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18/09/2001 | CEDH | N°47095/99

CEDH | KALACHNIKOV contre la RUSSIE


[TRADUCTION-EXTRAITS]
EN FAIT
Le requérant, Valeri Yermilovich Kalachnikov, ressortissant russe né en 1955, réside à Moscou. Devant la Cour, il est représenté par Mes K. Moskalenko et N. Sonkin, avocats au barreau de Moscou. Le gouvernement défendeur est représenté par M. P. Laptev, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
a)  La procédure pénale
A l’époque des faits, le

requérant était président de la banque commerciale du Nord-Est (Северо – Восточный Акционерный ...

[TRADUCTION-EXTRAITS]
EN FAIT
Le requérant, Valeri Yermilovich Kalachnikov, ressortissant russe né en 1955, réside à Moscou. Devant la Cour, il est représenté par Mes K. Moskalenko et N. Sonkin, avocats au barreau de Moscou. Le gouvernement défendeur est représenté par M. P. Laptev, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
a)  La procédure pénale
A l’époque des faits, le requérant était président de la banque commerciale du Nord-Est (Северо – Восточный Акционерный Банк).
Le 8 février 1995, il fut soupçonné d’implication dans le détournement des fonds de sa banque et soumis à une mesure préventive, à savoir l’assignation à résidence. L’affaire pénale fut classée sous le numéro 48529.
Selon le requérant, il ne fut informé de la procédure pénale engagée à son encontre que le lendemain et, le 8 février 1995, il fut interrogé en tant que témoin par les autorités chargées de l’enquête.
Le 17 février 1995, il fut formellement inculpé de détournement de 2 050 000 titres d’une autre société.
Le 29 juin 1995, avec l’approbation du procureur, le requérant fut arrêté et mis en détention provisoire pour avoir fait obstacle à l’établissement de la vérité dans le cadre de la procédure pénale. Sa détention fut ultérieurement prorogée par le procureur compétent à des dates non précisées.
Les 4 juillet, 31 août et 26 septembre 1995, l’avocat du requérant présenta des demandes de libération au tribunal municipal de Magadan (Магаданский городской суд), lequel les rejeta les 14 juillet, 9 septembre et 4 novembre 1995 respectivement.
Le requérant prétend que d’août à novembre 1995, aucune mesure d’investigation ne fut prise puisque les deux magistrats instructeurs chargés de son affaire étaient en vacances et que la personne à laquelle l’affaire fut provisoirement confiée ne prit aucune initiative.
Le 14 décembre 1995, le requérant fut inculpé de huit autres chefs relativement au détournement des fonds de sa banque.
Le 6 février 1996, l’instruction préparatoire sur les charges portées à son encontre fut close et l’affaire fut renvoyée devant le tribunal municipal de Magadan.
Le 1er mars 1996, le requérant présenta une demande de libération au tribunal municipal.
Le 27 mars 1996, le tribunal municipal décida de transmettre l’affaire au procureur régional de Magadan pour complément d’enquête. Selon le requérant, le tribunal municipal l’informa que sa demande de libération avait été examinée et qu’il devait rester en détention.
Le procureur régional saisit le tribunal régional (Магаданский областной суд) de Magadan d’un appel contre la décision de transmettre l’affaire pour complément d’enquête; le 29 avril 1996, le tribunal régional confirma la décision du 27 mars 1996.
A la suite d’un complément d’enquête effectué le 15 mai 1996, le procureur régional renvoya l’affaire au tribunal municipal le 19 juin 1996.
Dans l’intervalle, le 16 mai 1996, le requérant avait présenté au tribunal municipal une demande de libération, dans laquelle il déclarait être détenu dans de mauvaises conditions et faisait état d’une détérioration de son état de santé. Sa demande de libération fut refusée le 26 mai 1996.
Le 23 juin 1996, le requérant soumit une autre demande de libération.
Le 11 novembre 1996, le tribunal municipal commença à examiner l’affaire du requérant. Celui-ci soutient que le même jour, le tribunal rejeta sa demande de libération présentée le 23 juin 1996.
A l’audience du 27 décembre 1996, le requérant demanda au tribunal municipal de le libérer pour des raisons médicales. Il déclara qu’il partageait avec vingt et un autres détenus une cellule qui ne contenait que huit lits ; il n’y avait pas de système d’aération alors que tout le monde fumait ; la télévision était allumée en permanence et il avait contracté la gale. A réception d’un certificat médical confirmant l’existence de la maladie, le tribunal municipal ajourna l’audience jusqu’au 14 janvier 1997. Il refusa de libérer le requérant en raison de la gravité de l’infraction dont il était inculpé et du risque que l’intéressé ne fît obstacle à l’établissement de la vérité s’il était remis en liberté.
Le tribunal municipal examina l’affaire du requérant jusqu’au 23 avril 1997.
Le 7 mai 1997, l’affaire fut ajournée en raison de la révocation du président du tribunal pour inconduite sans rapport avec l’affaire du requérant.
Le 15 juin 1997, le requérant présenta une autre demande de libération, invoquant les conditions médiocres dans lesquelles il était détenu.
En juillet 1997, l’affaire du requérant fut assignée à un autre juge qui fixa une audience au 8 août 1997. A cette date, l’audience fut ajournée car l’avocat de la défense ne pouvait y assister pour des raisons de santé. La demande de libération du requérant fut rejetée en raison de la gravité de l’infraction dont il était inculpé et le risque qu’il ne fît obstacle à l’établissement de la vérité dans le cadre de la procédure pénale.
Une autre demande de libération présentée par l’intéressé le 21 septembre 1997 fut rejetée le 21 octobre 1997.
Le 22 octobre 1997, le requérant se plaignit de sa situation au tribunal régional de Magadan, et sollicita la transmission du dossier du tribunal municipal au tribunal régional. Il présenta également une plainte à la Cour suprême de Russie (Верховный Суд Российской Федерации), qui la transmit pour examen au tribunal régional de Magadan. Par des lettres du 31 octobre et du 25 novembre 1997, le tribunal régional informa le requérant qu’aucune raison ne lui imposait de se charger de l’affaire, et lui suggéra d’adresser au tribunal municipal toute question relative à son affaire. Il demande également au tribunal municipal de prendre des mesures pour examiner l’affaire du requérant.
