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04/02/2003 | CEDH | N°61164/00;18589/02

CEDH | DURINGER et AUTRES et GRUNGE contre la FRANCE


DEUXIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 61164/00  présentée par Gérard DURINGER et autres  contre la France  et
de la requête no 18589/02  présentée par Forest GRUNGE  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 4 février 2003 en une chambre composée de
MM. A.B. Baka, président,    J.-P. Costa,    Gaukur Jörundsson,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mme W. Thomassen,   M. M. Ugrekhelidze, juges,  M. T.L. Early, greffier adjoi

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Vu les requêtes susmentionnées introduites les 12 juillet 1999 et 30 avril 2002,
Après en...

DEUXIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 61164/00  présentée par Gérard DURINGER et autres  contre la France  et
de la requête no 18589/02  présentée par Forest GRUNGE  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 4 février 2003 en une chambre composée de
MM. A.B. Baka, président,    J.-P. Costa,    Gaukur Jörundsson,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mme W. Thomassen,   M. M. Ugrekhelidze, juges,  M. T.L. Early, greffier adjoint de section,
Vu les requêtes susmentionnées introduites les 12 juillet 1999 et 30 avril 2002,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants sont des ressortissants français. M. Gérard Duringer, entraîneur et éleveur de chevaux, est né en 1954 et réside à Saverne. Mme Corine Barbe, propriétaire, éleveur et entraîneur de chevaux de courses, est née en 1958 et réside à Chantilly. M. Philippe Houdart, propriétaire, éleveur de trotteurs, est né en 1930 et réside à Lisieux. M. Claude Karsenti, président de l’Association des entraîneurs de chevaux de courses (AECC), est né en 1947 et réside à Antony. M. Gérard Duringer a été désigné comme représentant unique des requérants devant la Cour.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
A.  Requête no 61164/00
1.  Requête présentée par l’ensemble des requérants
Les requérants sont membres de sociétés mères de courses de chevaux dénommées France Galop et Société d’Encouragement du Cheval français, associations régies par la loi du 1er juillet 1901 dont l’objet est l’organisation des courses de chevaux et des activités directement liées à cet objet ou pour lesquelles elles sont habilitées par la loi et qui sont agréées par le ministère de l’Agriculture. Ces sociétés mères sont en particulier chargées de la gestion des paris de courses par l’intermédiaire d’un organisme commun dit Pari mutuel urbain (PMU), organisé sous la forme d’un groupement d’intérêt commun (GIE), et dont les statuts sont approuvés par le ministre chargé de l’Agriculture et le ministre chargé du Budget.
Les 7 et 8 juillet 1997, les requérants introduisirent un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat afin de voir annuler le décret du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel. L’AECC, fut admise à se joindre à la procédure par voie d’intervention.
A une date indéterminée, M. Duringer introduisit une requête en référé auprès du Conseil d’Etat afin qu’il soit sursis à l’exécution du décret du 5 mai 1997 précité.
Le 12 septembre 1997, le président de la 5e sous-section du contentieux du Conseil d’Etat rendit une ordonnance de rejet de la requête en référé.
Les observations du ministère de l’Agriculture et du ministère de l’Intérieur en réponse à la requête de M. Duringer lui furent transmises les 30 mars et 15 avril 1998. Il y répondit les 7 et 22 avril 1998.
Les observations du ministère de l’Agriculture et du ministère de l’Intérieur en réponse à la requête des autres requérants leur furent transmises les 25 mars et 14 avril 1998. Ils y répondirent les 29 avril et 5 mai 1998.
L’AECC produisit un mémoire en intervention le 15 septembre 1998.
Le Conseil d’Etat décida de joindre les requêtes des requérants, ainsi que celle du syndicat hippique national et de la Fédération nationale des syndicats autonomes, pour statuer par une seule décision.
Le 5 mai 1999, une audience publique se déroula devant le Conseil d’Etat en présence de M. Duringer, qui n’était pas représenté. L’auditeur-rapporteur fut entendu en son rapport, puis l’avocat du syndicat hippique national et de la Fédération nationale des syndicats autonomes en ses observations, enfin le commissaire du Gouvernement en ses conclusions.
Le 7 juin 1999, le Conseil d’Etat rejeta l’ensemble des requêtes. Concernant la légalité interne du décret du 5 mai 1997, le Conseil d’Etat décida :
« Considérant que l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit la liberté d’association sous réserve de restrictions prévues par la loi ; que le décret attaqué, pris en application de la loi du 2 juin 1891, ne méconnaît pas ces stipulations ;
