La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2000 | CEDH | N°38498/97

CEDH | AFFAIRE RANDO c. ITALIE


DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE RANDO c. ITALIE 1
(Requête n° 38498/97)
ARRÊT
STRASBOURG
15 février 2000
En l’affaire Rando c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
M. M. Fischbach président,   M. L. Ferrari Bravo,   M. G. Bonello,   Mme M. Tsatsa-Nikolovska,   M. P. Lorenzen,   M. A.B. Baka   M. E. Levits, juges,  et de M. E. Fribergh, greffier de section ; 
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 février 2000,
R

end l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  L’affaire a été déférée à la Cour par M. Rosario Rando ...

DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE RANDO c. ITALIE 1
(Requête n° 38498/97)
ARRÊT
STRASBOURG
15 février 2000
En l’affaire Rando c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
M. M. Fischbach président,   M. L. Ferrari Bravo,   M. G. Bonello,   Mme M. Tsatsa-Nikolovska,   M. P. Lorenzen,   M. A.B. Baka   M. E. Levits, juges,  et de M. E. Fribergh, greffier de section ; 
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 février 2000,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  L’affaire a été déférée à la Cour par M. Rosario Rando (« le requérant »), ressortissant italien, le 22 mars 1999. A son origine se trouve une requête (n° 38498/97) dirigée contre la République italienne et dont le requérant avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 20 janvier 1997 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M.V. Esposito.
2.  Le 8 juillet 1998, la Commission a retenu la requête (n°38498/97) quant au grief tiré de la durée de la procédure et l'a rejetée pour le surplus. Dans son rapport2 du 27 octobre 1998 (ancien article 31), elle conclut à l'unanimité à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
3.  A la suite de l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, et conformément à l’article 5 § 4 dudit Protocole, lu en combinaison avec les articles 24 § 6 et 100 § 1 du règlement de la Cour (« le règlement »), un collège de la Grande Chambre a décidé, le 7 juillet 1999, que l’affaire serait examinée par une chambre constituée au sein de l’une des sections de la Cour.
4.  Le président de la Cour, M. L. Wildhaber, a ensuite attribué l’affaire à la deuxième section. La chambre constituée au sein de ladite section comprenait de plein droit M. B. Conforti, juge élu au titre de l'Italie (articles 27 § 2 de la Convention et 26 § 1 a) du règlement), et M. C.L. Rozakis, président de la section (article 26 § 1 a) du règlement). Les autres membres désignés par ce dernier pour compléter la chambre étaient M. M. Fischbach, M. G. Bonello, Mme V. Strážnická, M. P. Lorenzen et M. E. Levits (article 26 § 1 b) du règlement).
5.  Ultérieurement, M. Rozakis et M. Conforti, qui avaient participé à l’examen de l’affaire par la Commission, se sont déportés (article 28 du règlement). En conséquence, M. Fischbach a remplacé M. Rozakis en tant que président de la chambre (article 12 du règlement) et M. A.B. Baka a été désigné pour le remplacer au sein de celle-ci. Par la suite, le Gouvernement a désigné M. L. Ferrari Bravo, juge élu au titre de Saint-Marin, pour siéger à la place de M. Conforti (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement). En outre, Mme V. Strážnická, empêchée, a été remplacée par Mme M. Tsatsa-Nikolovska.
6.  Le 16 novembre 1999, le Gouvernement a informé la Cour qu'il n'entendait pas présenter un nouveau mémoire et se référait à ses observations devant la Commission. Le 18 octobre 1999, le greffe avait reçu le mémoire du requérant.
EN FAIT
7.  Le 26 novembre 1982, le requérant assigna les six soeurs de son père, décédé quelques années auparavant, devant le tribunal de Messine afin d'obtenir la division de la masse successorale du défunt.
8.  La mise en état de l'affaire commença le 24 février 1983. Après sept audiences d'instruction, dont cinq ajournées à la demande des parties, le juge de la mise en état, par ordonnance rendue hors d'audience le 11 juillet 1985, nomma un expert pour qu'il établisse la valeur du patrimoine successoral. Lors de l'audience du 12 novembre 1985 l'expert prêta serment et le juge de la mise en état fixa au 4 mars 1986 l'audience pour le dépôt du rapport. Cette audience fut ajournée, à la demande des parties, pour pouvoir examiner le rapport entre-temps déposé.
9.  La mise en état de l'affaire se termina, deux audiences plus tard, le 2 juin 1987 par la présentation des conclusions. L'audience de plaidoirie devant la chambre compétente fut fixée au 6 avril 1988. Cette audience fut renvoyée au 20 septembre 1989 parce que les parties étaient absentes. Le jour venu, le tribunal renvoya l'affaire au juge de la mise en état pour un complément d'instruction.
10.  Trois audiences plus tard, le 22 mai 1992, les parties présentèrent à nouveau leurs conclusions. L'audience de plaidoirie devant la chambre compétente fut fixée au 10 novembre 1993. Le jour venu, le tribunal renvoya derechef l'affaire devant le juge de la mise en état, car il estimait nécessaire un complément d'expertise.
