La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2002 | CEDH | N°36732/97

CEDH | AFFAIRE PISANO c. ITALIE


AFFAIRE PISANO c. ITALIE
(Requête no 36732/97)
ARRÊT
(Radiation)
STRASBOURG
24 octobre 2002
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Pisano c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l'Homme, siégeant en une Grande Chambre composée des juges dont le nom suit :
MM. L. Wildhaber, président,    C.L. Rozakis,    J.-P. Costa,    G. Ress,    B. Conforti,    A. Pastor Ridruejo,    L. Caflisch,    J. Makarczyk,    P. KÅ«ris,   Mme F. Tulkens,   MM. C. Bîrsan,  Â

 Â K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mmes N. Vajić,
H.S. Greve,    S. Botoucharova,   M. M. Ugrekhelidze,  ainsi ...

AFFAIRE PISANO c. ITALIE
(Requête no 36732/97)
ARRÊT
(Radiation)
STRASBOURG
24 octobre 2002
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Pisano c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l'Homme, siégeant en une Grande Chambre composée des juges dont le nom suit :
MM. L. Wildhaber, président,    C.L. Rozakis,    J.-P. Costa,    G. Ress,    B. Conforti,    A. Pastor Ridruejo,    L. Caflisch,    J. Makarczyk,    P. Kūris,   Mme F. Tulkens,   MM. C. Bîrsan,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mmes N. Vajić,
H.S. Greve,    S. Botoucharova,   M. M. Ugrekhelidze,  ainsi que de M. P. J. Mahoney, greffier,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 décembre 2001 ainsi que les 28 mars, 5 juin et 25 septembre 2002,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 36732/97) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Massimo Pisano (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 28 octobre 1996 en vertu de l'ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant est représenté par Mes P. Cutellè et F. Cigliano, avocats à Rome, et le gouvernement italien (« le Gouvernement ») par son agent, M. U. Leanza, et son coagent, M. V. Esposito.
3.  L'affaire porte sur les griefs du requérant tirés de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention concernant l'iniquité alléguée d'une procédure pénale dirigée contre lui et plus particulièrement le refus des juridictions italiennes de convoquer M. B. en tant que témoin à décharge.
4.  A la suite de l'entrée en vigueur du Protocole no 11 le 1er novembre 1998, et conformément à l'article 5 § 2 de celui-ci, l'affaire a été transmise à la Cour et attribuée à la deuxième section (article 52 § 1 du règlement de la Cour). La chambre constituée au sein de ladite section pour examiner l'affaire (article 26 du règlement) était composée de M. C.L. Rozakis (président), de MM. B. Conforti, G. Bonello, P. Lorenzen, M. Fischbach, Mme M. Tsatsa-Nikolovska et M. E. Levits, juges, ainsi que de M. E. Fribergh, greffier de section.
5.  Le 6 juillet 1999, la chambre a déclaré la requête recevable. Dans son arrêt du 27 juillet 2000 (« l'arrêt de la chambre»), la chambre a exprimé l'avis, par cinq voix contre deux, qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention pris seul ou combiné avec le paragraphe 3 d) de la même disposition. Une opinion dissidente commune aux juges Rozakis et Bonello était jointe à cet arrêt.
6.  Le 26 octobre 2000, le requérant a demandé le renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre (article 43 de la Convention).
7.  Le 13 décembre 2000, le collège de la Grande Chambre a décidé de retenir la demande de renvoi (article 73 du règlement de la Cour).
8.  La composition de la Grande Chambre a été arrêtée conformément aux articles 27 §§ 2 et 3 de la Convention et 24 du règlement.
9.  Le 26 février 2001, le requérant a informé la Cour qu'une demande de révision – introduite par lui devant les juridictions nationales le 30 juillet 1999 mais jamais portée à la connaissance de la Cour – avait été accueillie, et que le 19 février 2001, à l'issue de son nouveau procès qui avait notamment comporté l'audition du témoin B., la cour d'appel de Pérouse l'avait acquitté. Il indiquait aussi qu'un pourvoi en cassation était pendant contre l'arrêt d'acquittement (paragraphes 16-19 ci-dessous).
10.  Dans ces conditions, la Cour a invité les parties à lui indiquer quelles conclusions il y avait lieu de tirer, selon elles, au regard de la Convention du fait que, dans le cadre de la procédure de révision, le témoin B. avait été entendu, le requérant avait été acquitté et un pourvoi en cassation était encore pendant. Les parties devaient également indiquer l'incidence de la procédure de révision sur les demandes de satisfaction équitable présentées par le requérant à la chambre.
11.  Les deux parties ont déposé des mémoires. Elles ont également informé la Cour que la Cour de cassation avait confirmé l'acquittement du requérant le 26 septembre 2001.
12.  Le 28 mars 2002, la Grande Chambre a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire. Dans la procédure écrite qui s'en est suivie, les deux parties ont répliqué à leurs mémoires respectifs, le requérant a fait parvenir ses demandes de satisfaction équitable et le Gouvernement a présenté des observations sur ces demandes.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
13.  Le requérant, né en 1960, a été condamné définitivement à la réclusion criminelle à perpétuité. Il a été par la suite acquitté lors du procès en révision, ouvert à sa demande après qu'il eut saisi la Cour.
14.  La présente requête porte sur le déroulement du premier procès.
A.  Les faits constatés dans l'arrêt de la chambre
15.  Dans son arrêt (paragraphes 6-14), la chambre a constaté les faits suivants :
« 6.  Le 4 août 1993, la femme du requérant, Mme B., fut assassinée. Plusieurs éléments portaient à croire que le meurtre avait eu lieu entre 11 h 30 et 12 heures (et de toute façon, dans un laps de temps proche de cet horaire) dans l'appartement de Mme A., avec qui le requérant entretenait une relation extraconjugale.
