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04/05/2000 | CEDH | N°51891/99

CEDH | NALETILIC contre la CROATIE


[TRADUCTION]
EN FAIT
Citoyen croate né en 1946, le requérant [M. Mladen Naletilić] se trouve actuellement en détention au quartier pénitentiaire du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye, Pays-Bas. Devant la Cour, il est représenté par M. K. Krsink, un avocat de Zagreb (Croatie).
Les faits de la cause, tels que présentés par le requérant, peuvent se résumer ainsi.
A l’époque où il a soumis sa requête à la Cour, le requérant se trouvait au pénitencier de Zagreb, à l’hôpital pour détenus, dans le cadre de

la procédure pénale en cours contre lui devant le tribunal départemental de Zagreb (...

[TRADUCTION]
EN FAIT
Citoyen croate né en 1946, le requérant [M. Mladen Naletilić] se trouve actuellement en détention au quartier pénitentiaire du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye, Pays-Bas. Devant la Cour, il est représenté par M. K. Krsink, un avocat de Zagreb (Croatie).
Les faits de la cause, tels que présentés par le requérant, peuvent se résumer ainsi.
A l’époque où il a soumis sa requête à la Cour, le requérant se trouvait au pénitencier de Zagreb, à l’hôpital pour détenus, dans le cadre de la procédure pénale en cours contre lui devant le tribunal départemental de Zagreb (Županijski sud u Zagrebu) pour enlèvement, meurtre et participation à un groupe ayant commis un crime.
Le 21 décembre 1998, le TPIY accusa le requérant de crimes contre l’humanité, infractions graves aux Conventions de Genève et violations des lois ou coutumes de la guerre, retenant dix-sept chefs dans son acte d’accusation.
Le 1er septembre 1999, le tribunal départemental de Zagreb ordonna de livrer le requérant au TPIY. La Cour suprême et la Cour constitutionnelle, saisies par le requérant, confirmèrent cette décision.
Le 15 octobre 1999, le requérant soumit à la Cour une demande en vertu de l’article 39 du règlement, que le président de la quatrième section rejeta par une décision de la même date.
Le requérant se trouve actuellement en détention au quartier pénitentiaire du TPIY de La Haye, aux Pays-Bas, dans le cadre de la procédure pénale ouverte contre lui.
GRIEFS
Sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de ce que son extradition vers le TPIY entraînerait obligatoirement la suspension de la procédure pénale en cours en Croatie, ce qui emporterait violation de son droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
Toujours sous l’angle de cette disposition, il allègue que le TPIY n’est pas un tribunal indépendant et impartial établi par la loi.
Invoquant l’article 7 de la Convention, il se plaint en outre de ce que le TPIY peut le condamner à la réclusion criminelle à perpétuité alors qu’en Croatie, il ne pourrait être condamné qu’à une peine d’emprisonnement n’excédant pas vingt ans.
EN DROIT
1.  Le requérant soulève deux questions distinctes sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, qui dispose en ses passages pertinents :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »
a)  Premièrement, il se plaint de ce qu’en cas d’« extradition » vers le TPIY, la procédure pénale engagée contre lui en Croatie serait suspendue, ce qui emporterait violation de son droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
La Cour relève que le requérant ne se plaint pas de la durée de la procédure engagée en Croatie avant qu’ait été prise la décision de le livrer au TPIY. Il dénonce le fait que – en raison de son extradition vers le TPIY – la procédure pénale actuellement en cours contre lui en Croatie dépasserait obligatoirement à l’avenir un délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. A cet égard, la Cour note que l’éventualité même d’une telle procédure future est douteuse, car celle-ci ne pourrait se poursuivre que si le requérant était acquitté par le tribunal de La Haye ou si la procédure devant le TPIY était suspendue pour une quelconque raison.
Comme il n’est pas sûr que la procédure recommencera devant les tribunaux croates et comme la Cour ne saurait prendre en compte la durée d’une éventuelle procédure future, cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Il y a donc lieu de la rejeter conformément à l’article 35 § 4.
b)  Deuxièmement, le requérant allègue que le TPIY n’est pas un tribunal impartial et indépendant établi par la loi.
La Cour rappelle qu’à titre exceptionnel, une décision d’extradition peut soulever une question sous l’angle de l’article 6 de la Convention lorsque le requérant risque à l’évidence de se voir refuser un procès équitable. Or en l’espèce, contrairement à ce que le requérant a l’air de penser, il ne s’agit nullement d’extradition ; l’intéressé a été livré à un tribunal international qui présente toutes les garanties nécessaires, y compris celles d’impartialité et d’indépendance, comme le montre la teneur de son statut et de son règlement de procédure.
Dès lors, aucune question ne se pose à cet égard sur le terrain de l’article 6 § 1.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejetée conformément à l’article 35 § 4.
2.  En outre, sous l’angle de l’article 7 de la Convention, le requérant se plaint de ce que le TPIY risque de lui infliger une peine plus lourde que les tribunaux internes.
L’article 7 est libellé en ces termes :
« 1.  Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.
2.  Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées. »
Quant à l’argument du requérant selon lequel il risquerait de se voir infliger une peine plus lourde par le TPIY que par les tribunaux internes si ces derniers menaient à terme la procédure engagée contre lui, la Cour relève que, même à supposer que l’article 7 de la Convention entre en jeu en l’espèce, c’est le paragraphe 2 et non le paragraphe 1 de cette disposition qui serait applicable. Cela signifie que la seconde phrase de l’article 7 § 1, qu’invoque le requérant, ne trouverait pas à s’appliquer.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est aussi manifestement mal fondée au sens de l’article  35 § 3 de la Convention et doit dès lors être rejetée conformément à l’article 35 § 4.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
DÉCISION NALETILIĆ c. CROATIE
DÉCISION NALETILIĆ c. CROATIE 


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section)
Numéro d'arrêt : 51891/99
Date de la décision : 04/05/2000
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Violation de P1-1 ; Satisfaction équitable réservée

Analyses

(Art. 10-2) PREVISIBILITE, (P1-1-1) PREVUE PAR LA LOI


Parties
Demandeurs : NALETILIC
Défendeurs : la CROATIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2000-05-04;51891.99 ?
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