L’intéressé prétend avoir adressé le 21 novembre 1997 des plaintes à diverses autorités, en particulier au cabinet du Président de la Fédération de Russie, au tribunal municipal de Magadan, au Conseil central de la Magistrature (Высшая квалификационная коллегия судей Российской Федерации) – organe chargé des questions de compétence professionnelle – et au procureur général. Dans ses plaintes, il allégua notamment qu’il était détenu dans des conditions sordides en l’absence de toute décision sur le fond des charges portées à son encontre, qu’il avait contracté diverses maladies de peau, que les ongles de ses orteils étaient tombés et qu’il souffrait d’une affection cardiaque.
Le 5 février 1998, le président du tribunal municipal de Magadan informa le requérant que le tribunal ne reprendrait pas l’examen de son affaire avant le 1er juillet 1998, en raison de la complexité de celle-ci et de la lourde charge de travail des magistrats.
Le 11 février 1998, le tribunal régional de Magadan transmit au tribunal municipal onze plaintes présentées par le requérant, qui provenaient du procureur général, de la Cour suprême et d’autres autorités.
Le 23 février 1998, le requérant débuta une grève de la faim en vue d’attirer l’attention des autorités sur la durée de sa détention et sur l’absence d’audience dans son affaire ; il continua cette grève jusqu’au 17 mars 1998.
Le 1er mars 1998, le requérant se plaignit de sa situation au cabinet du Président de la Russie et à une commission parlementaire de la Douma, demandant l’assistance de ces organes pour que son affaire soit transmise au tribunal régional de Magadan.
Le 3 mars 1998, la direction régionale de la justice de Magadan, en réponse à la plainte du requérant adressée au ministère russe de la Justice, déclara que le tribunal serait en mesure d’examiner son affaire dans la deuxième moitié de 1998.
Dans l’intervalle, le requérant déposa une demande auprès de la Cour constitutionnelle (Конституционный Суд Российской Федерации) aux fins de faire contrôler la constitutionnalité des articles 223-1 et 239 du code de procédure pénale relatifs aux délais concernant le début de la procédure de première instance. Par une lettre du 10 mars 1998, la Cour constitutionnelle informa le requérant que sa demande ne pouvait être prise en considération, étant donné que les dispositions litigieuses ne fixaient aucune limite quant à la durée de la détention d’un prévenu dont l’affaire est examinée par les tribunaux.
Le requérant se plaignit également au Conseil central de la Magistrature des retards survenus dans l’examen de son affaire ; par une lettre du 30 mars 1998, le Conseil demanda au tribunal régional de Magadan d’examiner la question.
Le 2 avril 1998, le requérant se plaignit auprès de la Cour suprême des retards pour fixer une date pour son procès ; il invoqua également ses médiocres conditions de détention. Une copie de sa plainte fut envoyée à d’autres autorités. Toutes les plaintes furent transmises par les institutions auxquelles elles s’adressaient au tribunal municipal de Magadan pour examen.
Le 13 avril 1998, le tribunal régional de Magadan informa le requérant que le tribunal municipal avait été invité à prendre des mesures pour examiner son affaire. Il déclara également que l’affaire devait être jugée par le tribunal municipal et que le tribunal régional ne pouvait intervenir que comme juridiction de cassation.
Le 25 mai 1998, le requérant demanda au tribunal municipal à ce que son affaire soit transmise au tribunal régional pour jugement.
Le 28 mai 1998, par une décision du président du tribunal régional, l’affaire du requérant fut transmise au tribunal de district de Khassinski (Хасынский районный суд) en vue d’accélérer la procédure.
Le 11 juin 1998, le requérant se plaignit au Conseil central de la Magistrature des retards dans la tenue des audiences judiciaires.
Le 16 juin 1998, le requérant présenta une demande de libération au tribunal de district de Khassinski, dans laquelle il déclarait que son état de santé s’était détérioré en raison de la surpopulation carcérale et des médiocres conditions de vie dans sa cellule.
Le même jour, il envoya au tribunal de district de Khassinski une demande visant à faire transférer son affaire au tribunal régional de Magadan. Il fit valoir que la transmission de l’affaire au tribunal de district de Khassinski était illégale et que l’éloignement de cette juridiction par rapport à la ville de Magadan compromettrait un examen objectif et équitable de son affaire.
Le 1er juillet 1998, le requérant se plaignit au tribunal régional que le tribunal de district de Khassinski n’avait pas encore fixé de date d’audience, et lui demanda de faire accélérer la procédure.
Le 3 juillet 1998, l’affaire fut renvoyée au tribunal municipal de Magadan au motif que le requérant avait exprimé son désaccord quant à sa transmission au tribunal de district de Khassinski.
Le 8 juillet 1998, le requérant reçut une lettre du tribunal régional l’informant qu’aucune raison ne lui commandait d’intervenir comme juridiction de première instance ou qu’il se saisisse de l’affaire.
Le 9 juillet 1998, le requérant, invoquant ses médiocres conditions de détention, demanda au tribunal municipal de le libérer,.
Le 31 juillet 1998, le requérant se plaignit au Conseil central de la Magistrature de l’inaction prolongée du tribunal municipal dans l’examen de son affaire. Le 19 août 1998, sa plainte fut transmise au tribunal régional de Magadan, accompagnée d’une demande d’information portant à la fois sur la plainte et sur l’activité du tribunal municipal. Le 27 août 1998, le tribunal régional transmit la plainte du requérant au tribunal municipal.
Le requérant se plaignit également au tribunal régional de Magadan des retards pour débuter les audiences de jugement ; le tribunal régional transmit le 11 août 1998 la plainte au tribunal municipal.
Le 7 septembre 1998, le requérant déposa une autre plainte auprès du Conseil central de la Magistrature, déclarant que toutes ses plaintes antérieures avaient été envoyées par le tribunal régional de Magadan au tribunal municipal sans qu’aucune mesure ne soit prise. Le 23 septembre 1998, la plainte du requérant fut transmise au tribunal régional de Magadan, accompagnée d’une lettre de rappel concernant la demande d’information sur les raisons des retards prolongés dans l’examen de l’affaire.
Le 7 septembre 1998, le requérant soumit également à la Cour suprême une plainte concernant les retards survenus dans la procédure.
Le 5 octobre 1998, le requérant présenta d’autres plaintes au tribunal régional et au Conseil central de la Magistrature.
Le 13 novembre 1998, le tribunal municipal fixa la date de l’audience au 28 janvier 1999.
