La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2001 | CEDH | N°25186/94

CEDH | AFFAIRE SUTHERLAND c. ROYAUME-UNI


AFFAIRE SUTHERLAND c. ROYAUME-UNI
(Requête n° 25186/94)
ARRÊT
(radiation)
STRASBOURG
27 mars 2001
En l’affaire Sutherland c. Royaume-Uni,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, siégeant en une Grande Chambre composée des juges dont le nom suit :
M. L. Wildhaber, président,   Mme E. Palm,   MM. J.-P. Costa,    L. Ferrari Bravo,    L. Loucaides,    W. Fuhrmann,    K. Jungwiert,    M. Fischbach,   Mme N. Vajić,   M. J. Hedigan,   Mme W. Thomassen,   M. M. Pellonpää,   Mme M. Tsatsa-Nik

olovska,   MM. T. Panţîru,    E. Levits,    K. Traja, juges,   Sir  John Freeland, juge ad hoc,
ainsi que de M. M. de...

AFFAIRE SUTHERLAND c. ROYAUME-UNI
(Requête n° 25186/94)
ARRÊT
(radiation)
STRASBOURG
27 mars 2001
En l’affaire Sutherland c. Royaume-Uni,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, siégeant en une Grande Chambre composée des juges dont le nom suit :
M. L. Wildhaber, président,   Mme E. Palm,   MM. J.-P. Costa,    L. Ferrari Bravo,    L. Loucaides,    W. Fuhrmann,    K. Jungwiert,    M. Fischbach,   Mme N. Vajić,   M. J. Hedigan,   Mme W. Thomassen,   M. M. Pellonpää,   Mme M. Tsatsa-Nikolovska,   MM. T. Panţîru,    E. Levits,    K. Traja, juges,   Sir  John Freeland, juge ad hoc,
ainsi que de M. M. de Salvia, greffier,
Rend l’arrêt que voici, adopté le 21 mars 2001 :
PROCÉDURE
1.  L’affaire a été déférée à la Cour, conformément aux dispositions applicables avant l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »), par la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 15 septembre 1997 (article 5 § 5 du Protocole n° 11 et anciens articles 47 et 48 de la Convention).
2.  A son origine se trouve une requête (n° 25186/94) dirigée contre le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord dont un ressortissant de cet Etat, M. Euan Sutherland (« le requérant »), avait saisi la Commission le 8 juin 1994 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention.
3.  Le requérant alléguait que le fait de fixer à dix-huit ans l’âge minimal pour des relations homosexuelles légales entre hommes, contre seize ans pour les femmes, portait atteinte à son droit au respect de sa vie privée tel que le garantit l’article 8 de la Convention et était discriminatoire au regard de cet article combiné avec l’article 14.
4.  La Commission a déclaré la requête recevable le 21 mai 1996. Dans son rapport du 1er juillet 1997 (ancien article 31 de la Convention), elle formule l’avis (par quatorze voix contre quatre) qu’il y a eu violation de l’article 8 combiné avec l’article 14 de la Convention.
5.  Devant la Cour, le requérant était représenté par Me S. Grosz, avocat exerçant à Londres. Le gouvernement britannique (« le Gouvernement ») était représenté par son agent, M. M. Eaton, du ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth, qui, après son départ pour la retraite, fut remplacé par M. C.A. Whomersley, du même ministère.
6.  Le 13 octobre 1997, le Gouvernement et le requérant ont communiqué à la Cour un accord d’après lequel le Gouvernement déposerait devant le Parlement en été 1998 un projet de loi ramenant de dix-huit à seize ans l’âge du consentement à des actes homosexuels. Une fois que la législation aurait été promulguée et que le Gouvernement aurait accepté de verser au requérant les frais raisonnablement exposés par lui, les parties inviteraient la Cour à approuver un règlement amiable. Les parties convinrent de demander à la Cour de proroger les délais de dépôt des mémoires. Le Gouvernement s’engagea à ne pas contester la requête du requérant tant que le Parlement n’aurait pas examiné la question.
7.  Le 8 avril 1998, M. R. Bernhardt, président de l’ancienne Cour, a décidé que le Gouvernement et le requérant auraient jusqu’au 21 septembre 1998 pour déposer leur mémoire respectif ; il a réservé la question de la procédure ultérieure. Par la suite, il a consenti à proroger ledit délai jusqu’au 1er décembre 1998.
8.  A la suite de l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, et conformément à l’article 5 § 5 dudit Protocole, l’examen de l’affaire a été confié à la Grande Chambre de la Cour. La composition de la Grande Chambre a été déterminée en application des dispositions de l’article 27 §§ 2 et 3 de la Convention et de l’ancien article 24 du règlement de la Cour. Sir Nicolas Bratza, juge élu au titre du Royaume-Uni, qui avait participé à l’examen de l’affaire par la Commission, s’est déporté de la Grande Chambre (article 28 du règlement). En conséquence, le Gouvernement a désigné Sir John Freeland pour siéger en qualité de juge ad hoc (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement).