7.  Des poursuites furent ensuite entamées à l'encontre du requérant et de Mme A.
Du 7 août au 8 novembre 1993, le requérant fut interrogé à quatre reprises par le procureur de la République de Rome. Il nia sa participation au meurtre et déclara que, le 4 août 1993, il s'était rendu à l'institut supérieur de police, où il travaillait, et qu'il ne s'était absenté qu'entre 10 heures et 11 h 30 pour faire un double de clefs et pour déposer certains documents au cadastre. Il indiqua, en particulier, qu'il manquait un tampon pour compléter le dossier de la personne qui le précédait dans la file d'attente au bureau du cadastre, ce qui avait suscité une discussion avec un employé. Le requérant n'avait toutefois pas été en mesure d'indiquer l'identité de cette personne.
Les horaires relatifs à l'absence du requérant de l'institut supérieur de police furent ensuite confirmés par les déclarations de ses collègues. Au cours du procès, le requérant produisit une copie des documents qu'il aurait déposés au cadastre le jour du meurtre, sur lesquels figurait un tampon de réception.
Lors de ses interrogatoires, Mme A. déclara que le meurtre avait été commis par le requérant et que celui-ci lui avait ensuite demandé de faire disparaître le cadavre.
8.  A une date non précisée, le requérant et Mme A. furent renvoyés en jugement devant la cour d'assises de Rome pour homicide avec préméditation et dissimulation de cadavre.
9.  A l'audience du 28 octobre 1994, le requérant demanda, en vertu de l'article 507 du code de procédure pénale (ci-après le « CPP »), la convocation et l'audition de M. B. en tant que témoin à décharge. Il alléguait notamment que ce dernier était la personne qui le précédait dans la file d'attente au cadastre le jour du meurtre et qui aurait pu confirmer les faits signalés lors de ses interrogatoires ; son nom n'avait pu être indiqué dans la liste des témoins car son identité avait été découverte tardivement à l'issue d'une longue recherche. (...)
Par une ordonnance du 28 octobre 1994, la cour d'assises de Rome rejeta la demande du requérant au motif que l'audition de M. B. ne s'avérait pas « absolument nécessaire » (article 507 du CPP).
Au cours de l'instruction de l'affaire, les carabiniers effectuèrent une reconstitution des faits visant à établir le temps nécessaire pour couvrir, au début du mois d'août et avec une voiture identique à celle du requérant, les vingt-trois kilomètres séparant l'institut de police de l'appartement de Mme A. Il s'avéra que le voyage aller-retour pouvait être effectué en quarante minutes.
10.  Par un arrêt du 29 novembre 1994, dont le texte fut déposé au greffe le 24 décembre 1994, la cour d'assises de Rome condamna le requérant et Mme A. à la réclusion criminelle à perpétuité. La cour nota que le requérant n'avait fourni aucun élément de nature à prouver la réalité de son passage au cadastre. En effet, les documents produits ne démontraient pas que leur dépôt avait été effectué par le requérant, et non par un tiers. (...)
Dans ses motifs, la cour indiqua également que plusieurs indices prouvaient la responsabilité du requérant, notamment les ecchymoses et blessures constatées sur ses mains et jambes, l'accusation de complicité (chiamata di correo) formulée par Mme A., ainsi que les nombreux contacts téléphoniques et personnels qu'il avait eus avec cette dernière avant et après le crime.
11.  Le requérant interjeta appel devant la cour d'assises d'appel de Rome. Il contesta, entre autres, le refus de convoquer M. B. en tant que témoin à décharge et le manque d'investigations sur des faits et circonstances favorables à la défense.
12.  Par un arrêt du 27 novembre 1995, dont le texte fut déposé au greffe le 6 décembre 1995, la cour d'assises d'appel de Rome confirma la décision de première instance.
La cour estima que la situation de l'accusé était celle d'une personne présentée comme coresponsable du crime dont elle était accusée. Par conséquent, la cour nota qu'elle devait vérifier d'abord la validité des déclarations mettant en cause le requérant et, par la suite, l'existence ou non d'autres éléments de preuve. La cour constata donc, en premier lieu, la crédibilité et la spontanéité de la mise en cause de l'accusé par sa complice. La cour passa ensuite à l'examen d'autres éléments parmi lesquels figurait le fait que l'accusé avait un motif valable de tuer sa femme. La cour constata également que l'autopsie avait montré que deux personnes avaient participé à l'assassinat et que la seule personne susceptible d'aider l'accusée était le requérant, étant donné que toutes les personnes de la famille de celle-ci avaient un alibi. La cour examina le fait que le requérant présentait plusieurs ecchymoses sur le corps et que celles-ci étaient placées à un endroit qui pouvait laisser supposer une lutte avec la victime. La cour examina également les appels téléphoniques entre le requérant et sa complice, constatant une absence d'appels le jour du crime, ainsi que les rencontres entre les deux accusés l'après-midi de l'assassinat et le lendemain. Elle nota par ailleurs un appel téléphonique anonyme au frère de la victime, faisant état d'éléments que seul le requérant était susceptible de connaître. La cour y vit là une tentative de détourner les investigations. En conclusion, la cour estima que les éléments examinés prouvaient de manière plus que satisfaisante que l'accusé avait participé au crime. A ce moment-là, la cour d'assises d'appel commença par étudier l'importance de l'alibi présenté par l'accusé et dit :
« Devant ces constatations univoques et probantes, aucune validité ne peut être donnée à l'alibi de l'accusé. La cour ne peut que souscrire aux considérations de la juridiction de première instance qui, d'une manière plus que ponctuelle, démontrent l'absence de preuves pour étayer les arguments de la défense et, en tout cas, la pleine compatibilité de l'heure du crime avec la durée de l'absence de l'accusé de son lieu de travail. (...) Pour cette raison, les demandes d'instruction présentées par la défense ne sont pas pertinentes. »
13.  Le requérant se pourvut en cassation pour se plaindre, entre autres, du refus de convoquer M. B. en tant que témoin à décharge.
