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27/04/1999 | CEDH | N°41683/98

CEDH | MORROS GARCIA, CABRERIZO CARNICERO, ALCAINA ANGULO ET LOPE GUTIERREZ contre l'ESPAGNE


DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 41683/98
présentée par Santos Julián MORROS GARCIA, Juan CABRERIZO CARNICERO,
José Javier ALCAINA ANGULO et Alfonso Antonio LOPE GUTIERREZ
contre l’Espagne
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en chambre le 27 avril 1999, en présence de
M. M. Pellonpää, président,
M. G. Ress,
M. A. Pastor Ridruejo,
M. L. Caflisch,
M. J. Makarczyk,
M. I. Cabral Barreto,
Mme N. Vajić, juges,
et de M. V. Berger, greffier de s

ection ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ;
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DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 41683/98
présentée par Santos Julián MORROS GARCIA, Juan CABRERIZO CARNICERO,
José Javier ALCAINA ANGULO et Alfonso Antonio LOPE GUTIERREZ
contre l’Espagne
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en chambre le 27 avril 1999, en présence de
M. M. Pellonpää, président,
M. G. Ress,
M. A. Pastor Ridruejo,
M. L. Caflisch,
M. J. Makarczyk,
M. I. Cabral Barreto,
Mme N. Vajić, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 20 janvier 1998 par MM. Santos Julián Morros Garcia, Juan Cabrerizo Carnicero, José Javier Alcaina Angulo et Alfonso Antonio Lope Gutierrez contre l'Espagne et enregistrée le 12 juin 1998 sous le n° de dossier 41683/98 ;
Vu le rapport prévu à l’article 49 du règlement de la Cour ;
Après en avoir délibéré ;
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants sont quatre ressortissants espagnols, chauffeurs résidant à Saragosse.
Ils sont représentés devant la Cour par Me Leopoldo J.A. García Quinteiro, avocat au barreau de Barcelone.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
A. Circonstances particulières de l’affaire
1. Contexte (procédure en réclamation d’une somme d’argent)
Le 1er juillet 1994, les requérants présentèrent une réclamation d’une somme d’argent devant le juge du travail de Saragosse, contre deux sociétés anonymes de transport urgent, qu’ils considéraient comme leurs employeurs. Par un jugement du 22 mai 1995, le juge se déclara incompétent ratione materiae, par application de l’article 1 § 3 g) du statut des travailleurs, introduit par la disposition finale n° 7 de la loi 11/1994 du 19 mai 1994, estimant qu’il s’agissait d’une question de nature commerciale et non du droit du travail, les requérants étant des travailleurs à leur compte, propriétaires de leurs moyens de transport, qui prêtaient des services de transport au sein des entreprises citées. En appel (recurso de suplicación), par un arrêt du 22 décembre 1995, le Tribunal supérieur de Justice d’Aragon confirma le jugement attaqué. Le pourvoi en cassation pour harmonisation de la jurisprudence (recurso de casación para la unificación de la doctrina) présenté par les requérants fut rejeté par une décision (auto) du Tribunal suprême du 30 septembre 1996.
Les requérants saisirent alors le Tribunal constitutionnel d’un recours d’amparo. Par une décision du 12 mars 1997, la haute juridiction déclara le recours propre à être examiné. Le Tribunal constitutionnel ne s’est pas prononcé à ce jour sur le bien-fondé de ce dernier.
2. La présente affaire (procédure en annulation de « licenciement »)
Entre-temps, le 19 mai 1995, il avait été mis fin aux contrats des requérants. Le 21 juin 1995, ils présentèrent un recours en annulation de la décision de mettre fin à leurs contrats devant le juge du travail de Saragosse, contre les sociétés qu’ils considéraient comme leurs employeurs, qui fut rejetée par un jugement du 11 septembre 1995, en raison de l’incompétence ratione materiae des juridictions du travail par application de l’article 1 § 3 g) du statut des travailleurs, tel qu’introduit par la disposition finale n° 7 de la loi 11/1994 du 19 mai 1994. Le jugement se référait, entre autres, à un arrêt du 8 mars 1995 rendu par le Tribunal supérieur de Justice d’Aragon concernant un recours similaire à celui de l’espèce, présenté contre l’une de deux sociétés défenderesses. L’arrêt de référence précisait que l’interprétation donnée à la disposition litigieuse avait un caractère authentique et excluait du cadre des relations de travail les relations comme celles de l’espèce, exclusion qui était parfaitement délimitée au moyen de l’introduction de l’alinéa  g) dans le paragraphe 3 de l’article 1er du statut des travailleurs.
En appel (recurso de suplicación), par un arrêt du 17 janvier 1996, le Tribunal supérieur de Justice d’Aragon confirma le jugement attaqué. Le tribunal se référa dans son arrêt à sa jurisprudence réitérée et précisa que l’article 1 § 3 g) litigieux se bornait à interpréter de façon authentique le sens, selon la volonté du législateur, de l’article 1 § 1 du statut des travailleurs, et conclut que la relation des requérants avec les sociétés défenderesses n’était pas une relation de travail salarié mais qu’ils travaillaient, selon leur propre choix, à leur compte, en dehors donc des relations de travail couvertes par les dispositions citées.
Les requérant se pourvurent en cassation pour harmonisation de la jurisprudence. Par une décision (auto) du 18 décembre 1996, le Tribunal suprême rejeta le recours, comme étant dépourvu d’un fondement susceptible d’être examiné en cassation, les prétentions des requérants ayant déjà fait l’objet d’une harmonisation jurisprudentielle par le Tribunal suprême dans le sens contraire à celui voulu par les requérants.
