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27/08/2002 | CEDH | N°58188/00

CEDH | DIDIER contre la FRANCE


DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 58188/00  présentée par Jean-Louis DIDIER  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (2e section), siégeant le 27 août 2002 en une chambre composée de
MM. Gaukur Jörundsson, président,    J.-P. Costa,    C. Bîrsan,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mme W. Thomassen,   M. M. Ugrekhelidze, juges,  et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 31 mai 2000,
Après en avoir délibéré, ren

d la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, Jean-Louis Didier, est un ressortissant français, né en 1962 e...

DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 58188/00  présentée par Jean-Louis DIDIER  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (2e section), siégeant le 27 août 2002 en une chambre composée de
MM. Gaukur Jörundsson, président,    J.-P. Costa,    C. Bîrsan,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mme W. Thomassen,   M. M. Ugrekhelidze, juges,  et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 31 mai 2000,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, Jean-Louis Didier, est un ressortissant français, né en 1962 et résidant à Neuilly-sur-Seine. Il est représenté devant la Cour par Me C. Bremond, avocat à Paris.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant est responsable du département arbitrage de la société Dynabourse SA ainsi que des opérations de la SNC Dynabourse Arbitrage détenue à plus de 77 % par Dynabourse SA.
Au vu d’un rapport d’enquête établi par ses inspecteurs, la Commission des opérations de bourse (COB) saisit le Conseil des Marchés Financiers (CMF) en vue de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant.
Le 1er juillet 1998, le Président du CMF notifia à ce dernier les griefs retenus à son encontre.
Le 27 janvier 1999, le CMF, statuant en formation disciplinaire, décida de retirer la carte professionnelle du requérant pour une période de six mois et prononça à son encontre une sanction pécuniaire de 5 000 000 FRF.
Le 30 avril 1999, le requérant forma un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat en demandant l’annulation de la décision litigieuse et le sursis à son exécution.
Le 3 décembre 1999, le Conseil d’Etat rejeta la requête du requérant, considérant notamment que, quand il est saisi d’agissements pouvant donner lieu aux sanctions disciplinaires, « le Conseil des marchés financiers doit être regardé comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale au sens des stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Le Conseil d’Etat ajouta :
« (...) compte tenu du fait que sa décision peut faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant le Conseil d’Etat, la circonstance que la procédure suivie devant le Conseil des marchés financiers ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de l’article 6-1 précité n’est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable.
(...) cependant - et alors même que le Conseil des marchés financiers siégeant en formation disciplinaire n’est pas une juridiction au regard du droit interne - le moyen tiré de ce qu’il aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d’impartialité rappelé à l’article 6-1 précité peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqué à l’appui d’un recours formé devant le Conseil d’Etat à l’encontre de sa décision.
(...) le rapporteur, qui n’est pas à l’origine de la saisine, ne participe pas à la formulation des griefs ; qu’il n’a pas le pouvoir de classer l’affaire ou, au contraire, d’élargir le cadre de la saisine ; que les pouvoirs d’investigation dont il est investi pour vérifier la pertinence des griefs et des observations de la personne poursuivie ne l’habilitent pas à faire des perquisitions, des saisies ni à procéder à toute autre mesure de contrainte au cours de l’instruction ; qu’en l’espèce, (...) il n’est pas établi, ni même allégué, qu’il aurait, dans l’exercice de ses fonctions de rapporteur, excédé les pouvoirs qui lui ont été conférés par les dispositions rappelées ci-dessus, et qui ne diffèrent pas de ceux que la formation disciplinaire collégiale du Conseil des marchés financiers aurait elle-même pu exercer ; que, dès lors, il n’est résulté de sa participation aux débats et au vote à l’issue desquels il a été décidé d’infliger une sanction à M. Didier aucune méconnaissance du principe d’impartialité rappelé à l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
B.  Le droit interne pertinent