Le 25 novembre 1998, le requérant se plaignit au Conseil central de la Magistrature de la conduite du président du tribunal municipal de Magadan, demandant apparemment l’ouverture de poursuites pénales à l’encontre de celui-ci. Le 22 décembre 1998, la plainte fut transmise pour examen au président du tribunal régional de Magadan, accompagnée d’une demande visant à ce qu’un rapport soit soumis au conseil de magistrats compétent, dans le cas où les allégations du requérant s’avéreraient fondées.
Le 16 décembre 1998, le tribunal régional de Magadan transmit une autre plainte du requérant au tribunal municipal.
Le 18 janvier 1999, le requérant présenta au tribunal municipal une demande de libération.
Le 28 janvier 1999, le tribunal municipal de Magadan décida de renvoyer l’affaire du requérant au procureur pour complément d’enquête, en raison de la violation des règles procédurales par les autorités chargées de l’instruction. En effet, les éléments du dossier avaient été présentés de manière incomplète au requérant à la fin de l’instruction préparatoire, et les documents versés au dossier avaient été enregistrés de manière imprécise. Le tribunal refusa la demande de libération présentée par le requérant, en raison de la gravité des charges portées à son encontre et du risque qu’il ne fît obstacle à l’examen de son affaire s’il était remis en liberté. Le requérant recourut contre ce refus devant le tribunal régional de Magadan, lequel, le 15 mars 1999, le débouta. Toutefois, le tribunal régional jugea infondée la décision de renvoyer l’affaire aux autorités d’instruction et ordonna au tribunal municipal de statuer sur l’affaire. Dans une décision séparée, rendue le même jour, il estima que la durée de la procédure était injustifiable, l’affaire n’étant pas particulièrement complexe, et demanda au tribunal municipal de l’informer dans un délai d’un mois des mesures qu’il aurait prises.
Le 17 mars 1999, le requérant présenta au tribunal municipal une autre demande de libération. Le même jour, il se plaignit au Conseil central de la Magistrature de la longueur de sa détention en l’absence de tout jugement.
Le 22 mars 1999, le requérant présenta une plainte similaire au conseil régional de la magistrature.
Le 5 avril 1999, le requérant soumit une autre plainte au Conseil central de la Magistrature concernant les retards importants survenus dans la procédure.
Le 15 avril 1999, le tribunal municipal reprit l’examen de l’affaire du requérant.
A l’audience du 20 avril 1999, le procureur, compte tenu de la durée de la détention du requérant, sollicita une évaluation psychiatrique de l’intéressé afin de déterminer son état de santé mentale.
Le tribunal municipal accueillit cette demande et ajourna l’audience jusqu’au 30 avril 1999.
A l’audience du 30 avril 1999, le requérant demanda en vain à être libéré. Selon lui, il souffrait d’un manque de sommeil. Il y avait dix-huit personnes dans sa cellule et les détenus devaient dormir à tour de rôle. Il fit valoir en outre qu’il ne pouvait plus faire obstacle à l’établissement de la vérité dans son affaire puisque toutes les mesures d’instruction avaient déjà été prises.
Le procureur, qui assistait à l’audience, demanda au tribunal municipal d’inviter l’administration de la maison d’arrêt où était détenu le requérant à fournir à celui-ci des conditions permettant un sommeil et un repos normaux pendant les audiences judiciaires. Le procureur déclara en outre qu’il présenterait une demande similaire au procureur chargé de superviser les maisons d’arrêt.
Selon le requérant, le procureur compétent se rendit ultérieurement à sa cellule, reconnut que les conditions de détention étaient mauvaises, mais déclara que la situation dans d’autres cellules de la maison d’arrêt n’était pas meilleures et qu’il n’y avait pas de fonds permettant d’améliorer les choses.
A la même audience, le tribunal municipal accueillit la demande du requérant visant à dispenser l’un de ses deux avocats de participer à l’administration des preuves.
A l’audience du 8 juin 1999, le requérant présenta une demande de libération, déclarant que dans sa cellule, où dix-huit personnes étaient détenues, il n’était pas en mesure de se préparer de façon adéquate pour déposer devant le juge du fond. Il allégua en outre qu’il avait contracté la gale par deux fois et que ses draps n’étaient pas changés. Sa demande fut rejetée.
A l’audience du 16 juin 1999, le requérant, invoquant ses conditions de détention, présenta une autre demande de libération. Il fit valoir qu’il avait contracté une infection fongique et que son corps était couvert de plaies causées par les piqûres des punaises qui infestaient son lit. Il partageait son lit avec deux autres détenus. Les détenus ne pouvaient se doucher qu’une fois toutes les deux semaines. L’atmosphère dans la cellule était étouffante car tout le monde fumait. Il ne se sentait pas bien et souffrait d’un problème cardiaque. Son poids était passé de 96 kg à 67 kg. Il fit valoir en outre qu’il ne pouvait pas faire obstacle à l’examen de son affaire s’il était libéré.
Le tribunal municipal décida de ne pas examiner la demande du requérant, apparemment parce qu’elle avait été présentée hors audience.
Le 22 juin 1999, le Conseil central de la Magistrature révoqua le président du tribunal municipal de Magadan ainsi que le président du tribunal régional et ses deux assesseurs, en raison des retards dans l’examen de l’affaire du requérant.
A l’audience devant le tribunal municipal du 23 juin 1999, le requérant déclara qu’il ne se sentait pas bien et qu’il ne pouvait pas y participer. Le tribunal ordonna à une commission d’experts de procéder à un examen médical du requérant.
Dans leurs conclusions rendues à une date non précisée en juillet 1999, les experts estimèrent que le requérant souffrait de dystonie neurocirculatoire, d’un syndrome asthénique d’origine névrotique et d’une gastroduodénite chronique, et présentait une infection fongique aux pieds, aux mains et à l’aine ainsi qu’une mycose.
Les experts estimèrent que le traitement de ces maladies ne requérait pas d’hospitalisation et que le requérant pouvait demeurer dans la maison d’arrêt. Ils estimèrent également que l’état de santé de l’intéressé lui permettait d’assister aux audiences du tribunal et de déposer.
A l’audience du 15 juillet 1999, le requérant demanda au juge du fond de le libérer. Il déclara que le processus d’administration des preuves était pratiquement terminé et que lui-même ne pouvait donc plus faire obstacle à l’établissement de la vérité. Sa demande fut refusée.
