La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2000 | CEDH | N°42572/98

CEDH | IMRET contre la TURQUIE


PREMIÈRE SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 42572/98  présentée par Abdülmecit İMRET  contre Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 1 février 2000 en une chambre composée de
Mme E. Palm, présidente,   M. J. Casadevall,   M. Gaukur Jörundsson,   M. R. Türmen,   M. C. Bîrsan,   Mme W. Thomassen,   M. R. Maruste, juges,   
et de M. M. O’Boyle, greffier de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits d

e l’Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 23 février 1998 par Abdülmecit İmret contre ...

PREMIÈRE SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 42572/98  présentée par Abdülmecit İMRET  contre Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 1 février 2000 en une chambre composée de
Mme E. Palm, présidente,   M. J. Casadevall,   M. Gaukur Jörundsson,   M. R. Türmen,   M. C. Bîrsan,   Mme W. Thomassen,   M. R. Maruste, juges,   
et de M. M. O’Boyle, greffier de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 23 février 1998 par Abdülmecit İmret contre la Turquie et enregistrée le 4 août 1998 sous le n° de dossier 42572/98 ;
Vu le rapport prévu à l’article 49 du règlement de la Cour ;
Après en avoir délibéré ;
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, ressortissant turc, né en 1958, est commerçant. Il est actuellement détenu à la maison d’arrêt de Batman.  Il est représenté devant la Cour par Maître Tahir Elçi, avocat au barreau de Diyarbakır.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
A l’époque des faits, le requérant était membre du comité administratif du parti « HADEP » (Parti Populaire de la Démocratie) ainsi que membre de la branche de l’Association des Droits de l’Homme de Batman.
Le 16 janvier 1998, alors qu’il sortait des bureaux du parti « HADEP », le requérant fût arrêté et placé en garde à vue dans les locaux de la section anti-terroriste au sein de la direction de la sûreté de Batman. Suite à des renseignements obtenus dans le cadre d’une opération menée contre les présumés membres du PKK, on reprochait au requérant de mener des activités en tant que membre de cette organisation. Un procès verbal préparé le même jour par les policiers et contenant les détails de l’arrestation fut contresigné par le requérant.
Dans les locaux de la section anti-terroriste, les policiers bandèrent les yeux du requérant et l’interrogèrent sur des dénonciations selon lesquelles il aurait contacté les militants du PKK et aurait fourni une assistance logistique à ceux-ci. Lors que le requérant réfuta ces accusations, les policiers lui auraient infligé des mauvais traitements, voir de la torture, afin de lui extorquer des aveux.
Les policiers montrèrent au requérant une feuille de papier enroulée par une bande adhésive et contenant des remerciements des militants du PKK à un surnommé « Celal ». Ils insistèrent auprès de lui pour qu’il reconnaisse que ce message lui était destiné. Sur refus du requérant, ils lui auraient infligé à nouveau des mauvais traitements.
Les policiers perquisitionnèrent au domicile du requérant, accompagnés de ce dernier, et firent comme s’ils venaient de retrouver le message en question chez le requérant.
De retour dans les locaux de la police, le requérant fut soumis de nouveau à des mauvais traitements pour qu’il reconnaisse que le document en question avait été retrouvé chez lui.
Le 21 janvier 1998, le requérant signa à la police une déposition selon laquelle il était membre du PKK et il avait apporté son soutien à ladite organisation. Selon le requérant, les policiers l’obligèrent à apposer sa signature en bas d’un texte de déposition contenant des aveux fictifs, rédigés à l’avance par des policiers eux-mêmes.
Le même jour, le requérant, alors qu’il avait les yeux bandés, fut conduit devant un médecin dans les locaux de la police. Le rapport fourni par ce médecin ne fait état d’aucune trace de mauvais traitements.
Procédure pénale intentée contre le requérant
Dans sa déposition du 23 janvier 1998 faite devant le procureur de la République, le requérant allégua qu’il avait subi des pressions lors de l’interrogatoire et rejeta le contenu de sa déposition faite à la police.
Le même jour, après l’avoir entendu, le tribunal d’instance de Batman ordonna la mise en détention provisoire du requérant  au motif qu’il existait de forts soupçons que le requérant avait commis les infractions reprochées. Devant le juge, le requérant réitéra ses déclarations selon lesquelles il aurait subi des pressions lors de sa garde à vue.
Le 26 janvier 1998, le requérant forma une opposition contre ladite ordonnance en soulevant les mêmes motifs. Cette opposition fut rejetée.
Par acte d’accusation présenté le 6 février 1998, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakır accusa le requérant d’être membre d’une bande armée, le PKK. Il requit sa condamnation en vertu de l’article 168 § 2 du code pénal réprimant le fait d’être membre d’une bande armée ainsi que de l’article 5 de la loi n° 3713 sur la lutte contre le terrorisme, disposant des circonstances aggravantes.
Lors de l’audience tenue le 17 mars 1998 devant la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakır, le requérant soutint que les policiers l’avaient maltraité pendant sa garde à vue afin de lui extorquer des aveux et des renseignements. Il précisa notamment qu’il avait subi fréquemment des électrochocs. Il ajouta que le message prétendument envoyé par les militants du PKK n’avait pas été trouvé chez lui lors de la perquisition, mais que  les policiers l’avaient déjà en leur possession. Il précisa que son frère et sa sœur qui étaient sur place au moment de la perquisition avaient été témoins dudit fait. La cour entendit les deux témoins qui déclarèrent qu’aucun élément de preuve n’avait été trouvé lors de la perquisition du domicile. Le requérant soutint en outre que le certificat médical établi à la fin des interrogatoires avait été dressé alors qu’il avait les yeux bandés. Il affirma ne pas savoir si c’était effectivement un médecin qui l’avait examiné.
