La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2003 | CEDH | N°53341/99

CEDH | AFFAIRE HARTMAN c. REPUBLIQUE TCHEQUE


DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE HARTMAN c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
(Requête no 53341/99)
ARRÊT
STRASBOURG
10 juillet 2003
DÉFINITIF
03/12/2003
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Hartman c. République tchèque,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,    A.B. Baka,    Gaukur Jörundsson,    K. Jungwiert,    V.

Butkevych,   Mme W. Thomassen,   M. M. Ugrekhelidze, juges,   et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Apr...

DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE HARTMAN c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
(Requête no 53341/99)
ARRÊT
STRASBOURG
10 juillet 2003
DÉFINITIF
03/12/2003
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Hartman c. République tchèque,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,    A.B. Baka,    Gaukur Jörundsson,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mme W. Thomassen,   M. M. Ugrekhelidze, juges,   et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 11 mars 2003 et 24 juin 2003,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 53341/99) dirigée contre la République tchèque et dont M. Jan Hartman, ressortissant tchèque et français, et M. Jiří Hartman, ressortissant américain (« les requérants »), avaient saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 21 mars 1996 en vertu de l'ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). Le second requérant étant décédé le 17 mai 2002, la Cour a reconnu à M. Nicholas Perizad Hartman, son fils et l'un des héritiers légaux, qualité pour poursuivre la présente procédure en ses lieu et place.
2.  Les requérants se plaignaient de la durée des procédures de restitution engagées par eux, de la violation de leur droit au respect des biens et de l'absence de recours susceptible de remédier à cette situation.
3.  La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d'entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 dudit Protocole).
4.  Elle a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement de la Cour).
5.  Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la deuxième section ainsi remaniée (article 52 § 1 du règlement).
6.  Par une décision du 17 décembre 2002, la chambre a déclaré la requête recevable quant aux griefs tirés de la durée des procédures et de l'absence de recours à cet égard. Elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus.
7.  Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement).
8.  Une audience s'est déroulée en public au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le 11 mars 2003 (article 59 § 3 du règlement).
Ont comparu :
–  pour le Gouvernement  M. V. Schorm, agent ,  Mmes M. Králíková,   E. Vachovcová,  M. J. Kmec, conseils ;
–  pour les requérants  MM. M. Hulík, conseil ,   J. Hartman,   N.P. Hartman requérants.
La Cour a entendu en leurs déclarations MM. Schorm, Hulík et J. Hartman.
Ce dernier a, entre autres, invité la chambre à se dessaisir en faveur de la Grande Chambre. Notant qu'il semble avoir avant tout visé par sa demande les griefs déclarés irrecevables par la décision du 17 décembre 2002 et que le Gouvernement s'est opposé à ce dessaisissement, la Cour considère que les conditions prévues à l'article 30 de la Convention ne se trouvent pas réunies. En conséquence, l'examen de l'affaire se poursuivra devant la chambre.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
9.  Le 31 décembre 1948, les requérants quittèrent clandestinement l'ancienne Tchécoslovaquie. Depuis 1954, le premier requérant réside de façon permanente en France où il fut naturalisé en 1968, tout en gardant la nationalité tchécoslovaque. Le second requérant s'installa en 1949 aux Etats-Unis d'Amérique. Le 2 avril 1958, il obtint la nationalité américaine et perdit automatiquement la nationalité tchécoslovaque, en vertu du Traité bilatéral de 1928 sur la naturalisation. Le 9 novembre 1999, il acquit de nouveau la nationalité tchèque.
10.  Après l'émigration des requérants, tous leurs biens immobiliers, à savoir quatre immeubles sis à Prague, une villa et les terrains attenants situés à Želízy, ainsi que des biens mobiliers, en l'occurrence 1200 livres provenant de la bibliothèque de la célèbre chanteuse Emma Destinová, furent mis sous séquestre et administrés par les autorités locales communistes. Le 1er juillet 1955, le tribunal populaire (lidový soud) de Klatovy prononça la confiscation de ces biens.
11.  Après le changement de régime en 1989, les requérants commencèrent à entreprendre des démarches tendant à obtenir la restitution de leurs anciens biens.
A.  Procédure portant sur les terrains sis à Želízy
12.  Le 17 novembre 1992 (le 9 décembre 1992 selon le Gouvernement), le premier requérant intenta auprès du tribunal de district (okresní soud) de Mělník une action tendant à la restitution des terrains situés à Želízy, en vertu de la loi no 229/1991 sur la propriété foncière.
13.  Le 7 mars 1996, une audience se tint devant le tribunal à laquelle ni le requérant ni son représentant Me M. ne comparurent ; elle fut donc ajournée sine die afin de trouver leurs adresses et leur signifier les citations à comparaître.
14.  Les 25 avril et 8 juillet 1996, le tribunal invita Me M. à lui indiquer si le requérant souhaitait poursuivre la procédure ainsi que son adresse.
