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13/02/2003 | CEDH | N°67629/01

CEDH | ASSYMOMITIS et AUTRES contre la GRECE


PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 67629/01  présentée par Michail ASSYMOMITIS et autres  contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 13 février 2003 en une chambre composée de
Mme F. Tulkens, présidente,   MM. C.L. Rozakis,    P. Lorenzen,   Mme N. Vajić,   MM. E. Levits,    A. Kovler,    V. Zagrebelsky, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 12 mai 2000,
Vu les observat

ions soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
Après en avo...

PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 67629/01  présentée par Michail ASSYMOMITIS et autres  contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 13 février 2003 en une chambre composée de
Mme F. Tulkens, présidente,   MM. C.L. Rozakis,    P. Lorenzen,   Mme N. Vajić,   MM. E. Levits,    A. Kovler,    V. Zagrebelsky, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 12 mai 2000,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les deux premiers requérants, Michail Assymomitis et Aikaterini Assymomiti, sont des ressortissants grecs, nés respectivement en 1936 et 1965 et résidant à Athènes. La troisième requérante est la société anonyme de construction, la société Techniko-Ikodomiki-Viomichaniki-Emporiki Naftiliaki-Xenodochiaki-Touristiki, qui a son siège à Athènes. Ils sont représentés devant la Cour par Me P. Verbist, avocat à Athènes. Le Gouvernement est représenté par les délégués de son agent, M. M. Apessos, conseiller auprès du conseil juridique de l’Etat, et Mme V. Pelekou, auditeure auprès du conseil juridique de l’Etat.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
A.  La genèse de l’affaire
Le premier requérant est propriétaire d’un terrain de 873,68 m² dans le quartier de Chalandri. Le 31 mai 1983, le premier et le troisième requérants signèrent un acte notarié contenant un pré-accord de transfert de pourcentages d’un terrain de construction d’un bâtiment sur contre-prestation (« prosimfono metavivasis pososton ex adiairetou oikopedou kai prosimfono kataskevis oikodomis ep antiparohi ») pour la construction d’un bâtiment de quatre étages sur le terrain précité. Aux termes de cet accord, les requérants s’engagèrent à signer un pré-accord définitif après la délivrance du permis de bâtir. En exécution du pré-accord provisoire, le premier et le deuxième requérants signèrent le 10 octobre 1990 un acte notarié « contenant un pré-accord de transfert de pourcentages d’un terrain » (« prosimfono metavivaseos pososton oikopedou »).
Aux termes des articles 7 et 20 du pré-accord, la société de construction s’engageait à construire à ses frais un immeuble à quatre étages sur le terrain du premier requérant (le propriétaire). En contre-prestation pour les frais de construction de l’immeuble, le premier requérant était obligé de transférer à la troisième requérante – ou à un tiers indiqué par elle – la propriété de tout l’immeuble (c’est-à-dire de tous les appartements à l’exception de ceux retenus par le propriétaire) et les 800 millièmes en indivis du terrain entier. Le premier requérant devait acquérir le quatrième étage et le pourcentage de copropriété dans le terrain à concurrence de 60 millièmes ainsi que le droit de construire des étages supplémentaires et les 140 millièmes en indivis du terrain entier.
B.  L’octroi du permis de bâtir et les révisions de celui-ci
Le 13 mars 1990, la troisième requérante déposa une demande auprès du bureau d’urbanisme d’Aghia Paraskevi afin d’obtenir un permis de bâtir un immeuble de quatre étages avec des magasins et des bureaux ainsi qu’un espace souterrain.
Au moment du dépôt de cette demande, était en vigueur une décision du préfet de l’Attique, du 26 octobre 1989, qui prolongeait de six mois la suspension de délivrance des permis de bâtir pour le carré de construction dans lequel était situé le terrain du premier requérant. Toutefois, l’article 4 de cette décision exemptait de cette suspension les propriétés pour lesquelles un dossier complet pour la délivrance du permis de bâtir avait été déposé à la direction d’urbanisme ou pour lesquelles un contrat d’entreprendre avait été signé jusqu’au 22 mars 1989.
