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17/02/2004 | CEDH | N°73805/01

CEDH | TABAÏ contre la FRANCE


DEUXIEME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 73805/01  présentée par Slah Eddine TABAÏ  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 17 février 2004 en une chambre composée de :
MM. A.B. Baka, président,    J.-P. Costa,    L. Loucaides,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mme W. Thomassen,   MM. M. Ugrekhelidze, juges,  et de Mme  S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 24 août 2001,
Après en av

oir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, Slah Eddine Tabaï, est un ressortissant ...

DEUXIEME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 73805/01  présentée par Slah Eddine TABAÏ  contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 17 février 2004 en une chambre composée de :
MM. A.B. Baka, président,    J.-P. Costa,    L. Loucaides,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mme W. Thomassen,   MM. M. Ugrekhelidze, juges,  et de Mme  S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 24 août 2001,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, Slah Eddine Tabaï, est un ressortissant tunisien né en 1962. Il est actuellement détenu à la maison d’arrêt de Fleury-Merogis. Il est représenté devant la Cour par Me Dominique Foussard, avocate au barreau de Paris.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Arrivé en France en 1989 en provenance de Tunisie, le requérant, soupçonné d’être l’auteur, dans le cadre d’un règlement de comptes, d’un double assassinat, fut interpellé à Paris en 1994. Interrogé à plusieurs reprises par les enquêteurs de police, le requérant ne variait pas dans ses diverses déclarations : il soutenait qu’il avait agi en état de légitime défense. Par un arrêt du 17 février 1997, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris prononça la mise en accusation du requérant, et le renvoya devant la cour d’assises de Seine Saint Denis « pour avoir, à Aubervilliers, le 11 octobre 1994, volontairement donné la mort [à deux personnes] avec la circonstance que ces meurtres auraient été commis avec préméditation ». L’arrêt fut notifié au requérant le 22 février 1997.
Par un arrêt du 7 mai 1998, ladite cour d’assises déclara le requérant coupable des faits reprochés et le condamna à trente ans de réclusion criminelle et dix ans d’interdiction du territoire français.
Le requérant, représenté par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, se pourvut en cassation. A l’appui de son pourvoi, le requérant développait notamment un moyen de cassation fondé sur l’article 6 de la Convention ; il exposait qu’il ne résultait pas du dossier de la procédure que la signification de l’arrêt de renvoi du 7 février 1997 ait été accompagnée d’une traduction, ou qu’il ait été assisté d’un interprète lors de cette signification, alors qu’il avait été constaté au cours de la procédure qu’il ne comprenait pas la langue française.
Le 28 février 2001, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le requérant par un arrêt ainsi libellé :
Attendu qu’il ne résulte d’aucune mention du procès-verbal des débats, ni d’aucune conclusion que l’accusé ait invoqué devant la cour d’assises une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme résultant, selon lui, du défaut de traduction de l’arrêt de renvoi lors de sa signification ;
Qu’ainsi le moyen n’est pas recevable ;
GRIEFS
1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de l’iniquité de l’instance devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il expose que ni lui ni son conseil ne reçurent communication, avant l’audience, du rapport du conseiller rapporteur – alors que ce document aurait été fourni à l’avocat général – et qu’ils ne purent répondre audit rapport. Renvoyant à l’arrêt Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France (du 31 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II), il invite la Cour à conclure à une violation de son droit à un procès équitable.
2. Invoquant l’article 6 § 3 a) e) et b) de la Convention, le requérant se plaint de ce que l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises qui lui a été signifié était uniquement rédigé en français, alors, d’une part, qu’il aurait été constaté au cours de la procédure qu’il ne comprenait pas cette langue, et d’autre part, qu’il n’aurait pas été assisté d’un interprète lors de cette signification. De la violation, selon lui, de son droit à être informé dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillé de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui, découlerait une méconnaissance de son droit de se faire assister gratuitement d’un interprète ainsi que de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint d’une violation de son droit à un procès équitable devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il expose d’une part que ni lui ni son conseil ne reçurent communication, avant l’audience, du rapport du conseiller rapporteur – alors que ce document aurait été fourni à l’avocat général – et qu’ils ne purent répondre audit rapport. Le requérant se réfère à l’arrêt Reinhardt et Slimane Kaïd c. France (arrêt du 31 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II). Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, aux termes duquel :
«Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...).»
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
2. Le requérant se plaint de ce que l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises qui lui a été signifié était uniquement rédigé en français, alors, d’une part, qu’il aurait été constaté au cours de la procédure qu’il ne comprenait pas cette langue, et d’autre part, qu’il n’aurait pas été assisté d’un interprète lors de cette signification. De la violation, selon lui, de son droit à être informé dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillé de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui, découlerait une méconnaissance de son droit de se faire assister gratuitement d’un interprète ainsi que de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Le requérant invoque l’article     6 § 3 a), b) et e) de la Convention, aux termes duquel :
« Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
La Cour constate tout d’abord que la base de l’argumentation juridique du requérant réside dans la violation alléguée de l’article 6 § 3 a) de la Convention. Ceci posé, la Cour rappelle que si cette disposition ne spécifie pas qu’il y a lieu de fournir ou de traduire par écrit à un mis en examen étranger les renseignements pertinents, elle montre la nécessité de mettre un soin extrême à notifier l’accusation à l’intéressé. L’acte d’accusation, en effet, est amené à jouer un rôle déterminant dans les poursuites pénales : à compter de sa signification, l’inculpé est officiellement avisé par écrit de la base juridique et factuelle des reproches formulés contre lui. Un accusé à qui la langue employée par le tribunal n’est pas familière peut donc en pratique se trouver désavantagé si on ne lui délivre pas aussi une traduction de l’acte d’accusation, établie dans un idiome qu’il comprend (voir Kamasinski c. Autriche, arrêt du 19 décembre 1989, série A no 168, § 79). L’article 6 § 3 a) n’impose cependant aucune forme particulière quant à la manière dont l’accusé doit être informé de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui (voir l’arrêt Pélissier et Sassi c. France du 25 mars 1999, [GC], no 25444/94, § 54, CEDH 1999-II).
En l’espèce, la Cour note que l’arrêt de renvoi en jugement, en date du 21 février 1997, a été signifié au requérant sans être accompagné d’une traduction en arabe, sa langue maternelle. Toutefois, il résulte de l’ensemble des pièces du dossier que le requérant, contrairement à ce qu’il soutient, était à même de comprendre le français, et partant, la nature et la cause des accusations portées contre lui.
La Cour constate en effet que le requérant, arrivé en France en 1989 en provenance de la Tunisie – pays au demeurant francophone – s’exprima, en ce qui concerne lesdites accusations, à plusieurs reprises devant les juridictions internes. Interrogé par les enquêteurs de police sur sa participation aux faits litigieux, il répondit aux questions qui lui furent posées, et, soutenant avoir agi en état de légitime défense, contesta être l’auteur du double assassinat. La Cour relève également que le requérant fut entendu, lors de l’audience publique du 7 mai 1998 de la cour d’assises, en ses observations, et eut la parole en dernier. Enfin, la Cour souligne le fait qu’il n’apparaît à aucun stade de la procédure que le requérant sollicita l’assistance d’un interprète. A cet égard, la Cour note que pour écarter le moyen de cassation tiré de l’absence de traduction de l’arrêt de renvoi lors de sa signification, la Cour de cassation, dans son arrêt du 28 février 2001, constata qu’il ne résultait d’aucune mention du procès-verbal des débats, ni d’aucune conclusion, que le requérant aurait invoqué devant la cour d’assises une quelconque violation de l’article 6 de la Convention résultant du défaut de traduction de l’arrêt de renvoi. Ainsi, à la lumière de ce qui précède, la Cour estime que le requérant ne démontre en rien son incapacité à comprendre le français. Dans ces conditions, il ne peut être déduit de l’absence d’une traduction écrite qu’il n’a pu avoir connaissance des chefs d’accusation (voir dans le même sens Kamasinski précité §§ 80 et 81).
Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen du grief relatif à une méconnaissance du droit à un procès équitable devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, du fait de l’absence de communication, au requérant ou à son conseil, avant l’audience, du rapport du conseiller rapporteur, alors que ce document aurait été fourni à l’avocat général ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
S. Dollé A.Baka   Greffière Président
DÉCISION TABAÏ c. FRANCE
DÉCISION TABAÏ c. FRANCE 


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section)
Numéro d'arrêt : 73805/01
Date de la décision : 17/02/2004
Type d'affaire : Decision (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE D'EXECUTION, (Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE, (Art. 8-1) RESPECT DU DOMICILE


Parties
Demandeurs : TABAÏ
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2004-02-17;73805.01 ?

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