Les requérants saisirent alors le Tribunal constitutionnel d’un recours d’amparo sur le fondement du droit à l’équité de la procédure et du principe de non-discrimination. Par une décision du 21 juillet 1997, la haute juridiction rejeta le recours, comme étant dépourvu de base constitutionnelle. La décision précisait qu’il s’agissait en l’espèce d’une question de légalité ordinaire portant sur l’interprétation donnée par les juridictions du travail à la prétention des requérants relative à l’article 1 § 3 g) du statut en cause. Elle notait que les juridictions internes s’étaient prononcées sur la cause des requérants au moyen de décisions motivées et soulignait que les requérants n’avaient fourni aucun cas à titre de comparaison susceptible de montrer l’existence d’un quelconque traitement discriminatoire.
B. Droit interne pertinent
Article 1 § 3 g) du statut des travailleurs
(introduit pas la disposition finale n° 7 de la loi 11/1994 du 19 mai 1994)
« A cet effet, sont exclues du cadre des relations de travail les activités des personnes prestataires d’un service de transport en vertu d’autorisations administratives dont elles sont titulaires, et effectué, contre paiement, avec des véhicules commerciaux assurant un service de transport dont ils ont la propriété ou le pouvoir direct de disposition, en dépit du fait que ledit service s’effectue de façon continue pour un même chargeur ou un même chargé de commercialisation. »
GRIEFS
Invoquant les articles 6 § 1 et 14 de la Convention, les requérants se plaignent d’une atteinte à leur droit à un procès équitable et au principe de non-discrimination. Ils font valoir que la décision du Tribunal constitutionnel du 21 juillet 1997 déclara irrecevables de plano les prétentions des requérants alors que d’autres recours d’amparo concernant des affaires identiques, dont leur réclamation d’une somme d’argent, ainsi que des questions (cuestiones) d’inconstitutionnalité soulevées par d’autres juridictions du travail portant sur le même sujet, étaient pendants après qu’ils furent déclarés propres à être examinés. Ils signalent qu’aucune motivation n’a été donnée par la haute juridiction pour s’écarter, dans leur cas précis, de sa jurisprudence.
EN DROIT
Les requérants se plaignent d’une atteinte à leur droit à un procès équitable et au principe de non-discrimination par rapport à d’autres cas identiques au leur. Ils invoquent les articles 6 § 1 et 14 de la Convention, dont les parties pertinentes disposent :
Article 6 § 1
«  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal (…) qui décidera, (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil(…) »
Article 14
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur (…) toute autre situation.»
Dans la mesure où les requérants allèguent la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour rappelle qu'aux termes de l'article 19 de la Convention elle a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. Elle rappelle qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur la question de savoir si l’interprétation des dispositions du droit interne était correcte ou non, une telle interprétation relevant exclusivement des juridictions internes.
La Cour constate que les juridictions espagnoles ont rendu leurs décisions en se fondant sur la législation en vigueur, et considère, à cet égard, qu’il ne ressort pas du dossier que lesdites juridictions aient fait montre d'arbitraire dans l'interprétation des dispositions légales applicables en l'espèce. Les requérants ont bénéficié d'une procédure contradictoire et ont pu, aux différents stades de celle-ci, présenter les arguments qu’ils jugeaient pertinents pour la défense de leur cause. Les décisions de rejet de leur prétention prononcées tant en première instance qu’en appel et en cassation étaient amplement motivées, en fait comme en droit. La Cour ne saurait d’ailleurs se prononcer sur des règles de compétence des juridictions internes.
A la lumière des principes dégagés par la jurisprudence des organes de la Convention, la Cour estime que rien dans le dossier ne permet de déceler une quelconque apparence de violation par les juridictions espagnoles du droit à un procès équitable tel que reconnu à l’article 6 § 1 de la Convention.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée, conformément à l’article 35 § 3 de la Convention.
Dans la mesure où les requérants allèguent la violation de l’article 14 de la Convention, la Cour rappelle que cette disposition n’a pas d’existence indépendante et ne peut être invoquée qu’à propos de la jouissance des droits et libertés garanties par la Convention et ses Protocoles (arrêt Johnston et autres c. Irlande du 18 décembre 1986, série A n° 112, p. 27, § 62). Elle note par ailleurs que la décision du Tribunal constitutionnel souligna que les requérants n’avaient fourni aucun cas à titre de comparaison susceptible de montrer l’existence d’un traitement discriminatoire.
En tout état de cause, et compte tenu de la conclusion à laquelle elle vient d’aboutir ci-dessus, la Cour estime que le grief tiré de l’article 14 de la Convention est aussi manifestement mal fondé et doit être rejeté, conformément à l’article 35 § 3 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE.
Vincent Berger Matti Pellonpää   Greffier Président
41683/98 - -
- - 41683/98


Synthèse
Formation : Commission (première chambre)
Numéro d'arrêt : 41683/98
Date de la décision : 27/04/1999
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 39) REGLEMENT AMIABLE, (Art. 6) PROCEDURE CIVILE


Parties
Demandeurs : MORROS GARCIA, CABRERIZO CARNICERO, ALCAINA ANGULO ET LOPE GUTIERREZ
Défendeurs : l'ESPAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1999-04-27;41683.98 ?

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