Le 27 mars 1990, le permis de bâtir no 1065/90 « d’un nouveau bâtiment à plusieurs étages pour des bureaux, des magasins et des caves » fut accordé à la troisième requérante en application de l’article 4 susmentionné. En effet, celle-ci avait signé un contrat d’entreprendre avant le 22 mars 1989, à savoir le 31 mai 1983 et de cette façon l’exemption de l’article 4 trouvait à s’appliquer.
Toutefois, par une lettre du 19 novembre 1990, la ville de Chalandri demanda l’arrêt des travaux entrepris par la troisième requérante au motif que le permis de bâtir avait été délivré pour la construction de bureaux et de magasins, en violation de la décision du préfet de l’Attique de l’Ouest du 8 décembre 1989, et au moment où une suspension du permis de bâtir était en vigueur. En effet, le préfet de l’Attique de l’Ouest avait adopté la décision du 8 décembre 1989 portant « modification des conditions et limitations de constructions et détermination de l’usage de la terre avec les places nécessaires de parking dans le plan de la ville de Chalandri ». Cette décision était entrée en vigueur le 8 décembre 1989, date de la publication au Journal officiel. Le dernier paragraphe de l’article 3 de cette décision qualifiait l’endroit où était situé le terrain du premier requérant de zone d’habitation et stipulait qu’à titre d’exception, les bureaux et magasins commerciaux étaient permis à concurrence de maximum 25 % de l’indice de construction et à concurrence d’une superficie de maximum 80 m².
Suite à la décision du préfet du 8 décembre 1989, le bureau d’urbanisme d’Aghia Paraskevi invita la troisième requérante, par une lettre du 2 décembre 1991, à réviser quant à l’usage, le permis de bâtir no 1065/1990, sous peine d’interruption des travaux. Ayant reçu cette lettre le 21 janvier 1992, la troisième requérante demanda la révision du permis, le 28 janvier 1992.
Le 6 mai 1992, le bureau d’urbanisme d’Aghia Paraskevi révisa quant à l’usage le permis (décision no 1210/1992), permettant la construction d’appartements.
Par une décision du 30 mars 1992 (article 1 § 10) le préfet de l’Attique de l’Ouest qualifia l’endroit où était situé le terrain de « lieu de jardin d’enfants ». L’article 2 de cette décision précisait qu’étaient exemptées de la décision les propriétés pour lesquelles un dossier complet en vue de la délivrance d’un permis de bâtir avait été déposé jusqu’au 30 mars 1989, date du début de la décision de suspension.
Par une lettre du 10 février 1993, la ville de Chalandri demanda au bureau d’urbanisme d’Aghia Paraskevi de mettre un terme aux travaux entrepris par la troisième requérante. Elle relevait que les travaux étaient effectués dans une zone qualifiée de « lieu de jardin d’enfants » par la décision précitée du préfet et que le permis de bâtir n’était pas valable car délivré pendant qu’une suspension était en vigueur conformément à la décision du 26 octobre 1989 du préfet de l’Attique de l’Ouest.
C.  La procédure devant le Conseil d’Etat relative à la décision du 16 février 1993 ordonnant la cessation des travaux
Le 16 février 1993, la direction d’urbanisme de l’Attique de l’Ouest arrêta les travaux de construction. Dans sa décision, elle relevait que dans la feuille de contrôle du dossier de la révision no 1210/1992 du permis de bâtir, le dossier de la révision avait été déposé auprès d’elle le 28 janvier 1992 alors que la suspension de délivrance de permis de bâtir était en vigueur conformément à une décision du 10 janvier 1992. La révision no 1210/1992 avait été délivrée le 6 mai 1992 et, conformément au Journal officiel, le lieu du bâtiment sous construction avait été qualifié de « lieu de jardin d’enfants ».
