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12/02/2002 | CEDH | N°56100/00

CEDH | AFFAIRE TOR DI VALLE COSTRUZIONI S.P.A. c. ITALIE (N° 8)


QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE TOR DI VALLE COSTRUZIONI S.P.A. c. ITALIE (n° 8)
(Requête n° 56100/00)
ARRÊT
STRASBOURG
12 février 2002
DÉFINITIF
12/05/2002
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Tor Di Valle Costruzioni S.p.A. c. Italie (n° 8),
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
Sir Nicolas Bratza, président,   MM. M. Pellonpää,Â

    A. Pastor Ridruejo,    L. Ferrari Bravo,    M. Fischbach,    J. Casadevall,    S. Pavlovschi, juges,  ...

QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE TOR DI VALLE COSTRUZIONI S.P.A. c. ITALIE (n° 8)
(Requête n° 56100/00)
ARRÊT
STRASBOURG
12 février 2002
DÉFINITIF
12/05/2002
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Tor Di Valle Costruzioni S.p.A. c. Italie (n° 8),
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
Sir Nicolas Bratza, président,   MM. M. Pellonpää,    A. Pastor Ridruejo,    L. Ferrari Bravo,    M. Fischbach,    J. Casadevall,    S. Pavlovschi, juges,  et de M. M. O’Boyle, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 janvier 2002,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République italienne et dont une société italienne, Tor Di Valle Costruzioni S.p.A. (« la requérante »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme le 9 mars 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 29 mars 2000 sous le numéro de dossier 56100/00. La requérante est représentée par M. P. Catti De Gasperi, représentant légal de la société. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M. V. Esposito.
2.  La Cour a déclaré la requête recevable le 10 avril 2001.
EN FAIT
3.  Le 5 septembre 1994, la requérante assigna la municipalité de Tarente et la banque N. devant le juge d'instance de Tarente afin d'obtenir la saisie-arrêt la somme de 3 700 122 082 lires italiennes à laquelle elle avait droit suite à un arbitrage du 31 décembre 1993 et rendu exécutoire par une décision du juge d'instance de Rome du 17 janvier 1994.
4.  Le 19 septembre 1994, la municipalité de Tarente fit opposition et demanda la suspension de la saisie-arrêt.
5.  La mise en état de l'affaire commença le 22 septembre 1994. Le 23 novembre 1994, le juge d'instance ordonna aux parties le dépôt au greffe de documents. Le 27 décembre 1994, les parties demandèrent un renvoi. Par une ordonnance du même jour, le juge ajourna l'affaire au 18 janvier 1995. Des six audiences fixées entre le 1er février 1995 et le 6 mars 1996, trois furent renvoyées à la demande des parties et trois furent reportées d'office. Le 3 mai 1996, les parties déposèrent des documents au greffe et le juge réserva sa décision. Par une ordonnance du 13 septembre 1996, le juge d'instance suspendit la saisie-arrêt entre-temps commencée, se déclara incompétent ratione valoris et invita les parties à reprendre la procédure dans les quatre mois devant le tribunal de Tarente.
6.  Le 5 octobre 1996, la requérante fit opposition à ladite ordonnance. La mise en état de l'affaire commença le 29 novembre 1996. Le 10 janvier 1997, le juge d'instance ajourna l'affaire pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions, ce qu’elles firent le 7 février 1997, date à laquelle le juge d'instance réserva sa décision. Selon les informations fournies par la requérante le 18 février 2000, à cette date la procédure était encore pendante.
7.  Entre-temps, le 15 janvier 1997 la municipalité de Tarente avait repris la procédure devant le tribunal de Tarente. La mise en état de l'affaire commença le 11 avril 1997. Après un renvoi d'office, le 6 décembre 1997 le juge ajourna l'affaire à deux reprises, pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions.
8.  Entre-temps, la loi concernant les sezioni stralcio étant entrée en vigueur, le 11 novembre 1998, le président du tribunal attribua l'affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio) et fixa l’audience suivante au 19 avril 1999. Après un renvoi d'office, le 21 avril 1999 le juge ajourna l'affaire au 6 octobre 1999 car le greffe n'avait pas communiqué à la requérante la date de l'audience. Le jour venu, l'audience fut reportée d'office à deux reprises, d'abord au 25 janvier 2000 et, par la suite, au 13 mars 2000.
9.  Parallèlement à la procédure devant le juge d'instance, le 6 mai 1994, la municipalité de Tarente avait interjeté appel devant la cour d'appel de Rome contre l'arbitrage du 31 décembre 1993 rendu exécutoire par la décision du juge d'instance de Rome du 17 janvier 1994.
