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22/07/1999 | CEDH | N°35586/97

CEDH | AFFAIRE SANTOS c. PORTUGAL


QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE SANTOS c. PORTUGAL
(Requête n° 35586/97)
ARRÊT
STRASBOURG
22 juillet 1999
DÉFINITIF
22/10/1999
En l’affaire Santos c. Portugal,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
M. M. Pellonpää, président,   M. A. Pastor Ridruejo,   M. L. Caflisch,   M. J. Makarczyk,   M. I. Cabral Barreto,   Mme N. Vajić,   Mme S. Botoucharova, juges,
et de M.  V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré

en chambre du conseil le 13 juillet 1999,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCéDURE
1.  A l’origine de l...

QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE SANTOS c. PORTUGAL
(Requête n° 35586/97)
ARRÊT
STRASBOURG
22 juillet 1999
DÉFINITIF
22/10/1999
En l’affaire Santos c. Portugal,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
M. M. Pellonpää, président,   M. A. Pastor Ridruejo,   M. L. Caflisch,   M. J. Makarczyk,   M. I. Cabral Barreto,   Mme N. Vajić,   Mme S. Botoucharova, juges,
et de M.  V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 juillet 1999,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCéDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République du Portugal et dont un ressortissant portugais, M. Cassiano Santos (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 4 février 1997, en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 9 avril 1997 sous le numéro de dossier 35586/97. Le requérant, qui est avocat, agit en personne. Le gouvernement portugais (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. A. Henriques Gaspar, procureur général adjoint.
2.  Le 3 décembre 1997, la Commission (deuxième chambre) a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement, en l’invitant à présenter par écrit des observations sur sa recevabilité et son bien-fondé. Le Gouvernement a présenté ses observations le 5 février 1998 et le requérant y a répondu le 3 avril 1998.
3.  A la suite de l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, et conformément à l’article 5 § 2 de celui-ci, l’affaire est examinée par la Cour conformément aux dispositions dudit Protocole.
4.  Conformément à l’article 52 § 1 du règlement de la Cour (« le règlement »), le président de la Cour, M. L. Wildhaber, a attribué l’affaire à la quatrième section. La chambre constituée au sein de ladite section comprenait de plein droit M. I. Cabral Barreto, juge élu au titre du Portugal (articles 27 § 2 de la Convention et 26 § 1 a) du règlement), et M. M. Pellonpää, président de la section (article 26 § 1 a) du règlement). Les autres membres désignés par ce dernier pour compléter la chambre étaient M. G. Ress, M. A. Pastor Ridruejo, M. J. Makarczyk, Mme N. Vajić et Mme S. Botoucharova (article 26 § 1 b) du règlement).
5.  Le 8 décembre 1998, la chambre a déclaré recevable la requête, estimant que le grief tiré par le requérant de la durée d’une procédure pénale dans laquelle il était le plaignant (article 6 § 1 de la Convention) devait faire l’objet d’un examen au fond.
6.  Par une lettre du 20 avril 1999, le requérant a présenté ses observations sur le fond, ainsi que ses demandes au titre de l’article 41 de la Convention. Par une lettre du 19 mai 1999, le Gouvernement a présenté ses commentaires à cet égard.
7.  Le 13 juillet 1999, M. L. Caflisch, suppléant, a remplacé M. G. Ress, empêché (articles 26 § 1 c) et 28 § 1 du règlement).
EN FAIT
8.  Le requérant est un ressortissant portugais né en 1935 et résidant à Lisbonne.
9.  Le 20 juin 1991, le requérant déposa devant le parquet de Lisbonne une plainte pénale pour l’émission d’un chèque sans provision. Des poursuites furent ouvertes et la police judiciaire procéda à certaines investigations. Le 30 mars 1993, le représentant du ministère public formula ses réquisitions (acusação) contre l’accusée.
10.  Le 7 mai 1993, le requérant déposa une demande en dommages et intérêts (pedido cível) à l’encontre de l’accusée. Il réclamait notamment le paiement de la somme de 6 350 000 escudos portugais (PTE), correspondant à la valeur du chèque en cause.
11.  Le 26 novembre 1993, le représentant du ministère public ordonna d’adresser notification de ladite demande à l’accusée, qui n’avait pas encore été retrouvée. Toutefois, le 10 mars 1994, les autorités de police informèrent le ministère public de ce qu’il n’avait pas été possible de procéder à la notification, l’accusée demeurant introuvable. Le représentant du ministère public ordonna alors, le 6 mai 1994, de procéder à la citation de l’accusée par voie d’affichage (citação edital).
12.  Le 12 octobre 1994, le dossier fut transmis à la 5ème chambre correctionnelle (juízo criminal) du tribunal criminel de Lisbonne et présenté au juge attaché à ladite chambre le 17 octobre 1994. Le 15 mars 1996, celui-ci désigna un défenseur d’office à l’accusée. Il ne fixa cependant pas une date pour l’audience en raison du fait que l’accusée demeurait introuvable.
13.  Le 8 février 1997, l’accusée reçut le dossier de la procédure. En conséquence, le juge, par une ordonnance du 17 février 1997, fixa la date de l’audience au 3 juillet 1997. L’audience n’eut toutefois pas lieu le jour dit en raison d’une maladie du juge. Elle fut reportée sine die.
14.  Par une ordonnance du 19 mars 1999, le juge fixa l’audience au 11 octobre 2000.