Le 14 avril 1993, les premier et troisième requérants introduisirent un recours devant la quatrième chambre du Conseil d’Etat. Ils demandaient l’annulation de l’acte d’interruption du 16 février 1993 et de tout acte connexe, comme la décision du 30 mars 1992 qualifiant le terrain de « lieu de jardin d’enfants ». Ils demandaient également qu’il leur soit permis de continuer les travaux sur la base du permis no 1065/1990.
Initialement fixée au 6 juin 1995, l’audience fut ajournée au 12 mars 1996 puis aux 14 janvier 1997, 21 octobre 1997, 27 novembre 1997 (date à laquelle l’affaire fut renvoyée à la cinquième chambre), 1er avril 1998, 12 mai 1998, 10 juin 1998, 18 novembre 1998 et (en raison de la non-comparution des requérants) 26 janvier 2000.
Par un arrêt avant dire droit du 31 janvier 2000, notifié aux requérants le 30 octobre 2000, le Conseil d’Etat ajourna encore l’affaire au 6 décembre 2000 et invita l’administration à envoyer ses conclusions sur les moyens invoqués par les requérants. A cette dernière date, l’affaire fut encore ajournée au 16 mai 2001, puis aux 13 juin 2001 et 28 novembre 2001. Enfin, l’audience eut lieu le 14 février 2002 et par un arrêt no 579/2002 du 25 février 2002, le Conseil d’Etat rejeta le recours comme tardif.
Toutefois, le 10 mai 1993, la direction « travail législatif » du ministère de l’Aménagement du territoire avait annulé l’acte d’interruption du 16 février 1993 de la direction d’urbanisme de l’Attique de l’Ouest, suite à un recours hiérarchique des requérants. Cette direction relevait que l’acte d’interruption n’était pas légal car aucune disposition de la loi n’interdisait le dépôt d’un dossier au moment où était en vigueur la suspension de délivrance de permis de bâtir ; en outre, dans l’article 2 de la décision du préfet, il était stipulé qu’étaient exemptées de cette réglementation les propriétés pour lesquelles un dossier complet avait été déposé avant le 30 mars 1989.
En exécution de cette décision, le bureau d’urbanisme d’Aghia Paraskevi accorda, le 22 juin 1993, aux requérants la permission de poursuivre les travaux de construction et prolongea de trois ans la validité du permis no 1065/1990 tel que révisé par l’acte no 1210/1992 (décision no 1523/1993).
Le 26 juillet 1993, la ville de Chalandri déposa une plainte contre le notaire pour fausse déclaration dans le but de favoriser un tiers et contre le premier requérant en tant qu’instigateur pour le même délit. Elle soutenait que le pré-accord de transfert de pourcentage n’avait pas été passé le 31 mai 1983, mais le 1er décembre 1989, date à laquelle la suspension de délivrance de permis de bâtir était en vigueur. Le 2 janvier 1996, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes décida de ne pas retenir l’inculpation. La ville de Chalandri n’interjeta pas appel contre cette décision.
D.  La procédure devant le Conseil d’Etat relative à la demande d’annulation de la permission de poursuivre les travaux
Le 27 juillet 1993, la ville de Chalandri introduisit devant le Conseil d’Etat un recours en annulation de la décision no 1523/1993 (permettant la poursuite des travaux), ainsi que du permis de bâtir no 1065/1990 et de l’acte no 1210/1992 (révisant le permis de bâtir).
L’audience fixée au 19 décembre 1995 fut ajournée au 8 octobre 1996 puis aux 8 avril 1997, 10 mars 1998, 26 janvier 1999, 2 février 1999 et 2 novembre 1999, où elle eut lieu. La ville de Chalandri n’était ni présente ni représentée par un avocat. Par ailleurs, ni la ville de Chalandri ni le bureau d’urbanisme d’Aghia Paraskevi n’avaient déposé d’observations. Le représentant du ministère de l’Aménagement du territoire soutint que les actes litigieux étaient encore valables.
Par un arrêt no 3663/1999 du 16 novembre 1999, le Conseil d’Etat déclara le recours de la ville de Chalandri irrecevable.
