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19/02/2004 | CEDH | N°74379/01

CEDH | PREMARIES contre l'ITALIE


TROISIEME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 74379/01  présentée par Alfredo PREMARIES  contre l'Italie
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant le 19 février 2004 en une chambre composée de
MM. I. Cabral Barreto, président,    L. Caflisch,    P. Kūris,    J. Hedigan,   Mme M. Tsatsa-Nikolovska,   MM. K. Traja,    V. Zagrebelsky, juges,  et de M. M. Villiger, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 8 novembre 2000,
Après en av

oir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant,  Alfredo Premaries, est un ressor...

TROISIEME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 74379/01  présentée par Alfredo PREMARIES  contre l'Italie
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant le 19 février 2004 en une chambre composée de
MM. I. Cabral Barreto, président,    L. Caflisch,    P. Kūris,    J. Hedigan,   Mme M. Tsatsa-Nikolovska,   MM. K. Traja,    V. Zagrebelsky, juges,  et de M. M. Villiger, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 8 novembre 2000,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant,  Alfredo Premaries, est un ressortissant italien, né en 1946 et résidant à Prepotto (Udine). Il est représenté devant la Cour par Me L. Bernot, avocat à Gorizia.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant est le père de A. et C., des jumeaux nés le 20 juin 1986 à Rome.
Le 21 octobre 1987, les services sociaux furent informés que la mère des enfants avait été hospitalisée pour une longue période. Les enfants furent alors confiés à une famille pendant huit mois.
A la fin du séjour hospitalier de la mère, les enfants revinrent chez eux. Quelque temps après, les services sociaux apprirent que la situation familiale était devenue critique : des disputes violentes entre les parents, souvent ivres, avaient lieu fréquemment. Pendant ses crises de colère le requérant avait, entre autres, tué une chèvre en lui coupant la tête avec une scie à moteur, et cela devant les enfants, tiré avec un pistolet contre la porte du domicile risquant de blesser les enfants et sa femme.
Le requérant et sa femme refusèrent à plusieurs reprises l'aide offerte par les services sociaux.
A une date non précisée, les gendarmes de Cividale informèrent le tribunal pour enfants de Trieste (« le tribunal pour enfants ») de la situation familiale du requérant. Le tribunal pour enfants ouvrit alors une procédure visant à surveiller la situation, en application de la loi no 184 du 4 mai 1983 (« la loi 184/1983 »).
Par une ordonnance du 26 octobre 1991, le tribunal pour enfants ordonna le placement des enfants à l'assistance publique. L'ordonnance fut toutefois mise à exécution le 28 août 1992 à l'issue d'une enquête au cours de laquelle les parents furent entendus et les services sociaux déposèrent des rapports sur la situation des enfants. Ceux-ci furent placés dans un centre d'accueil géré par des religieuses.
Le requérant et sa femme présentèrent une opposition (reclamo) devant la cour d'appel de Trieste, qui rejeta la demande le 4 mars 1994. Auparavant, le 15 janvier 1994, l'expert nommé par le tribunal pour enfants avait déposé son expertise. Les informations recueillies au cours des entretiens notamment avec les parents, les assistants sociaux, les gérantes du centre d'accueil des enfants, avaient amené l'expert à conclure que le retour des enfants chez eux n'était pas opportun car le rapport de couple des parents ne s'était point amélioré : le père niant tout manquement à ses devoirs parentaux, la mère passive et soumise étant incapable d'offrir protection. Par ailleurs, les visites aux enfants avaient été rares : en septembre 1993 le père s'était même rendu au centre en état d'ivresse.
Le 25 mai 1994, en application de l'article 8 de la loi no 184/1983, le tribunal pour enfants ouvrit la procédure visant à déclarer les enfants adoptables. Il demanda aux services sociaux de rédiger des rapports sur la situation familiale de ceux-ci et ordonna l'audition des parents.
Par une décision du 19 octobre 1994, considérant que les parents, alcooliques et souvent en proie à des violentes disputes dues au caractère violent du requérant, n'avaient pas été capables d'assumer leur rôle de parents et que, par conséquent, ils n'avaient pas garanti un développement équilibré aux enfants, le tribunal pour enfants déclara A. et C. adoptables. Il suspendit également l'autorité parentale et confirma le placement des enfants à l'assistance publique.
La décision fut notifiée le 4 novembre 1994 au requérant et à sa femme, qui s'y opposèrent.
Le 15 mars 1995, eut lieu l'audition du requérant et de sa femme. Des expertises furent déposées et les services sociaux rédigèrent plusieurs rapports. Des témoins furent également étendus.
Les rapports déposés confirmèrent notamment que la situation familiale était caractérisée par des disputes violentes et que les enfants ne pourraient pas trouver chez eux le soutien matériel et moral nécessaire au bon développement de leur personnalité.
Par une décision du 19 avril 1995, déposée au greffe le 2 mai, le tribunal pour enfants rejeta la demande du requérant et de sa femme ou motif que leur comportement avait entraîné une situation d'abandon des enfants, justifiant ainsi la décision du 25 mai 1994. Le tribunal relevait, entre autres, que les visites aux enfants avaient été sporadiques et avaient suscité peur et refus chez les enfants en raison aussi de ce que les parents s'étaient parfois présentés en état d'ivresse.
