 de la Convention un requérant doit se prévaloir des recours normalement disponibles et suffisants pour lui permettre d’obtenir réparation des violations qu’il allègue (voir arrêts Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2276, § 52 et Assenov et autres c. Bulgarie du 28 octobre 1998, à paraître dans Recueil 1998, § 85). Un requérant n’est pas tenu d’exercer les recours qui, tout en étant théoriquement de nature à constituer une voie de recours, sont en fait dépourvus de chances de succès (voir Comm. eur. D.H., N° 24276/94, déc. 22.5.95, D.R. 81, pp. 112, 121 ; N° 17419/90, déc. 8.3.94, D.R. 76, pp. 26, 28). En outre, c’est à l’Etat qui excipe du non-épuisement qu’il appartient d’établir l’existence d’un recours accessible et suffisant (voir arrêts Akdivar et autres c. Turquie du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1211, § 68 et De Jong, Baljet et Van Den Brink c. Pays-Bas du 22 mai 1984, série A n° 77, p. 18, § 36). 
En l’espèce, la Cour estime que le gouvernement défendeur n’a pas démontré que la société requérante disposait d’un recours accessible et efficace pour contester les dispositions législatives ayant limité son droit de propriété jusqu’en 1990. Quant à l’omission de demander une indemnisation pour les limitations imposées après juin 1990, la Cour observe qu’il ressort du droit interne pertinent ainsi que de l’arrêt du Conseil d’Etat des 30 mars 1993 et 18 janvier 1994 qu’aucune compensation financière n’est due lorsqu’une interdiction de construire est prévue, comme dans la présente affaire, pour une durée déterminée. De ce fait, et à supposer même que les juridictions judiciaires soient compétentes à trancher sur la question, la Cour considère qu’une demande en indemnisation aurait eu peu de chances de succès et qu’elle ne constituait pas, en l’espèce, un recours interne efficace et suffisant.
Partant, le grief de la société requérante ne saurait être déclaré irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes en application des paragraphes 1 et 4 de l’article 35 de la Convention.
2. Quant au grief de la société requérante
Selon le Gouvernement, les règles du système juridique italien concernant les limitations du droit de propriété sont compatibles avec les principes de l’article 1 du Protocole n° 1.
En l’espèce, l’interdiction de construire a été prorogée ex lege jusqu’en 1977 ; ensuite, le terrain de la société requérante a été soumis à la réglementation « de droit privé » prévue à l’article 4 de la loi n° 10 de 1977. Ce n’est que le 4 juin 1990 que la municipalité de Rome a ordonné l’interdiction de construire pour une durée de cinq ans. Il en résulte que les limitations allant de 1965 à 1990 ne trouvaient pas leur base juridique dans un acte administratif de la municipalité, mais directement dans des dispositions législatives adoptées en vertu du « droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ». Dès lors, ladite société ne saurait se prétendre titulaire, en droit italien, d’aucun droit à indemnisation pour la période en question.
Quant à la décision de la municipalité du 4 juin 1990, elle était justifiée par des raisons d’utilité publique, relatives aux exigences d’une planification moderne de la ville et n’a entraîné aucune expropriation « de facto », n’ayant pas été renouvelée pour des périodes « de longue durée ». Elle avait de surcroît un caractère purement provisoire, étant donné que sa validité était limitée à cinq ans et soumise à la condition que, après expiration de ce délai, un plan d’urbanisme détaillé soit approuvé par le Conseil régional, ce qui, en l’espèce, ne s’est pas produit.
D’autre part, le Gouvernement souligne que la société requérante est propriétaire d’une zone assez vaste, dont le terrain litigieux ne constitue qu’une partie. Or, les différents plans d’urbanisme adoptés par la ville de Rome ont destiné cette zone en partie à l’utilisation publique et en partie à la construction d’immeubles privés. En outre, par deux décrets ministériels des 30 mai 1961 et 1er juin 1963, le terrain en question avait été assigné à une destination publique pour des raisons de protection du paysage (« vincolo paesistico ») ; par conséquent, la possibilité de construire sur celui-ci devait, dès le début, paraître extrêmement réduite.
La société requérante s’oppose aux thèses du Gouvernement, rappelle que la responsabilité internationale d’un Etat peut découler d’une loi comme d’un acte administratif et considère que les mesures litigieuses s’analysent en une expropriation de facto, qui a réduit la valeur de son terrain, l’empêchant de le vendre aux conditions normales du marché.
Elle soutient que son droit de propriété a été vidé de sa substance, ayant été limité durant plus de trente-six ans, d’abord suite aux prorogations ex lege, puis en raison de l’application du régime « de droit privé » prévu à l’article 4 de la loi n° 10 de 1977 – qui serait en substance comparable à une interdiction de construire – et enfin suite à la décision de la municipalité de Rome du 4 juin 1990. Sans contester la conformité de ces mesures avec l'intérêt général, la société requérante se plaint de l’absence totale d’indemnisation pour le sacrifice qui lui a été imposé. Elle fait valoir qu’en vertu de l’interprétation jurisprudentielle des dispositions internes pertinentes, bien que les interdictions de construire aient une durée formellement déterminée, rien n’empêche l’administration italienne de les renouveler indéfiniment et sans compensation financière aucune.
La société requérante souligne enfin qu’aux termes du plan d’urbanisme, la plus grande partie de son terrain est destinée à la création d’espaces verts, tandis que seule une partie infime de celui-ci serait affectée par d’autres limitations. Quant à la destination publique pour des raisons de protection du paysage, imposée par les décrets ministériels des 30 mai 1961 et 1er juin 1963, elle ne comporterait aucune interdiction de construire, se bornant à imposer au propriétaire l’obligation de faire approuver tout projet de construction par un organe administratif.
La Cour a examiné les arguments des parties. Elle estime que la requête soulève des questions de fait et de droit complexes qui ne peuvent être résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond. Dès lors, la requête ne saurait être déclarée manifestement mal fondée en application de l'article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été établi. 
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
DÉCLARE LA REQUÊTE RECEVABLE EN CE QUI CONCERNE LE  GRIEF TIRé DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE N° 1, tous moyens de  fond réservés.
Michael O'Boyle Elisabeth Palm   Greffier Présidente
27265/95 - -
- - 27265/95


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 27265/95
Date de la décision : 30/03/1999
Type d'affaire : Decision (Finale)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 37-1-b) LITIGE RESOLU, (Art. 39) REGLEMENT AMIABLE, (Art. 6) PROCEDURE CIVILE, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL


Parties
Demandeurs : TERAZZI S.A.S.
Défendeurs : l'ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1999-03-30;27265.95 ?

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