Les dispositions pertinentes du décret n° 96-872 du 3 octobre 1996 relatif aux formations disciplinaires du Conseil des Marchés Financiers se lisent ainsi :
Article 2
« Lorsque le conseil agit en matière disciplinaire, le président fait parvenir à la personne mise en cause, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre contre récépissé, un document énonçant les griefs retenus, assorti, le cas échéant, de pièces justificatives ; il invite la personne mise en cause à faire parvenir ses observations écrites dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ; l’intéressé est également informé qu’il peut se faire assister par toute personne de son choix. »
Article 3
« Les observations produites par la personne mise en cause sont communiquées au commissaire du Gouvernement et à l’auteur de la saisine du conseil. »
Article 4
« Le président désigne, pour chaque affaire, la formation saisie et un rapporteur parmi les membres de celle-ci. Le rapporteur, avec le concours des services du Conseil des marchés financiers, procède à toutes investigations utiles. Il peut recueillir des témoignages. Il consigne le résultat de ces opérations par écrit. Les pièces du dossier sont tenues à la disposition de la personne mise en cause. »
Article 5
« La personne mise en cause est invitée, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre contre récépissé, dix jours au moins avant la date prévue, à assister à la séance au cours de laquelle le conseil se prononcera sur les faits relevés à son encontre. »
Article 6
« Lors de la séance qui ne peut se tenir que si cinq membres sont présents, le rapporteur présente l’affaire. Après observations éventuelles du commissaire du Gouvernement, la personne mise en cause et, le cas échéant, son conseil présentent la défense. Le président peut faire entendre par le conseil toute personne dont il estime l’audition utile. Dans tous les cas, la personne mise en cause et, le cas échéant, son conseil doivent pouvoir prendre la parole en dernier. »
Article 7
« La décision est prise par le conseil en la seule présence du commissaire du Gouvernement et d’un agent des services du conseil désigné par le président à cet effet. Le procès-verbal de la séance est signé du président, du rapporteur et de l’agent mentionné ci-dessus. Le commissaire du Gouvernement dispose d’un délai de trois jours pour demander une deuxième délibération. »
Article 8
« La décision est notifiée à l’intéressé et au commissaire du Gouvernement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le conseil en informe, s’il y a lieu, l’auteur de la saisine. Les personnes sanctionnées et le ministre chargé de l’économie et des finances disposent d’un délai de deux mois pour saisir le Conseil d’Etat d’un recours de pleine juridiction ; ce délai court pour le ministre à compter de la notification faite au commissaire du Gouvernement. (...) »
La loi 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières, en son article 69 (aujourd’hui abrogé et transféré dans le code monétaire et financier sous L622-15, L622-16, L622-17 et L622-18), dispose :
« Les personnes placées sous l’autorité ou agissant pour le compte des prestataires de services d’investissement, des entreprises de marché et des chambres de compensation sont passibles des sanctions prononcées par le Conseil des marchés financiers à raison des manquements à leurs obligations professionnelles, définies par les lois et règlements en vigueur (...) Les sanctions applicables sont l’avertissement, le blâme et le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle. En outre, le Conseil des marchés financiers peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à quatre cent mille francs ou au triple du montant des profits éventuellement réalisés. »
GRIEFS
1.  Le requérant considère tout d’abord qu’en raison de la gravité de la sanction qui lui a été infligée, il aurait dû être jugé en première instance par un vrai « tribunal » au sens de l’article 6 § 1, ce que, selon le Conseil d’Etat, le CMF n’est pas. Le double degré de juridiction, au sens de l’article 2 du Protocole n° 7, l’imposerait aussi.
2.  Le requérant soutient ensuite que le fait, pour le rapporteur du CMF, de participer au délibéré entache l’impartialité de ce « tribunal » et enfreint le principe de l’égalité des armes.
3.  Le requérant soutient encore que, en tant que juge d’appel, le Conseil d’Etat ne constitue pas un juge « de pleine juridiction », car l’appel n’a pas d’effet suspensif, le CMF était défendeur en appel, et le requérant n’a pas eu connaissance des conclusions du commissaire du gouvernement du Conseil d’Etat.