Dans un jugement rendu le même jour, le tribunal municipal releva que dans la période allant du 15 avril au 15 juillet 1999, il avait examiné plus de trente demandes soumises par le requérant, y compris des demandes répétées sur ses requêtes précédemment rejetées. Il constata que le requérant avait déclaré qu’il ne déposerait que si ses demandes étaient accueillies, et estima qu’une telle position s’analysait en une tentative délibérée de retarder la procédure.
Le 16 juillet 1999, le requérant demanda à ce que son autre avocat fût autorisé à assister à l’audience pour la présentation des conclusions finales. Sa demande fut refusée au motif que l’avocat n’avait pas participé aux stades antérieurs de la procédure.
Le 22 juillet 1999, le tribunal municipal rejeta la demande du requérant visant à faire comparaître d’autres témoins à décharge, au motif qu’il avait déjà statué antérieurement sur une demande similaire.
Selon le requérant, le tribunal municipal rejeta durant toute la procédure ses demandes d’audition de témoins à décharge supplémentaires.
Le tribunal municipal entendit neuf des vingt-neuf témoins qui devaient comparaître devant lui. Les témoignages de douze témoins absents, qui avaient été recueillis pendant la phase d’instruction antérieure au procès en l’absence du requérant ou de son avocat, furent lus à voix haute en audience publique.
Par un jugement du 3 août 1999, le tribunal municipal déclara le requérant coupable sur un chef et le relaxa sur deux des chefs exposés dans l’acte d’accusation, qui comptait neuf charges distinctes. Il le condamna à cinq ans et six mois de prison dans un pénitencier à régime général, sa peine commençant à courir à compter du 29 juin 1995. Le tribunal municipal considéra que l’instruction préparatoire avait été de médiocre qualité et que les enquêteurs avaient tenté, de manière injustifiable, d’augmenter le nombre de chefs d’accusation dans l’acte. Le juge constata également une violation des règles procédurales en raison, notamment, des lacunes dans la présentation formelle des documents pertinents au tribunal. Ces lacunes avaient dû être corrigées au procès, ce qui avait entraîné des retards. Le tribunal releva qu’au cours de la phase d’instruction, les responsables des investigations et le parquet de la région de Magadan n’avaient pas exercé un contrôle suffisant au niveau procédural.
Dans un jugement séparé rendu le même jour, le tribunal municipal décida de renvoyer une partie de l’acte d’accusation au procureur pour complément d’enquête. Le requérant recourut contre cette décision devant la Cour suprême, qui estima le 30 septembre 1999 que la décision était légitime.
Le jugement du tribunal municipal du 3 août 1999 était passible d’un pourvoi en cassation devant le tribunal régional dans les sept jours suivant son prononcé. Le requérant ne présenta pas un tel pourvoi car il considérait que le tribunal régional avait contribué à sa condamnation et qu’il n’avait donc aucune chance de succès. Le 11 août 1999, le jugement du tribunal municipal acquit force de chose jugée.
Le 11 août 1999, le requérant soumit au directeur de la maison d’arrêt où il était détenu une demande visant à être transférée dans les services logistiques du même établissement afin d’y purger sa peine.
Le 25 octobre 1999, le requérant présenta un recours extraordinaire au président de la Cour suprême de Russie en vue de faire contrôler le jugement du tribunal municipal. Le 11 novembre 1999, le recours fut rejeté.
Le 30 novembre 1999, le requérant soumit un autre recours extraordinaire à la Cour suprême, laquelle le débouta le 9 juin 2000.
Le 24 septembre 1999, dans le cadre des poursuites pénales, la mesure de détention provisoire fut remplacée par une assignation à résidence. Toutefois, l’intéressé demeura en détention, purgeant sa peine d’origine.
Le 29 septembre 1999, il fut mis un terme à la procédure concernant le reste des charges, au motif que les actes commis par le requérant n’étaient pas constitutifs d’une infraction.
Toutefois, le 30 septembre 1999, le requérant fit l’objet, en sa qualité de président de la banque, d’une nouvelle accusation de détournement de fonds.
Le 19 octobre 1999, à l’issue de l’instruction préparatoire, le procureur compétent approuva l’acte d’accusation et renvoya l’affaire devant le tribunal municipal de Magadan. L’acte d’accusation portait le numéro d’affaire d’origine, à savoir le numéro 48529, et précisait que la procédure dans cette affaire avait commencé le 8 février 1995.
Le procès du requérant débuta le 20 décembre 1999.
Par un jugement du 31 mars 2000, le tribunal municipal relaxa le requérant quant à la nouvelle accusation.
Le 26 juin 2000, le requérant fut remis en liberté à la suite d’une amnistie prononcée le 26 mai 2000.
b)  Les conditions de détention
Du 29 juin 1995 au 20 octobre 1999, le requérant fut incarcéré à la maison d’arrêt IZ 47/I de la ville de Magadan (quartier d’isolement de détention provisoire no 1 (СИЗО-1). Le 20 octobre 1999, à la suite du jugement du tribunal municipal du 3 août 1999, il fut envoyé purger sa peine au centre pénitentiaire AV-261/3 dans le village de Talaya. Le 10 décembre 1999, il fut de nouveau transféré à la maison d’arrêt de Magadan où il demeura jusqu’à sa libération le 26 juin 2000.
Le 15 juillet 1996, en réponse à l’évolution de la situation en matière pénale, les membres d’une brigade spéciale du bureau d’exécution des sentences (отдел специального назначения Управления исполнения наказаний) pénétrèrent dans la maison d’arrêt de Magadan. Ils fouillèrent les cellules de l’établissement et confisquèrent les objets interdits. Or, un certain nombre de prisonniers refusa d’obéir et résista aux ordres de cette brigade spéciale, qui recourut à la force physique à leur encontre.
L’usage de la force à l’encontre de ceux qui avaient désobéi et résisté aux ordres des autorités fut mentionné dans des rapports officiels.
Selon le requérant, les détenus, y compris lui-même, furent frappés pendant plusieurs jours avec des matraques en caoutchouc par les membres de cette brigade spéciale, qui leur donnèrent des coups de pieds, et les firent courir à travers les couloirs et se tenir bras et jambes écartés contre le mur.
Le 16 juillet 1996, le requérant demanda au service médical de la maison d’arrêt de consigner la description des blessures qu’il avait subies. Un praticien ne découvrit aucune marque de blessure corporelle et jugea dans son diagnostic que le requérant était « pratiquement en bonne santé ».
A une date non précisée, le requérant, avec huit autres codétenus, se plaignit au procureur régional de Magadan que le recours à la force physique par la brigade spéciale contre eux-mêmes et d’autres détenus avait été illégal.