Toutefois, suite à l’introduction du recours de la ville de Chalandri, la troisième requérante se vit contrainte de suspendre les travaux jusqu’à ce que le Conseil d’Etat se prononce. En raison de multiples arrêts, les travaux n’avaient atteint que le stade suivant : excavation et fondation en béton, squelette en béton de l’espace souterrain et du rez-de-chaussée.
Les 22 juillet 1996 et 6 octobre 1998, à la demande des requérants, le bureau d’urbanisme prolongea d’une année la validité du permis no 1065/1990 et de l’acte 1210/1992 portant révision du permis. Le 11 juin 1998, ce bureau émit un nouveau permis no 919/1999 permettant au requérant d’ajouter quatre étages supplémentaires.
Suite à l’arrêt no 3663/1999, la troisième requérante reprit les travaux de construction qu’elle avait interrompus en 1993.
Le 21 février 2000, le premier requérant transféra 20 % en indivis du terrain par donation à sa fille, la deuxième requérante. Le 22 février 2000, les trois requérants procédèrent à la modification du pré-accord de transfert de pourcentage de terrain et contrat d’entreprendre, du 10 octobre 1990, par l’acte notarié 10640. Aux termes de cet acte, la troisième requérante s’engageait à construire à ses frais un immeuble à quatre étages sur le terrain des deux autres requérants. En contre-prestation, les deux requérants se voyaient obligés de transférer à la troisième requérante - ou aux tiers indiqués par elle - les 676 millièmes en indivis du terrain et des appartements.
E.  Les décisions ultérieures de l’administration invitant les requérants à suspendre les travaux et révoquant le permis
Le 24 avril 2000, la ville de Chalandri demanda à nouveau l’arrêt des travaux ainsi que la révocation du permis no 919/1999. Elle soutenait que ce permis était nul car émis en violation de la décision du préfet de l’Attique de l’Ouest, du 30 mars 1992, qualifiant l’endroit où était situé le terrain litigieux de « lieu de jardin d’enfants ».
Le 3 mai 2000, le bureau d’urbanisme ordonna l’arrêt des travaux entrepris en exécution du permis no 919/1999.
Le 16 mai 2000 et 30 juin 2000, deux demandes des requérants au bureau d’urbanisme de pouvoir continuer les travaux restèrent sans réponse.
Le 9 octobre 2000, les requérants notifièrent au bureau d’urbanisme l’arrêt 3663/1999 du Conseil d’Etat, l’invitèrent à agir conformément à cet arrêt, à révoquer le permis no 919/1999 et à donner la permission de continuer les travaux de construction sur la base du permis no 1065/1990. Le bureau d’urbanisme ne répondit pas à cette lettre, mais demanda des instructions à la préfecture d’Athènes, qui, à son tour, demanda des instructions au ministère de l’Aménagement du territoire.
Le 18 avril 2001, les requérants invitèrent à nouveau le bureau d’urbanisme de répondre dans quelle mesure il reconnaissait les conséquences juridiques de l’arrêt no 3663/1999 du Conseil d’Etat et de déclarer si le permis no 1065/1990 était toujours valable.
Faute de réponse à leurs demandes, les requérants adressèrent une nouvelle lettre au bureau d’urbanisme, le 9 juillet 2001.
Le 23 juillet 2001, le bureau d’urbanisme révoqua le permis no 919/1999 au motif que le terrain litigieux était qualifié de lieu de jardin d’enfants par la décision du préfet de l’Attique de l’Ouest, le 30 mars 1992.
Le 7 septembre 2001, les requérants invitèrent à nouveau le bureau d’urbanisme de prendre position sur leur demande.
Le 17 septembre 2001, le bureau d’urbanisme leur répondit que la validité de ces actes avait expiré et, en cas d’objection, qu’ils pouvait exercer les recours prévus par la loi, notamment le ministre de l’Aménagement du territoire, qui décide de manière définitive après avis du conseil central de l’Aménagement du territoire.
Le 28 septembre 2001, les requérants répondirent en détail à cette lettre, qui fut aussi envoyée à tous les services concernés dont le ministère de l’Aménagement du territoire. Cette lettre resta sans réponse.