4.  Le requérant se plaint également de la violation de la présomption d’innocence en vertu de l’article 6 § 2 de la Convention, le CMF n’ayant pu légalement établir sa culpabilité et le Conseil d’Etat ne pouvant effacer la décision du CMF, faute d’effet suspensif de l’appel.
EN DROIT
1.  Le requérant allègue une violation de l’article 6 §§ 1 et 2 qui se lit ainsi :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...). 
2.  Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »
a) Le requérant se plaint d’une atteinte à la présomption d’innocence du fait de l’absence d’effet suspensif du recours en appel devant le Conseil d’Etat et qui plus est de l’exécution des sanctions avant que le Conseil d’Etat ait statué sur le recours.
La Cour note que le point litigieux concerne principalement l’impossibilité pour le requérant d’obtenir la suspension de l’exécution de la décision administrative en cause. Le grief tend donc à amener la Cour à contrôler le bien-fondé du refus du sursis à exécution opposé au requérant. La Cour rappelle toutefois qu’il est de jurisprudence constante (Ardex S.A. c. France, décision partielle du 14 mai 2002, n° 53951/00) que le sursis à exécution n’est jamais de droit et qu’il échappe à la compétence ratione materiae de la Cour.
Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
b) Le requérant se plaint également de la qualité de défendeur du CMF devant le Conseil d’Etat, dans la mesure où le CMF à été successivement juge et partie, ce qui porterait atteinte à l’égalité des armes et au caractère équitable de l’ensemble de la procédure.
La Cour rappelle tout d’abord qu’en faisant un recours contre la décision du CMF et en demandant donc au Conseil d’Etat d’annuler la décision de cet organisme, lequel a été doté par la loi du 2 juillet 1996 de la personnalité morale, c’est le requérant lui-même qui a conféré au CMF la qualité de partie défenderesse devant le Conseil d’Etat. La Cour rappelle ensuite et surtout que le principe de l’égalité des armes – l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable – requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Nideröst-Huber c. Suisse du 18 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, § 23). La Cour constate qu’à aucun moment dans le déroulement de la procédure devant le Conseil d’Etat, le requérant n’a été placé en situation de désavantage par rapport au CMF. En outre, la Cour ne voit aucun élément permettant de conclure à l’iniquité de la procédure.
Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
c) Le requérant se plaint de la non communication des conclusions du commissaire du gouvernement.
La Cour rappelle qu’elle avait déjà estimé sur ce point que la procédure suivie devant le Conseil d’Etat offre suffisamment de garanties au justiciable et que, par ailleurs, aucun problème ne se pose sous l’angle du droit à un procès équitable pour ce qui est du respect du contradictoire (arrêt Kress c. France [GC] du 7 juin 2001, n° 39594/98, CEDH 2001, § 76).
Il s’ensuit que ce grief doit aussi être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2.  Le requérant fait grief au CMF, statuant en formation disciplinaire, de ne pas constituer un tribunal impartial au sens de la Convention et de ne pas respecter le principe de l’égalité des armes, en raison notamment de la participation au délibéré du jugement du rapporteur chargé de l’instruction de l’affaire, alors qu’il statuerait sur le bien fondé d’accusations en matière pénale. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention précité.
La Cour rappelle qu’aux fins de l’article 6 § 1, l’impartialité doit s’apprécier selon une démarche subjective, essayant de déterminer la conviction personnelle de tel juge en telle occasion, et aussi selon une démarche objective amenant à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir, entre autres, les arrêts Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A n° 154, § 46 et De Cubber du 26 octobre 1984, série A n° 86, pp. 13-14, § 24). Quant à la première, le requérant ne l’a pas soulevée devant la Cour. Au demeurant, l’impartialité personnelle d’un magistrat se présume jusqu’à la preuve du contraire, non fournie en l’espèce. Reste donc l’appréciation objective qui consiste à se demander si indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier. En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance. Il y va de la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer aux justiciables, à commencer, au pénal, par les prévenus. Doit donc se récuser tout juge dont on peut légitimement craindre un manque d’impartialité (voir, mutatis mutandis, l’arrêt De Cubber précité, § 26).