Le 23 juillet 1996, Me M. informa le tribunal qu'il ne représentait plus le requérant et qu'il avait transmis le dossier à un nouveau représentant, Me Š. Le 17 septembre 1996, Me Š. fit savoir au tribunal que Me H. était devenu représentant du requérant à sa place.
15.  Le 3 octobre 1996, le tribunal demanda à Me H. de lui soumettre sa procuration, de lui communiquer l'adresse du requérant et de lui faire savoir si ce dernier maintenait son action.
16.  Une audience fut fixée au 24 octobre 1997 mais les deux citations adressées au requérant furent retournées au tribunal. L'audience fut donc ajournée le temps de trouver son adresse.
17.  Le 6 novembre 1997, Me H. communiqua le lieu de séjour du requérant. Le 12 mars 1998, la procuration datée du 12 octobre 1996 fut versée au dossier par Me K., mandatée pour se substituer à Me H. qui participait à un stage à l'étranger.
18.  Les 20 avril, 25 mai et 7 juillet 1998, le juge du tribunal demanda à Me H. si le requérant souhaitait participer à l'audience. Me H. répondit par la suite que le requérant approuvait la tenue d'une audience en son absence.
19.  Les audiences fixées aux 19 novembre 1998 et 17 mars 1999 furent ajournées en raison de l'absence de Me H.
20.  Le 24 mai 2000, Me H. ne comparut pas à l'audience, alors que la citation lui avait été signifiée. Le même jour, le tribunal de district rendit son jugement, rejetant l'action tendant à faire constater que le premier requérant était propriétaire des terrains sis à Želízy.
21.  Le 29 septembre 2000, le requérant fit appel.
22.  Le 27 novembre 2000, le juge de la juridiction d'appel renvoya le dossier au tribunal de district car il n'en ressortait pas clairement que le jugement avait été signifié aux défendeurs L.D. et F.D.
23.  Le 22 février 2001, le jugement du 24 mai 2000 fut signifié au successeur juridique de L.D. et F.D., décédés entre-temps.
24.  Le 11 octobre 2001, le dossier fut de nouveau transmis à la juridiction d'appel.
25.  Le 5 novembre 2001, le tribunal régional (krajský soud) de Prague annula le jugement de première instance et renvoya l'affaire au tribunal de district.
26.  Le 26 mars 2002, le tribunal de district invita le requérant à préciser le nom des défendeurs et à compléter ses allégations. Cette demande lui fut signifiée le 2 avril 2002, un délai de dix jours ayant été fixé pour fournir les informations demandées.
27.  Le 22 mai 2002, le tribunal rejeta de nouveau l'action du requérant, relevant qu'il n'avait pas éliminé les vices de son action dans le délai imparti.
28.  Le 10 juin 2002, le requérant fit appel de cette décision. Le tribunal l'invita à le compléter, ce que le requérant n'aurait pas fait.
29.  Le 4 septembre 2002, le tribunal régional rejeta l'appel du requérant du 10 juin 2002 ; selon le Gouvernement, l'affaire fut définitivement close le 2 octobre 2002.
B.  Procédure portant sur la villa familiale de Želízy
30.  Le 18 octobre 1995 (le 23 octobre 1995 selon le Gouvernement), le second requérant intenta une action en restitution auprès du tribunal de district de Mělník, action dirigée contre les détenteurs actuels de la villa et des terrains de Želízy.
31.  Une audience fut fixée au 5 mai 1999 afin que le requérant puisse présenter des preuves écrites. Le 5 mai 1999, l'audience fut suspendue sine die.
32.  Le 13 mai 1999, l'avocat du requérant se rendit au tribunal de district de Mělník et apprit que les biens de Želízy avaient fait l'objet d'un contrat de donation conclu le 10 février 1995 avec un certain J.L. En 1997, ce dernier mit ces biens en gage au profit de deux banques tchèques. Récemment, la villa et les terrains auraient été rachetés par P.K.
33.  Le 29 juillet 1999, le tribunal invita le représentant du requérant, Me H., à lui faire savoir si son client persistait dans son action. Le 11 août 1999, Me H. informa le tribunal qu'il avait pris contact avec son client à ce sujet. Le 22 novembre 1999, il fit savoir au tribunal que le requérant ne lui avait toujours pas donné d'instructions quant à la poursuite de l'affaire.
34.  Le 17 mars 2000, Me H. s'excusa de ne pouvoir assister à l'audience fixée par le tribunal au 5 avril 2000.
35.  Le 5 avril 2000, le tribunal rendit un jugement sur le fond en rejetant l'action du second requérant ; ce jugement passa en force de chose jugée le 5 juillet 2000.
C.  Procédure portant sur les immeubles sis dans l'arrondissement de Prague 7
36.  Le 17 octobre 1995 (le 25 octobre 1995 selon le Gouvernement), le second requérant intenta contre l'office d'arrondissement de Prague 7 une action en restitution des immeubles fondée sur les lois nos 87/1991 et 119/1990.