Le 31 juillet 1996, le procureur régional refusa d’engager des poursuites pénales sur la base de cette plainte. Il estima que la force physique avait été employée uniquement à l’encontre d’individus qui avaient refusé d’obéir à des ordres légaux des autorités et qui avaient résisté physiquement à leurs actes. Il estima que dans les circonstances de la cause, le recours à la force avait été légitime et nécessaire.
Quant aux conditions générales de détention pendant la première période à la maison d’arrêt de Magadan, le requérant fait valoir les éléments suivants.
Il était détenu dans une cellule de 17 m², qui contenait huit lits superposés. Toutefois, cette cellule logeait presque toujours vingt-quatre détenus ; rarement ce nombre descendait à dix-huit. Etant donné qu’il y avait trois hommes pour un lit, les détenus dormaient à tour de rôle. Les autres s’étendaient ou s’asseyaient sur le sol ou sur des cartons en attendant leur tour. La télévision fonctionnant en permanence, il y avait beaucoup de bruit dans les cellules et il était impossible de dormir correctement. La lumière dans la cellule restait constamment allumée.
Les toilettes situées dans un coin de la cellule n’offraient aucune intimité. Un rideau les séparait du lavabo, mais non de la partie où se trouvait la table. La cuvette était fixée à 50 cm au-dessus du sol alors que le rideau mesurait 1,10 m de hauteur. Ainsi, toute personne utilisant les toilettes était exposée à la vue à la fois de ses codétenus et d’un gardien qui observait les prisonniers à travers un judas percé dans la porte.
Les détenus devaient prendre leurs repas dans la cellule sur une table située seulement à un mètre des toilettes. Les repas étaient de qualité médiocre.
La cellule, qui n’était pas aérée, était étouffante en été et glaciale en hiver. En raison de la mauvaise qualité de l’air à l’intérieur, il fallait laisser la fenêtre ouverte en permanence. Entouré de gros fumeurs, le requérant fut affecté par le tabagisme passif. Selon lui, il ne disposa jamais d’une literie, de plats ou d’ustensiles de cuisine corrects. L’administration lui fournit uniquement un matelas ouatiné et une fine couverture en flanelle, et il dut emprunter des ustensiles de cuisine à ses codétenus, qui les avaient reçus de leurs familles.
Les cellules de la maison d’arrêt étaient infestées de cafards et de fourmis, mais ne rien ne fut jamais fait pour les exterminer. La seule mesure prise à titre de précaution sanitaire était la fourniture aux détenus par les gardiens d’un litre de désinfectant à base de chlorure pour les toilettes, une fois par semaine.
Le requérant contracta diverses maladies de peau et infections fongiques, qui entraînèrent la chute des ongles des pieds et de certains des mains. Au cours du procès, qui se déroula du 11 novembre 1996 au 23 avril 1997 et du 15 avril 1999 au 3 août 1999, un ajournement fut ordonné pour lui permettre de se faire soigner pour la gale.
A six occasions, il partagea sa cellule avec des détenus atteints de tuberculose et de syphilis et on lui fit des injections d’antibiotique à titre prophylactique.
Enfin, selon l’intéressé, il était autorisé à se promener en dehors de sa cellule une heure par jour et, d’ordinaire, il pouvait prendre une douche chaude seulement deux fois par mois.
Les dossiers médicaux du requérant indiquent qu’il avait contracté la gale en décembre 1996, une dermatite allergique en juillet et août 1997, une infection fongique aux pieds en juin 1999, une infection fongique sous un ongle du pied en août 1999, une mycose en septembre 1999 et une infection fongique aux pieds, aux mains et à l’aine en octobre 1999. Les dossiers précisent également que le requérant fut traité pour ces maladies.
Selon le Gouvernement, la surface de la cellule dans laquelle le requérant fut détenu était de 20,8 m2. L’intéressé bénéficiait d’un lit séparé et de sa literie, d’ustensiles de cuisine, et avait accès aux soins médicaux. La cellule était conçue pour huit détenus. En raison de la surpopulation générale dans la maison d’arrêt, chaque lit dans les cellules était utilisé par deux ou trois prisonniers. Dans la cellule du requérant, il y avait à tout moment onze détenus ou plus. En général, le nombre de détenus était de quatorze. Les lits étaient utilisés tour à tour par plusieurs prisonniers sur la base d’une rotation de huit heures de sommeil par personne. Tous les détenus disposaient d’un matelas ouatiné, et de couvertures et de draps en coton.
La cellule du requérant était équipée de sanitaires, dont des toilettes et un lavabo. Les toilettes se situaient dans le coin de la cellule et étaient séparées du reste de la cellule par un rideau (d’une hauteur de 1,10 m) qui garantissait l’intimité. Ces normes avaient été fixées par les « Directives du ministère soviétique de l’Intérieur sur la planification et la construction des maisons d’arrêt », approuvées le 25 janvier 1971.
La cellule avait des fenêtres qui laissaient entrer l’air frais et la lumière du jour. Il n’était pas possible d’équiper la cellule d’un système de ventilation. Par temps chaud, l’ouverture dans la porte de la cellule pouvait être ouverte pour assurer une meilleure aération. Les détenus avaient également la possibilité de recevoir de leur famille des ventilateurs.
Dans la cellule, il y avait une télévision qui appartenait au requérant, lequel pouvait donc décider quand il convenait de l’allumer ou de l’éteindre. Les émissions étaient seulement diffusées pendant une partie de la journée dans la région.
Le 11 février 1998, une personne détenue dans la cellule du requérant fit l’objet d’un diagnostic de syphilis. L’intéressé fut immédiatement placé dans une cellule séparée et bénéficia d’un traitement complet pour la maladie. Les autres détenus qui avaient partagé la cellule de cette personne, y compris le requérant, furent soumis le 26 février 1998 au traitement préventif qui convenait et à des mesures de contrôle sérologique. Ces mesures furent prises conformément aux « Directives du ministère soviétique de l’Intérieur sur les soins médicaux à apporter aux détenus dans les maisons d’arrêt et les institutions de travaux d’intérêt général », approuvées le 17 novembre 1989.
En janvier 1999, l’un des blocs de la maison d’arrêt fut fermé pour réparations et les détenus furent transférés dans des places vacantes dans d’autres cellules. Les détenus qui furent amenés dans la cellule du requérant y demeurèrent pendant une semaine, et certains d’entre eux étaient atteints de tuberculose. Toutefois, de l’avis du personnel médical, ils ne présentaient aucun risque pour leurs codétenus puisqu’ils étaient soumis à un traitement médical ambulatoire.
