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29/04/2004 | CEDH | N°75529/01

CEDH | SURMELI contre l'ALLEMAGNE


TROISIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 75529/01  présentée par Selim SÜRMELI  contre l'Allemagne
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant le 29 avril 2004 en une chambre composée de :
MM. I. Cabral Barreto, président,    G. Ress,    L. Caflisch,    R. Türmen,
B. Zupančič,    K. Traja,   Mme A. Gyulumyan, juges,   et de  M.  V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 24 novembre 1999,
Après en avoir délibéré, re

nd la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, Selim Sürmeli, est un ressortissant turc, né en 1962 et ré...

TROISIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 75529/01  présentée par Selim SÜRMELI  contre l'Allemagne
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant le 29 avril 2004 en une chambre composée de :
MM. I. Cabral Barreto, président,    G. Ress,    L. Caflisch,    R. Türmen,
B. Zupančič,    K. Traja,   Mme A. Gyulumyan, juges,   et de  M.  V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 24 novembre 1999,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, Selim Sürmeli, est un ressortissant turc, né en 1962 et résidant à Stade. Il est représenté par Me Olaf Wegner, avocat à Hanovre. Le gouvernement défendeur est représenté par M. Klaus Stoltenberg, Ministerialdirigent au ministère fédéral de la Justice.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 3 mai 1982, le requérant eut un accident avec une cycliste sur le chemin de l'école lors duquel il se cassa un bras et l'os nasal. Le 22 mai 1982, il quitta l'hôpital. Depuis le 1er juillet 1994, à la suite d'une chute sur sa main gauche en 1993, il perçoit une pension d'invalidité professionnelle.
1.      Les procédures devant les juridictions civiles
a) La première phase de la procédure civile
Après l'accident en 1982, le requérant entama des négociations avec l'assurance-responsabilité (Haftpflichtversicherung) de la cycliste.
Le 18 septembre 1989, après que les négociations eurent échoué, le requérant saisit le tribunal régional (Landgericht) de Hanovre d'une demande tendant à obtenir notamment des dommages et intérêts et une pension mensuelle de l'assurance.
Le 10 juin 1991, après plusieurs audiences et après avoir entendu quatre témoins entre juillet 1990 et mars 1991 à propos de l'accident, le tribunal régional rendit un jugement partiel. Il reconnut que le requérant était en droit de demander des dommages-intérêts pour les conséquences de l'accident à un taux de 80%.
Le 24 juin 1991, le requérant interjeta appel contre le jugement partiel. Le 26 novembre 1992, après avoir tenu une audience, la cour d'appel (Oberlandesgericht) de Celle rejeta l'appel du requérant.
Le 29 janvier 1993, le requérant se pourvut en cassation et demanda une prolongation de trois mois pour motiver son pourvoi. Le 26 mai 1993, il sollicita une nouvelle prolongation d'un mois. Le 2 juin 1993, la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof) accorda un délai jusqu'au 1er juillet 1993. Ce même jour, le nouveau représentant du requérant demanda une prolongation jusqu'au 14 juillet 1993. Le 13 juillet 1993, le requérant motiva son pourvoi.
Le 14 décembre 1993, la Cour fédérale de justice rejeta le pourvoi.
b) La seconde phase de la procédure civile
i) Première phase portant notamment sur la recherche d'un expert
En mars 1994, la procédure quant au montant des dommages-intérêts et de la pension reprit devant le tribunal régional de Hanovre. Le requérant fut représenté par un avocat.
Le 18 avril 1994 eut lieu une audience. Le 9 mai 1994, le tribunal décida de mandater un rapport d'expertise médicale.
Le 25 mai 1994, le requérant fit une demande de récusation contre les trois juges chargés de son affaire qui fut rejetée.
Le 19 juillet 1994, l'école supérieure de médecine de Hanovre proposa un certain professeur Berger comme expert pour établir le rapport demandé.
Le 21 juillet 1994, le requérant contesta la décision du tribunal régional du 9 mai 1994. Le 2 août 1994, la cour appel de Celle rejeta le recours.
Le 15 septembre 1994, le tribunal nomma le professeur Berger comme expert. Celui-ci informa le tribunal qu'il était préférable qu'un spécialiste en chirurgie des accidents établît le rapport et qu'il comptait au moins un an pour la rédaction du rapport. Le 2 décembre 1994, après avoir reçu un rappel du tribunal, le requérant donna son accord pour désigner un chirurgien. Le 15 décembre 1994 fut proposé un certain professeur Tscherne.
