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12/02/2002 | CEDH | N°56088/00

CEDH | AFFAIRE IT.R. c. ITALIE


QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE IT.R. c. ITALIE
(Requête n° 56088/00)
ARRÊT
STRASBOURG
12 février 2002
DÉFINITIF
12/05/2002
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire It.R. c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
Sir Nicolas Bratza, président,   MM. M. Pellonpää,    A. Pastor Ridruejo,    L. Ferrari Bravo,    M. Fischbach,

    J. Casadevall,    S. Pavlovschi, juges,  et de M. M. O’Boyle, greffier de section,
Après en avoir délibéré...

QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE IT.R. c. ITALIE
(Requête n° 56088/00)
ARRÊT
STRASBOURG
12 février 2002
DÉFINITIF
12/05/2002
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire It.R. c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
Sir Nicolas Bratza, président,   MM. M. Pellonpää,    A. Pastor Ridruejo,    L. Ferrari Bravo,    M. Fischbach,    J. Casadevall,    S. Pavlovschi, juges,  et de M. M. O’Boyle, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 janvier 2002,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant italien, M. It.R. (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme le 4 janvier 1995 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 29 mars 2000 sous le numéro de dossier 56088/00. Le requérant est représenté par Me S. Santini, avocate à Civitanova Marche (Macerata). Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M. V. Esposito.
2.  La Cour a déclaré la requête recevable le 10 avril 2001.
EN FAIT
3.   Par une décision du 8 novembre 1985, le tribunal d'Ancône enjoignit à la société en nom collectif C., dont le requérant était un des garants, de payer à la banque A. une certaine somme.
4.  Le 19 décembre 1985, le requérant fit opposition. La mise en état de l'affaire commença le 8 avril 1986, date à laquelle le requérant demanda la jonction de la présente procédure avec deux autres procédures, dont la première était pendante entre les même parties devant le même tribunal et la deuxième avait un objet connexe. Par une ordonnance du 16 avril 1986, le juge ajourna l'affaire au 24 juin 1986 en vue de la décision de jonction. Le jour venu, l'audience fut reportée d'office au 5 février 1987, date à laquelle le juge ordonna la jonction des procédures et le requérant demanda la suspension de l'exécution de l'injonction. Par une ordonnance du 13 mars 1987, le juge ordonna à la banque A. de déposer au greffe certains documents et ajourna l'affaire au 30 avril 1987. A cette date, le juge déclara l'interruption de la procédure car, entre-temps, le tribunal de Fermo avait déclaré la société C. en faillite.
5.  Le 27 octobre 1987, le requérant reprit la procédure. La mise en état de l'affaire commença le 7 janvier 1988. Des sept audiences fixées entre le 12 mai 1988 et le 22 octobre 1992, six concernèrent des moyens de preuve tels que l'audition de témoins et la production des documents, et la dernière fut reportée - du 5 décembre 1991 au 26 mars 1992 - car le requérant était absent. Le 9 mars 1993, le juge ordonna la mise en cause de la banque D. Le 9 novembre 1993, ladite banque se constitua dans la procédure et demanda la mise en cause de M. B. Le 12 avril 1994, le juge se réserva de décider. Par une ordonnance du 31 mai 1994, le juge ordonna la mise en cause de M. B. Le 28 février 1995, le juge déclara celui-ci défaillant et ajourna l'affaire au 9 mai 1995. A cette date, l'audience fut reportée car les avocats faisaient grève. Après deux renvois d'office, le 5 novembre 1996, les parties demandèrent l'audition de témoins et le juge se réserva de décider. Par une ordonnance du 8 janvier 1997, le juge renouvela à la banque A. l'ordre de déposer au greffe certains documents. Les cinq audiences qui se tinrent entre le 25 mars 1997 et le 14 mai 1998 concernèrent le dépôt des documents et leur examen. Le 20 octobre 1998, l'audience fut reportée d'office au 30 mars 1999. Toutefois, cette audience ne se tint pas car, entre-temps, l'affaire avait été attribuée au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio).
6.  Le 18 mai 1999, le requérant présenta une demande visant à ce que l'audience fût fixée en urgence. L'audience suivante se tint le 12 juillet 1999, date à laquelle le juge ajourna l'affaire au 22 novembre 1999 pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions. Le jour venu, l'audience fut reportée d'office au 14 décembre 1999. Par une ordonnance du 10 avril 2000, le juge de la mise en état ordonna la comparution des parties et fixa l'audience au 25 septembre 2000. Le jour venu, les parties déposèrent des documents, et le 11 décembre 2000 les parties présentèrent leurs conclusions. Par une ordonnance du 26 mars 2001, le juge disposa l’interruption de l’affaire faute de légitimation du syndic de la faillite. Le 26 juin 2001, le requérant reprit la procédure. Le juge fixa une audience au 10 décembre 2001.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
7.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
8.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
9.  La période à considérer a débuté le 19 décembre 1985 et la procédure était encore pendante au 10 décembre 2001.
10.  Elle avait à cette date duré plus de quinze ans et onze mois pour une instance.
11.  La Cour rappelle avoir constaté dans de nombreux arrêts (voir, par exemple, Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V) l’existence en Italie d’une pratique contraire à la Convention résultant d’une accumulation de manquements à l’exigence du « délai raisonnable ». Dans la mesure où la Cour constate un tel manquement, cette accumulation constitue une circonstance aggravante de la violation de l’article 6 § 1.
12.  Ayant examiné les faits de la cause à la lumière des arguments des parties et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » et qu’il y a là encore une manifestation de la pratique précitée.
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
13.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
14.  Le requérant réclame globalement 500 000 000 lires italiennes (ITL) au titre du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi.
15.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 24 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral.
B.  Frais et dépens
16.  Le requérant demande également 24 605 000 ITL pour les frais et dépens encourus devant la Cour.
17.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, l’arrêt Bottazzi précité, § 30). En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 2 500 EUR au titre des frais et dépens de la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.
C.  Intérêts moratoires
18.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable en Italie à la date d’adoption du présent arrêt était de 3 % l’an.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt est devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 24 000 EUR (vingt-quatre mille euros) pour dommage moral et 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros) pour frais et dépens ;
b)  que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 3 % l’an à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement ;
3.  Rejette les demandes de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 février 2002, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Michael O’Boyle Sir Nicolas Bratza   Greffier Président
ARRÊT IT.R. c. ITALIE
ARRÊT IT.R. c. ITALIE 
ARRÊT «NAMEAPPLICANT» c. ITALIE
ARRÊT «NAMEAPPLICANT» c. ITALIE 


Synthèse
Formation : Cour (quatrième section)
Numéro d'arrêt : 56088/00
Date de la décision : 12/02/2002
Type d'affaire : Arrêt (Au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE CIVILE


Parties
Demandeurs : IT.R.
Défendeurs : ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2002-02-12;56088.00 ?

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