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17/02/2004 | CEDH | N°58572/00

CEDH | MORABITO et AUTRES contre l'ITALIE


QUATRIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 58572/00  présentée par Biagio MORABITO et autres  contre l’Italie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant le 17 février 2004 en une chambre composée de :
Sir Nicolas Bratza, président,   M. M. Pellonpää,   Mme V. Strážnická,   MM. J. Casadevall,    V. Zagrebelsky,    S. Pavlovschi,    J. Borrego Borrego, juges,  et de M. M. O’Boyle, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 22

mars 2000,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, MM. Biagio Morabi...

QUATRIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 58572/00  présentée par Biagio MORABITO et autres  contre l’Italie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant le 17 février 2004 en une chambre composée de :
Sir Nicolas Bratza, président,   M. M. Pellonpää,   Mme V. Strážnická,   MM. J. Casadevall,    V. Zagrebelsky,    S. Pavlovschi,    J. Borrego Borrego, juges,  et de M. M. O’Boyle, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 22 mars 2000,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, MM. Biagio Morabito, Alfio Morabito et Mme Nunzia Morabito ainsi que Mme Maria Lipera sont des ressortissants italiens, nés respectivement en 1974, 1980, 1972 et 1952 et résidant à Belpasso. Ils sont représentés devant la Cour par Me G. Grasso, avocat à Catane.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
Le 21 septembre 1995, en raison des soupçons qui pesaient sur F. M., époux et père des requérants, et qui donnaient à penser qu’il était membre d’une organisation criminelle de type mafieux, le parquet de Catane entama contre celui-ci une procédure en vue de l’application des mesures de prévention établies par la loi no 575 de 1965, tel que modifiée par la loi no 646 du 13 septembre 1982. Le parquet demanda également la saisie de certains biens appartenant à F. M.
Le 3 octobre 1995, le président du tribunal de Catane prononça une décision de saisie de la quasi-totalité des biens appartenant à F. M. et à sa famille, notamment plusieurs terrains, plusieurs maisons et appartements ainsi que des véhicules automobiles. Cette décision fut validée le même jour par le tribunal de Catane qui constata une disproportion entre le train de vie de F. M. et l’ampleur de ses revenus apparents.
Dès cette date, la chambre spécialisée pour l’application des mesures de prévention du tribunal de Catane engagea une procédure contre la quatrième requérante et son mari. Ces derniers furent représentés par un avocat de leur choix. Durant cette procédure, de nombreux témoins furent entendus et des expertises financières et comptables furent accomplies.
Par une ordonnance du 16 décembre 1998, la chambre chargée des mesures de prévention du tribunal de Catane décida de soumettre F.M. à une mesure de contrôle de police ordonnant en même temps son assignation à résidence dans sa commune de résidence pour une durée de 3 ans. La chambre ordonna en outre la confiscation des biens précédemment saisis appartenant à F.M. et à sa famille, en application de l’article 2 ter, troisième alinéa, de la loi no 575 de 1965.
Les juges de la chambre spécialisée soulignèrent l’appartenance de F.M. à une association criminelle de type mafieux. Concernant la situation financière de la quatrième requérante et de son époux, la chambre spécialisée du tribunal observa qu’il était difficile de reconstituer l’historique des différentes activités économiques entamées par F.M. et d’individualiser la provenance licite de ses capitaux pour l’acquisition de ses biens, compte tenu du fait que ce dernier n’avait pas officiellement comptabilisé toutes ses opérations. Le tribunal estima par ailleurs que l’expertise comptable effectuée au cours de la procédure avait mis en évidence une substantielle disproportion entre l’emploi des ressources économiques et des fonds pour les années 1986, 1988, 1989 et 1991, périodes au cours desquelles les conjoints acquirent divers biens immobiliers sans que le revenu déclaré puisse justifier la légitime acquisition des biens en question.
