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23/11/1999 | CEDH | N°45129/98

CEDH | LA SECTION DE COMMUNE D'ANTILLY contre la FRANCE


TROISIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 45129/98  présentée par la Section de commune d'Antilly  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 23 novembre 1999 en une chambre composée de
Sir Nicolas Bratza, président,   M. J-P. Costa,   M. L. Loucaides,   M. P. Kūris,   M. W. Fuhrmann,   Mme H.S. Greve,   M. K. Traja, juges, 
et de Mme S. Dollé, greffière de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l

’Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 24 juin 1998 par la Section de commune d'A...

TROISIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 45129/98  présentée par la Section de commune d'Antilly  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 23 novembre 1999 en une chambre composée de
Sir Nicolas Bratza, président,   M. J-P. Costa,   M. L. Loucaides,   M. P. Kūris,   M. W. Fuhrmann,   Mme H.S. Greve,   M. K. Traja, juges, 
et de Mme S. Dollé, greffière de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 24 juin 1998 par la Section de commune d'Antilly contre la France et enregistrée le 22 décembre 1998 sous le n° de dossier 45129/98 ;
Vu le rapport prévu à l’article 49 du règlement de la Cour ;
Après en avoir délibéré ;
Rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante est la section de commune d’Antilly, située à Argilly (Côte-d’Or - France). Elle est représentée devant la Cour par Me Michel Defosse, avocat au barreau de Dijon (France).
A. Circonstances particulières de l’affaire
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.
La collectivité d’Antilly existe depuis des temps immémoriaux, possédant un patrimoine (forêts, pâturages, maison commune) dont la propriété ne lui est pas contestée.
Lors de la Révolution française, fut créée la commune d’Argilly, intégrant la collectivité d’Antilly. Conformément à la loi, cette dernière fut alors érigée en section de commune et resta propriétaire des biens qu’elle possédait auparavant.
Le 12 février 1994, la Commission syndicale de la section de commune d’Antilly, gestionnaire des biens et droits de la section, décida de se porter acquéreur d’une parcelle agricole sise sur le territoire de la commune d’Argilly et sous l’emprise de la section d’Antilly.
Le 13 octobre 1994, le Préfet du département de la Côte-d’Or saisit le tribunal administratif de Dijon d’une requête en annulation de la délibération de la section de commune du 12 février 1994.
Par jugement du 21 janvier 1995, le tribunal administratif de Dijon annula la délibération du 12 février 1994 au motif que la section de commune n’avait pas compétence pour prendre une décision portant sur l’acquisition d’un terrain.
Le 20 mars 1995, la Commission syndicale de la section de commune d’Antilly saisit le Conseil d’Etat à fin de réforme ou d’annulation de ce jugement. Contestant en premier lieu son absence de compétence pour l’acquisition d’un bien immobilier, elle fit valoir en outre que le jugement déféré, confiscatoire vis à vis de la section de commune, violait de ce fait l’article 1 du Protocole N°1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Enfin, elle allégua que sa cause n’avait pas été entendue de façon équitable, en violation de l’article 6 de la Convention.
Le 12 décembre 1997, le Conseil d’Etat rejeta le recours de la section de commune d’Antilly en considérant que  :
« le fait, allégué par [la requérante] qu’elle se serait trouvée dans l’impossibilité, faute de moyens financiers suffisants pour recourir aux services d’un avocat, d’assumer correctement sa défense (...) est sans influence sur la régularité du jugement attaqué ;
(...) la procédure suivie devant le tribunal administratif a présenté un caractère contradictoire,  conformément aux dispositions du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, sans que puissent être utilement invoquées les stipulations, sans application en l’espèce, de l’article 6 de la Convention (...) ;
( ...) il résulte [des dispositions de l’article L 151-6 du code des communes] que l’acquisition d’un bien ne relève pas de la compétence de la commission syndicale d’une section de commune ;
(...) le jugement attaqué, en déniant à la [requérante] le droit d’acquérir un terrain, n’a porté nulle atteinte aux droits qu’elle possède sur des biens lui appartenant ; (...) ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement aurait méconnu la Constitution et les stipulations de la Convention ( ...) qui protègent le droit de propriété, est inopérant. »
B. Droit et pratique internes pertinents
Constitution française - Titre XII Des Collectivités Territoriales - Article 72
« Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d’Outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi.
Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. »
Code des communes - Livre V  Intérêts propres à certaines catégories d’habitants
Chapitre 1 - Section de commune 1
Article L 151-1
  « Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune.  La section de commune a la personnalité juridique. »
   Article L 151-2
« La gestion des biens et droits de la section est assurée par le conseil municipal, par le maire et, dans les cas prévus aux articles L. 151-6, L 151-7, L 151-8, L 151-9,  L 151-11,  L 151-15 et L 151-18 du présent code, par une commission syndicale et par son président. »
Article  L 151-3
