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23/03/2000 | CEDH | N°37010/97

CEDH | AFFAIRE CONDE c. PORTUGAL


QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE CONDE c. PORTUGAL
(Requête n° 37010/97)
ARRÊT
STRASBOURG
23 mars 2000
DÉFINITIF
23/06/2000
En l’affaire Conde c. Portugal,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. M. Pellonpää, président,    A. Pastor Ridruejo,    L. Caflisch,    J. Makarczyk,    I. Cabral Barreto,    V. Butkevych,   Mme S. Botoucharova, juges,  et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre

du conseil le 9 mars 2000,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCéDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve ...

QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE CONDE c. PORTUGAL
(Requête n° 37010/97)
ARRÊT
STRASBOURG
23 mars 2000
DÉFINITIF
23/06/2000
En l’affaire Conde c. Portugal,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. M. Pellonpää, président,    A. Pastor Ridruejo,    L. Caflisch,    J. Makarczyk,    I. Cabral Barreto,    V. Butkevych,   Mme S. Botoucharova, juges,  et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 mars 2000,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCéDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République du Portugal et dont deux ressortissants portugais, M. Júlio Conde et Mme Rosa Fernandes Conde (« les requérants »), avaient saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 19 juin 1997, en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 23 juillet 1997 sous le numéro de dossier 37010/97. Les requérants sont représentés par Me A. Alves, avocat au barreau de Braga. Le gouvernement portugais (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. A. Henriques Gaspar, procureur général adjoint.
2.  Le 16 avril 1998, la Commission (deuxième chambre) a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement, en l’invitant à présenter par écrit des observations sur sa recevabilité et son bien-fondé. Les parties ont présenté des observations.
3.  A la suite de l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, l’affaire est examinée par la Cour en application de l’article 5 § 2 dudit Protocole.
4.  Conformément à l’article 52 § 1 du règlement de la Cour (« le règlement »), le président de la Cour a attribué l’affaire à la quatrième section. La chambre constituée au sein de ladite section a déclaré la requête recevable le 21 septembre 1999, estimant que le grief tiré par les requérants de la durée d’une procédure civile (article 6 § 1 de la Convention) devait faire l’objet d’un examen au fond.
5.  Les requérants ont présenté des demandes au titre de l’article 41 de la Convention. Le Gouvernement a présenté ses commentaires à cet égard.
EN FAIT
6.  Le premier requérant est un ressortissant portugais né en 1939. La deuxième requérante, son épouse, est une ressortissante portugaise née en 1941. Ils résident à Braga (Portugal).
7.  Le 1er octobre 1993, les requérants achetèrent à L.G. un appartement dans un immeuble en construction à Portimão. Cet immeuble fit par la suite l’objet d’une saisie conservatoire, opérée à la demande du vendeur contre la société de constructions. Les requérants perdirent la possession de l’appartement suite à une décision du juge du tribunal de Portimão en date du 7 juin 1995.
8.  Estimant que leur droit de propriété avait été lésé, les requérants introduisirent, le 28 juillet 1995, devant le tribunal de Portimão, une procédure d’opposition de tiers (embargos de terceiro) contre L.G.
9.  Le 20 avril 1998, le juge demanda au greffe des renseignements sur l’état de la procédure concernant la saisie conservatoire de l’immeuble en cause.
10.  Par une ordonnance du 25 mai 1998, le juge fixa au 5 juin 1998 l’audition des témoins indiqués par les requérants. L’audition eut lieu le jour dit.
11.  Par une ordonnance du 9 juin 1998, le juge déclara l’opposition recevable et invita L.G. à présenter des conclusions en réponse, ce que cette dernière fit le 1er juillet 1998. L.G. demanda également l’octroi de l’assistance judiciaire.
12.  Le 14 août 1998, les requérants déposèrent leur réplique.
13.  Le 9 novembre 1999, le juge rejeta la demande d’assistance judiciaire formulée par L.G.
14.  La procédure est toujours pendante devant le tribunal de Portimão.
EN DROIT
I. Sur la violation alléguée de l’article 6  § 1 de la convention
