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27/02/2001 | CEDH | N°44380/98

CEDH | AFFAIRE PETTIROSSI c. ITALIE


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE PETTIROSSI c. ITALIE
(Requête n° 44380/98)
ARRÊT
STRASBOURG
27 février 2001
DÉFINITIF
27/05/2001
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive.
En l’affaire Pettirossi c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Mme E. Palm, présidente,   MM. B. Conforti,    L. Ferrari Brav

o,    Gaukur Jörundsson,    R. Türmen,    B. Zupančič,    T. Panţîru, juges,  et de M. M. O’Boyle, greffier...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE PETTIROSSI c. ITALIE
(Requête n° 44380/98)
ARRÊT
STRASBOURG
27 février 2001
DÉFINITIF
27/05/2001
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive.
En l’affaire Pettirossi c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Mme E. Palm, présidente,   MM. B. Conforti,    L. Ferrari Bravo,    Gaukur Jörundsson,    R. Türmen,    B. Zupančič,    T. Panţîru, juges,  et de M. M. O’Boyle, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 février 2001,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant italien, M. Carlo Pettirossi (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme le 4 février 1994 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 13 novembre 1998 sous le numéro de dossier 44380/98. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M. V. Esposito.
2.  La Cour a déclaré la requête recevable le 4 juillet 2000.
EN FAIT
3.  Le 1er février 1990, la société coopérative M. assigna le requérant devant le tribunal de Gênes afin d’obtenir le paiement d’une somme due suite à l’achat d’un appartement.
4.  L’instruction de l’affaire commença le 10 avril 1990. Le 12 juin 1990, la demanderesse demanda un bref renvoi afin de verser un document au dossier. Le 16 octobre 1990, cette dernière demanda une expertise et le 11 décembre 1990 le juge ajourna l’affaire au 26 février 1991 car ce jour-là l’avocat de la société M. faisait grève. Le jour venu, les parties demandèrent une expertise et, par une ordonnance du 28 février 1991, le juge nomma un expert, qui prêta serment le 4 juin 1991.
5.  Le 8 octobre 1991, le requérant demanda un renvoi afin d’examiner le rapport d’expertise entre-temps déposé au greffe. Le 10 décembre 1991, l’avocat du requérant renonça à son mandat et le 24 mars 1992, la demanderesse demanda un renvoi pour permettre au requérant de nommer un nouvel avocat. Le 19 mai 1992, un autre défenseur se constitua pour le requérant. Celui-ci renonça à son mandat le 7 juillet 1992. Le 10 novembre 1992, le juge de la mise en état fixa au 2 février 1993 la date pour la présentation des conclusions. Le jour venu, un nouveau défenseur se constitua pour le requérant en demandant un renvoi ainsi qu’une expertise complémentaire ; la demanderesse s’opposa à ces demandes et le juge ajourna l’affaire au 27 avril 1993 pour la présentation des conclusions. Ce jour-là, le juge ordonna la comparution personnelle de l’expert. L’audience prévue à cette fin se tint le 5 octobre 1993.
6.  Le 11 janvier 1994, le juge ajourna l’affaire au 25 janvier 1994 car l’avocat du requérant était absent. Le jour venu, les parties ne se présentèrent pas. Le 7 juin 1994, le requérant versa des documents au dossier et demanda une expertise complémentaire. Après deux audiences, par une ordonnance du 10 janvier 1995, le juge de la mise en état ordonna à la société demanderesse de verser un document au dossier et nomma un expert, qui prêta serment le 14 février 1995. Le 20 juin 1995, les parties demandèrent un renvoi car l’expert n’avait pas encore déposé au greffe son rapport d’expertise.
7.  Le 7 novembre 1995, l’avocat du requérant déclara renoncer à son mandat et demanda un renvoi pour lui permettre d’en nommer un autre. Le 28 mai 1996, le juge fixa au 4 février 1997 la date pour la présentation des conclusions. A cette date, un nouvel avocat se constitua pour le requérant en demandant la mise en cause de la banque B. Après deux audiences, par une ordonnance du 23 juin 1997 le juge ordonna à l’expert de fournir des éclaircissements quant au fait que le rapport d’expertise n’avait pas encore été déposé au greffe. L’audience prévue pour le 23 septembre 1997 fut reportée d’office au 11 novembre 1997. Le 9 décembre 1997, l’expert informa le juge ne pas avoir pu réaliser l’expertise car il ne lui était pas possible de visiter l’immeuble objet du litige et la demanderesse n’avait pas fourni le document déjà demandé par le juge. Ce dernier confirma le mandat à l’expert et ajourna l’affaire au 24 mars 1998, date à laquelle les parties demandèrent un renvoi dans l’attente du dépôt au greffe du rapport d’expertise. Le 29 septembre 1998, le juge nomma un nouvel expert, le premier n’ayant pas exécuté l’expertise. Celui-ci prêta serment le 13 octobre 1998 et le juge ajourna l’affaire au 23 mars 1999.