La Cour note que dans une affaire similaire (Morel c. France du 6 juin 2000, n° 34130/96, § 45, CEDH 2000-VI), qui concernait notamment l’allégation d’impartialité du juge-commissaire devant le tribunal de commerce, elle avait estimé que « le simple fait, pour un juge, d’avoir déjà pris des décisions avant le procès ne peut passer pour justifier en soi des appréhensions relativement à son impartialité. Ce qui compte est l’étendue des mesures adoptées par le juge avant le procès. De même, la connaissance approfondie du dossier par le juge n’implique pas un préjugé empêchant de le considérer comme impartial au moment du jugement sur le fond. Enfin, l’appréciation préliminaire des données disponibles ne saurait non plus passer comme préjugeant l’appréciation finale. Il importe que cette appréciation intervienne avec le jugement et s’appuie sur les éléments produits et débattus à l’audience (voir, notamment, mutatis mutandis, les arrêts Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A n° 154, p. 22, § 50 ; Nortier c. Pays-Bas du 24 août 1993, série A n° 267, p. 15, § 33 ; Saraiva de Carvalho c. Portugal du 22 avril 1994, série A n° 286-B, p. 38, § 35) ».
La Cour doit donc rechercher tout d’abord si, durant la phase d’instruction puis de jugement, compte tenu de la nature et de l’étendue des fonctions du rapporteur, ce dernier fit preuve au regard de sa connaissance approfondie du dossier d’un parti pris quant à la décision à rendre par le CMF.
A cet égard la Cour rappelle que des circonstances peuvent, dans une affaire donnée, autoriser une conclusion différente de l’affaire Morel précitée (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Hauschildt précité, §§ 50 et 51, et a contrario les arrêts Saraiva de Carvalho, § 38, et Morel, § 48, précités). Il en va ainsi du rapporteur qui s’assura de l’existence de « soupçons particulièrement renforcés » durant la phase d’instruction, point sur lequel il fut amené à statuer au sein du tribunal par la suite. A contrario, dès lors que le juge n’accomplit pas d’acte d’accusation, sa connaissance approfondie du dossier n’implique pas du préjugé. Or, en l’espèce, la Cour note que le rapporteur, désigné après la saisine du CMF par le président de la Commission des Opérations de Bourse, ne peut être à l’origine de la saisine. En outre, aux termes des articles 2, 3 et 4 du décret du 3 octobre 1996, mentionnés par l’arrêt du Conseil d’Etat, il ne participe pas à la formulation des griefs ; il n’a pas le pouvoir de classer l’affaire ou, au contraire, d’élargir le cadre de la saisine ; enfin son travail consiste à terme, au titre de l’article 4 du décret susmentionné, à « consigner le résultat de ces opérations par écrit ». Il apparaît aux termes de ces éléments que le rapporteur, s’il traita des mêmes questions que celles sur lesquels il statua ensuite au sein du CMF, il le fit sans accomplir d’actes d’accusation et que son intervention se limita à la vérification de la véracité des faits pour ensuite consigner le résultat de ces opérations par écrit. Il en résulte donc que même si le rapporteur participe au délibéré, la circonstance qu’il ait obtenu une connaissance précise de l’affaire du fait d’avoir mené l’instruction ne contrevient en aucune façon au principe d’impartialité (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Morel précité, § 45).
La Cour doit encore vérifier si l’appréciation préliminaire opérée par le rapporteur ne saurait non plus passer comme préjugeant l’appréciation finale.
Cette appréciation préliminaire s’appuie sur un dossier tenu à la disposition de la personne mise en cause au sens de l’article 4 du décret n° 96/872 du 3 octobre 1996 relatif aux formations disciplinaires du CMF. Ce dossier fait l’objet d’une présentation par le rapporteur lors de la séance avant que les débats ne commencent au titre de l’article 6 du décret. Le même article prévoit que « Dans tous les cas, la personne mise en cause et, le cas échéant, son conseil, doivent pouvoir prendre la parole en dernier ». En ce sens il apparaît que l’appréciation finale, résultant du délibéré, intervient avec le jugement et s’appuie sur les éléments produits et débattus à l’audience (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Morel précité, § 45).