Considérant qu’en vertu de l’article 2 de la loi du 2 juin 1891 précitée, qui institue une dérogation au principe de l’interdiction des jeux de hasard, les statuts sociaux des sociétés autorisées à organiser des courses de chevaux doivent être approuvés par le ministre de l’agriculture ; que l’article 5 de la même loi prévoit que lesdites sociétés doivent, pour pouvoir organiser le pari mutuel, recevoir une autorisation spéciale et toujours révocable du ministre de l’agriculture et prescrit qu’un décret détermine les conditions d’application de cette disposition ; que les dispositions susrappelées de la loi du 2 juin 1891 n’ont pas été abrogées par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ; que, dans ces conditions, le gouvernement, auquel incombe la police de l’organisation des courses de chevaux, a pu, par le décret attaqué, sans méconnaître ni les dispositions de la loi du 2 juin 1891, ni celles de la loi du 1er juillet 1901, ni celles de la Constitution garantissant la liberté d’association, prévoir dans son article 1er que « les statuts des sociétés de courses de chevaux sont approuvés par le ministre de l’agriculture et doivent satisfaire, notamment, aux conditions prévues par le présent titre » et que « les statuts des sociétés de courses autres que les sociétés mères mentionnées à l’article 2 (...) doivent être conformes à des statuts types arrêtés par le ministre » ; (...)
Considérant que le gouvernement tirait des dispositions susrappelées de la loi du 2 juin 1891, sans méconnaître ni les règles de valeur constitutionnelle, garantissant la liberté d’association ni les dispositions de l’ordonnance du 23 septembre 1967 relative aux groupements d’intérêt économique, le pouvoir de prescrire que les sociétés autorisées à organiser le pari mutuel hors des hippodromes en confieraient la gestion à un groupement d’intérêt économique constitué entre elles ; que le conseil d’administration du groupement d’intérêt économique ainsi constitué comprendrait des représentants de l’Etat, en nombre au demeurant inférieur aux représentants des sociétés de courses et que des représentants du personnel siégeraient, avec voix consultative, à l’assemblée générale mais non au conseil d’administration ; (...)
Considérant que le gouvernement, comme il a été dit ci-dessus, tient de la loi du 2 juin 1891 les plus larges pouvoirs pour fixer les règles d’organisation du fonctionnement et de contrôle du secteur des courses de chevaux et du pari mutuel urbain ; que les dispositions [du décret attaqué] n’excèdent pas cette compétence ; que, par suite, le moyen tiré de ce que lesdits articles seraient contraires au principe de la liberté d’association n’est pas fondé ; que le moyen tiré de l’illégalité des articles 31 et 39 relatifs à la répartition des prélèvements sur les sommes engagées dans le pari mutuel urbain et l’affectation du prélèvement revenant aux sociétés de courses doit être écarté pour les mêmes motifs tirés de l’habilitation législative du gouvernement ».
2.  Partie de la requête propre à M. Duringer
Par ailleurs, M. Duringer a également soumis, pour son propre compte, des développements sur un prétendu « système de blanchiment étatique », des « pratiques mafieuses » et divers abus de pouvoir.
B.  Requête no 18589/02
Le requérant, qui déclare s’appeler « Forest Grunge », dénonce le système du PMU français, un prétendu « système de blanchiment étatique », des « pratiques mafieuses » et divers abus de pouvoir. Le requérant déclare intervenir pour le « réseau Humanisme Démocratie Justice », réseau dont le responsable, M. Duringer, cosigne certaines correspondances.
GRIEFS
1)  Requête no 61164/00
1.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré du Conseil d’Etat.
2.   Ils allèguent également, au regard de l’article 6 § 1, une prétendue partialité structurelle, ainsi qu’une dépendance du Conseil d’Etat, ce dernier ayant successivement examiné le décret litigieux dans le cadre de ses fonctions consultatives puis dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles.
3.  Les requérants invoquent un certain nombre d’autres griefs au regard des articles 6 et 13 de la Convention s’agissant de la procédure devant le Conseil d’Etat, et des articles 5, 8, 11, 14, 17 et 18 de la Convention, ainsi que l’article 1 du Protocole no 1, en ce qui concerne l’intervention et la tutelle de l’Etat sur les associations chargées de l’organisation des courses de chevaux.
4.  Enfin, M. Duringer critique la procédure relative à son recours en référé devant le Conseil d’Etat. Il dénonce également le résultat des dernières élections présidentielles et législatives.
2)  Requêtes no 61164/00 et no 18589/02
Enfin, tant M. Duringer que « Forest Grunge » dénoncent le système du PMU français, un prétendu « système de blanchiment étatique », des « pratiques mafieuses » et divers abus de pouvoir.