14.  Par un arrêt du 18 avril 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 9 mai 1996, la Cour de cassation, considérant que la cour d'assises d'appel avait motivé de façon logique et correcte tous les points controversés, débouta le requérant de son pourvoi. Elle rappela notamment que,
« Il ressort clairement de la lecture de l'arrêt de la cour d'assises – auquel s'est presque entièrement référé celui de la cour d'appel – que l'alibi de l'accusé a été pris en considération et clairement jugé caduc, dénué de substance et, en tout cas, non prouvé sinon pour ce qui est des références d'ordre temporel qui ont été indiquées d'une manière incertaine. 
Au sujet des moyens de cassation attaquant la décision des juridictions de ne pas entendre à nouveau des témoins, la Cour de cassation jugea que ceux-ci devaient être rejetés :
« En réalité, les juges du fond ont fourni une motivation précise sur chaque point, fondée sur des constatations faites durant le procès, sur les conclusions des expertises – (...) – et, enfin, sur la gravité des faits et du comportement des accusés. » »
B.  Les faits postérieurs à l'arrêt de la chambre
1.  La procédure en révision
16.  Le 30 juillet 1999, le requérant introduisit une demande en révision devant la cour d'appel de Pérouse. Cependant, la Cour n'a été informée de cette procédure qu'après l'achèvement de la procédure devant la chambre.
Par un arrêt du 19 février 2001, déposé au greffe le 1er mars 2001, la cour d'appel de Pérouse estima fondée la demande en révision et rejugea l'affaire. A l'issue du procès, la cour d'appel acquitta le requérant.
17.  Au cours de ce nouveau procès, la cour d'appel recueillit le témoignage de B. et en donna un résumé exhaustif dans l'arrêt de révision.
18.  Il ressort de l'arrêt de la cour d'appel, long de 276 pages, que l'acquittement a été décidé à la suite de l'examen de plusieurs éléments, y compris l'audition de B., que la juridiction résuma ainsi [pp. 41-42 de l'arrêt de révision repris, en termes presque identiques, dans les considérants relatifs au bien-fondé de la demande en révision, pp. 113-115] :
« Il a été par la suite procédé à l'audition de B., jamais entendu pendant le procès qui a abouti à l'arrêt de condamnation, employé de l'ATAC [la régie des transports urbains de Rome], qui à l'époque des faits était âgé de trente ans et avait un deuxième travail de géomètre ; il allait souvent au cadastre de Rome pour des dossiers concernant le cadastre.
Le témoin a des caractéristiques similaires à celles indiquées par M. Pisano quand ce dernier avait été entendu le 8 novembre 1993 par le parquet alors qu'il était retenu sans avoir la possibilité de s'entretenir avec d'autres personnes (« Devant moi au cadastre il y avait deux personnes. Je me souviens que quand j'attendais au bureau de l'enregistrement pour faire enregistrer certains dossiers, l'employé se rendit compte qu'une personne qui était dans la file devant moi n'avait pas un cachet sur un dossier. Il s'agissait d'un jeune homme de 25-30 ans, avec des cheveux châtains coupés courts. » - pp. 185-186 du dossier de l'enquête, annexe 92). Le témoin, après avoir pris connaissance du dossier de modification cadastrale « Primavera », qui lui a été montré pendant l'audience, a déclaré que – dans le cadre d'une collaboration occasionnelle avec le géomètre G. S. – il avait rempli et déposé  en personne, le 4 août 1993, le dossier « Primavera », portant les numéros d'enregistrement 63465/6/7/8 et précédant immédiatement le dossier « Monari », trouvé à l'intérieur de l'attaché-case de l'accusé et ayant le numéro de protocole 63469 (...). Il a indiqué qu'il s'était rendu au guichet E où un employé avait pris son dossier et l'avait remis au responsable de l'enregistrement.
Le témoin a indiqué que, comme d'habitude, il était arrivé au cadastre aux alentours de 10 h - 10 h 30, avait fait la queue pour parler à l'employé de service puis au bureau de l'enregistrement, mais que « au moment de récupérer [son] dossier, [sa] planimétrie n'avait pas de cachet et [qu'il avait] donc dû le récupérer par la suite » (p. 92). De cette manière, il a confirmé ce que l'accusé avait déclaré lors de l'interrogatoire du 8 novembre 1993.
Le géomètre B. a ajouté que la constatation de l'absence de cachet avait été faite dans des termes civilisés, étant donné qu'il avait reconnu l'erreur, que le géomètre G.S. en fut informé et que, par la suite, celui-ci lui donna le tampon pour remédier à l'erreur bureaucratique constatée par le service de l'enregistrement.
Il a en outre déclaré que, lorsque l'autre procès avait eu lieu, le géomètre G. S. avait été contacté par le frère de l'accusé, M. Mario Pisano, que le géomètre G. S. l'avait adressé à lui et qu'il avait écrit un courrier [au défenseur de l'accusé de l'époque] qui était en substance conforme aux déclarations qu'il faisait maintenant (voir pièce annexe à la demande de révision).