9.  Ultérieurement, en attendant que le Parlement national achevât ses travaux décrits aux paragraphes 14-15 ci-dessous, M. Wildhaber, président de la nouvelle Cour, et la Grande Chambre ont accordé successivement plusieurs prorogations du délai fixé pour le dépôt des mémoires, la dernière de juillet 2000 jusqu’à la fin de la session parlementaire de cette même année.
10.  Par des lettres parvenues à la Cour les 15 et 23 janvier et 5 février 2001, le représentant du requérant et l’agent du Gouvernement ont adressé à la Cour des demandes formelles l’invitant à rayer l’affaire du rôle et l’informant que le Gouvernement avait payé les frais du requérant.
EN FAIT
11.  Le requérant, ressortissant britannique né en 1977, réside à Londres. Vers l’âge de douze ans, il prit conscience de son inclination pour les autres garçons. Alors qu’il avait quatorze ans, il tenta de fréquenter une jeune fille, mais cette expérience confirma qu’il ne pourrait nouer une relation épanouissante qu’avec un autre homme. Il fit sa première rencontre homosexuelle alors qu’il avait seize ans ; son partenaire avait son âge et était lui aussi homosexuel. Ils eurent des rapports sexuels mais étaient préoccupés par le fait que de tels actes étaient réprimés par la loi pénale telle qu’elle s’appliquait à l’époque. En 1990, 455 inculpations avaient débouché sur 342 condamnations. En 1991, 213 inculpations se soldèrent par 169 condamnations. Le requérant ne fut jamais poursuivi.
12.  La législation pertinente renfermait les dispositions suivantes.
Aux termes de l’article 12 § 1 de la loi de 1956 sur les délits sexuels (Sexual Offences Act 1956, « la loi de 1956 »), constituait une infraction pénale la sodomie pratiquée avec une autre personne. En vertu de l’article 13 de la même loi, constituaient des infractions les actes d’« indécence grave » (gross indecency) entre hommes, qu’ils fussent commis en public ou en privé. Nonobstant ces dispositions, d’après l’article 1 de la loi de 1967 sur les délits sexuels, de tels actes ne devaient pas s’analyser en une infraction si les parties y avaient consenti et avaient vingt et un ans au moins.
Par contre, l’âge du consentement pour les femmes était de seize ans. Ainsi, alors qu’en vertu du paragraphe 1 de l’article 14 de la loi de 1956, un attentat à la pudeur (indecent assault) sur la personne d’une femme constituait une infraction, le paragraphe 2 de cet article disposait que le consentement éventuel d’une jeune fille de moins de seize ans ne pouvait faire échapper un acte visé par cet article à la qualification d’attentat à la pudeur.
13.  Le 21 février 1994, la Chambre des communes rejeta par 307 voix contre 280 un amendement tendant à l’abaissement à seize ans de l’âge minimal du consentement aux actes homosexuels masculins mais, par 427 voix contre 162, adopta un amendement ramenant l’âge minimal à dix-huit ans.
14.  A la suite du rapport de la Commission, du 1er juillet 1997, qui concluait que le requérant était victime d’une violation de l’article 8 de la Convention combiné avec l’article 14, le Gouvernement déposa en juin 1998 devant le Parlement un projet de loi sur la criminalité et les troubles à l’ordre public (Crime and Disorder Bill) qui tendait à abaisser une nouvelle fois, de dix-huit à seize ans, l’âge du consentement pour des actes homosexuels entre hommes. La Chambre des communes approuva à une large majorité les dispositions égalisant l’âge du consentement, mais la Chambre des lords les repoussa. Un projet de loi portant amendement à la loi sur les délits sexuels fut déposé le 16 décembre 1998 ; là encore, la Chambre des communes se prononça, le 25 janvier 1999, pour l’égalisation de l’âge du consentement mais, le 14 avril 1999, la Chambre des lords vota contre.
15.  Afin que l’égalisation de l’âge du consentement devînt légal même si la Chambre des lords la rejetait, le projet de loi fut réintroduit devant la Chambre des communes en application de la loi de 1911 sur le Parlement. D’après cette loi, le projet ne pouvait être adopté par la Chambre des communes avant le 25 janvier 2000, anniversaire de son adoption en seconde lecture par la Chambre.