« (...) Les membres de la commission syndicale, choisis parmi les personnes éligibles au conseil municipal de la commune de rattachement, sont élus selon les mêmes règles que les conseillers municipaux des communes de moins de 3500 habitants (...) 
Le maire de la commune de rattachement est membre de droit de la commission syndicale. » 
Article L 151-6
« Sous réserve des dispositions de l’article L 151-15, la commission syndicale délibère sur les objets suivants :
1°) Contrats passés avec la commune de rattachement ou une autre section de la commune ;
2°) Vente, échange et location pour neuf ans ou plus de biens de la section ;
3°) Changement d’usage de ces biens ;
4°) Transaction et actions judiciaires ;
5°) Acceptations de libéralités ;
6°) Adhésion à une association syndicale ou à toute autre structure de regroupement financier ;
7°) Constitution d’une union de sections ;
8°) Désignation de délégués représentant la section de commune ;
Les actes nécessaires à l’exécution de ces délibérations sont passés par le président de la commission syndicale (...) »
GRIEFS
1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de ne pas avoir eu droit à un procès équitable, puisqu’elle n’a pu assurer correctement sa défense, faute de moyens financiers suffisants, contrairement aux pouvoirs publics auxquels elle était opposée dans la procédure litigieuse. Cette inégalité de moyens constituerait, selon elle, une violation du principe de l’égalité des armes.
2. Par ailleurs, la requérante estime avoir été victime d’une violation de son droit au respect de ses biens, tel que garanti par l’article 1 du Protocole N° 1 à la Convention.
EN DROIT
La requérante se plaint de l’iniquité de la procédure terminée par un arrêt du Conseil d’Etat du 12 décembre 1997 et estime avoir été victime d’une violation de son droit de propriété. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1 de son Protocole additionnel.
Toutefois, la Cour considère qu’il y a lieu d’examiner au préalable si la section de commune requérante jouit du droit de présenter une requête en vertu de l’article 34 de la Convention.
La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 34 précité, elle ne peut être saisie d’une requête individuelle que « par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers ».
En l’espèce, la Cour note qu’une section de commune est constituée  par « toute partie d’une commune possédant à titre exclusifs des biens ou des droits distincts de ceux de la commune » (article L 151-1 du Code des communes2).
La Cour relève également que sa gestion est assurée, en vertu de l’article L 151-23 du code précité, par le conseil municipal, par le maire et, dans certaines situations limitativement énumérées par la loi, par une commission syndicale. Les membres de cette commission sont élus parmi les personnes éligibles au conseil municipal de la commune de rattachement, dans les mêmes conditions que des conseillers municipaux de communes de moins de 3500 habitants et que le maire de la commune de rattachement en est membre de droit.
Par ailleurs, la Cour souligne que la mission d’une section de commune est de participer à la gestion de biens et de droits collectifs, patrimoine attaché à un territoire déterminé, dans l’intérêt général et non individuel de ses habitants.
En conséquence, la Cour estime qu’une section de commune constitue une personne morale de droit public, qui exerce une partie de la puissance publique et doit être qualifiée, aux fins de l’article 34 de la Convention, d’organisation gouvernementale.
S’agissant de la commission syndicale, qui en l’espèce représente la section de commune dans son action devant la Cour, à supposer même qu’elle puisse être considérée comme agissant en son nom propre, elle ne peut pas davantage être qualifiée d’organisation non gouvernementale ou de groupement de personnes ayant un intérêt commun, au sens de l’article 34 de la Convention. La Cour estime, en effet, qu’à la différence d’un groupement d’habitants créé pour la défense d’intérêts individuels communs, la commission syndicale, gestionnaire d’intérêts collectifs, est rattachée à un territoire, dont la population doit être considérée comme une entité non individualisée.
Il s’ensuit que la requête échappe à la compétence ratione personae de la Cour. Elle est donc incompatible avec les dispositions de la Convention, au sens de l’article 35 § 3, et doit être rejetée en application de l’article 35 § 4 de la Convention
Par ces motifs, la Cour , à l’unanimité,
DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE.
S. Dollé N. Bratza   Greffière Président
1 Articles L 2411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales
2 Article L 2411-1 du Code général des collectivités territoriales général des collectivités territoriales
3 Article L 2411-2 du Code
45129/98 - -
- - 45129/98


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section)
Numéro d'arrêt : 45129/98
Date de la décision : 23/11/1999
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement irrecevable ; Partiellement recevable

Analyses

(Art. 35-1) DELAI DE SIX MOIS, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE FAMILIALE, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE PRIVEE, (Art. 8-2) DEFENSE DE L'ORDRE, (Art. 8-2) INGERENCE, (Art. 8-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 8-2) PREVENTION DES INFRACTIONS PENALES, (Art. 8-2) PROTECTION DE LA SANTE


Parties
Demandeurs : LA SECTION DE COMMUNE D'ANTILLY
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1999-11-23;45129.98 ?
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