M. B. a enfin déclaré qu'il a toujours porté les cheveux courts, qu'il était déjà  dégarni en 1993 et qu'il n'a pas profondément changé de physionomie. [pp. 41-42]. (...) »
Par la suite, la cour d'appel évalua la conduite du requérant et tira des conclusions d'ordre logique [extraits des pp. 148-227] :
« La cour qui, jusqu'à présent, a fait une référence rigoureuse au contenu du dossier du procès, sans y ajouter d'« hypothèses » logiques, estime devoir formuler maintenant deux considérations, qui ne sont certainement pas secondaires, d'ordre logique et juridique. [p. 148]
1) (...) Il apparaît avec une évidence élémentaire que, si M. Pisano avait effectivement prémédité et mis à exécution le délit à Riano avec le même soin que celui  avec lequel – selon l'hypothèse avancée pendant le procès – il « aurait pu remettre » (à quel moment ?) les dossiers « Trappetti » et « Monari » à un « remplaçant » pour l'envoyer au cadastre (hypothèse en tout cas exclue par les nouvelles preuves), en se faisant par la suite rendre « éventuellement » (quand ?) par celui-ci le « reçu provisoire » du dossier « Monari » (...), il aurait dû également garder, avec le même soin, les reçus fiscaux [prouvant son passage à la quincaillerie] qu'il a au contraire jetés. [p. 149]
8) Indication des raisons pour lesquelles sont rejetées les preuves contraires présentées par le parquet général et les conseils des parties civiles [p. 200]
Tout cela donne la « certitude », abstraitement invoquée par Me Cristiani [un avocat des parties civiles] pour d'autres raisons, de l'innocence de M. Pisano.
Et ce sans même prendre en considération la preuve positive de l'alibi par laquelle l'accusé a démontré sa présence aux bureaux du cadastre de Rome entre 10 h 40 et 11 h 15 le 4 août 1993 (...) [p. 223]
Me Monno [un autre avocat des parties civiles] a par la suite contesté la preuve positive de l'alibi.
Me Monno, toujours au sujet de l'alibi, a rappelé la prétendue pratique selon laquelle, afin d'éviter un gaspillage de temps au bureau du cadastre, les « reçus provisoires » étaient rédigés quelques jours avant leur présentation, chose qui « pouvait être arrivée » aussi avec le dossier « Monari », auquel cas l'accusé « aurait pu envoyer un remplaçant » qui, par la suite, « aurait pu lui rendre » le reçu provisoire du dossier « Monari ». 
Cette hypothèse est non seulement apparue comme purement abstraite, mais décidément démentie par les « nouvelles preuves » acquises pendant le procès en révision, à savoir les dépositions des témoins B., A., D.G. et l'expertise en écritures, et qui démontrent d'une façon incontestable que : [p. 226]
3) les deux « reçus provisoires » remplis à 11 h 00 le 4 août 1993 au moment de la présentation du dossier « Monari » au bureau du cadastre de Rome (l'un est resté aux archives du bureau tandis que l'autre a été trouvé, non froissé, dans l'attaché-case pris à M. Pisano, et examiné pour la première fois dans ce procès en révision à l'audience du 16 décembre 2000), se sont révélés être rédigés de la main de M. Pisano, et même s'il s'agit de deux formulaires au contenu identique, ils présentent des différences pour ce qui est des cases cochées, ce qui veut dire d'une manière irréfragable que l'accusé ne les a pas remplis « commodément », à un stade antérieur, mais dans une situation inconfortable, en s'appuyant sur son attaché-case (...) [p. 227] »
2.  Le pourvoi en cassation contre l'arrêt de révision
19.  A une date non précisée, des pourvois en cassation furent déposés contre l'arrêt du 19 février 2001 par le parquet de Pérouse et par les parties civiles. Le 26 septembre 2001, la Cour de cassation, siégeant toutes chambres réunies, rejeta les pourvois, en confirmant la décision de la cour d'appel. Pour la haute juridiction, la non-audition de B. fut également un argument, parmi d'autres, à prendre en considération.
II.  LE Droit ET LA PRATIQUE interneS pertinentS
A.  Audition des témoins pendant le procès
20.  Quant aux investigations du parquet, l'article 358 du code de procédure pénale dispose que le procureur de la République « doit accomplir toute activité nécessaire aux fins de l'article 326 [enquêtes concernant l'exercice de l'action pénale] et doit aussi enquêter sur tout fait ou circonstance favorable à l'accusé ».
21.  Lorsqu'une partie souhaite obtenir la convocation d'un témoin, elle doit indiquer son nom et les circonstances sur lesquelles il sera appelé à témoigner, sur une liste qui doit être déposée au greffe de la juridiction compétente, au moins sept jours avant la date de la première audience (article 468 § 1 du code de procédure pénale).
22.  La convocation d'un témoin non indiqué dans la liste en question est réglementée par l'article 507 du code de procédure pénale, aux termes duquel « après l'administration des preuves, le juge, s'il l'estime absolument nécessaire, peut ordonner, même d'office, l'administration de nouveaux éléments de preuve ».
B.  Réparation de l'erreur judiciaire
23.  D'après l'article 643, paragraphe 1, du code de procédure pénale :
« Toute personne qui a été acquittée par un arrêt de révision, a droit à une réparation proportionnée à la durée de la peine ou de l'internement éventuellement purgés et aux conséquences personnelles et familiales causées par la condamnation, à condition de ne pas avoir contribué à l'erreur judiciaire par dol ou par une faute grave. »
EN DROIT
I.  Sur la demande du gouvernement de revenir sur la décision du Collège de la Grande Chambre
24.  Le Gouvernement demande à la Grande Chambre de revenir sur la décision du collège de cinq juges d'accepter la demande de renvoi (paragraphe 7 ci-dessus). Selon lui, cette dernière ne remplirait pas les conditions requises par l'article 43 de la Convention, ainsi libellé :
« 1.  Dans un délai de trois mois à compter de la date de l'arrêt d'une chambre, toute partie à l'affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre.