Le 28 janvier 2000, le projet de loi fut réintroduit devant la Chambre des communes. Adopté par 263 voix contre 102, il fut transmis à la Chambre des lords le 29 février 2000 ; il fut adopté le 11 avril 2000 en seconde lecture sans opposition ; certains lords indiquèrent toutefois qu’ils allaient présenter des amendements. De ce fait, le projet de loi ne fut finalement adopté, conformément à la loi sur le Parlement, qu’à la fin de la session parlementaire de 2000. La loi de 2000 portant amendement à la loi sur les délits sexuels qui prévoit le même âge de consentement pour les deux sexes a recueilli l’approbation royale le 30 novembre 2000 et est entrée en vigueur le 8 janvier 2001.
EN DROIT
16.  Le 15 décembre 2000, le représentant du requérant a informé le greffier que la loi de 2000 portant amendement à la loi sur les délits sexuels avait obtenu l’approbation royale et que, dès que l’ordonnance de mise en vigueur (Commencement Order) aurait été prise, les parties inviteraient la Cour à rayer l’affaire du rôle.
17.  Le 15 janvier 2001, la Cour a reçu du représentant du requérant une déclaration disant ceci :
« Conformément à l’ordonnance de mise en vigueur, les dispositions pertinentes de la loi portant amendement à la loi sur les délits sexuels sont entrées en vigueur le 8 janvier 2001.
Nous confirmons que dès lors la Cour peut rayer l’affaire du rôle. »
18.  Le 23 janvier 2001, la Cour a reçu du Gouvernement la déclaration suivante :
« Je me réfère à la lettre de mon prédécesseur du 25 juillet [2000] (...) sollicitant un nouvel ajournement de la procédure en l’espèce jusqu’à la fin de la session du parlement britannique alors en cours. Par votre lettre du 11 septembre 2000, vous nous avez informés que cette demande avait été accueillie.
Je joins en annexe un exemplaire de la loi de 2000 portant amendement à la loi sur les délits sexuels, qui a reçu l’approbation royale le 30 novembre 2000 et est entrée en vigueur le 8 janvier 2001.
Dans ces conditions, le Gouvernement considère que les questions soulevées dans la requête [ci-dessus] se trouvent désormais résolues ; en conséquence, il invite la Cour à rayer la requête de son rôle conformément à l’article 37 § 1 de la Convention. »
19.  Par une lettre du 1er février 2001 parvenue à la Cour le 5 février, le représentant du requérant a informé celle-ci que le Gouvernement avait remboursé les frais de son client.
20.  La Cour prend acte de la demande de chaque partie l’invitant à rayer l’affaire de son rôle à la lumière de l’entrée en vigueur, le 8 janvier 2001, de la loi de 2000 portant amendement à la loi sur les délits sexuels. En ramenant à seize ans l’âge du consentement pour les actes homosexuels entre personnes de sexe masculin consentantes, les nouvelles dispositions ont levé le risque ou la menace de poursuites qui existait auparavant dans le droit national de l’Etat défendeur et qui ont incité le requérant à introduire une requête sur le terrain de la Convention. La Cour prend acte au surplus du remboursement , par le Gouvernement, des frais de justice que le requérant a exposés pour son affaire.
Dans ces circonstances, la Cour a la conviction que le litige a été résolu au sens de l’article 37 § 1 b) de la Convention. Elle n’aperçoit par ailleurs aucun motif d’ordre public justifiant de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine de la Convention).
21.  En conséquence, l’affaire est rayée du rôle.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l’UNANIMITÉ,
Décide de rayer l’affaire du rôle.
Fait en français et en anglais, puis communiqué par écrit le 27 mars 2001, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Luzius Wildhaber    Président   Michele de Salvia   Greffier
ARRÊT SUTHERLAND c. ROYAUME-UNI (RADIATION)
ARRÊT SUTHERLAND c. ROYAUME-UNI (RADIATION) 


Synthèse
Formation : Cour (grande chambre)
Numéro d'arrêt : 25186/94
Date de la décision : 27/03/2001
Type d'affaire : Arrêt (Radiation du rôle)
Type de recours : Radiation du rôle (solution du litige)

Analyses

(Art. 14) AUTRE SITUATION, (Art. 14) DISCRIMINATION, (Art. 14) SEXE, (Art. 37-1-b) LITIGE RESOLU


Parties
Demandeurs : SUTHERLAND
Défendeurs : ROYAUME-UNI

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2001-03-27;25186.94 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award