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11/04/2000 | CEDH | N°35616/97

CEDH | AFFAIRE COSCIA c. ITALIE


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE COSCIA c. ITALIE
(Requête n° 35616/97)
ARRÊT
STRASBOURG
11 avril 2000
En l’affaire Coscia c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Mme E. Palm, présidente,   M. L. Ferrari Bravo,   M. Gaukur Jörundsson,   M. R. Türmen,   M. B. Zupančič,   M. T. Panţîru,   M. R. Maruste, juges,  et de  M. M. O’Boyle, greffier de section ; 
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 mars 2000,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  L’affaire a été déférée à la cour par M. Luciano Coscia (« ...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE COSCIA c. ITALIE
(Requête n° 35616/97)
ARRÊT
STRASBOURG
11 avril 2000
En l’affaire Coscia c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Mme E. Palm, présidente,   M. L. Ferrari Bravo,   M. Gaukur Jörundsson,   M. R. Türmen,   M. B. Zupančič,   M. T. Panţîru,   M. R. Maruste, juges,  et de  M. M. O’Boyle, greffier de section ; 
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 mars 2000,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  L’affaire a été déférée à la cour par M. Luciano Coscia (« le requérant »), ressortissant italien, le 18 juin 1999. A son origine se trouve une requête (n° 35616/97) dirigée contre la République italienne et dont le requérant avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 28 octobre 1996 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M. V. Esposito.
2.  Le 21 octobre 1998, la Commission a retenu la requête (n° 35616/97) quant au grief tiré de la durée de la procédure et l’a rejetée pour le surplus. Dans son rapport1 du 4 mars 1999 (ancien article 31), elle conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
3.  A la suite de l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, et conformément à l’article 5 § 4 dudit Protocole, lu en combinaison avec les articles 24 § 6 et 100 § 1 du règlement de la Cour (« le règlement »), un collège de la Grande Chambre a décidé, le 7 juillet 1999, que l’affaire serait examinée par une chambre constituée au sein de l’une des sections de la Cour.
4.  Le président de la Cour, M. L. Wildhaber, a ensuite attribué l’affaire à la première section. La chambre constituée au sein de ladite section comprenait de plein droit M. B. Conforti, juge élu au titre de l’Italie (articles 27 § 2 de la Convention et 26 § 1 a) du règlement), et Mme E. Palm, présidente de la section (article 26 § 1 a) du règlement). Les autres membres désignés par cette dernière pour compléter la chambre étaient, M. Gaukur Jörundsson, M. R. Turmen, M. B. Zupančič, M. T. Panţîru, M. R. Maruste (article 26 § 1 b) du règlement).
5.  Ultérieurement, M. Conforti, qui avait participé à l’examen de l’affaire par la Commission, s’est déporté (article 28 du règlement). Par la suite, le Gouvernement a désigné M. L. Ferrari Bravo, juge élu au titre de Saint-Marin, pour siéger à la place de M. Conforti (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement).
6.  Le 5 novembre 1999, le Gouvernement a informé la Cour qu'il n'entendait pas présenter un nouveau mémoire et se référait à ses observations devant la Commission. Le 26 octobre 1999, le greffe avait reçu le mémoire du requérant.
EN FAIT
7.  Le 7 juillet 1989, le requérant et sa femme firent opposition à une injonction de payer obtenue par la société C.S.L., mise en liquidation, en soutenant avoir déjà remboursé l'emprunt qui leur avait été accordé par ladite société. Par une ordonnance du 16 octobre 1990, le juge de la mise en état ordonna la suspension de l'exécution provisoire de l'injonction de payer et après deux audiences, par un jugement du 26 mars 1991, dont le texte fut déposé au greffe le 5 septembre 1991, le tribunal de Turin fit droit à la demande du requérant et de sa femme.
8.  Le 27 octobre 1992, la société C.S.L. interjeta appel devant la cour d'appel de Turin. Le 14 janvier 1993 le requérant se constitua dans la procédure. Après une audience, le 3 juin 1993, les parties présentèrent leurs conclusions. L'audience du 18 novembre 1994 fut renvoyée d'office au 10 mai 1996 en raison de la mutation du conseiller de la mise en état. Par arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 25 mai 1996, la cour rejeta l'opposition à l'injonction  et condamna le requérant et sa femme à payer.
9.  Le 7 octobre 1996, la société C.S.L. présenta une demande de saisie de l'appartement de propriété du requérant et de sa femme.
10.  Le 10 janvier 1997, le requérant et sa femme se pourvurent en cassation.
11.  Le 13 février 1997, ils présentèrent également un recours devant la cour d'appel de Turin, afin d'obtenir la suspension de l'exécution de la saisie. Par une ordonnance du 19 mars 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 9 avril 1997, la cour d'appel suspendit ladite saisie. Par une ordonnance du 23 février 1998, le tribunal de Turin se réserva de fixer la date de l'audience de la procédure d'exécution, suite à la suspension de l'exécution du jugement du 10 mai 1996, dans l'attente de la reprise de la procédure.
12.  Le 27 novembre 1998 se tint l’audience en cassation. Par un arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe le 25 mars 1999, la Cour de cassation rejeta le recours du requérant.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
13.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
14.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
15.  La période à considérer a débuté le 7 juillet 1989 et s'est terminée le 25 mars 1999.
16.  Elle a donc duré plus de neuf ans et huit mois, pour trois instances.
17.  La Cour rappelle avoir constaté dans quatre arrêts du 28 juillet 1999 (voir, par exemple, l’arrêt Bottazzi c. Italie à paraître dans le recueil officiel de la Cour, § 22) l’existence en Italie d’une pratique contraire à la Convention résultant d’une accumulation de manquements à l’exigence du « délai raisonnable ». Dans la mesure où la Cour constate un tel manquement, cette accumulation constitue une circonstance aggravante de la violation de l’article 6 § 1.
18.  Ayant examiné les faits de la cause à la lumière des arguments des parties et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » et qu’il y a là encore une manifestation de la pratique précitée.
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II. Sur l’application de l’article 41 DE LA Convention
19.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
20.  Le requérant réclame 250 000 000 lires italiennes (ITL) à titre de somme globale et forfaitaire pour le préjudice qu’il aurait subi.
21.  La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 12 000 000 ITL pour préjudice moral.
B. Frais et dépens
22.  Le requérant allègue plusieurs factures au titre des frais et dépens encourus devant les juridictions internes, sans toutefois indiquer un montant total définitif. Il ne formule aucune requête quant aux frais encourus devant la Cour.
23.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, l’arrêt Bottazzi précité, § 30). En l’espèce, compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 000 ITL au titre de frais et dépens encourus devant les juridictions internes et l’accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
24.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable en Italie à la date d’adoption du présent arrêt était de 2,5 % l’an.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 12 000 000 (douze millions) lires italiennes pour dommage moral et 1 000 000 (un million) lires italiennes pour frais et dépens ;
b)  que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 2,5 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;
3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 avril 2000, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Michael O’Boyle Elisabeth Palm   Greffier  Présidente
1 Note du greffe : le rapport est disponible au greffe.
ARRÊT COSCIA C. ITALIE


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 35616/97
Date de la décision : 11/04/2000
Type d'affaire : Arrêt (Au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'Art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure nationale

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE CIVILE


Parties
Demandeurs : COSCIA
Défendeurs : ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2000-04-11;35616.97 ?

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