37.  Le 10 avril 1997, une audience se tint en l'affaire.
38.  Le 20 avril 1997, le tribunal d'arrondissement (obvodní soud) de Prague 7 invita le requérant à donner des informations sur sa nationalité, ce qu'il fit le 14 juin 1997. Le 6 mai 1997, le tribunal reçut une lettre du ministère de l'Intérieur concernant le réexamen de la nationalité du requérant. Le 15 juin 1997, le requérant communiqua au tribunal des observations complémentaires relatives au litige.
39.  A l'issue de l'audience du 5 mars 1998, le tribunal rejeta l'action du requérant au motif que ce dernier ne remplissait pas la condition de nationalité tchèque et ne pouvait donc pas se voir restituer les immeubles revendiqués.
40.  Le 19 juin 1998, le requérant interjeta appel devant le tribunal municipal (městský soud) de Prague, alléguant que la condition de nationalité tchèque devait être considérée comme négligeable, puisqu'il était citoyen tchèque à l'époque de la confiscation de ses biens.
Le 9 novembre 1999, il obtint, conformément à la loi no 193/1999, un certificat de nationalité tchèque, délivré par l'office d'arrondissement de Prague 7, et devint à cette date citoyen de la République tchèque.
41.  Le 9 novembre 2000, le requérant introduisit une nouvelle action contre l'arrondissement de Prague 7 tendant à la restitution d'une moitié des immeubles concernés. Une audience fut fixée au 6 août 2002.
42.  Le 10 janvier 2002, le tribunal municipal de Prague rejeta l'appel interjeté le 19 juin 1998 par le second requérant contre le jugement du tribunal d'arrondissement de Prague 7. Cette décision fut ainsi confirmée et passa en force de chose jugée le 11 février 2002.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
Droit constitutionnel
43.  Aux termes de l'article 38-2 de la Charte des droits et libertés fondamentaux, chacun a droit, entre autres, à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable.
Loi no 335/1991 sur les tribunaux et les juges (en vigueur au moment des faits)
44.  Selon l'article 5-1, les juges sont tenus de statuer de façon impartiale et équitable et sans retard.
45.  L'article 6-1 dispose qu'il est possible d'adresser aux organes du système judiciaire (présidents des tribunaux, ministère de la Justice) des plaintes relatives à la manière dont le tribunal a conduit la procédure, qu'il s'agisse de lenteurs de procédure, du comportement inconvenant de personnes investies d'une fonction judiciaire ou d'une entrave au bon déroulement de la procédure devant un tribunal. Le requérant est en droit d'obtenir des informations sur les mesures que l'autorité de contrôle a prises à la suite de son recours hiérarchique, mais ce dernier ne lui confère pas un droit personnel à obtenir de l'Etat qu'il exerce ses pouvoirs de surveillance.
Loi no 58/1969 sur la responsabilité de l'Etat pour le préjudice causé par une irrégularité dans la décision d'une autorité de l'Etat ou dans la conduite de la procédure (en vigueur jusqu'au 15 mai 1998)
46.  Aux termes de l'article 18-1, l'Etat est responsable du préjudice causé par une irrégularité commise dans l'exercice de leurs fonctions officielles par des personnes investies de la puissance publique.
La responsabilité objective de l'Etat se trouve engagée dès lors que sont réunies les trois conditions suivantes : existence d'un préjudice matériel dont le montant peut être chiffré, irrégularité d'une procédure officielle d'une autorité de l'Etat et lien de causalité entre les deux.
47.  Le Gouvernement cite dans ses observations deux affaires (nos 3 C 305/96 et 13 C 368/99) dans lesquelles la personne intéressée s'est vu accorder, sur la base de cette loi, une indemnisation pour le préjudice matériel dû aux lenteurs de la procédure.
Loi no 82/1998 sur la responsabilité de l'Etat pour le préjudice causé lors de l'exercice de la puissance publique par une irrégularité dans la décision ou la conduite de la procédure (en vigueur depuis le 15 mai 1998)
48.  En vertu de l'article 13, l'Etat est responsable du préjudice causé par une  irrégularité dans la conduite de la procédure, y compris la violation de l'obligation d'effectuer un acte ou de rendre une décision dans le délai prévu par la loi. La personne qui a subi un préjudice du fait de cette irrégularité a droit à des dommages-intérêts. Ceux-ci incluent, selon l'article 31-2, le remboursement des frais exposés par la personne concernée pour la procédure entachée d'irrégularité, lorsque ces frais sont liés à cette irrégularité.
Loi no 182/1993 sur la Cour constitutionnelle
49.  L'article 82-3 dispose que, si le recours constitutionnel a été accueilli, la Cour constitutionnelle : a) annule la décision attaquée rendue par une autorité publique ou b) si la violation d'un droit garanti par la Constitution résulte d'une ingérence autre que la décision, elle interdit à l'autorité respective de poursuivre la violation de ce droit et lui ordonne de rétablir, si possible, le statu quo ante.