EN DROIT
A.  Sur les requêtes de MM. Gérard Duringer et Forest Grunge
La Cour juge tout d’abord qu’il y a lieu de joindre les deux requêtes.
La Cour constate que M. Duringer a multiplié les correspondances, par voies postale et électronique, aux termes desquelles il met gravement en cause l’intégrité de certains juges de la Cour et agents du greffe. Le requérant, qui tente systématiquement de jeter l’opprobre sur des juges de la Cour, des membres de son greffe, ainsi que sur des responsables politiques de l’Etat défendeur, accuse en particulier certains juges d’avoir commis des délits et des crimes de la plus haute gravité.
En outre, en voulant donner la plus large diffusion possible à ses accusations et autres injures, le requérant atteste de sa détermination à nuire, à porter atteinte à l’image de l’institution et de ses membres.
Par ailleurs, la Cour relève que la requête présentée par une personne prétendant se nommer Forest Grunge reprend les termes utilisés par M. Duringer. La Cour note d’ailleurs que les textes s’avèrent le plus souvent similaires, pour ne pas dire identiques, à l’instar de la présentation des documents et des longues listes de destinataires des messages. La similitude se retrouve enfin dans la cosignature des correspondances par M. Duringer, responsable du « réseau Humanisme Démocratie Justice », dont « Forest Grunge » se réclame.
A supposer que le nom « Forest Grunge » ne soit pas un alias utilisé par M. Duringer, la Cour estime que les propos tenus et réitérés à de maintes reprises, propos sans aucun fondement, parfaitement injurieux et délirants, ne sauraient s’inscrire dans le cadre des dispositions de l’article 34 de la Convention.
De l’avis de la Cour, la conduite intolérable de M. Gérard Duringer et, à supposer qu’il existe, de Forest Grunge, est contraire à la vocation du droit de recours individuel, tel que prévu par les dispositions des articles 34 et 35 de la Convention. Il ne fait aucun doute qu’elle est abusive au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.
Il s’ensuit que les requêtes introduites par Gérard Duringer et Forest Grunge doivent être déclarées irrecevables comme étant abusives, au sens des dispositions de l’article 35 § 3 de la Convention.
B.  Sur les requêtes de Mme Corine Barbe, M. Philippe Houdart et M. Claude Karsenti
1.  Les requérants se plaignent de la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré du Conseil d’Etat. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
En l’état actuel du dossier, la Cour juge nécessaire d’ajourner cette partie de la requête.
2.  Ils allèguent également, au regard de l’article 6 § 1, une prétendue partialité structurelle, ainsi qu’une dépendance du Conseil d’Etat, ce dernier ayant successivement examiné le décret litigieux dans le cadre de ses fonctions consultatives puis dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles.
En l’état actuel du dossier, la Cour juge nécessaire d’ajourner cette partie de la requête.
3.   Les requérants invoquent un certain nombre d’autres griefs au regard des articles 6 et 13 de la Convention s’agissant de la procédure devant le Conseil d’Etat, et des articles 5, 8, 11, 14, 17 et 18 de la Convention, ainsi que l’article 1 du Protocole no 1, en ce qui concerne l’intervention et la tutelle de l’Etat sur les associations chargées de l’organisation des courses de chevaux.
Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Décide de joindre les requêtes ;
Ajourne l’examen des griefs de Mme Corine Barbe, M. Philippe Houdart et M. Claude Karsenti, tirés, d’une part, de la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré du Conseil d’Etat et, d’autre part, de ce que le Conseil d’Etat a successivement examiné le décret litigieux dans le cadre de ses fonctions consultatives puis dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles ;
Déclare les requêtes irrecevables pour le surplus.
T.L. Early A.B. Baka   Greffier adjoint Président
DÉCISION DURINGER et autres & GRUNGE c. FRANCE
DÉCISION DURINGER et autres & GRUNGE c. FRANCE 


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section)
Numéro d'arrêt : 61164/00;18589/02
Date de la décision : 04/02/2003
Type d'affaire : Decision (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) DEFENSE DE L'ORDRE, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 10-2) PREVENTION DES INFRACTIONS PENALES, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE PRIVEE, (Art. 8-1) RESPECT DU DOMICILE, (Art. 8-2) DEFENSE DE L'ORDRE, (Art. 8-2) INGERENCE, (Art. 8-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE


Parties
Demandeurs : DURINGER et AUTRES et GRUNGE
Défendeurs : la FRANCE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2003-02-04;61164.00 ?
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