La quatrième requérante et son époux interjetèrent appel contre l’ordonnance du 16 décembre 1998.
Dans l’intervalle, F.M. décéda.
Les requérants poursuivirent la procédure devant la cour d’appel de Catane.
Par une décision du 27 septembre 1999 déposée au greffe le 5 octobre 1999, la cour d’appel de Catane décida d’annuler la mesure de prévention personnelle envers F.M., décédé au cours du procès, et révoqua la mesure de confiscation des biens saisis, ordonnant la restitution de tous les avoirs à leurs ayants droit. Cette décision acquit force de chose jugée le 6 novembre 1999.
Le 10 décembre 1999, le défenseur des requérants adressa au greffe de la chambre spécialisée des mesures de prévention de la cour d’appel de Catane une requête afin de faire exécuter la décision du 27 septembre 1999, car ces derniers se trouvaient toujours privés de leurs biens sans aucune raison légitime.
Le 30 décembre 1999, le greffe de la cour d’appel de Catane communiqua au conservateur des registres immobiliers de Catane la révocation de la mesure de confiscation des biens saisis, décidée le 27 septembre 1999.
B.  Le droit interne pertinent
Conformément à l’article 2 ter de la loi no 575 du 31 mai 1965, au cours de la procédure pour l’application des mesures de prévention à l’encontre d’une personne soupçonnée d’appartenir à des associations de type mafieux, « le tribunal, même d’office, ordonne par décision motivée la saisie des biens dont la personne contre laquelle la procédure a été engagée dispose directement ou indirectement, quand il y a lieu d’estimer, sur la base d’indices suffisants, telle que la disproportion considérable entre le train de vie et les revenus apparents ou déclarés, que ces biens constituent le profit d’activités illicites ou son remploi. Avec l’application de la mesure de prévention, le tribunal ordonne la confiscation des biens saisis dont la provenance légitime n’a pas été démontrée. (...) La saisie est révoquée par le tribunal lorsque la demande d’application de la mesure de prévention est rejetée ou lorsque la provenance légitime des biens est démontrée. »
GRIEFS
1. Les requérants considèrent que l’application de la mesure de prévention de la confiscation ainsi que le retard dans la restitution des biens, suite à la révocation de cette mesure, ont porté atteinte à leur droit au respect de leurs biens, tels qu’il est garanti par l’article 1 du Protocole no 1.
2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de l’iniquité de la procédure, du défaut d’accès à un tribunal indépendant et impartial et de la durée de la procédure.
EN DROIT
1.  Les requérants considèrent que la confiscation et la saisie conservatoire de leurs biens mobiliers et immobiliers ainsi que le retard dans la restitution de ces avoirs ont porté atteinte à leur droit au respect des biens, tel qu’il est garanti par l’article 1 du Protocole no 1. Cette disposition se lit ainsi :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
En l’état actuel du dossier, la Cour estime ne pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du Gouvernement italien en application de l’article 54 § 3 de son règlement.
2.  Les requérants se plaignent de l’iniquité de la procédure, du défaut d’accès à un tribunal indépendant et impartial ainsi que de la durée de la procédure pour l’application des mesures de prévention. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :
« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...)
La Cour doit d’abord déterminer si la disposition invoquée trouve à s’appliquer en l’espèce.
Elle rappelle que, selon la jurisprudence des organes de la Convention, les mesures de prévention prévues par les lois italiennes de 1965 et 1982, qui n’impliquent pas un jugement de culpabilité mais visent à empêcher l’accomplissement d’actes criminels, ne sauraient se comparer à une « peine » (voir les arrêts Raimondo c. Italie du 22 février 1994, série A no 281-A, p. 20, § 43 ; Ciulla c. Italie du 22 février 1989, série A no 148, p 17, § 39 et Guzzardi c. Italie du 6 novembre 1980, série A no 39, p. 37, § 100).
Dès lors, la procédure y relative ne porte pas sur le « bien- fondé » d’une « accusation en matière pénale » (Raimondo, précité, § 43 ; Guzzardi, précité, § 108).