Par une lettre du 2 avril 2002, la Périphérie d’Attique informa le bureau d’urbanisme que la question de la validité du permis no 1065/1990 devait être tranchée par le préfet après avis positif de conseil d’Aménagement du territoire.
Le 27 août 2002, les requérants adressèrent une demande au bureau d’urbanisme, à la Périphérie d’Attique et au ministère de l’Aménagement du territoire. Ils se plaignaient de ne pas avoir reçu de réponse à leurs lettres précédentes, du refus d’application des dispositions légales en vigueur en l’espèce, du refus de reconnaître les conséquences juridiques de l’arrêt 3663/1999. Cette demande resta aussi sans réponse.
B.  Le droit interne pertinent
L’article 6 § 7 du décret présidentiel du 8 juillet 1993, relatif au mode de délivrance de permis de construire et contrôle des chantiers, dispose:
« En cas d’arrêt des travaux de construction pendant les quatre premières années qui n’est pas dû à la faute des intéressés (par exemple interruption en raison de trouvailles archéologiques) ou en raison de force majeure, la validité du permis est prorogée d’une période de temps égale à celle pendant laquelle les travaux ont été arrêtés. »
GRIEFS
1.  Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, les requérants se plaignent d’une atteinte au respect de leurs biens en raison du refus de l’administration de se conformer à l’arrêt no 3663/1999 du Conseil d’Etat.
2.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée de la procédure devant le Conseil d’Etat, qui a débuté le 14 avril 1993 et a pris fin le 25 février 2002.
3.  A la suite de la communication de la requête au gouvernement, les requérants introduisirent un nouveau grief : invoquant l’article 13 de la Convention, les requérants se plaignent de l’absence en droit grec d’un recours leur permettant d’accélérer la procédure devant le Conseil d’Etat ou de se plaindre de la longueur de celle-ci.
EN DROIT
1.  Les requérants se plaignent du refus des autorités de se conformer à l’arrêt no 3663/1999 du Conseil d’Etat et de permettre aux requérants de continuer les travaux qu’ils avaient commencés à entreprendre sur leur propriété. Ils allèguent une violation de leur droit au respect des biens, garanti par l’article 1 du Protocole no 1, qui dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
a)  En premier lieu, le Gouvernement soutient que les requérants n’ont pas recouru devant le ministre compétent et, puis le cas échéant, devant le Conseil d’Etat contre la dernière décision ordonnant l’arrêt des travaux (le 3 mai 2000), et pour cette raison, ils n’ont pas épuisé les voies de recours internes.
Les requérants soutiennent qu’ils ont épuisé les voies de recours internes. Ils ont déposé la demande du 27 septembre 2001 auprès du bureau d’urbanisme, de la Périphérie d’Attique, du ministère de l’Aménagement du territoire et de la direction administrative de ce même ministère, ainsi que des demandes-rappels auprès de ces services en août 2002.
La Cour rappelle que l’article 35 de la Convention n’exige l’épuisement que des recours accessibles, adéquats et relatifs aux violations incriminées. Du reste, celui qui a exercé un recours de nature à remédier directement à la situation litigieuse - et non de façon détournée - n’est pas tenu d’en engager d’autres qui lui eussent été ouverts mais dont l’efficacité est improbable (Manoussakis et autres c. Grèce, arrêt du 26 septembre 1996, Recueil 1996-IV, § 33).
