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28/09/2000 | CEDH | N°41518/98

CEDH | J.M. c. ROYAUME-UNI


[TRADUCTION]
EN FAIT
La requérante [Mme J.M.] est une ressortissante britannique née en 1962 et résidant dans le comté de Kerry, en Irlande. Devant la Cour elle est représentée par Mme R. Harvey, du cabinet londonien de solicitors Sheridans.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent être résumés ainsi.
En décembre 1995, la requérante fut agressée, séquestrée et sauvagement violée à plusieurs reprises par M. E. Le procès dura du 2 au 22 août 1996. E. fut recon

nu coupable et condamné à l’emprisonnement à perpétuité le 25 septembre 1996. E. choisit ...

[TRADUCTION]
EN FAIT
La requérante [Mme J.M.] est une ressortissante britannique née en 1962 et résidant dans le comté de Kerry, en Irlande. Devant la Cour elle est représentée par Mme R. Harvey, du cabinet londonien de solicitors Sheridans.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent être résumés ainsi.
En décembre 1995, la requérante fut agressée, séquestrée et sauvagement violée à plusieurs reprises par M. E. Le procès dura du 2 au 22 août 1996. E. fut reconnu coupable et condamné à l’emprisonnement à perpétuité le 25 septembre 1996. E. choisit de se défendre lui-même et interrogea la requérante pendant six jours. Pour préparer sa défense, E. avait eu accès au dossier médical de l’intéressée et à d’autres informations d’ordre privé sur elle. D’un bout à l’autre du procès, il porta les mêmes vêtements que ceux dont il était revêtu lorsqu’il avait violé la requérante. Il interrogea celle-ci non seulement sur les viols mais sur ses antécédents médicaux intimes et sur ses relations personnelles. La requérante fut prise de vomissements pendant le contre-interrogatoire ; elle fut hospitalisée après ce supplice, qui provoqua en elle perturbation et désarroi.
B.  Le droit et la pratique internes pertinents
A l’époque du procès qui concerne la requérante, un accusé avait absolument le droit de se défendre lui-même. Le tribunal n’avait nullement la faculté de le contraindre contre son gré à être représenté (R. v. Woodward (1944), King’s Bench, p. 118). Un accusé qui assurait lui-même sa défense avait également le droit de poser des questions lors d’un contre-interrogatoire à tout témoin à charge à condition que ces questions eussent un rapport avec l’affaire ou fussent destinées à attaquer la crédibilité des témoins.
L’article 2 de la loi de 1976 portant amendement à la loi sur les infractions sexuelles habilitait le juge à autoriser quelqu’un accusé de viol à poser des questions à la plaignante sur ses expériences sexuelles. En général, si l’accusé pouvait démontrer que la question présentait de la pertinence pour un point qu’il avait soulevé au procès, par exemple le consentement de la victime, il lui était loisible d’interroger celle-ci (R. v. Brown (Uriah Samule), Criminal Appeal Reports, vol. 89, p. 92).
La loi de 1998 sur la justice pour les jeunes et les preuves en matière pénale (Youth Justice and Criminal Evidence Act 1998) est entrée en vigueur en juillet 1999. Elle apporte des limitations notamment à la faculté pour l’accusé d’interroger personnellement la victime de l’infraction alléguée.
GRIEFS
La requérante allègue, à propos de son interrogatoire par E., que le droit anglais l’a exposée à un traitement inhumain et/ou dégradant contraire à l’article 3 de la Convention et/ou à une ingérence dans sa vie privée, au mépris de l’article 8 § 2 de la Convention en ce que cette ingérence était disproportionnée et n’était pas nécessaire dans une société démocratique. La requérante se plaint que, contrairement à ce que prévoit l’article 13 de la Convention, le droit anglais ne lui offrait pas de recours quant au supplice qu’elle a subi. Elle alléguait en outre une discrimination au regard de l’article 14 de la Convention parce que les adultes victimes d’agressions sexuelles ne sont pas à l’abri d’un interrogatoire mené par ceux qu’ils désignent comme leurs agresseurs alors que le droit anglais offre cette protection aux enfants victimes.
PROCÉDURE
Le 8 décembre 1998, la Cour a invité le Gouvernement à présenter des observations écrites sur la requête.
Le Gouvernement l’ayant informée par écrit le 1er mars 1999 qu’il tentait d’aboutir à un règlement avec la requérante, le président a accordé un ajournement.
Le 19 juillet 1999, le Gouvernement a avisé la Cour que la requérante avait accepté une offre de règlement consistant au versement de 6 000 livres sterling (GBP) et aux frais judiciaires raisonnablement exposés.