10.  Le 17 octobre 1994, le conseiller de la mise en état se déclara incompétent et transmit l'affaire à la chambre compétente. Le 13 décembre 1994, les parties présentèrent leurs conclusions. Par une ordonnance du 20 décembre 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 11 janvier 1995, la cour d’appel ajourna l'affaire au 7 février 1995. A cette date, les parties déposèrent des documents et le président ajourna l'affaire. A une date non précisée, la municipalité de Tarente présenta une demande visant à ce que l'exécution de l'arbitrage fût suspendue. Par une ordonnance du 14 février 1995, dont le texte fut déposé au greffe le 28 février 1995, la cour d’appel rejeta ladite demande et ajourna l'affaire au 22 mai 1995. Le jour venu, la cour ajourna l'affaire à deux reprises pour permettre aux parties de présenter leurs conclusions ; ce qu'elles firent le 16 octobre 1995. L'audience de plaidoiries fut fixée au 10 décembre 1996. A une date non précisée, l'audience fût avancée au 11 juin 1996. A cette date, le collège ajourna l'affaire en raison de l'absence d'un membre de la cour d’appel. L'audience de plaidoiries eut lieu le 9 juillet 1996.
11.  Par un arrêt du 15 octobre 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 20 janvier 1997, la cour rejeta l'appel.
12.  Le 15 avril 1997, la municipalité de Tarente se pourvut en cassation. Le 22 mai 1997, la requérante présenta un pourvoi incident. Par une ordonnance du 1er décembre 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 27 janvier 1999, la première section de la Cour de cassation se déclara incompétente ratione materiae et transmit l'affaire au président pour l'assignation de l'affaire aux sections réunies.
13.  Par un arrêt rendu à une date non précisée, les sections réunies de la Cour de cassation décidèrent de ne pas examiner le pourvoi et transmirent l'affaire au président pour l'assignation de l'affaire à une section de la Cour de cassation. L’audience fut fixée au 5 mai 2000.
14.  Le 19 avril 2000, suite à un règlement amiable, les parties renoncèrent au recours. Par une ordonnance du 8 juin 2000, la Cour de cassation décida de rayer les recours du rôle.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
15.  La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
16.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
17.  Le grief de la requérante porte sur la durée de trois procédures. La première procédure a débuté le 5 septembre 1994 et s’est terminée le 19 avril 2000. La seconde procédure a débuté le 5 octobre 1996 et s’est terminée le 19 avril 2000. La dernière procédure a débuté le 6 mai 1994 et s’est terminée le 19 avril 2000.
18.  La première procédure a donc duré environ cinq ans et sept mois pour une instance. La seconde procédure a duré plus de trois ans et six mois pour une instance. La dernière procédure a duré plus de cinq ans et onze pour deux instances.
19.  La Cour rappelle avoir constaté dans de nombreux arrêts (voir, par exemple, Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V) l’existence en Italie d’une pratique contraire à la Convention résultant d’une accumulation de manquements à l’exigence du « délai raisonnable ». Dans la mesure où la Cour constate un tel manquement, cette accumulation constitue une circonstance aggravante de la violation de l’article 6 § 1.
20.  Ayant examiné les faits de la cause à la lumière des arguments des parties et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » et qu’il y a là encore une manifestation de la pratique précitée.
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
21.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
Dommage
22.  La requérante réclame globalement 3 275 409 714 lires italiennes (ITL) au titre du préjudice matériel et au titre du préjudice moral qu’elle aurait subi la publication du présent arrêt sur un quotidien de chaque pays de l’Union européenne ou la publication de l’arrêt sur un quotidien italien.
23.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. Quant à la demande de publication du présent arrêt, la Cour rappelle que la Convention ne lui donne pas compétence pour exiger de l’Etat italien qu’il s’engage à prendre les mesures demandées. L’article 46 § 1 de la Convention laisse en effet à l’Etat le choix des mesures, générales et/ou, le cas échéant, individuelles, à adopter dans son ordre interne afin de remplir son obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation constatée par la Cour et d’en effacer les conséquences (voir par exemple, arrêt E.P. c. Italie, n° 31127/96, § 77, 16 novembre 1999, non publié).
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2.  Rejette les demandes de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 12 février 2002, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Michael O’Boyle Sir Nicolas Bratza   Greffier Président
ARRÊT TOR DI VALLE COSTRUZIONI S.P.A. c. ITALIE (n° 8)
ARRÊT TOR DI VALLE COSTRUZIONI S.P.A. c. ITALIE (n° 8) 
ARRÊT «NAMEAPPLICANT» c. ITALIE
ARRÊT «NAMEAPPLICANT» c. ITALIE 


Synthèse
Formation : Cour (quatrième section)
Numéro d'arrêt : 56100/00
Date de la décision : 12/02/2002
Type d'affaire : Arrêt (Au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Dommage matériel - demande rejetée

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE CIVILE


Parties
Demandeurs : TOR DI VALLE COSTRUZIONI S.P.A.
Défendeurs : ITALIE (N° 8)

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2002-02-12;56100.00 ?

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