Or, la Cour note qu’en l’espèce, les requérants dans leurs nombreuses démarches aux autorités, après l’arrêt no 3663/1999, posaient la question de savoir s’ils pouvaient continuer les travaux en vertu du permis de bâtir initial no 1065/1990. Toutefois, ces démarches et notamment celles mentionnées par les requérants en 2001 et 2002 ne firent l’objet d’aucune réponse de la part des autorités. Mais avant tout et surtout, la Cour note que la décision du préfet du 3 mai 2000 était fondée sur le permis no 919/1999 qui a été révoqué le 23 juillet 2001. Les requérants ne disposent plus d’aucun recours pour obliger l’administration de donner la permission pour continuer les travaux sur la base du permis no 1065/1990. Dans ces conditions, la Cour estime que les requérants ont épuisé les voies de recours internes pour les besoins de la présente affaire et rejette donc l’exception du Gouvernement.
b)  Le Gouvernement souligne que le recours qu’avait exercé la municipalité de Chalandri fut rejeté pour informalité, à savoir parce que la municipalité n’avait pas donné pouvoir à l’avocat qui la représentait et parce qu’elle n’était pas présente à l’audience. Il souligne aussi que la validité des actes attaqués avait expiré déjà avant l’audience (le 2 novembre 1999) et ainsi, même si le Conseil d’Etat avait examiné le fond de l’affaire, il aurait conclu que le recours était irrecevable faute d’objet. Par conséquent, il ne peut être soutenu que le rejet du recours a validé le permis de bâtir no 1065/1990 et de la décision no 1523/1993, puisque ces actes ne produisaient plus d’effet. Les travaux sur le terrain des requérants, dont l’arrêt fut ordonné en 2000, étaient exécutés en vertu du nouveau permis no 919/1999 et non en vertu des actes susmentionnés. En outre, le 17 septembre 2001, le bureau d’urbanisme a informé la deuxième requérante de la fin de validité du permis no 1065/1990 et de ses révisions, et lui a attiré l’attention sur le fait qu’elle pouvait introduire un recours contre le ministre compétent, ce que la requérante n’a pas fait.
De plus, le Gouvernement soutient que les requérants auraient pu entreprendre des travaux en vertu des permis qui leur étaient accordés, mais dans la durée de validité de ceux-ci. Ainsi, le permis no 1065/1990, qui prévoyait la construction d’un immeuble dans un délai de trois ans, aurait du être réalisé jusqu’en 1993 ou dans les trois ans suivants, en vertu de la décision no 1523/1993. Le recours de la municipalité de Chalandri contre cette dernière décision n’était pas une cause de suspension des travaux. Le bureau d’urbanisme continua à accorder des prolongations de validité du permis 1065/1990 jusqu’en 1998 et en 1999, il émit un nouveau permis (no 919/1999) permettant aux requérants d’ajouter des étages supplémentaires.
Les requérants soulignent que le permis no 1065/1990 et ses révisions sont toujours en vigueur. Le recours de la ville de Chalandri était dirigé contre le ministère de l’Aménagement du territoire, dont le représentant était présent à l’audience du 2 novembre 1999 et demandait explicitement le rejet du recours. Le fait que la ville de Chalandri n’était pas présente à cette audience était due au fait que la chambre d’accusation du tribunal correctionnel avait décidé de ne pas retenir la plainte de celle-ci contre le notaire et pour cette raison le recours en annulation (qui était fondé sur cette plainte) avait perdu tout intérêt pour elle.
Les requérants soulignent qu’ils ont dû assez vite arrêter les travaux lorsqu’ils ont été invités par le bureau d’urbanisme le 2 décembre 1991. Après avoir repris les travaux, les requérants ont dû les arrêter à nouveau suite à l’ordre d’arrêt du 16 février 1993 du bureau d’urbanisme. Après l’annulation de cette décision, les requérants n’ont même pas eu l’occasion de reprendre les travaux car la ville de Chalandri a introduit son recours devant le Conseil d’Etat. L’historique des faits, à partir du 27 mars 1990 jusqu’au dépôt de ce recours, montre que les requérants n’auraient jamais pu achever la construction. Les requérants feraient preuve de manque de sens de professionnalisme s’ils continuaient les travaux lorsque le permis de construire risquait d’être annulé par le Conseil d’Etat.