Jurisprudence de la Cour constitutionnelle relative à la durée de la procédure
50.  Il résulte de la jurisprudence que la Cour constitutionnelle exige, pour déclarer recevable le recours constitutionnel concernant la durée d'une procédure, que le requérant ait adressé un recours hiérarchique aux organes du système judiciaire. En cas de constat de violation du droit garanti par l'article 38-2 de la Charte des droits et libertés fondamentaux, cette juridiction peut ordonner au tribunal de mettre fin au retard et de poursuivre la procédure sans délai (tel était le cas dans les affaires nos I ÚS 313/97 et I ÚS 112/97, citées par le Gouvernement dans ses observations), sans toutefois être compétente pour accorder au requérant une indemnisation.
51.  Dans ses observations complémentaires du 18 février 2003, le Gouvernement enrichit le tableau de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle existant en la matière. Aux seize arrêts mentionnés dans la décision finale sur la recevabilité de la requête Kuchař et Štis c. République tchèque (no 37527/97, 23 mai 2000, non publiée) il ajoute les arrêts suivants :
– no III. ÚS 230/96 : le 29 mai 1997, la Cour constitutionnelle rejeta le recours portant sur les retards dans une procédure de tutelle, et ce au motif que le requérant avait contribué par son comportement à l'allongement de la procédure.
– no III. ÚS 70/97 : le 10 juillet 1997, la Cour constitutionnelle constata la violation, par la haute cour (vrchní soud) de Prague, du droit du requérant à ce que son affaire soit examinée sans retards injustifiés. Elle considéra qu'une telle violation ne justifierait l'annulation d'une décision passée en force de chose jugée que si les retards avaient entraîné la violation d'autres droits constitutionnels. Les seuls retards procéduraux ne constituent donc pas un motif d'annulation de la décision.
– no III. ÚS 218/97 : par cet arrêt du 4 décembre 1997, la troisième chambre de la Cour constitutionnelle tenta d'établir une distinction entre les composantes juridictionnelle et administrative du pouvoir judiciaire en imputant les retards causés par la surcharge des tribunaux uniquement à la composante administrative.
– no Pl. ÚS 6/98 : le 17 février 1998, l'assemblée plénière de la Cour constitutionnelle décida que le droit à l'examen de l'affaire sans retards injustifiés correspondait à l'obligation des juridictions de respecter le principe du procès équitable, sans qu'il soit possible de recourir à la distinction entre les différentes composantes du pouvoir judiciaire.
– no II. ÚS 342/99 : le 4 avril 2000, la Cour constitutionnelle constata que les retards dans une procédure portant sur l'octroi de dommages-intérêts pouvaient violer le droit constitutionnel à la protection judiciaire. Elle ordonna donc au tribunal concerné d'agir sans délai.
– no IV. ÚS 599/2000 : par son arrêt du 22 janvier 2001, la Cour constitutionnelle enjoignit au tribunal concerné d'agir sans délai et de réaliser l'exécution qu'il avait ordonnée. Elle constata que le critère de délai raisonnable pouvait varier en fonction des circonstances de l'espèce et qu'il appartenait à l'Etat de veiller à ce qu'il y ait suffisamment de personnel afin que ce critère soit respecté.
– no IV. ÚS 379/01 : dans cet arrêt du 12 novembre 2001, la Cour constitutionnelle constata que des retards dans une procédure déjà terminée par une décision passée en force de chose jugée ne s'analysaient pas par eux-mêmes en une violation de l'article 38-2 de la Charte des droits et libertés fondamentaux. L'annulation de la décision attaquée, dans une situation où la Cour constitutionnelle ne dispose pas d'autres moyens pour sauvegarder les droits constitutionnels, ne serait justifiée qu'à condition que les retards procéduraux entraînent la violation du principe du procès équitable ou d'autres droits matériels garantis par la Constitution. Or, les requérants n'avaient rien allégué de semblable et n'avaient de surcroît pas saisi le président du tribunal d'un recours formé en vertu de la loi sur les tribunaux et les juges.
– no I. ÚS 663/01 : le 19 février 2002, la Cour constitutionnelle interdit au tribunal concerné de continuer à violer le droit du requérant garanti par l'article 38-2 de la Charte et l'article 6 § 1 de la Convention et lui ordonna d'examiner sans retards la demande du requérant. Elle réitéra que les retards procéduraux ne se justifiaient pas par la surcharge des tribunaux et rappela qu'il était dans ces situations indispensable, avant d'introduire un recours constitutionnel, de saisir le président du tribunal en question d'un recours fondé sur la loi sur les tribunaux et les juges. Ce dernier principe admettrait toutefois des exceptions car l'on ne saurait insister sur ce recours lorsqu'il se révèle manifestement inefficace.
EN DROIT
I.  SUR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DU GOUVERNEMENT
A.  Incompatibilité ratione materiae
52.  Dans sa plaidoirie prononcée à l'audience du 11 mars 2003, le Gouvernement excipe pour la première fois de l'incompatibilité ratione materiae de la partie de la requête relative à la durée des procédures de restitution menées par le second requérant. Il note que Jiří Hartman ne remplissait pas ab initio la condition de nationalité exigée par la loi pour se voir restituer les biens. De ce fait, il n'existerait pas dans l'ordre juridique interne de droit ou d'obligation pouvant faire l'objet d'une contestation, et l'article 6 § 1 de la Convention ne serait pas applicable au cas du second requérant.