2.  Un collège de cinq juges de la Grande Chambre accepte la demande si l'affaire soulève une question grave relative à l'interprétation ou à l'application de la Convention ou de ses Protocoles, ou encore une question grave de caractère général.
3.  Si le collège accepte la demande, la Grande Chambre se prononce sur l'affaire par un arrêt. »
D'après le Gouvernement, l'affaire ne soulèverait aucune question grave relative à l'interprétation ou à l'application de la Convention, ou bien simplement de caractère général. Il insiste sur le fait que le requérant n'a fourni aucune indication de ce genre mais s'est limité à renvoyer à l'opinion dissidente annexée à l'arrêt de la chambre. Or celle-ci n'est pas suffisante pour justifier le réexamen de l'affaire, car elle ne met absolument pas en cause l'interprétation à donner de l'article 6 de la Convention. Enfin, le Gouvernement affirme que la Grande Chambre, étant donné qu'elle est juge en dernier ressort de sa propre compétence et de la légitimité de sa saisine, n'est pas liée par l'avis des cinq juges.
25.  Le requérant ne prend pas position sur cette question.
26.  La Grande Chambre constate que ni la Convention ni le règlement de la Cour ne lui donnent compétence pour réexaminer la décision du collège d'accepter une demande de renvoi. De plus, l'article 43 § 3 de la Convention dispose :
« Si le collège accepte la demande, la Grande Chambre se prononce sur l'affaire par un arrêt. »
Il ressort clairement de ce libellé que, lorsque le collège a accepté une demande de renvoi, la Grande Chambre n'a pas d'autre possibilité que d'examiner l'affaire.
27.  De ce fait, une fois que le collège a constaté que l'affaire soulève ou pourrait soulever une question grave au sens du paragraphe 2 de cet article, c'est l'ensemble de « l'affaire », telle qu'elle a été déclarée recevable, qui est automatiquement renvoyé devant la Grande Chambre, laquelle se prononce en principe par un nouvel arrêt. Toutefois, il n'est pas exclu qu'elle ait à se prononcer, le cas échéant, sur des questions relatives à la recevabilité de la requête comme cela est loisible à la chambre dans le cadre de la procédure habituelle, par exemple en vertu de l'article 35 § 4 in fine de la Convention (qui habilite la Cour à « rejete[r] toute requête qu'elle considère comme irrecevable (... ) à tout stade de la procédure »), ou lorsque ces questions ont été jointes au fond ou encore lorsqu'elles présentent un intérêt au stade de l'examen au fond (K. et T. c. Finlande [GC], no 25702/94, CEDH 2001-VII, §§ 140-141).
28.  De même, la Grande Chambre peut être amenée à appliquer d'autres dispositions de la Convention qui permettent de clore la procédure autrement que par un arrêt sur le fond du litige, par exemple en approuvant un règlement amiable (article 39 de la Convention) ou en rayant l'affaire du rôle (article 37). Le principe qui régit la procédure de la Grande Chambre à l'instar de celle devant les autres chambres de la Cour est qu'elle doit juger les faits, tels qu'ils se présentent au moment de sa décision, en leur appliquant la solution juridique appropriée. Une fois saisie, la Grande Chambre peut donc exercer la plénitude des fonctions juridictionnelles de la Cour.
29.  Il s'ensuit que la demande du Gouvernement de revenir sur la décision du collège de cinq juges doit être rejetée.
II.  sur les consÉquences À tirer de l'acquittement ultÉrieur du requÉrant
30.  Dans sa requête, le requérant se plaint de l'iniquité de la procédure pénale dirigée contre lui en raison du fait que les juridictions du fond avaient refusé de citer M. B. en tant que témoin à décharge. Il allègue une violation de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention et maintient ce grief même après son acquittement survenu – après l'arrêt de la chambre – par la voie d'une procédure en révision.
31.  En effet, le requérant soutient que son acquittement ne saurait constituer un obstacle à l'examen de la requête. L'acquittement n'aurait aucune influence sur le fait que la procédure italienne en la matière telle qu'elle lui avait été appliquée antérieurement ne serait pas conforme à l'article 6 de la Convention. Aussi, le préjudice qu'il a subi en conséquence aurait un caractère irréversible. Sur ce point, il fait remarquer que la réparation à laquelle il a droit aux termes de la législation interne ne couvrirait pas le préjudice tirant son origine de la violation de l'article 6 de la Convention. Cependant, après s'être réservé la possibilité de soumettre des précisions et des demandes spécifiques de satisfaction équitable pour le cas où la Cour conclurait à la violation, le requérant ne chiffre pas ses prétentions au titre de l'article 41 de la Convention et s'en remet à la sagesse de la Cour.
32.  Le Gouvernement souligne que l'acquittement du requérant à l'issue de la procédure de révision fait perdre toute actualité à la requête et entraîne pour le requérant la perte de la qualité de « victime ». Il demande à la Cour de déclarer la requête irrecevable, le requérant ayant omis d'épuiser les voies de recours internes en présentant son cas à la Cour avant l'issue de la procédure en révision, ou, à titre subsidiaire, au motif que le requérant, ayant obtenu un redressement de sa situation sur le plan interne, ne pourrait plus se prétendre victime d'une violation des droits garantis par la Convention. A défaut, le Gouvernement demande à la Grande Chambre de confirmer l'arrêt de la chambre selon lequel il n'y a pas eu en l'espèce violation de l'article 6 de la Convention, et de débouter le requérant de ses demandes de satisfaction équitable.