A la suite des négociations entre les parties, le Gouvernement a informé la Cour le 13 mars 2000 qu’il estimait fort excessives les revendications de la requérante concernant les frais judiciaires et qu’il lui offrait la somme de 7 000 GBP, qui lui semblait raisonnable. Il joignait sa lettre du 16 décembre 1999 aux solicitors de la requérante dans laquelle il exposait ses objections détaillées à la demande de 12 880,50 GBP, chiffre qui n’englobait ni la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ni les honoraires d’avocat. Il ne tenait pas davantage compte des 2 800 francs français (270,53 GBP) que la Cour avait accordés au titre de l’assistance judiciaire. Les objections du Gouvernement avaient trait à une part importante de la note d’honoraires consacrée aux recherches et à l’élaboration d’un accord conditionnel avec l’avocat quant à ses honoraires, le travail représenté par les contacts avec les médias et celui accompli notamment pour répondre à la lettre d’un étudiant ; les objections visaient aussi le trop grand nombre de personnes rétribuées pour cette affaire, par exemple les deux avocats expérimentés et l’avocat débutant chargés de préparer une requête de neuf pages et les documents à l’appui.
Par une lettre du 27 avril 2000, les solicitors de la requérante informèrent la Cour que les négociations se poursuivaient.
Le 18 mai 2000, faute d’un accord avec le Gouvernement, les solicitors de la requérante ont communiqué à la Cour leurs prétentions révisées pour frais, évalués à 16 813 GBP au 31 janvier 2000. Ce chiffre tenait désormais compte de la TVA, des honoraires d’avocats et d’une somme octroyée au titre de l’assistance judiciaire. Certaines des objections du Gouvernement avaient été prises en considération.
Par une lettre du 2 juin 2000, le Gouvernement confirma les objections qu’il avait formulées dans sa lettre du 16 décembre 1999 et indiqua qu’une somme de 7 000 GBP serait raisonnable.
EN DROIT
1.  La Cour prend acte de ce que la requérante a accepté de régler ses griefs sur la base du versement de 6 000 GBP à titre gracieux et du remboursement des frais raisonnables. Dans ces conditions, elle estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête au regard de l’article 37 § 1 c) de la Convention. Elle note qu’une législation a été adoptée qui limite les cas dans lesquels un accusé peut interroger personnellement la victime d’un viol. Elle a la conviction que le respect des droits de l’homme n’exige pas de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine de la Convention).
En conséquence, il y a lieu de rayer l’affaire du rôle.
2.  La Cour relève par ailleurs que les parties n’ont pu parvenir à un accord quant au montant des frais raisonnables à verser dans le cadre du règlement.
Elle a tenu compte du fait que la requête n’a pas été au-delà de la communication au gouvernement défendeur et que la majeure partie du travail consacré au dossier devant la Cour consiste dans la correspondance initiale et dans la préparation et la présentation d’une requête de neuf pages, avec peu de documents à l’appui. La Cour n’a dès lors pas la conviction que la somme de 16 813 GBP réclamée à titre d’honoraires puisse être considérée comme nécessairement exposée au sujet de la requête ou comme d’un montant raisonnable. La Cour a eu égard aux montants des honoraires réclamés et alloués dans d’autres affaires britanniques dont elle a été saisie et qui sont parvenues au stade d’un arrêt définitif sur le fond, après une audience (voir, par exemple, l’arrêt Khan c. Royaume-Uni, no 35394/97, CEDH 2000-V, dans laquelle la Cour a alloué 11 500 GBP pour frais).
Statuant en équité comme le veut l’article 44 § 3 de son règlement, la Cour accorde 8 000 GBP pour frais et dépens, TVA comprise.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Décide de rayer la requête du rôle ;
Décide d’allouer à la requérante 8 000 GBP (huit mille livres sterling),  taxe sur la valeur ajoutée comprise, pour frais et dépens.
DÉCISION J.M. c. ROYAUME-UNI
DÉCISION J.M. c. ROYAUME-UNI 
DÉCISION J.M. c. ROYAUME-UNI


Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 34) VICTIME, (Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE


Parties
Demandeurs : J.M.
Défendeurs : ROYAUME-UNI

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (troisième section)
Date de la décision : 28/09/2000
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 41518/98
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2000-09-28;41518.98 ?
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