8.  Le 30 avril 1999, suite à l'attribution de l’affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio), le président nomma un nouveau juge de la mise en état et fixa l'audience suivante au 30 juin 1999. Le jour venu, le juge ajourna l'affaire au 29 novembre 1999 car l'avocat du requérant avait renoncé à son mandat.
9.  Entre-temps, le 5 novembre 1996 la banque B., qui avait une hypothèque sur l’immeuble objet du litige, avait obtenu la saisie de celui-ci dans une procédure d’exécution à l’encontre de la société coopérative M., ledit immeuble étant encore au nom de cette dernière.
10.  Le 31 juillet 1997, le requérant avait présenté une demande de suspension de la vente de l’appartement. Le 22 août 1997, le juge de l’exécution avait rejeté la demande du requérant en raison du manque de documentation prouvant le titre de propriétaire et du fait que ladite demande n’avait pas été introduite régulièrement, le requérant n’ayant pas présenté une opposition à l’exécution immobilière. Après une audience, le 16 février 1999, le juge de l'exécution fixa la date de la vente de l'appartement au 17 mai 2001. Par un jugement du 23 février 2000, dont le texte fut déposé au greffe le 3 mars 2000, le tribunal rejeta la demande de suspension de la vente de l’appartement proposée par le requérant.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
11.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »
12.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
13.  La période à considérer a débuté le 1er février 1990 et est encore pendante à ce jour.
14.  Elle a donc duré environ onze ans pour une instance.
15.  La Cour rappelle avoir constaté dans de nombreux arrêts (voir, par exemple, Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V) l’existence en Italie d’une pratique contraire à la Convention résultant d’une accumulation de manquements à l’exigence du « délai raisonnable ». Dans la mesure où la Cour constate un tel manquement, cette accumulation constitue une circonstance aggravante de la violation de l’article 6 § 1.
16.  Ayant examiné les faits de la cause à la lumière des arguments des parties et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » et qu’il y a là encore une manifestation de la pratique précitée.
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE N° 1
17.  Le requérant se plaint également de ce que la longueur de la procédure litigieuse a porté atteinte au droit au respect de ses biens tel que garanti par l’article 1 du Protocole n° 1.
18.  Eu égard au constat relatif à l’article 6 § 1 (paragraphe 16 ci-dessus), la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation  de cette disposition (voir l’arrêt Zanghì c. Italie du 19 février 1991, série A n° 194-C, p. 47, § 23).
III.  Sur l’application de l’article 41 DE LA Convention
19.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
20.  Le requérant réclame 1 337 000 000 lires italiennes (ITL) au titre du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi.
21.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, la Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 28 000 000 ITL au titre du préjudice moral.
B.  Frais et dépens
22.  Le requérant demande également 24 944 450 pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes.
23.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, l’arrêt Bottazzi précité, § 30). En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale.
C.  Intérêts moratoires
24.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable en Italie à la date d’adoption du présent arrêt était de 3,5 % l’an.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
1.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2.  Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 1 du Protocole n°1 ;
3.  Dit,
a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt est devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 28 000 000 (vingt-huit millions) lires italiennes pour dommage moral ;
b)  que ce montant sera à majorer d’un intérêt simple de 3,5 % l’an à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement ;
4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 février 2001, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Michael O’Boyle Elisabeth Palm   Greffier Présidente
ARRÊT PETTIROSSI c. ITALIE 
ARRÊT PETTIROSSI c. ITALIE
ARRÊT «NAMEAPPLICANT» c. ITALIE 
ARRÊT «NAMEAPPLICANT» c. ITALIE


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 44380/98
Date de la décision : 27/02/2001
Type d'affaire : Arrêt (Au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner P1-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens - demande rejetée

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE CIVILE


Parties
Demandeurs : PETTIROSSI
Défendeurs : ITALIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2001-02-27;44380.98 ?
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