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01/02/2000 | CEDH | N°40533/98

CEDH | YALIM contre la TURQUIE


PREMIÈRE SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 40533/98  présentée par Mecit YALIM  contre Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 1 février 2000 en une chambre composée de
Mme E. Palm, présidente,   M. J. Casadevall,   M. Gaukur Jörundsson,   M. R. Türmen,   M. C. Bîrsan,   Mme W. Thomassen,   M. R. Maruste, juges,   
et de M. M. O’Boyle, greffier de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’H

omme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 20 février 1998 par Mecit Yalim contre la Turquie ...

PREMIÈRE SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 40533/98  présentée par Mecit YALIM  contre Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 1 février 2000 en une chambre composée de
Mme E. Palm, présidente,   M. J. Casadevall,   M. Gaukur Jörundsson,   M. R. Türmen,   M. C. Bîrsan,   Mme W. Thomassen,   M. R. Maruste, juges,   
et de M. M. O’Boyle, greffier de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 20 février 1998 par Mecit Yalim contre la Turquie et enregistrée le 31 mars 1998 sous le n° de dossier 40533/98 ;
Vu le rapport prévu à l’article 49 du règlement de la Cour ;
Après en avoir délibéré ;
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, ressortissant turc né en 1979, est actuellement détenu dans la maison d’arrêt de Mardin. Il est étudiant.
Il est représenté devant la Cour par Maître Tahir Elçi, avocat au barreau de Diyarbakır.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Genèse de l’affaire
Le 9 janvier 1994, le requérant fut arrêté et placé en garde à vue dans les locaux de la Section anti-terroriste de la Direction de la sûreté de Silopi (Şırnak). On lui reprochait d’appartenir à l’organisation illégale le PKK.
Lors de son interrogatoire qui a duré quinze jours, le requérant aurait été maintenu les yeux bandés, sans manger ni boire et aurait constamment subi un bruit.
Selon le procès-verbal du 14 janvier 1994, le requérant indiqua aux forces de l’ordre l’endroit où étaient cachées deux mines antipersonnel ainsi qu’une grenade.
Dans sa déposition du 24 janvier 1994 faite devant le procureur de la République, le requérant soutint qu’à l’issue de son interrogatoire à la police, il fut contraint de signer une déposition et des procès-verbaux dont les contenus n’étaient pas exacts.
Toujours le 24 janvier 1994, après l’avoir entendu, le juge de paix de Silopi ordonna la mise en détention provisoire du requérant.
Par acte d’accusation présenté le 16 février 1994, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakır accusa le requérant d’être membre d’une bande armée, le PKK, et d’avoir été en possession d’engins explosifs. Il requit sa condamnation en vertu de l’article 168 du code pénal.
Devant la cour, le requérant soutint que les policiers l’avaient maltraité lors de sa garde à vue afin de lui extorquer des aveux et des renseignements. Il exposa qu’il avait signé sa déposition sous contrainte et nia les faits qui lui étaient reprochés. Il affirma que contrairement à ce qui était signalé dans les procès-verbaux, il n’avait jamais indiqué un endroit où il aurait caché des mines antipersonnel et qu’aucun engin explosif n’avait été découvert chez lui. Il précisa qu’il avait une seule fois distribué des tracts, et ceci sous la menace armée d’un certain E.H..
Lors de l’audience tenue le 30 mai 1994, la cour requit, l’examen médical du requérant afin de déterminer son âge exact ainsi que copie du registre d’état civil de son père.
Le 24 mars 1997, la cour reçut le rapport d’expertise concernant l’âge du requérant. Selon ce rapport, le requérant avait plus de vingt ans à l’époque des faits, et non pas quinze ans comme il était indiqué dans le registre d’état civil.
Dans son réquisitoire présenté le 26 novembre 1997, le procureur près la cour de sûreté de l’Etat demanda la condamnation du requérant pour appartenance à une bande armée.
Par jugement du 29 juin 1998, la cour condamna le requérant à douze ans et six mois d’emprisonnement pour appartenance à une organisation terroriste, le PKK (article 168/2 du code pénal et l’article 5 de la loi n°3713 sur la lutte contre le terrorisme). Elle considéra qu’il était établi, par tous les éléments de preuve se trouvant dans le dossier (y inclus la déposition du requérant faite à la police, la déposition des autres accusés, les procès-verbaux concernant les mines et la grenade retrouvée dans des locaux indiqués par le requérant) que celui-ci était en possession d’engins explosifs, les avait installés avec ses complices sur les trajets utilisés par des patrouilles de police et avait distribué des tracts au nom du PKK.