La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
2.  Les requérants allèguent que la longueur de la procédure que les requérants avaient introduite devant le Conseil d’Etat le 14 avril 1993 a dépassé le « délai raisonnable » garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, qui dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Le Gouvernement soutient, en premier lieu, que la procédure devant le Conseil d’Etat a perdu son intérêt pour les requérants à compter du 10 mai 1993, date à laquelle le secrétaire général du ministère de l’Aménagement du territoire a annulé la décision du 16 février 1993. En outre, le retard entre 1998 et 2000 est dû au comportement des requérants qui n’ont pas comparu à l’audience du 18 novembre 1998. En tout état de cause, la durée de cette procédure n’a provoqué aucun dommage aux requérants.
Les requérants allèguent que les retards causés par l’omission de l’administration d’envoyer le dossier au Conseil d’Etat et le départ à la retraite du président de la cinquième chambre sont imputables au Gouvernement. De plus, l’affaire aurait pu être plaidée aux audiences du 10 juin 1998 et 18 novembre 1998 sans la présence d’un avocat, comme le recours était signé par le premier requérant. Enfin, les requérants soulignent que leur recours ne visait pas seulement la décision qui fut annulée par l’administration le 10 mai 1993, mais aussi la décision qualifiant le terrain de « lieu de jardin d’enfants ». A ces demandes, les requérants soulignent qu’ils ont rajouté une demande d’annuler le refus tacite de l’administration de reconnaître les conséquences juridiques de l’arrêt no 3663/1999 du Conseil d’Etat.
La Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.
3.  A la lumière de l’arrêt Kudla c. Pologne du 26 octobre 2000, les requérants allèguent que le défaut en droit grec d’un recours, qui leur aurait permis de se plaindre de la durée de la procédure suite au recours déposé le 14 avril 1993 devant le Conseil d’Etat, a violé l’article 13 de la Convention qui dispose :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
Le Gouvernement soutient que ce grief constitue un grief nouveau qui n’est pas lié à ceux contenus dans la requête initiale des requérants. Il allègue que ce grief n’a jamais été formulé devant les juridictions nationales. Les requérants auraient pu, s’ils le souhaitaient, demandé au Conseil d’Etat d’examiner leur affaire en priorité. Enfin, les requérants auraient pu intenter à l’encontre des magistrats, responsables des retards, une procédure disciplinaire et une action de prise à partie.
Les requérants soutiennent que comme il n’existe aucune voie de droit spécifique pour se plaindre de la durée de la procédure, ils ne leur était pas possible de soulever cette question devant le Conseil d’Etat. Le dépôt d’une demande de traitement prioritaire n’aurait pas accélérer la procédure car les ajournements étaient décidés au motif que l’administration n’avait pas envoyé le dossier au Conseil d’Etat. La possibilité d’entamer une procédure disciplinaire contre les magistrats responsables ne correspond pas aux exigences d’un recours effectif. Enfin, quant l’action de prise à partie, depuis l’entrée en vigueur de la loi instituant le tribunal spécial de prise à partie, aucun arrêt n’a condamné un magistrat à verser une indemnité à un justiciable.
La Cour estime que le grief tiré de l’inexistence dans le droit grec d’un recours permettant de se plaindre de la durée excessive d’une procédure constitue un grief nouveau, qui n’est pas lié à ceux contenus dans la requête des requérants à la Cour, qui a été introduite le 12 mai 2000. Or la Cour note que l’arrêt du Conseil d’Etat a été rendu le 25 février 2002 et que ce grief a été rajouté par une lettre du 19 septembre 2002, donc plus de six mois après la décision interne définitive.
Il s’ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare recevable, tous moyens de fond réservés, les griefs des requérants tirés des l’articles 1 du Protocole no 1 et 6 § 1 de la Convention ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Søren Nielsen Françoise Tulkens   Greffier adjoint Présidente
DÉCISION ASSYMOMITIS c. GRÈCE
DÉCISION ASSYMOMITIS c. GRÈCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 67629/01
Date de la décision : 13/02/2003
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE CIVILE, (Art. 6) PROCEDURE CONSTITUTIONNELLE


Parties
Demandeurs : ASSYMOMITIS et AUTRES
Défendeurs : la GRECE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2003-02-13;67629.01 ?

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