A.  Sur l'exception préliminaire du Gouvernement
33.  La Cour doit d'emblée examiner l'exception préliminaire du Gouvernement par laquelle il demande à la Cour de juger la requête irrecevable. Elle comprend cette demande comme une invitation à appliquer la dernière phrase de l'article 35 § 4 de la Convention selon laquelle la Cour peut rejeter une requête qu'elle considère comme irrecevable « à tout stade de la procédure ».
34.  Cette disposition, qui remplace l'ancien article 29 de la Convention (rapport explicatif au Protocole no 11, H (94)5, § 88), permet à la Cour, même au stade de l'examen du fond, sous réserve de ce qui est prévu à l'article 55 de son règlement, de revenir sur la décision par laquelle la requête a été déclarée recevable lorsqu'elle constate que celle-ci aurait dû être considérée comme irrecevable pour une des raisons énumérées aux alinéas 1 à 3 de ce même article, y compris l'incompatibilité avec les dispositions de la Convention (article 35 § 3 combiné avec l'article 34 de la Convention). Selon sa jurisprudence constante, une telle incompatibilité existe, ratione personae, si le requérant ne peut pas, ou ne peut plus, se prétendre victime de la violation alléguée (voir, par exemple, arrêt Ilhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 52, CEDH 2000-VII).
35.  En espèce, la Cour note pourtant qu'au moment de l'introduction de la requête ainsi qu'au moment où la chambre a déclaré celle-ci recevable, le requérant était parfaitement en droit de se plaindre de la procédure pénale par laquelle il avait été condamné à la réclusion à perpétuité sans qu'un témoin à décharge selon lui essentiel n'ait été entendu. Cette condamnation est devenue définitive, le requérant ayant épuisé tous les recours disponibles en droit interne pour faire valoir ses arguments au sujet de la non-audition de ce témoin. Les griefs tirés de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention qu'il a soumis à la Cour à cet égard n'étaient pas manifestement mal fondés, comme la chambre l'a constaté dans sa décision du 6 juillet 1999 sur la recevabilité de la requête, et le collège de la Grande Chambre a par la suite certifié qu'ils soulevaient des questions graves relatives à l'interprétation ou à l'application de la Convention.
36.  Il est vrai que le requérant a omis d'informer la Cour à temps de l'introduction de sa demande en révision, mais contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, ce moyen ne constituait pas une voie de recours qu'il était tenu d'épuiser au regard de l'article 35 § 1 de la Convention. La Cour renvoie à sa jurisprudence constante selon laquelle les moyens extraordinaires de ce type ne constituent pas des recours effectifs au sens de cette disposition (Kiiskinen c. Finlande (déc.), no 26323/95, CEDH 1999-V).
37.  Reste la question de savoir si la requête doit être rejetée pour incompatibilité avec les dispositions de la Convention ratione personae, le requérant ayant perdu, par son acquittement définitif à l'issue du procès en révision au cours duquel le témoin B. a été entendu, la qualité de « victime », au sens de l'article 34 de la Convention, d'une quelconque violation de la Convention. A cet égard, la Cour relève que, malgré le redressement de la situation dont le requérant se plaint, les juridictions italiennes compétentes n'ont pas constaté une violation des dispositions pertinentes de la Convention du fait que le témoin B. n'avait pas été entendu au premier procès (arrêt Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, §§ 41-45, CEDH 1999-VI).
38.  En l'absence d'une telle reconnaissance par les autorités nationales, la Cour considère qu'elle ne peut pas, sur la base de faits qui sont intervenus après une première déclaration de recevabilité, déclarer par la suite la requête irrecevable et la rejeter en vertu de l'article 35 § 4 in fine de la Convention au motif que le requérant ne peut plus se prétendre « victime » de la violation alléguée.
39.  Il s'ensuit que l'exception préliminaire du Gouvernement doit être rejetée. Cette conclusion ne dispense pas la Cour de vérifier si l'affaire doit être rayée du rôle en raison d'événements ultérieurs, c'est-à-dire pour l'un des motifs énoncés à l'article 37 de la Convention.
B.  Sur l'application de l'article 37 de la Convention
40.  La Cour doit donc rechercher si les faits nouveaux portés à sa connaissance – à savoir l'audition de B. au cours de la procédure de révision et l'acquittement du requérant – peuvent l'amener à conclure que le litige est désormais résolu ou qu'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête pour un autre motif et que, dès lors, la requête peut être rayée du rôle de la Cour en application de l'article 37 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
«   A tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure
a)  que le requérant n'entend plus la maintenir; ou
b)  que le litige a été résolu; ou
c)  que, pour tout autre motif dont la Cour constate l'existence, il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête.
Toutefois, la Cour poursuit l'examen de la requête si le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles l'exige. »
41.  Le requérant ayant clairement indiqué qu'il entendait maintenir sa requête, l'alinéa a) de cette disposition n'est pas applicable. Cela n'exclut pourtant pas d'appliquer les alinéas b) ou c) sans l'accord du requérant, le consentement de celui-ci n'étant pas une condition à cet égard (voir Akman c. Turquie (radiation), no 37453/97, CEDH 2001-VI).
42.  Pour conclure que le litige a été résolu au sens de l'article 37 § 1 b) et que le maintien de la requête par le requérant ne se justifie donc plus objectivement, la Cour considère qu'il est nécessaire d'examiner, d'une part, la question de savoir si les faits dont le requérant fait directement grief persistent ou non et, d'autre part, si les conséquences qui pourraient résulter d'une éventuelle violation de la Convention à raison de ces faits ont également été effacées. Cette approche reflète la structure du mécanisme de contrôle de la Convention qui prévoit à la fois une décision, ou un arrêt motivé, sur la question de savoir si les faits contestés sont en conformité avec les exigences de la Convention (article 45) et, si tel n'est pas le cas, l'octroi d'une satisfaction équitable (article 41).