Le 2 juin 1999, un détenu chez qui on constata une tuberculose latente fut placé dans la cellule du requérant. Il subit un traitement visant à éviter les rechutes pendant une période de deux mois. Comme il ne souffrait pas de la tuberculose dans sa forme patente, il n’y avait aucun risque de transmission à d’autres détenus.
Le requérant fut soumis à plusieurs reprises à des fluorographies du thorax, qui ne montrèrent aucune anomalie.
Le 15 juin 1999, un détenu sous traitement contre la syphilis fut placé dans la cellule du requérant. Des examens médicaux pratiqués ultérieurement montrèrent des résultats négatifs. Des examens sanguins effectués à ces occasions sur le requérant révélèrent également des résultats négatifs.
Lorsque différentes maladies (dystonie neurocirculatoire, gale, infection fongique) furent diagnostiquées chez le requérant, celui-ci bénéficia immédiatement de soins médicaux. Il y eut des ajournements annoncés pendant le procès afin de permettre que des soins médicaux fussent dispensés à l’intéressé.
Le requérant fut systématiquement examiné par le personnel médical et il reçut l’assistance médicale d’un dermatologue, d’un thérapeute et d’un stomatologue.
Le requérant pouvait se doucher tous les sept jours et était autorisé à se promener en dehors de sa cellule jusqu’à deux heures par jour.
Enfin, selon le Gouvernement, pour prévenir l’apparition de maladies infectieuses, les maisons d’arrêt prennent des mesures de désinfection à titre prophylactique pour assurer l’extermination préventive de micro-organismes pathogènes, d’arthropodes et de rongeurs, conformément aux directives ministérielles de 1989 susmentionnées. Le Gouvernement reconnaît toutefois que la colonisation des centres de détention par certains insectes pose problème.
Pendant l’instruction préparatoire, le requérant ne put recevoir aucune visite de sa famille. D’après le Gouvernement, il était autorisé à échanger des lettres avec sa famille, alors que le requérant prétend que toutes ses demandes à cette fin se heurtèrent à un refus du magistrat instructeur.
Au stade du procès, le requérant fut autorisé à avoir des entretiens avec des membres de sa famille, pendant lesquels il pouvait leur parler à travers d’une paroi de verre au moyen d’un téléphone. Il reçut des visites de sa mère âgée une heure par mois. Ses demandes visant à avoir des contacts directs et à s’entretenir en tête-à-tête avec son épouse furent refusées au motif qu’aucun local approprié n’était disponible et que cela n’était pas prévu dans les règlements pénitentiaires. En conséquence, depuis le 29 juin 1995, le requérant n’a eu aucun contact physique ou direct avec son épouse.
Le requérant soutient en outre qu’après son retour dans la même maison d’arrêt le 10 décembre 1999, les conditions de détention ne s’étaient pas matériellement améliorées. Il ne disposait pas de literie, de serviettes ou d’ustensiles de cuisine corrects. Il ne reçut aucun traitement pour sa maladie de peau en raison du manque de médicaments adéquats. Sa cellule était toujours infestée de cafards et il n’y eut aucun traitement contre cette invasion pendant cinq ans. On lui refusa toute visite conjugale de son épouse. Toutefois, en mars-avril 2000, le nombre de détenus dans sa cellule à huit lits fut réduit à onze.
B.  Droit interne pertinent
1.  Constitution de la Fédération de Russie
Article 45 § 2 du Titre 1
« Toute personne a le droit de défendre ses droits et libertés par tout moyen non interdit par la loi. »
Article 46 §§ 1 et 2 du Titre 1
« A chacun est garantie la protection judiciaire de ses droits et libertés.
« Les décisions et les actes (ou omissions) des organes de l’Etat, des organes des collectivités locales, des organismes publics et des fonctionnaires peuvent faire l’objet d’un recours devant un tribunal. »
Article 6 § 2 du Titre 2
« Jusqu’à la mise en conformité de la législation sur la procédure pénale de la Fédération de Russie avec les dispositions de la présente Constitution, la procédure existante d’arrestation, de garde à vue et de détention provisoire des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction est maintenue. »
2.  Code de procédure pénale
Article 11 § 1 : Inviolabilité de la personne
« Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation en l’absence de décision judiciaire ou d’autorisation d’un procureur. »
Article 89 § 1 : Application de mesures préventives
« Lorsqu’il existe des raisons suffisantes de supposer que l’inculpé se soustraira à l’enquête, à l’instruction préparatoire ou au tribunal, qu’il fera obstacle à l’établissement de la vérité dans une affaire pénale ou se livrera à une activité criminelle, mais aussi pour assurer l’exécution du jugement, la personne chargée de l’enquête, le magistrat instructeur, le procureur ou le tribunal sont en droit de prendre à l’encontre de l’inculpé l’une des mesures préventives suivantes : engagement écrit de ne pas quitter un lieu déterminé, cautionnement par une personne ou une organisation sociale, mise en détention provisoire. »
Article 92 : Ordonnance et décision d’application de la mesure préventive
« La personne chargée de l’enquête, le magistrat instructeur ou le procureur, rendent une ordonnance motivée, et le tribunal une décision motivée prescrivant l’application de la mesure préventive, et comportant l’énoncé de l’infraction dont est soupçonnée la personne concernée, ainsi que les motifs du choix de cette mesure. L’ordonnance ou la décision est notifiée à la personne concernée, qui est informée en même temps des voies de recours dont elle dispose.
Une copie de l’ordonnance ou de la décision d’application de la mesure préventive est remise immédiatement à la personne qui en fait l’objet. »
Article 96 : Mise en détention provisoire
« La mise en détention provisoire en tant que mesure préventive s’applique, dans le respect des exigences de l’article 11 du présent code, aux infractions pénales pour lesquelles la loi prévoit une privation de liberté d’une durée supérieure à un an. A titre exceptionnel, cette mesure peut être appliquée à des infractions pour lesquelles la loi prévoit une privation de liberté d’une durée inférieure à un an. »
Article 97 : Durée de la détention provisoire
« En matière pénale, la détention provisoire ne peut excéder deux mois. Elle peut être prolongée jusqu’à trois mois par un procureur de district, un procureur municipal (...) s’il est impossible de clore l’instruction et qu’il n’existe aucun motif pour modifier la mesure préventive. Une prolongation ultérieure ne peut être ordonnée   – jusqu’à six mois à compter du jour de l’incarcération – que si l’affaire est particulièrement complexe, par un procureur d’un sujet de la Fédération de Russie (...)