53.  La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 55 de son règlement, si une Partie contractante défenderesse entend soulever une exception d'irrecevabilité, elle doit le faire dans ses observations écrites ou orales sur la recevabilité de la requête. Toutefois, dans la présente affaire, la décision sur la recevabilité de la requête a été adoptée le 17 décembre 2002 (voir paragraphe 6 ci-dessus).
54.  Par conséquent, à ce stade de la procédure, le Gouvernement est forclos à formuler une exception préliminaire d'incompatibilité ratione materiae. En tout état de cause, la question de l'applicabilité de l'article 6 § 1 de la Convention a été examinée par la Cour au stade de la recevabilité de la requête, sans qu'un motif d'irrecevabilité ait alors été relevé.
Il s'ensuit que cette exception préliminaire du Gouvernement doit être rejetée.
B.  Non-épuisement des voies de recours internes
55.  En second lieu, le Gouvernement avance l'exception de non-épuisement des voies de recours internes quant au grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention, faisant valoir que les requérants ne se sont prévalus d'aucun des recours destinés à accélérer les procédures.
56.  La Cour rappelle que la règle de l'épuisement des voies de recours internes énoncée à l'article 35 de la Convention impose aux personnes désireuses d'intenter contre un Etat une action devant la Cour l'obligation d'utiliser auparavant les recours qu'offre le système juridique de leur pays. Les Etats n'ont donc pas à répondre de leurs actes avant d'avoir eu la possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique interne. Cette règle se fonde sur l'hypothèse – objet de l'article 13 de la Convention avec lequel elle présente d'étroites affinités – que l'ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée.
57.  Dans le cadre de l'article 35 de la Convention, un requérant doit se prévaloir des recours normalement disponibles et suffisants pour lui permettre d'obtenir réparation des violations qu'il allègue. Ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie, sans quoi leur manquent l'effectivité et l'accessibilité voulues (voir, entre autres, Vernillo c. France, arrêt du 20 février 1991, série A no 198, pp. 11-12, § 27, et Dalia c. France, arrêt du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 87, § 38).
58.  En outre, quant à la question de l'épuisement des voies de recours internes, l'article 35 prévoit une répartition de la charge de la preuve. Il incombe au Gouvernement excipant du non-épuisement de convaincre la Cour que le recours était effectif et disponible tant en théorie qu'en pratique à l'époque des faits, c'est-à-dire qu'il était accessible, susceptible d'offrir au requérant le redressement de ses griefs, et présentait des perspectives raisonnables de succès. Cependant, une fois cela démontré, c'est au requérant qu'il revient d'établir que le recours évoqué par le Gouvernement a en fait été employé ou bien, pour une raison quelconque, n'était ni adéquat ni effectif compte tenu des faits de la cause, ou encore que certaines circonstances particulières le dispensaient de cette obligation (Horvat c. Croatie, no 51585/99, § 39, CEDH 2001-VIII).
59.  La Cour a déjà reconnu que la règle de l'épuisement des voies de recours internes doit s'appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif (Cardot c. France, arrêt du 19 mars 1991, série A no 200, p. 18, § 34). Elle a de plus admis que cette règle ne revêt pas un caractère absolu et ne s'accommode pas d'une application automatique ; en en contrôlant le respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause. Cela signifie notamment que la Cour doit tenir compte de manière réaliste non seulement des recours prévus en théorie dans le système juridique de l'Etat contractant concerné, mais également du contexte juridique et politique dans lequel ils se situent ainsi que de la situation personnelle des requérants (Akdivar et autres c. Turquie, arrêt du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, pp. 1210-1211, §§ 65-68).
60.  En l'espèce, quant à l'information du Gouvernement selon laquelle les requérants n'ont effectué aucune démarche en vue d'accélérer la procédure, la Cour rappelle qu'en ce qui concerne la durée des procédures civiles, l'argument tenant aux moyens qu'un requérant aurait pu utiliser pour faire accélérer la procédure ressortit au fond de la requête (Horvat c. Croatie, précité, § 46). Dans sa décision sur la recevabilité de la présente affaire, la Cour a en effet joint cette exception au fond.
1.  Thèses des parties
61.  Le Gouvernement fait valoir qu'il existe dans l'ordre juridique tchèque des recours internes préventifs, à savoir le recours hiérarchique et le recours constitutionnel, complétés par un recours de nature compensatoire.
62.  Le Gouvernement affirme que le recours hiérarchique peut être introduit par toute personne auprès des organes du système judiciaire, à savoir les présidents des tribunaux et le ministère de la Justice, qui sont tenus de l'examiner dans un délai de deux mois. Ce recours, traité avec souplesse, a pour but d'avertir les autorités et peut remettre en marche une procédure « figée ».