43.  La Cour rappelle aussi que, selon sa jurisprudence, en vertu de l'article 46 de la Convention, les Parties contractantes se sont engagées à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties, le Comité des Ministres étant chargé d'en surveiller l'exécution. Il en découle notamment que l'Etat défendeur reconnu responsable d'une violation de la Convention ou de ses Protocoles est appelé non seulement à verser aux intéressés les sommes allouées à titre de satisfaction équitable, mais aussi à choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales et/ou, le cas échéant, individuelles à adopter dans son ordre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la Cour et d'en effacer autant que possible les conséquences  (Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 249, CEDH 2000-VIII).
44.  La Cour a examiné les éléments nouveaux portés à sa connaissance. Eu égard à leur nature ainsi qu'aux observations des parties, elle estime que le litige a été résolu (article 37 § 1 b).
45.  En premier lieu, la condamnation litigieuse a été déjà effacée par les voies de recours internes et n'a plus de valeur juridique. Le grief principal du requérant concernant le refus d'entendre le témoin B. a également été redressé, ce témoin ayant été entendu dans le cadre de la procédure en révision. A supposer que la Cour statue sur le fond de la requête et que le requérant ait gain de cause, l'exécution de son arrêt par le Comité des Ministres ne pourrait plus avoir pour objectif la réouverture du procès du requérant.
46.  En second lieu, en vertu de l'article 41 de la Convention, le but des sommes qui pourraient être allouées à titre de satisfaction équitable est uniquement d'accorder une réparation pour les dommages subis par l'intéressé dans la mesure où ceux-ci constituent une conséquence de la violation ne pouvant en tout cas pas être effacée (arrêt Scozzari et Giunta précité, § 250).
47.  La Cour n'ignore pas que l'Etat défendeur avait commencé à mettre à exécution la condamnation litigieuse finalement annulée. A cet égard, l'espèce est différente de l'affaire Leblon c. Belgique (no 34046/96, décision du 1er juin 1999, non publiée) où la Cour, dans sa décision de rayer la requête du rôle, a jugé pertinent le fait que la décision contestée puis annulée n'avait pas été exécutée. Cependant, force est de constater que, selon l'article 643, paragraphe 1, du code de procédure pénale ( paragraphe 23 ci-dessus), le requérant peut demander à l'Etat défendeur un dédommagement pour sa condamnation (d'ailleurs requis aussi dans les circonstances de cette affaire par l'article 3 du Protocole no. 7, ratifié par l'Italie). Le requérant ayant tenté d'établir une distinction entre le préjudice causé par la condamnation annulée et celui découlant de la prétendue violation de l'article 6 de la Convention, la Cour – qui jusqu'à ce moment n'a constaté aucune violation – conçoit mal, même s'il ne lui incombe pas d'interpréter le droit interne, que les juridictions nationales ne tiennent pas compte de tous les tenants et aboutissants de l'affaire. En tout état de cause, la Cour estime qu'en l'espèce, la compensation due au requérant du fait de sa condamnation annulée se confond avec celle qu'il pourrait réclamer au titre d'une éventuelle violation de l'article 6 de la Convention.
48.  De plus, la Cour est convaincue que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses protocoles n'exige pas qu'elle poursuive l'examen de la requête (article 37 § 1 in fine). Le requérant ayant allégué une absence de conformité du système italien en matière de citation de témoins avec l'article 6 de la Convention, la Cour relève que sa tâche ne consiste pas à examiner in abstracto si le système juridique italien est conforme à la Convention, mais à vérifier s'il y a eu violation dans le cas précis qui lui a été soumis.
49.  La Cour ayant conclu que le litige a été résolu au sens de l'article 37 § 1 b) de la Convention (paragraphe 44 ci-dessus), cela la dispense d'examiner s'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête pour un autre motif au sens de l'alinéa c) de ce même article. Par ailleurs, aucun motif particulier touchant au respect des droits de l'homme garantis par la Convention n'exige la poursuite de l'examen de la requête en vertu de l'article 37 § 1 in fine de la Convention.
50.  Partant, il convient de rayer l'affaire du rôle.
III.  SUR L'OCTROI AU REQUÉRANT DES FRAIS DE PROCÉDURE
51.  Aux termes de l'article 44 § 31 du règlement :
« Lorsqu'une requête a été rayée du rôle, les dépens sont laissés à l'appréciation de la Cour. (...) » 
52.  Invité à prendre position sur cette question, le requérant n'a fourni aucune indication spécifique, mais, dans ses prétentions au titre de l'article 41 de la Convention, il s'est limité à réclamer le remboursement de ses frais, qu'il avait chiffrés, au stade de l'examen de la requête par la Chambre, à 15 765 000 lires italiennes pour chacun de ses deux représentants. De son côté, le Gouvernement a maintenu qu'il ne fallait rien accorder.
53.  En matière de remboursement des frais dans le cadre de l'octroi d'une satisfaction équitable en application de l'article 41 de la Convention, selon la jurisprudence bien établie de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, l'arrêt Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, § 30, CEDH 1999-V).
En outre, la Cour statue sur cette question en équité, comme le veut l'article 41 de la Convention (voir, en dernier lieu, l'arrêt Meftah et autres c. France [GC], nos 32911/96, 35237/97 et 34595/97, § 60, 26 juillet 2002).