La prolongation de la détention provisoire au-delà de six mois n’est autorisée qu’à titre exceptionnel et seulement pour des personnes accusées d’infractions graves ou particulièrement graves. Elle est ordonnée par un substitut du procureur général de la Fédération de Russie (jusqu’à un an) et par le procureur général de la Fédération de Russie (jusqu’à dix-huit mois). »
Article 101 : Annulation ou modification de la mesure préventive
« La mesure préventive est annulée lorsqu’elle cesse d’être nécessaire, ou est remplacée par une mesure plus sévère ou plus légère lorsque les circonstances de la cause l’exigent. L’annulation ou la modification de la mesure préventive est décidée par une ordonnance motivée de la personne chargée de l’enquête, du magistrat instructeur ou du procureur ou, après le renvoi en jugement, par une décision motivée du tribunal.
L’annulation ou la modification par la personne chargée de l’enquête et le magistrat instructeur de la mesure préventive appliquée sur les instructions du procureur ne peut s’effectuer que sur autorisation de ce dernier. »
Article 223-1 : Fixation de la date d’audience
« Si le prévenu est mis en détention, la question de la fixation de la date d’audience doit être tranchée dans les quatorze jours à compter de la saisine du tribunal. »
Article 239 : Délais pour l’examen de l’affaire
« L’examen d’une affaire par un tribunal doit débuter dans les quatorze jours à compter de la fixation de la date d’audience. »
3.  Loi sur les plaintes adressées aux tribunaux contre les actions et décisions emportant violation des droits et libertés des citoyens (dans sa version révisée par la loi fédérale du 14 décembre 1995)
Selon cette loi, tout citoyen a le droit de déposer plainte auprès d’un tribunal lorsqu’il estime que ses droits ont été enfreints par des actes ou décisions d’organes de l’Etat, de collectivités locales ainsi que d’institutions, d’entreprises ou d’associations, d’organisations non gouvernementales, ou encore de fonctionnaires ou d’agents de l’Etat. Les plaintes peuvent être adressées soit directement à une juridiction soit à un organe supérieur de l’Etat, qui a l’obligation d’examiner la plainte dans un délai d’un mois. Si la plainte est rejetée par l’organe qui l’a examinée, ou si celui-ci n’y répond pas, le plaignant est en droit de porter l’affaire devant un tribunal.
4.  Loi fédérale sur la détention provisoire de personnes soupçonnées ou accusées d’infractions
Aux termes de l’article 17 § 1 3) de cette loi, les personnes soupçonnées ou accusées d’infractions ont le droit de demander à être reçues personnellement par le directeur de la maison d’arrêt ainsi que par les fonctionnaires chargés de superviser les centres de détention pendant la durée de leur incarcération dans l’établissement en question. En vertu de l’article 17 § 1 7) de la loi, les personnes soupçonnées ou accusées d’infractions ont le droit de présenter des demandes et plaintes aux instances compétentes, y compris à une juridiction, quant à la violation de leurs droits et libertés.
L’article 18 § 3 de la loi dispose que les personnes soupçonnées ou accusées d’infractions sont autorisées à recevoir au plus deux visites par mois de parents ou d’autres personnes, d’une durée de trois heures maximum, conformément à l’autorisation écrite de la personne ou de l’organe en charge de l’affaire pénale en question.
C.  Réserve de la Fédération de Russie
L’instrument de ratification de la Convention déposé par la Fédération de Russie le 5 mai 1998 contient la réserve suivante :
« Conformément à l’article 64 de la Convention, la Fédération de Russie déclare que les dispositions de l’article 5, paragraphes 3 et 4, n’empêchent pas (...) l’application temporaire, sanctionnée par le Titre 2, point 6, deuxième alinéa de la Constitution de la Fédération de Russie de 1993, de la procédure d’arrestation, de garde à vue et de détention de personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale, établie par l’article 11, paragraphe 1, l’article 89, paragraphe 1, les articles 90, 92, 96, 96-1, 96-2, 97, 101 et 122 du code de procédure pénale de la RSFSR du 27 octobre 1960, telle qu’amendée et complétée ultérieurement (...) »
GRIEFS
1.  Le requérant se plaint sous l’angle de l’article 3 de la Convention de mauvais traitements par les membres de la brigade spéciale en juillet 1996, au cours de sa détention provisoire.
2.  Le requérant se plaint également en vertu de l’article 3 de la Convention de ses conditions de détention à la maison d’arrêt IZ-47/1 de Magadan.
EN DROIT
1.  Le requérant se plaint sous l’angle de l’article 3 de la Convention de mauvais traitements par les membres de la brigade spéciale en juillet 1996, pendant sa détention provisoire.
L’article 3 se lit ainsi :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Le Gouvernement fait valoir que le grief a trait à des faits qui ont eu lieu avant l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la Russie, et qu’il est dénué de fondement.
La Cour rappelle que, conformément aux principes du droit international généralement reconnus, la Convention acquiert force contraignante pour les Etats contractants uniquement pour les faits survenus après son entrée en vigueur. La Convention est entrée en vigueur à l’égard de la Russie le 5 mai 1998. La Cour observe que le grief du requérant a trait à une période antérieure à cette date.
Il s’ensuit que cette partie de la requête se situe en dehors de la compétence ratione temporis de la Cour, et est incompatible avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3.
2.  Le requérant se plaint également en vertu de l’article 3 de la Convention de ses conditions de détention à la maison d’arrêt IZ-47/1 (CИЗO-1) de Magadan.
Le Gouvernement soutient tout d’abord que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours dont il disposait en droit russe, comme le requiert l’article 35 § 1 de la Convention. Il allègue que le requérant avait la possibilité de se plaindre de la violation alléguée de ses droits au directeur de la maison d’arrêt ainsi qu’à des organes supérieurs de l’Etat chargés de l’exécution des peines en matière pénale. Le requérant pouvait également déposer plainte auprès d’un tribunal. Le Gouvernement invoque à cet égard l’article 17 § 1 3) et 7) de la loi fédérale sur la détention provisoire de personnes soupçonnées ou accusées d’infractions, la loi sur les plaintes adressées aux tribunaux contre les actions et décisions emportant violation des droits et libertés des citoyens, ainsi que les articles 45 § 2 et 46 §§ 1 et 2 de la Constitution.