63.  Sur la base du recours constitutionnel, qui fait suite au recours hiérarchique, la Cour constitutionnelle est compétente pour examiner s'il y a eu violation du droit fondamental à ce qu'une cause soit entendue dans un délai raisonnable. Elle peut accorder un redressement en ordonnant au tribunal inactif de cesser la violation du droit fondamental et d'agir en l'affaire. Pour le Gouvernement, l'efficacité de ce recours découle du caractère obligatoire des décisions exécutoires de la Cour constitutionnelle. Il admet que cette juridiction exige généralement que le requérant ait tenté de remédier à sa situation par le biais d'un recours hiérarchique, mais affirme que cette appréciation est souple.
64.  Quant à une éventuelle compensation, le Gouvernement relève que les requérants ont eu la possibilité d'intenter une action en dommages-intérêts, et ce à l'encontre de l'Etat qui, en vertu de la loi no 82/1998 (no 58/1969 avant le 15 mai 1998), est responsable du préjudice causé par une irrégularité dans la conduite de la procédure. Alléguant que les tribunaux n'hésitent pas, si les conditions légales sont réunies, à faire droit à ces actions, le Gouvernement constate que cette voie de recours n'est pas suffisamment utilisée.
Tout en reconnaissant que, pour le moment, aucune indemnisation du préjudice moral n'a été accordée sur la base de l'action susmentionnée, le Gouvernement estime que cela ne saurait dans des cas concrets empêcher de considérer ce type d'action comme un recours disponible, effectif et adéquat. Par ailleurs, il faudrait selon lui prouver que les requérants ont  effectivement subi un préjudice dont ils ne peuvent obtenir le redressement au niveau interne ; puis, si la violation d'un droit fondamental engendre un préjudice moral, c'est avant tout le constat d'une telle violation qui constitue une satisfaction équitable, constat pouvant être obtenu par un arrêt de la Cour constitutionnelle ou par l'octroi d'une indemnité pour le dommage matériel.
65.  Les requérants soutiennent qu'il n'existe pas en droit interne de recours susceptible de remédier à la durée des procédures. Selon eux, le recours hiérarchique a le caractère d'une simple réclamation dépourvue de conséquences procédurales et ne permet pas un redressement effectif et rapide ; le recours constitutionnel présuppose en revanche l'épuisement d'autres voies de recours et contribue ainsi à l'allongement de la procédure.
Les requérants allèguent également que la loi no 82/1998 ne contient que des dispositions d'ordre général, sans fixer de délai concret dans lequel la juridiction devrait agir. Ils soulignent que cette loi ne prévoit aucune réparation du préjudice moral, car elle ne permet d'indemniser qu'un  dommage matériel réel ou un manque à gagner.
2.  Appréciation de la Cour
66.  La Cour note d'emblée que le recours hiérarchique invoqué par le Gouvernement ne saurait être considéré comme une voie de recours efficace car il ne confère pas au justiciable un droit personnel à obtenir de l'Etat qu'il exerce ses pouvoirs de surveillance (Kuchař et Štis (déc.), précitée).
67.  Elle relève également que, si la Cour constitutionnelle tchèque constate que la procédure à l'origine du recours constitutionnel souffre de retards imputables à une juridiction donnée, elle peut ordonner à cette dernière de mettre fin à ces retards et de poursuivre la procédure sans délai. Tout en admettant que cette injonction puisse avoir un effet d'accélération sur le déroulement de la procédure au cas où elle est immédiatement respectée par la juridiction en question, la Cour note que la législation tchèque ne prévoit aucune sanction en cas d'inobservation. Contrairement au Tribunal fédéral suisse (voir Boxer Asbestos S.A. c. Suisse (déc.), no 20874/92, 9 mars 2000, non publiée) ou au Tribunal constitutionnel espagnol (voir Gonzalez Marin c. Espagne (déc.), no 39521/98, CEDH 1999-VII), la haute juridiction tchèque n'est donc pas compétente pour prendre des mesures concrètes en vue de faire accélérer la procédure litigieuse.
68.  La Cour constitutionnelle tchèque ne peut pas non plus accorder au requérant une quelconque indemnisation pour les retards déjà survenus. De l'avis de la Cour, cette lacune ne saurait être compensée par la possibilité d'intenter une action en dommages-intérêts contre l'Etat en vertu de la loi no 82/1998. En effet, le Gouvernement, auquel la charge de la preuve incombe en la matière, n'a pas réussi à démontrer (paragraphe 64 ci-dessus) que le dédommagement d'un préjudice moral puisse être obtenu par le biais d'une telle action (voir, mutatis mutandis, Havala c. Slovaquie (déc.), no 47804/99, 13 septembre 2001, non publiée). Or, dans les affaires de durée de procédure, les requérants subissent avant tout un préjudice moral, sans que la Cour les oblige à en prouver le montant.
69.  Dans ces circonstances, la Cour estime qu'il n'existe pas de véritable voie de droit permettant à une personne de se plaindre de la durée excessive d'une procédure en République tchèque (voir, mutatis mutandis, Horvat c. Croatie, précité, § 48). Les requérants étaient donc fondés à considérer qu'aucun recours juridique au niveau national ne leur permettrait de faire valoir effectivement leur grief.