La Cour ne trouve donc, en l’espèce, aucun motif objectif de croire que la nature et l’étendue des tâches du rapporteur durant la phase d’instruction ait porté atteinte à son impartialité objective lors du délibéré. Au vu des circonstances particulières de la présente affaire, la Cour conclut que les appréhensions du requérant ne se trouvent pas, en l’espèce, objectivement justifiées.
Il s’ensuit que ces griefs doivent être rejetés comme manifestement mal fondés, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
3.  Le requérant se plaint de n’avoir pu bénéficier de deux degrés de juridiction alors qu’il faisait l’objet d’une accusation relevant de la matière pénale, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention précité et de l’article 2 du Protocole n° 7. Les dispositions de ce dernier se lisent comme suit :
« 1.  Toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L’exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi.
2.  Ce droit peut faire l’objet d’exceptions pour des infractions mineures telles qu’elles sont définies par la loi ou lorsque l’intéressé a été jugé en première instance par la plus haute juridiction ou a été déclaré coupable et condamné à la suite d’un recours contre son acquittement. »
La Cour rappelle que les Etats contractants disposent en principe d’un large pouvoir d’appréciation pour décider des modalités d’exercice du droit prévu par l’article 2 du Protocole n° 7. Toutefois, les limitations apportées par les législations internes au droit de recours mentionné par cette disposition doivent, par analogie avec le droit d’accès au tribunal consacré par l’article 6 § 1 de la Convention, poursuivre un but légitime et ne pas porter atteinte à la substance même de ce droit (voir, mutatis mutandis, la décision Haser c. Suisse, n° 33050/96, du 27 avril 2000, et l’arrêt Krombach c. France, n° 29731/9, du 13 février 2001, § 96, CEDH 2001-II).
La Cour relève que l’article 8 du décret n° 96-872 du 3 octobre 1996 relatif aux formations disciplinaires du CMF prévoit un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat. La Cour en tire la conséquence que l’article 2 du Protocole n° 7 n’a pas davantage été violé que l’article 6 § 1 de la Convention. La Cour considère en effet que, quelle que soit la qualification qui lui est donnée en droit interne, le Conseil des marchés financiers, selon les critères de sa jurisprudence et la notion autonome qu’elle a d’un « tribunal » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, doit être regardé comme un « tribunal » au sens de ces dispositions (voir, par exemple, l’arrêt Sramek c. Autriche du 22 octobre 1984, série A n° 84, § 36). Elle observe en outre qu’un « tribunal » au sens de l’article 6 l’est également au sens de l’article 2 du Protocole n° 7 (décision Hauser c. Autriche du 16 janvier 1996, D.R. 84, p. 164). La Cour note enfin que le contrôle exercé par le Conseil d’Etat sur les décisions du CMF est un contrôle de pleine juridiction, si bien qu’en se livrant à ce contrôle le Conseil d’Etat est lui aussi un « organe judiciaire de pleine juridiction », c’est-à-dire un « tribunal » (voir a contrario l’arrêt Diennet c. France du 26 septembre 1995, série A n° 325-A, § 34). Dans ces conditions, la Cour estime que le requérant a eu droit à un double degré de juridiction en matière pénale, conformément aux stipulations du premier alinéa de l’article 2 du Protocole n° 7.
Il s’ensuit que ce grief doit également être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
S. Dollé Gaukur Jörundsson   Greffière Président
DÉCISION DIDIER c. FRANCE
DÉCISION DIDIER c. FRANCE 


Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE CIVILE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE, (Art. 6-1) PROCES PUBLIC, (Art. 6-1) TRIBUNAL IMPARTIAL, (Art. 6-1) TRIBUNAL INDEPENDANT, (P1-1-1) BIENS, (P1-1-1) RESPECT DES BIENS


Parties
Demandeurs : DIDIER
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (première section)
Date de la décision : 27/08/2002
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 58188/00
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2002-08-27;58188.00 ?
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