11.  Le 15 avril 1994, le juge de la mise en état accorda un délai de cent vingt jours à l'expert précédemment nommé et fixa l'audience suivante au 29  octobre 1994.
12.  Cette audience fut renvoyée d'office. Des trois audiences prévues entre le 26 mai 1995 et le 17 janvier 1997, une fut remise d'office et deux furent relatives au dépôt d'un rapport d'expertise.
13.  Les parties devaient présenter leurs conclusions le 4 avril 1997 mais, le juge de la mise en état devant se rendre à la Cour d'Assise, l'affaire fut ajournée au 10 avril 1998. Le jour venu, les parties obtinrent du juge une remise d'audience au 23 octobre 1998 pour tenter de parvenir à un accord à l'amiable. D’après les informations fournies par le requérant, cette audience fut reportée au 12 février 1999 pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions. L’affaire fut assignée à un nouveau juge et, au 15 mars 1999, la date de l’audience suivante restait à fixer.
14.  Le requérant a déjà présenté une requête devant la Commission (n° 23628/94) concernant les faits de la procédure interne jusqu'à l'audience du 29 octobre 1994. Le 28 février 1995, la Commission a adopté un rapport selon l'article 31 concluant à l'existence d'une violation de l'article 6 § 1 quant à la durée de la procédure. Le Comité des Ministres, après avoir adopté une résolution faisant sien l’avis de la Commission et constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, condamna, le 23 juin 1996, le gouvernement italien à verser au requérant 3 500 000 lires italiennes à titre de réparation pour préjudice moral.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
15.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
16.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
17.  La Cour rappelle que le Comité des Ministres a déjà conclut à la violation de l’article 6 § 1 pour la période du 26 novembre 1982 au 29 octobre 1994. La période que la Cour est maintenant appelée à considérer a débuté le 30 octobre 1994 et était encore pendante au 15 mars 1999.
18.  Elle avait, à cette date, déjà duré plus de quatre ans et quatre mois, pour une instance.
19.  La Cour rappelle avoir constaté dans quatre arrêts du 28 juillet 1999 (voir, par exemple, l’arrêt Bottazzi c. Italie à paraître dans le recueil officiel de la Cour, § 22) l’existence en Italie d’une pratique contraire à la Convention résultant d’une accumulation de manquements à l’exigence du « délai raisonnable ». Dans la mesure où la Cour constate un tel manquement, cette accumulation constitue une circonstance aggravante de la violation de l’article 6 § 1.
20.  Ayant examiné les faits de la cause à la lumière des arguments des parties et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » et qu’il y a là encore une manifestation de la pratique précitée.
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II. Sur l’application de l’article 41 DE LA Convention
21.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
22.  Le requérant réclame 527 588 896 lires italiennes (ITL) au titre du préjudice matériel et moral qu'il aurait subi.
23.  La Cour considère qu’il y a lieu d'octroyer au requérant 12 000 000 ITL pour préjudice moral.
B. Frais et dépens
24.  Le requérant demande également 3 021 464 ITL pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et 2 619 500 ITL pour ceux encourus devant la Cour.
25.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, l’arrêt Bottazzi précité, § 30). En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale, estime raisonnable la somme demandée de 2 619 500 ITL pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
26.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable en Italie à la date d’adoption du présent arrêt était de 2,5 % l’an.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 12 000 000 ITL (douze millions) lires italiennes pour dommage moral et 2 619 500 ITL (deux millions six cent dix-neuf mille cinq cents) lires italiennes pour frais et dépens ;
b)  que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 2,5 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;
3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 février 2000, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Erik Fribergh Marc Fischbach   Greffier  Président
1 Cet arrêt peut subir des retouches de forme.
2.  Note du greffe : le rapport est disponible au greffe.
ARRÊT RANDO DU 15 FÉVRIER 2000
ARRÊT «NAMEAPPLICANT» DU ...


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section)
Numéro d'arrêt : 38498/97
Date de la décision : 15/02/2000
Type d'affaire : Arrêt (Au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'Art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE CIVILE


Parties
Demandeurs : RANDO
Défendeurs : ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2000-02-15;38498.97 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award