Procédure pénale intentée contre le directeur de la maison d’arrêt
Le 28 janvier 1998, l’avocat du requérant intenta une procédure pénale devant le Parquet contre le directeur de la maison d’arrêt de Batman pour abus de fonction, au motif que ce dernier l’avait empêché de s’entretenir avec son client, invoquant comme prétexte des nécessités de sécurité.
Le 11 mars 1998, le Parquet de Batman rendit une ordonnance de non-lieu à cet égard. Il estima que le refus opposé par le directeur de la maison d’arrêt à la demande de l’avocat du requérant de s’entretenir avec son client était justifié par les circonstances exceptionnelles de sécurité qui étaient valables le 28 janvier 1998.
Le 5 mai 1998, l’avocat du requérant forma une opposition devant la cour d’assises de Diyarbakır contre l’ordonnance de non-lieu. Cette opposition fut rejetée.
GRIEFS
Le requérant, invoquant l’article 3 de la Convention, se plaint d’avoir été soumis à des traitements inhumains et à la torture lors de sa garde à vue par des fonctionnaires de police qui voulaient lui extorquer des aveux. Il prétend en particulier que les policiers responsables de sa garde à vue et de son interrogatoire lui ont infligé des coups de poings et de pieds, des coups de matraque sur le pénis, des jets d’eau froide après l’avoir entièrement dénudé. Ils l’auraient également suspendu par les bras, lui auraient infligé des électrochocs, introduit une matraque dans l’anus et lui auraient tordu les testicules. Par ailleurs, ils l’auraient empêché de satisfaire ses besoins naturels. Par ailleurs, les mêmes policiers auraient menacé le requérant d’arrêter et de torturer tous les membres de sa famille s’il refusait de passer aux aveuxCTU.
Sous l’angle de l’article 3 combiné avec les articles 13 et 14 de la Convention, le requérant se plaint qu’aucune procédure ne fut entamée suite à ses plaintes de mauvais traitements formulées devant le procureur ainsi que devant la cour de sûreté de l’Etat. Il prétend aussi qu’il a souffert de ces prétendues violations de la Convention en raison de son appartenance ethnique et de ses opinions politiquesCTU.
Le requérant se plaint, sous l’angle de l’article 5 de la Convention,
- d’avoir été arrêté sans qu’il y ait des raisons plausibles de soupçonner qu’il avait commis une  infractionCTU ;
- de n’avoir pas été dûment informé des raisons de son arrestation ainsi que des accusations portées contre lui CTU;
- de n’avoir pas été traduit devant un juge dans un délai raisonnable CTU;
- de n’avoir pu bénéficier de l’assistance d’un avocat pour formuler son opposition contre l’ordonnance de mise en détention délivrée par le jugeCTU.
Le requérant se plaint, au regard de l’article 6 de la Convention, de n’avoir pas bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue et de n’avoir pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défenseCTU.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint de prétendus mauvais traitements qu’il aurait subis lors de la garde à vue (article 3 de la Convention), d’une absence de voie de recours interne sur ce point (article 3 de la Convention combiné avec l’article 13) et d’une discrimination à ces égards en raison de son appartenance ethnique et de ses opinions politiques (article 3 combiné avec l’article 14). Le requérant se plaint aussi de la durée de sa garde à vue (article 5 § 3 de la Convention) et de l’absence d’assistance d’un avocat dans la procédure concernant l’opposition qu’il a faite contre sa mise en détention provisoire par un juge (article 5 § 4 de la Convention).
En l’état actuel du dossier, la Cour n’est pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et estime nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du gouvernement défendeur, en application de l’article 54 § 3 b) de son Règlement intérieur.
2. La Cour a examiné les autres griefs du requérant, tels qu’ils ont été présentés dans la requête, et a constaté que le requérant a été informé des obstacles éventuels à la recevabilité de ces griefs. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, elle n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 § 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
AJOURNE l’examen des griefs du requérant concernant les prétendus mauvais traitements lors de sa garde à vue (article 3 de la Convention), l’absence de recours afin de contester ces traitements (article 3 combiné avec l’article 13), les pratiques discriminatoires à ces égards (article 3 combiné avec l’article 14), la longueur excessive de la garde à vue (article 5 § 3 de la Convention) et l’absence d’assistance d’un avocat dans la procédure concernant l’opposition qu’il a faite contre sa mise en détention provisoire par un juge (article 5 § 4 de la Convention) ;
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.
Michael O’Boyle      Elisabeth Palm
    Greffier           Présidente
à com
à com
irrec
irrec
à comm
à comm
irrec
42572/98 - -
- - 42572/98


Type d'affaire : Decision (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE ADMINISTRATIVE


Parties
Demandeurs : IMRET
Défendeurs : la TURQUIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (première section)
Date de la décision : 01/02/2000
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 42572/98
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2000-02-01;42572.98 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award