Le requérant et sa femme interjetèrent appel le 30 mai 1995. Ils alléguaient que le tribunal avait tenu compte exclusivement des rapports des services sociaux avec lesquels ils étaient en conflit, et, qu'en tout cas, il n'y avait désormais aucun élément pouvant justifier le maintien de la décision du 25 mai 1994. La cour d'appel de Trieste ordonna une expertise et, à l'audience du 23 septembre 1996, entendit le requérant et sa femme.
Selon le rapport d'expertise, les conditions psychiques du requérant et de sa femme faisaient obstacle à l'exercice effectif d'un rôle parental approprié, surtout à cause de leurs caractères et de leurs relations de couple décidément négatifs par rapport à la tâche éducative d'un parent.
Par un arrêt du 23 septembre 1996, déposé au greffe le 9 novembre 1996, considérant que ces obstacles seraient difficilement surmontables avec le temps et que les mineurs subiraient un préjudice irréversible en cas de retour dans leur foyer, la cour d'appel rejeta la demande du requérant et de sa femme.
Ceux-ci se pourvurent en cassation. Par un arrêt du 2 juillet 1997, déposé au greffe le 7 novembre 1997, la Cour de cassation rejeta le pourvoi au motif que la cour d'appel avait correctement évalué les faits.
Le 25 février 1998, le tribunal pour enfants prit le décret d'adoption provisoire (decreto di affidamento preadottivo), puis le 28 octobre 1998 déclara l'adoption des enfants.
Le 22 mai et le 9 août 2000, le requérant déposa auprès du tribunal pour enfants et de la cour d'appel de Trieste deux demandes afin d'obtenir une copie des décrets d'adoption, au motif qu'il voulait examiner si les conditions prévues par la loi étaient remplies.
Les présidents du tribunal et de la cour d'appel rejetèrent les demandes par deux ordonnance du 9 juin et du 17 août 2000 au motif qu'elles étaient incompatibles avec le système juridique en vigueur - l'article 73 de la loi no 184/1983 réprimant en effet la divulgation de toute information permettant de retrouver un mineur adopté.
GRIEFS
Invoquant l'article 8 de la Convention, le requérant se plaint de la violation de son droit au respect de sa vie familiale en ce que les autorités nationales n'auraient pas organisé des rencontres entre lui et ses enfants.
Invoquant l'article 13, le requérant allègue qu'en l'empêchant d'examiner les décrets d'adoption provisoire et définitif, l'Etat italien l'a privé de son droit à un recours effectif.
EN DROIT
1.  Le requérant reproche au tribunal de Trieste de ne pas avoir programmé des rencontres avec ses enfants, ce qui aurait entraîné la méconnaissance de l'article 8 de la Convention, aux termes duquel :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie (...) familiale (...).
2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
La Cour relève avant tout que la dernière décision interne définitive est celle de la Cour de Cassation du 2 juillet 1997 déposée au greffe de celle-ci le 7 novembre 1997, soit plus de six mois avant la date d'introduction de la requête (8 novembre 2000). Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour tardiveté en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. Au demeurant, ainsi qu'il ressort de la décision du tribunal de Trieste du 19 avril 1995, le requérant bénéficia, tout comme son épouse, du droit de rendre visite à ses enfants, mais les visites des deux parents furent sporadiques et suscitèrent peur et refus chez les enfants en raison aussi de ce que les parents s'étaient parfois présentés en état d'ivresse.
2.  Le requérant dénonce aussi la violation de l'article 13 de la Convention ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
La Cour n'est toutefois pas appelée à se prononcer su la question de savoir si le requérant a bénéficié d'un recours effectif en droit interne. Selon sa jurisprudence constante, la disposition invoquée par le requérant garantit l'existence en droit interne d'un recours permettant de s'y prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu'ils peuvent s'y trouver consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d'exiger un recours interne habilitant à examiner le contenu d'un « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié (voir, parmi beaucoup d'autres, l'arrêt Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 157, CEDH 2000).
Eu égard à sa conclusion quant à l'article 8 de la Convention, la Cour estime que le grief tiré l'article 13 ne saurait passer pour défendable. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
De surcroît, la Cour note que le refus des autorités judiciaires nationales d'examiner les décrets d'adoption provisoire et définitif avait une base légale, à savoir l'article 73 de la loi 184/1983, et se justifiait par la nécessité d'éviter que les enfants désormais adoptés et leur famille adoptive fussent retrouvés par le requérant.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Mark Villiger Ireneu Cabral Barreto   Greffier adjoint Président
DÉCISION PREMARIES c. ITALIE
DÉCISION PREMARIES c. ITALIE 


Synthèse
Formation : Cour (quatrième section)
Numéro d'arrêt : 74379/01
Date de la décision : 19/02/2004
Type d'affaire : Decision
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE D'EXECUTION, (Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE, (Art. 8-1) RESPECT DU DOMICILE


Parties
Demandeurs : PREMARIES
Défendeurs : l'ITALIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2004-02-19;74379.01 ?

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