Le requérant se pourvut en cassation contre ce jugement. Il fit valoir que sa déposition à la police avait été recueillie sous contrainte et qu’il n’existait pas de témoignage crédible à sa charge.
Par arrêt du 25 février 1999, la Cour de cassation confirma le jugement attaqué, en s’appropriant les motifs invoqués par la première instance.
GRIEFS
Le requérant allègue la violation de l’article 3 de la Convention combiné avec l’article 13, en ce qu’il a été soumis à des mauvais traitements lors de sa garde à vue par des fonctionnaires de police qui voulaient lui extorquer des aveux sur son appartenance au PKK. Il se plaint de l’absence d’investigation au sujet de ses allégations étant donné que la Cour de sûreté de l’Etat devant laquelle il a soulevé ces allégations n’a fait déclencher aucune poursuite contre les responsables de ces traitements.
Le requérant se plaint par ailleurs des violations l’article 5 de la Convention dans la mesure où :
- il n’aurait pas été informé dans les plus courts délais des raisons de son arrestation ;
- la durée de sa garde à vue (sa détention avant d’être traduit devant le juge) aurait été excessive ;
- la durée de sa détention provisoire (sa détention jusqu’à sa condamnation) aurait été excessivement longue.
Le requérant se plaint par ailleurs des violations l’article 6 de la Convention dans la mesure où :
- la cour de sûreté de l’Etat, appelée à entendre sa cause, ne saurait passer pour un tribunal indépendant et impartial au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, puisqu’elle était composée de trois membres titulaires, dont un officier militaire relevant directement de la hiérarchie militaire ;
- la durée de la procédure dont il a fait l’objet aurait dépassé le délai raisonnable, en raison du retard mis par les autorités judiciaires (il fait observer en particulier que la cour a mis près de trois ans seulement pour obtenir une expertise tendant à fixer son âge « réel ») ;
- il n’aurait pas bénéficié d’un procès équitable (absence de l’assistance d’un avocat lors de son interrogatoire par la police, absence des facilités pour préparer sa défense).
Le requérant allègue que la loi n° 3713 sur la lutte contre le terrorisme, dont les dispositions lui ont été appliquées, constituerait une discrimination à l’encontre des accusés quant à la présomption d’innocence, du fait que les personnes contre lesquelles le procureur requiert une condamnation en vertu de ladite loi seraient d’emblée considérées coupables.  A cet égard, il invoque l’article 6 de la Convention combiné avec l’article 14.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint des mauvais traitements qu’il aurait subis lors de sa garde à vue, d’une absence de voie de recours interne contre lesdites allégations de violation (article 3 combiné avec l’article 13), de la durée de sa détention provisoire (article 5 § 3 de la Convention) et de n’avoir pas bénéficié d’un procès équitable dans un délai raisonnable devant un tribunal indépendant et impartial (article 6 de la Convention).
En l’état actuel du dossier, la Cour n’est pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et estime nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du gouvernement défendeur, en application de l’article 54 § 3 b) de son Règlement intérieur.
2. La Cour a examiné les autres griefs du requérant, tels qu’ils ont été présentés dans sa requête, et a constaté que le requérant a été informé des obstacles éventuels à la recevabilité de ces griefs. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, elle n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
AJOURNE l’examen des griefs du requérant concernant les mauvais traitements qu’il aurait subis lors de sa garde à vue et la prétendue absence de recours effectif (article 3 de la Convention pris isolément ou combiné avec l’article 13), la durée de sa détention provisoire (article 5 § 3 de la Convention), la manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat, la durée et l’équité de la procédure devant cette juridiction (article 6 § 1 de la Convention) ;
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.
Michael O’Boyle       Elisabeth Palm
                  Greffier            Présidente 
40533/97 - -
- - 40533/97


Type d'affaire : Décision (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE ADMINISTRATIVE


Parties
Demandeurs : YALIM
Défendeurs : la TURQUIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (première section)
Date de la décision : 01/02/2000
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 40533/98
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2000-02-01;40533.98 ?
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