Toutefois, le requérant, qui était informé de ces possibilités, n’en a pas fait usage pour se plaindre de ses conditions de détention. Le Gouvernement allègue qu’il ressort d’une demande présentée par le requérant le 11 août 1999, dans laquelle il exprimait le souhait de rester à la maison d’arrêt, plutôt que d’être envoyé purger sa peine dans un pénitencier, qu’il n’avait aucune intention de se plaindre de la conduite de l’administration de la maison d’arrêt.
Le Gouvernement allègue également que les demandes de libération présentées par le requérant, dans lesquelles il invoquait ses conditions de détention ne sauraient être considérées comme un recours permettant de faire valoir la violation alléguée de l’article 3 de la Convention.
Quant à la substance du grief, le Gouvernement reconnaît que, pour des raisons économiques, les conditions de détention en Russie ne sont absolument pas satisfaisantes et sont inférieures aux normes fixées pour les établissements pénitentiaires dans d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Toutefois, le Gouvernement soutient que les conditions de détention du requérant ne sauraient être qualifiées de torture ou de traitement inhumain ou dégradant. Elles ne sont pas différentes, ou du moins pas pires, que celles de la plupart des détenus en Russie. La surpopulation carcérale est un problème que connaissent toutes les maisons d’arrêt en général.
Les autorités n’avaient aucune intention de causer une souffrance physique au requérant ou de porter atteinte à sa santé. L’administration de la maison d’arrêt a pris toutes les mesures disponibles sur le plan médical pour traiter les personnes souffrant de maladies et pour empêcher qu’elles ne contaminent les autres détenus.
Le Gouvernement fait son possible pour améliorer les conditions de détention en Russie. Il a adopté un certain nombre de projets tendant à la construction de nouvelles maisons d’arrêt, la rénovation de celles qui existent et l’élimination de la tuberculose et d’autres maladies infectieuses en prison. La mise en œuvre de ces projets permettra de doubler l’espace prévu pour les détenus et d’améliorer les conditions sanitaires dans les maisons d’arrêt.
Le requérant allègue qu’il a présenté systématiquement des plaintes sur ses conditions de détention aux autorités russes à tous les niveaux. Toutes ses plaintes ont été transmises par l’administration de la maison d’arrêt où elles ont été enregistrées. Toutefois, aucune mesure n’a été prise pour améliorer ses conditions de détention.
Quant au fond de son grief, le requérant soutient que la surpopulation et les conditions insalubres dans sa cellule, combinées avec la durée de sa détention, s’analysent en une violation de l’article 3 de la Convention.
La Cour rappelle que la finalité de l’article 35 § 1 est de ménager aux Etats contractants l’occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne soient soumises à la Cour. Les Etats n’ont donc pas à répondre de leurs actes devant un organisme international avant d’avoir eu la possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique interne (voir, par exemple, les arrêts Remli c. France du 23 avril 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-II, p. 571, § 33 et Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999-V).
Néanmoins, les dispositions de l’article 35 de la Convention ne prescrivent l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues (voir, parmi d’autres, les arrêts Akdivar et autres c. Turquie du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1210, § 66, et Selmouni c. France précité, § 75).
Par ailleurs, la Cour rappelle qu’en ce qui concerne l’épuisement des voies de recours internes, il incombe au Gouvernement de convaincre la Cour que le recours était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qu’il était accessible, était susceptible d’offrir au requérant le redressement de ses griefs et présentait des perspectives raisonnables de succès. Une fois cela démontré, c’est au requérant qu’il convient d’établir que le recours invoqué par le Gouvernement a en fait été employé ou bien, pour une raison quelconque, n’était ni adéquat ni effectif dans les circonstances particulières de la cause, ou encore que certaines circonstances spéciales le dispensaient de cette obligation (voir, par exemple, les arrêts précités Akdivar et autres c. Turquie, p. 1211, § 68 et Selmouni c. France, § 76).
En l’espèce, la Cour relève qu’il n’est pas contesté que le requérant a présenté de façon répétée des plaintes à diverses autorités, notamment le tribunal municipal de Magadan, la Cour suprême, le procureur général et le Conseil central de la Magistrature, dans lesquelles il a évoqué ses conditions de détention. Elle estime que les autorités étaient de ce fait suffisamment informées de la situation du requérant et qu’elles ont eu la possibilité de se pencher sur les conditions de détention de l’intéressé et, le cas échéant, de lui proposer une réparation.
En outre, s’il est vrai que le requérant n’a pas fait usage des voies suggérées par le Gouvernement en présentant des plaintes distinctes à un tribunal, au directeur de la maison d’arrêt ou à des organes supérieurs de l’Etat, la Cour constate que les problèmes découlant de la surpopulation dans les maisons d’arrêt revêtaient apparemment un caractère structurel et ne concernaient pas uniquement la situation personnelle du requérant. Le Gouvernement n’a pas démontré quelle réparation les organes de l’Etat auraient pu offrir au requérant, compte tenu des difficultés économiques reconnues des administrations pénitentiaires.
Dans ces circonstances, la Cour estime qu’il n’a pas été établi avec une certitude suffisante que l’usage des recours suggérés par le Gouvernement aurait été de nature à offrir réparation au requérant quant à sa plainte concernant ses conditions de détention.
En conséquence, la Cour estime que cette partie de la requête ne saurait être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes.
Quant à la substance de ce grief, la Cour, à la lumière des arguments des parties, estime qu’elle soulève des questions complexes de fait et de droit en vertu de la Convention qui appellent un examen sur le fond. Dès lors, elle conclut que cette partie de la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, aucun autre motif d’irrecevabilité n’ayant été établi.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare recevables, tous moyens de fond réservés, les griefs du requérant concernant
S. Dollé J.-P.Costa   Greffière Président
DÉCISION KALACHNIKOV c. RUSSIE
DÉCISION KALACHNIKOV c. RUSSIE 
DÉCISION KALACHNIKOV c. RUSSIE 


Type d'affaire : Décision
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 35-3) RATIONE TEMPORIS, (Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE, (Art. 6-1) TRIBUNAL IMPARTIAL


Parties
Demandeurs : KALACHNIKOV
Défendeurs : la RUSSIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (troisième section)
Date de la décision : 18/09/2001
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 47095/99
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2001-09-18;47095.99 ?
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