Enfin, le requérant doit chiffrer et ventiler par rubrique toutes ses prétentions, auxquelles il doit joindre les justificatifs nécessaires, faute de quoi sa demande peut être rejetée, en tout ou en partie (article 60 § 2 du règlement).
54.  La Cour estime qu'il y a lieu de s'en tenir à ces principes également en cas d'application de l'article 44 § 3 de son règlement.
55.  En l'espèce, compte tenu de la procédure qui s'est déroulée après les demandes spécifiques de remboursement, des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable d'accorder la somme de 5 000 euros pour frais et dépens.
56.  La Cour considère que le taux annuel des intérêts moratoires doit être calqué sur celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne augmenté de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1.  Rejette la demande du Gouvernement de réexamen de la décision du collège de la Grande Chambre ;
2.  Rejette l'exception d'irrecevabilité du Gouvernement ;
3.  Décide de rayer l'affaire du rôle ;
4.  Dit
a) que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, la somme de 5 000 EUR (cinq mille euros) pour frais et dépens ;
b) que ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux annuel égal au taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne augmenté de trois points de pourcentage.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le 24 octobre 2002.
Luzius Wildhaber    Président   Paul Mahoney   Greffier
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l'exposé de l'opinion séparée de M. Rozakis, à laquelle M. Ress se rallie.
L.W.  P.J.M.
OPINION SÉPARÉE DE M. LE JUGE ROZAKIS,  À LAQUELLE M. LE JUGE RESS SE RALLIE
(Traduction)
Je souscris entièrement à la décision de la Grande Chambre de rayer cette requête du rôle au motif que le témoin B. a été entendu lors du procès en révision ouvert à la suite du recours extraordinaire formé par le requérant. Mon avis ne diffère de celui de la majorité de la Cour que sur un point : la raison sur laquelle elle s'appuie pour parvenir à cette conclusion. En effet, elle considère qu'il y a lieu de fonder la radiation sur l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article 37 de la Convention (« le litige a été résolu ») alors que je pense qu'il serait plus correct de la fonder sur l'alinéa suivant, l'alinéa c), qui permet de rayer une requête du rôle « pour tout autre motif dont la Cour constate l'existence ».
Ma préférence pour ce dernier motif de radiation tient aux considérations suivantes : l'alinéa b) du paragraphe 1 me semble constituer ce que l'on peut appeler un motif de radiation de jure. De fait, il renvoie au cas où une requête peut être rayée du rôle parce que le litige a été résolu. Le texte français est plus éloquent et précis et exprime mieux le sens réel de cet alinéa. Au lieu du mot « matter » utilisé en anglais, il emploie en effet le terme « litige » (en anglais « litigation » ou « dispute »). Autrement dit, cet alinéa exige que le litige soit résolu avant de pouvoir rayer une requête du rôle. Il va sans dire que les termes « litige » ou « matter » renvoient à un différend entre une personne et un Etat partie à la Convention concernant une violation alléguée d'une (ou de plusieurs) dispositions de la Convention de la part de cet Etat.
La question à laquelle il faut répondre est donc celle de savoir à quel niveau le litige est réputé avoir été résolu, ce qui permet ensuite de rayer la requête du rôle. La jurisprudence de Strasbourg contient à cet égard des principes bien ancrés – à quelques rares exceptions près – qui permettent de déterminer dans quels cas un litige sur une violation alléguée de la Convention peut passer pour avoir été résolu au sein de l'ordre juridique interne d'un Etat partie selon les exigences de la Convention. Partant de la manière dont les institutions de Strasbourg traitent d'une violation de la Convention, il ressort clairement de la jurisprudence que deux exigences doivent être satisfaites, en cas de violation de la Convention par un Etat partie, pour qu'un litige pendant soit résolu de manière satisfaisante : la violation doit être reconnue et il doit y avoir versement d'une réparation pour tout préjudice causé par la violation.
En l'espèce, l'affaire a connu une solution de facto : la non-audition du témoin B., à l'origine du grief du requérant, a été réparée grâce au recours extraordinaire introduit par celui-ci. Cependant, la juridiction interne, bien qu'elle ait indirectement admis les carences de la procédure antérieure en entendant le témoin, et ait en fin de compte acquitté le requérant, n'a jamais reconnu que les tribunaux qui avaient auparavant statué sur l'affaire avaient violé la Convention, ni envisagé d'indemniser le requérant pour le dommage (matériel et moral) qu'il a pu subir du fait de l'omission commise antérieurement.
Dans ces conditions, j'admets volontiers qu'il soit difficile pour la Cour de poursuivre l'examen de l'affaire, mais je considère qu'il convient de refuser de poursuivre cet examen en se fondant, non sur l'alinéa b), avec ses exigences strictes, mais sur l'alinéa c), qui contient un motif de radiation bien plus large et plus souple.
1.  Article 44 § 4 depuis le 1er octobre 2002
ARRÊT PISANO c. ITALIE
ARRÊT PISANO c. ITALIE 
ARRÊT PISANO c. ITALIE - OPINION SÉPARÉE DE M. LE JUGE ROZAKIS,   À LAQUELLE M. LE JUGE RESS SE RALLIE


Synthèse
Formation : Cour (grande chambre)
Numéro d'arrêt : 36732/97
Date de la décision : 24/10/2002
Type d'affaire : Arrêt (Radiation du rôle)
Type de recours : Exception préliminaire rejetée (non-épuisement) ; Radiation du rôle (solution du litige)

Analyses

(Art. 34) VICTIME, (Art. 35-1) RECOURS INTERNE EFFICACE


Parties
Demandeurs : PISANO
Défendeurs : ITALIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2002-10-24;36732.97 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award