15.  Les requérants dénoncent la durée de la procédure en cause. Ils allèguent la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
16.  La période à considérer a débuté avec l’introduction de la demande, le 28 juillet 1995. Elle n’a pas encore pris fin, la procédure demeurant pendante devant le tribunal de Portimão. Elle s’étend donc à ce jour sur quatre ans et sept mois.
17.  Pour rechercher s’il y a eu dépassement du délai raisonnable, il y a lieu d’avoir égard aux circonstances de la cause et aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Silva Pontes c. Portugal du 23 mars 1994, série A n° 286-A, p. 15, § 39).
18.  Le Gouvernement admet qu’il y a eu un long retard lors de la phase initiale de la procédure. Il souligne que celle-ci a, à l’heure actuelle, repris son cours normal.
19.  La Cour prend note de la position du Gouvernement. Elle souligne ne pouvoir accepter un délai d’inactivité totale de deux ans et neuf mois entre l’introduction de la demande et la première ordonnance du juge.
20.  Au vu des circonstances de la cause, la Cour conclut ainsi qu’il y a eu dépassement du « délai raisonnable » et, partant, violation de l’article 6 § 1.
II. SUR L’application de l’article 41 de la Convention
21.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
22.  Les époux Conde affirment que le préjudice matériel résultant de la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention s’élève à 7 163 032 escudos portugais (PTE). Ils soulignent d’abord qu’ils continuent de payer les taxes et impôts sur l’appartement ainsi que les primes d’assurances alors qu’ils ne sont plus en possession de l’appartement depuis 1995. En outre, ils n’ont pas été en mesure de le donner en location aux fins de villégiature, comme c’était leur intention lors de son achat. Enfin, les meubles qui étaient dans l’appartement ont disparu et l’état général de ce dernier est mauvais.
Les requérants demandent par ailleurs 3 500 000 PTE pour chacun d’eux au titre du préjudice moral.
23.  Selon le Gouvernement, le préjudice matériel allégué n’a pas été démontré par les requérants. Il ajoute que les dommages exposés ne présentent aucun lien de causalité avec la durée de la procédure.
S’agissant du préjudice moral, le Gouvernement considère excessifs les montants demandés.
24.  La Cour admet que les requérants ont eu à subir un certain préjudice matériel découlant de la durée de la procédure. Ils ont ainsi dû payer les impôts et taxes grevant la propriété ainsi que des primes d’assurances sans pourtant jouir de l’appartement qu’ils avaient acheté. Un tel préjudice ne se prête cependant pas à un calcul exact. Prenant en considération également le tort moral certainement subi en vertu de la durée déraisonnable de la procédure, la Cour décide d’allouer à chaque requérant 750 000 PTE, toutes causes de préjudices confondues.
B. Frais et dépens
25.  Les requérants demandent 1 200 000 PTE pour frais et dépens. Le Gouvernement conteste ce montant.
26.  La Cour décide en équité d’allouer aux deux requérants 250 000 PTE de ce chef.
C. Intérêts moratoires
27.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable au Portugal à la date d’adoption du présent arrêt était de 7 % l’an.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt est devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention,
i. 750 000 (sept cents cinquante mille) escudos portugais à chacun des requérants pour dommage matériel et moral,
ii. 250 000 (deux cents cinquante mille) escudos portugais au deux requérants pour frais et dépens ;
b) que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 7 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;
3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 23 mars 2000, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Matti Pellonpää
Greffier Président
ARRÊT CONDE C. PORTUGAL


Type d'affaire : Arrêt (Au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'Art. 6-1 ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE CIVILE


Parties
Demandeurs : CONDE
Défendeurs : PORTUGAL

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (quatrième section)
Date de la décision : 23/03/2000
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 37010/97
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2000-03-23;37010.97 ?

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