Dès lors, la Cour conclut à l'absence de recours adéquat et effectif que les requérants auraient dû épuiser aux fins de l'article 35 § 1 de la Convention. Partant, elle rejette l'exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
70.  Les requérants se plaignent de ce que leurs causes n'ont pas été entendues dans un « délai raisonnable » au sens de l'article 6 § 1 de la Convention, qui se lit ainsi dans sa partie pertinente :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
71.  Le Gouvernement fait valoir que, d'après leurs propres déclarations, les requérants n'avaient pas une idée d'ensemble des différentes procédures, entre autres en raison des changements d'avocats. Cette attitude serait selon lui incompatible avec la diligence dont doit faire preuve toute partie à une procédure. Il souligne également les fréquents problèmes de communication entre le premier requérant et Me H., considérant que ce dernier est resté volontairement inactif car les requérants avaient grand intérêt à faire durer leurs procédures dans l'espoir de voir changer la législation sur les restitutions.
72.  Les requérants estiment que l'article 6 § 1 de la Convention a été violé dans le cas d'espèce.
73.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l'enjeu du litige pour l'intéressé (voir, parmi beaucoup d'autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
74.  La Cour note qu'il s'agit en l'occurrence d'examiner trois procédures distinctes ; celle menée par le premier requérant a duré presque dix ans pour deux instances, celles engagées par le second requérant ont duré l'une presque cinq ans pour une instance et l'autre six ans et trois mois pour deux instances.
75.  La Cour relève ensuite que les litiges ne présentaient pas de complexité particulière mais que leur enjeu était grand pour les requérants, vu notamment leur âge et leur état de santé. Elle observe également que, si les requérants et leur représentant ont contribué dans une certaine mesure à l'allongement des procédures, leur comportement ne saurait cependant expliquer la durée globale de celles-ci.
76.  Le comportement des autorités judiciaires n'est quant à lui pas exempt de critiques, compte tenu de la diligence qui s'imposait en l'espèce. La Cour relève de longues périodes d'inactivité qui ne sauraient être imputées aux requérants.
77.  Ayant examiné les faits de la cause à la lumière des arguments des parties et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée des trois procédures litigieuses, considérées chacune dans son ensemble, ne répond pas à l'exigence de « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
78.  Les requérants se plaignent de ne pas avoir disposé de recours effectif susceptible de remédier à la durée des procédures de restitution menées par eux. Ils invoquent à cet égard l'article 13 de la Convention, qui se lit comme suit :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
79.  Le Gouvernement rappelle le revirement de jurisprudence opéré en la matière par l'arrêt Kudła c. Pologne ([GC] no 30210/96, § 152, CEDH 2000-XI), et note qu'il n'existe pas en Europe un modèle unique de recours interne, malgré une évolution vers l'instauration de recours compensatoires. Il considère que le système tchèque de recours contre une durée excessive de procédure permet non seulement d'accélérer la procédure mais aussi de compenser les préjudices subis (voir les paragraphes 61-64 ci-dessus).
80.  Les requérants contestent cette thèse. En outre, le premier requérant insiste sur le caractère accessoire du grief tiré de la durée des procédures, exprimant son désaccord avec la décision de la Cour de déclarer irrecevables les griefs tirés de l'article 1 du Protocole no 1.
81.  La Cour rappelle d'abord que l'article 13 de la Convention garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d'une méconnaissance de l'obligation, imposée par l'article 6 § 1, d'entendre une affaire dans un délai raisonnable. En outre, l'ensemble des recours offerts par le droit interne peut remplir les exigences de l'article 13, même si aucun d'eux n'y répond à lui seul. Il faut donc à chaque fois déterminer si les moyens dont les justiciables disposent en droit interne sont « effectifs » en ce sens qu'ils peuvent empêcher la survenance ou la continuation de la violation alléguée ou fournir à l'intéressé un redressement approprié pour toute violation s'étant déjà produite (voir Kudła c. Pologne, précité, §§ 156-158).
L'article 13 ouvre donc une option en la matière : un recours est « effectif » dès lors qu'il permet soit de faire intervenir plus tôt la décision des juridictions saisies, soit de fournir au justiciable une réparation adéquate pour les retards déjà accusés (Mifsud c. France (déc.), no 57220/00, CEDH 2002–VIII).
82.  En l'occurrence, la Cour réitère que le recours hiérarchique invoqué par le Gouvernement ne peut passer pour une voie de droit permettant de contester la durée d'une procédure (paragraphe 66 ci-dessus).
83.  Concernant le recours constitutionnel tel qu'il existe en droit tchèque, la Cour réaffirme que celui-ci ne représente pas un recours effectif quant à la durée des procédures, dans la mesure où il ne permet ni d'obliger les juridictions à accélérer celles-ci, ni de fournir un dédommagement pour le préjudice pouvant résulter de leur durée excessive. Il en va de même pour l'action fondée sur la loi no 82/1998, qui ne saurait être considérée comme un mécanisme permettant un redressement approprié des violations s'étant déjà produites (paragraphes 67-68 ci-dessus).