EN DROIT
I. Sur la violation alléguée de l’article 6  § 1 de la convention
15.  Le requérant dénonce la durée de la procédure en cause. Il allègue la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
16.  Le Gouvernement conteste cette thèse.
A. Période à prendre en considération
17.  La période à considérer n’a pas débuté avec le dépôt de la plainte pénale, le 20 juin 1991, mais avec l’introduction de la demande en dommages et intérêts, le 7 mai 1993 (voir l’arrêt Casciaroli c. Italie du 27 février 1992, série A n° 229-C, p. 31, § 16). La procédure demeure pendante devant le tribunal criminel de Lisbonne.
18.  Partant, la durée de la procédure à apprécier sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention s’étend sur six ans et deux mois environ à ce jour.
B. Caractère raisonnable de la durée de la procédure
19.  Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Silva Pontes c. Portugal du 23 mars 1994, série A n° 286-A, p. 15, § 39).
20.  Le Gouvernement souligne que la durée de la procédure est pour l’essentiel due à l’impossibilité de retrouver l’accusée. Or un tel fait ne peut, en tant que tel, être imputable à l’Etat. Il conclut à l’absence de violation de l’article 6 § 1.
21.  Le requérant affirme que la durée en cause ne saurait passer pour raisonnable.
22.  La Cour constate tout d’abord que l’affaire n’était pas complexe.
23.  Elle estime par ailleurs que le requérant n’a pas contribué à l’allongement de la procédure.
24.  Quant au comportement des autorités judiciaires, la Cour relève d’abord qu’un an et cinq mois s’écoulèrent entre la date à laquelle le dossier a été présenté au juge de la 5ème chambre correctionnelle, le 17 octobre 1994, et la première ordonnance qui s’en est suivie, le 15 mars 1996. Il est vrai qu’au cours de cette période l’accusée a été introuvable. La Cour admet, avec le Gouvernement, qu’il s’agit là d’un fait objectif qui ne saurait être entièrement imputable à l’Etat. Il n’en demeure pas moins que les difficultés rencontrées par les autorités judiciaires pour accomplir les notifications légales ne sauraient priver l’intéressé, en l’occurrence partie civile, des garanties de l’article 6 § 1, et notamment de son droit à un examen de sa cause dans un délai raisonnable (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Foti et autres c. Italie du 10 décembre 1982, série A n° 56, p. 23, § 75).
25.  La Cour relève par ailleurs un autre délai injustifié qui va du report de l’audience, le 3 juillet 1997, à l’ordonnance qui a fixé une nouvelle date pour la tenue de l’audience, le 19 mars 1999, soit plus d’un an et huit mois. De surcroît, la date en question a été fixée au 11 octobre 2000, soit un an et sept mois plus tard, alors même que la procédure s’étendait déjà, à la date d’adoption du présent arrêt, sur six ans et deux mois environ.
26.  Au vu des circonstances de la cause, la Cour conclut ainsi qu’il y a eu dépassement du « délai raisonnable » et, partant, violation de l’article 6 § 1.
II. application de l’article 41 de la Convention
27.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
28.  M. Santos affirme que le préjudice matériel résultant de la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention s’élève à 13 811 250 PTE, qu’il estime être le montant de sa créance à l’heure actuelle. Il demande en outre la somme de 2 500 00 PTE à titre de préjudice moral.
29.  Selon le Gouvernement, le requérant ne saurait prétendre être dédommagé par le paiement du montant de sa créance. Il s’agit là, pour le Gouvernement, d’une question qui ne relève que de la procédure interne. Quant au préjudice moral, la somme demandée par le requérant serait manifestement excessive.
30.  La Cour observe, avec le Gouvernement, que le requérant ne saurait prétendre obtenir la valeur de sa créance à titre de dédommagement du préjudice matériel. Elle relève par ailleurs que la procédure litigieuse étant toujours pendante, on ne saurait dire d’ores et déjà que le requérant a subi une perte de chances imputable à la durée de la procédure. Partant, la Cour rejette ses prétentions à ce titre.
En revanche, elle juge que le requérant a subi un tort moral certain. Compte tenu des circonstances de la cause et des conclusions figurant au paragraphe 26 du présent arrêt, elle décide de lui octroyer la somme de 800 000 PTE à ce titre.
B. Intérêts moratoires
31.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable au Portugal à la date d’adoption du présent arrêt était de 7% l’an.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2. Dit que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 800 000 (huit cent mille) escudos portugais pour dommage moral ;
3. Dit que ce montant sera à majorer d’un intérêt simple de 7% l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juillet 1999, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Matti Pellonpää
Greffier Président
ARRÊT SANTOS DU 22 juillet 1999


Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'Art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire

Parties
Demandeurs : SANTOS
Défendeurs : PORTUGAL

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (quatrième section)
Date de la décision : 22/07/1999
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 35586/97
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1999-07-22;35586.97 ?
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