Il reste à déterminer si la procédure entamée contre les requérants portait sur des « droits et obligations de caractère civil » aux termes du premier paragraphe de l’article 6.
La Cour observe à cet égard que l’article 6 s’applique au civil à toute action ayant un objet « patrimonial » et se fondant sur une atteinte alléguée à des droits eux aussi patrimoniaux (voir arrêts Raimondo, précité, § 43 ; Editions Périscope c. France, arrêt du 26 mars 1992, série A no 234-B, p 66, § 40).
Tel étant le cas en l’espèce, l’article 6 § 1 est applicable à la procédure litigieuse dans son volet civil.
a) Les requérants dénoncent l’iniquité de la procédure. Ils n’auraient disposé d’aucun moyen de recours pour attaquer la décision du 16 décembre 1998 appliquant la mesure de prévention et n’auraient pu en demander la révocation qu’au juge l’ayant fixée.
En l’espèce, la Cour constate que, conformément à la loi no 575 du 31 mai 1965, les requérants pouvaient attaquer la décision devant le juge de la chambre spécialisée pour les mesures de prévention du tribunal de Catane. Ils disposaient ensuite d’un recours en appel, ce qu’ils ont d’ailleurs fait. Au surplus, les requérants ne sont plus affectés par la mesure puisque la cour d’appel de Catane, le 27 septembre 1999, révoqua la mesure de prévention contestée.
Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
b) Dans un courrier parvenu au greffe de la Cour le 13 novembre 2001, les requérants se plaignent du fait de ne pas avoir pu s’adresser à un tribunal indépendant et impartial pour contester la décision du 16 décembre 1998 du juge de la chambre spécialisée pour les mesures de prévention.
La Cour constate que les requérants ont soulevé devant elle pour la première fois le grief relatif au défaut d’indépendance et d’impartialité du tribunal saisi dans un courrier parvenu au greffe le 13 novembre 2001. Or, la décision interne définitive mise en cause a été rendue le 27 septembre 1999, soit plus de six mois avant l’introduction de ce grief (voir notamment Olivier Gaillard c. France (déc.), no 47337/99, 11 juillet 2000, Nee c. Irlande (déc.), no 52787/99, 30 janvier 2003).
Il s’ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
c) Dans le formulaire de requête, les requérants se sont plaints de la durée de la procédure.
Le 2 juillet 2001, le Greffe de la Cour informa les requérants de l’entrée en vigueur, le 18 avril 2001, de la loi no 89 du 24 mars 2001 (ci-après «la loi Pinto »), qui introduisait dans le système juridique italien une voie de recours contre la longueur excessive des procédures judiciaires. Les requérants furent en outre invités à soumettre leur grief d’abord aux juridictions nationales. Par un courrier parvenu au greffe le 13 novembre 2001, le représentant des requérants indiqua que, conformément à la loi Pinto, celui-ci avait déposé un recours devant la cour d’appel de Messina et qu’il retirait ce grief.
Le grief de la durée de la procédure ayant été retiré, la Cour estime qu’il ne s’impose pas de statuer sur cette partie de la requête.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen du grief des requérants tiréNote de l’article 1 du Protocole no 1 ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Michael O’Boyle Nicolas Bratza   Greffier PrésidentNote
Indiquer les griefs sans citer nécessairement les articles de la Convention invoquées.
Déplacer les tabs centrales pour aligner les titres sous les noms avec les marges gauches et droites.
DÉCISION MORABITO + 3 AUTRES c. ITALIE
DÉCISION MORABITO + 3 AUTRES c. ITALIE 


Type d'affaire : Decision (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE D'EXECUTION, (Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE, (Art. 8-1) RESPECT DU DOMICILE


Parties
Demandeurs : MORABITO et AUTRES
Défendeurs : l'ITALIE

Références :

Origine de la décision
Formation : Cour (quatrième section)
Date de la décision : 17/02/2004
Date de l'import : 21/06/2012

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 58572/00
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2004-02-17;58572.00 ?

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