84.  Dès lors, la Cour estime qu'il y a eu en l'espèce violation de l'article 13 de la Convention à raison de l'absence en droit interne d'un recours effectif au travers duquel les requérants auraient pu contester la durée des procédures litigieuses.
IV.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
85.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
86.  Au titre du préjudice matériel, les requérants réclament un montant total de 23 791 euros (EUR), correspondant à leur manque à gagner et au coût des réparations de leur patrimoine faisant l'objet des procédures de restitution.
Les requérants sollicitent en outre 63 291 EUR pour le préjudice moral résultant du long combat qu'ils ont mené pour obtenir la restitution de leurs biens.
87.  Le Gouvernement objecte qu'il n'existe aucun lien de causalité entre le dommage matériel allégué et la durée des procédures au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. Il note également que les requérants n'ont pas prouvé la réalité du montant demandé au titre du préjudice moral, qu'il considère comme excessif. Si la Cour devait conclure à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention quant aux procédures menées par le second requérant, décédé en mai 2002, le Gouvernement estime que cette constatation constituerait pour le fils de celui-ci une satisfaction équitable suffisante. Il en serait de même en cas de constat de violation de l'article 13 de la Convention.
88.  La Cour ne relève aucun lien de causalité entre le préjudice matériel allégué par les requérants et la violation de l'article 6 de la Convention qu'elle a constatée. Dès lors, il n'y a pas lieu d'octroyer une indemnisation de ce chef.
Elle estime en revanche que les requérants ont sans conteste subi un dommage moral du fait de la durée excessive des procédures.
Pour ce qui est du premier requérant, prenant en compte l'enjeu du litige pour lui ainsi que le fait qu'il a dans une certaine mesure contribué à la durée de la procédure, et statuant en équité comme le veut l'article 41 de la Convention, la Cour lui alloue 4 000 EUR à ce titre.
Compte tenu de sa jurisprudence en la matière (Massimo Pugliese c. Italie, no 45789/99, 28 novembre 2002, non publié ; Fatourou c. Grèce, no 41459/98, 3 août 2000, non publié ; J.B. c. France, no 33634/96, 26 septembre 2000, non publié ; Francisco c. France, no 38945/97, 13 novembre 2001, non publié) et statuant en équité, la Cour décide d'allouer à l'héritier du second requérant 6 000 EUR à ce titre.
Par ailleurs, étant donné que les requérants résident à l'étranger et qu'ils ont chiffré en euros le montant du dommage éprouvé par eux, la Cour estime qu'il y a lieu de leur verser les sommes susmentionnées en euros, et non pas en monnaie nationale de l'Etat défendeur.
B.  Frais et dépens
89.  Les requérants réclament également 11 614 EUR au titre du remboursement des frais et dépens, somme qui inclue 2 434 EUR pour les honoraires d'avocat, 5 612 EUR pour plusieurs voyages des requérants à Prague, 1 962 EUR pour les frais de communication et 1 606 EUR pour les frais de voyage encourus pour la comparution à l'audience devant la Cour.
90.  Le Gouvernement met en doute certains justificatifs présentés par les requérants à l'appui de leur demande et souligne qu'au niveau national, les requérants ont difficilement pu engager des frais et dépens en relation avec la violation de la Convention car ils n'ont déployé aucun effort dans le but d'accélérer les procédures. La seule somme réellement justifiée serait celle engagée par le représentant des requérants pour son déplacement à Strasbourg à l'occasion de l'audience du 11 mars 2003.
91.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, § 30, CEDH 1999-V). Compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour octroie aux requérants la somme globale de 1 500 EUR pour frais et dépens.
C.  Intérêts moratoires
92.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR , À l'UNANIMITÉ,
1.  Rejette les exceptions préliminaires du Gouvernement ;
2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;
3.   Dit qu'il y a eu violation de l'article 13 de la Convention ;
4.   Dit
a)  que l'Etat défendeur doit verser au premier requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 4 000 EUR (quatre mille euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
b)  que l'Etat défendeur doit verser à l'héritier du second requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 6 000 EUR (six mille euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
c)  que l'Etat défendeur doit verser aux requérants, dans la même période, une somme globale de 1 500 EUR (mille cinq cents euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
d)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le 10 juillet 2003.
S. Dollé J.-P. Costa   Greffière Président
ARRÊT HARTMAN c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE 


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section)
Numéro d'arrêt : 53341/99
Date de la décision : 10/07/2003
Type d'affaire : Arrêt (Au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Exception préliminaire rejetée (forclusion) ; Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF, (Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 35-1) RECOURS INTERNE EFFICACE, (Art. 6) PROCEDURE CIVILE


Parties
Demandeurs : HARTMAN
Défendeurs : REPUBLIQUE TCHEQUE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2003-07-10;53341.99 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award