Par ses observations des 23 janvier et 3 février 1995, le requérant s'opposa à la nomination du professeur Tscherne au motif que celui-ci n'était pas un spécialiste pour la main (Handchirurg). Le 6 février 1995, le tribunal demanda alors au professeur Berger de rédiger le rapport d'expertise. Le 7 février 1995, le requérant informa le tribunal qu'il était d'accord de la durée annoncée pour la rédaction du rapport et qu'il devait y avoir non seulement une expertise faite par un chirurgien général mais aussi une rédigée par un chirurgien de la main. Le 14 février 1995, le professeur Berger informa le tribunal qu'il ne pouvait établir le rapport demandé car les fractures constatées chez le requérant à l'avant-bras ne tombaient pas dans son domaine mais relevaient du ressort d'un chirurgien pour accidents ou d'un orthopédiste. Le 20 février 1995, l'assurance proposa de mandater le professeur Tscherne. Le 24 avril 1995, après avoir reçu un rappel du tribunal, le requérant suggéra de mandater le professeur Berger, sinon un certain professeur Buck-Gramkow.
Le 12 mai 1995, le tribunal régional mandata le professeur Tscherne. Le 15 juin 1995, celui-ci informa le tribunal qu'une expertise additionnelle en chirurgie de la main s'avérait nécessaire et qu'il fallait compter au moins un an pour la rédaction du rapport.
Le 28 juillet 1995, le tribunal informa le requérant que le professeur Berger avait refusé de rédiger le rapport et lui demanda si le professeur Buck-Gramkow qu'il avait proposé, avait déjà établi un rapport d'expertise à son égard. Le 27 novembre 1995, le tribunal informa les parties que le professeur Buck-Gramkow était en retraite mais que son successeur, le professeur Partecke, serait nommé comme expert, ce qu'il fit le 3 janvier 1996. Le 23 janvier 1996, le professeur Partecke informa le tribunal qu'il lui fallait neuf à douze mois pour rédiger le rapport.
Le 3 septembre 1996, le requérant informa le tribunal que l'accident avait provoqué une dépression grave chez lui, et l'invita à ordonner un rapport d'expertise psychiatrique.
Le 10 juin 1997, le tribunal demanda à l'expert où il en était de la rédaction de son rapport. Celui-ci répondit que le rapport serait prêt dans quatre à six semaines. Le 22 août 1997, le tribunal s'adressa de nouveau à l'expert. Celui-ci répondit d'abord que la rédaction serait terminée à la fin du mois de septembre, puis, en raison d'une surcharge de travail, à la fin du mois d'octobre. Le 6 novembre 1997, le rapport d'expertise du 30 octobre 1997 parvint au tribunal régional.
Le 11 novembre 1997, le requérant demanda l'établissement d'un rapport d'expertise portant sur la douleur (Schmerzgutachten) qu'il ressentait depuis l'accident. Le 25 novembre 1997, il critiqua le rapport du professeur Partecke et demanda que celui-ci présentât un rapport additionnel.
Le 3 décembre 1997, le tribunal accorda à l'assurance une prolongation du délai pour soumettre des observations relatives au rapport, ce que celle-ci fit le 6 janvier 1998. Le 27 avril 1998, les représentants du requérant informèrent le tribunal qu'en raison d'une maladie du requérant, ils ne pouvaient répondre aux observations de l'assurance qu'à la mi-mai.
ii) Deuxième phase : l'échec des négociations en vue d'un compromis extrajudiciaire
Le 31 août 1998, les représentants en question informèrent le tribunal qu'un règlement amiable partiel avait échoué entre les parties. Deux semaines plus tard, ils demandèrent une prolongation pour soumettre des observations au motif que le requérant était absent jusqu'au 10 octobre 1998. Le 11 décembre 1998, ils firent une nouvelle demande de prolongation. Le 1er février 1999, en réponse à un rappel du tribunal, ils demandèrent une autre prolongation en raison des négociations extrajudiciaires en vue d'un règlement amiable. Le 5 mai 1999, ils informèrent le tribunal que les négociations avaient échouée et demandèrent la reprise de la procédure. Le 25 mai 1999, l'assurance précisa qu'un règlement n'avait pu être conclu en raison des demandes démesurées du requérant.
Le 27 mai 1999, le président de la chambre chargée de l'affaire demanda aux parties si elles voulaient encore soumettre des observations. D'après une note du juge rapporteur du 8 septembre 1999, la procédure n'avait pu être accélérée en raison d'une surcharge de travail et d'affaires prioritaires. Par une note du 23 décembre 1999, le juge rapporteur fit un constat semblable en raison d'affaires prioritaires, de surcharge, de congé et de maladie. Le 18 février 2000, le président de la chambre demanda aux parties de lui indiquer si elles entendaient soumettre d'autres observations. Le requérant répondit que les négociations en cours en vue d'un règlement extrajudiciaire pouvaient durer jusqu'à la mi-mai et qu'il se réservait le droit de présenter d'autres observations en cas d'échec. Le 26 juin 2000, il informa le tribunal de ce que les négociations avaient échoué et demanda l'établissement d'un rapport d'expert sur le montant total de la perte de salaire en raison de l'accident. Il présenta à l'appui un rapport d'expertise psychiatrique qui avait été établi au cours d'une procédure du requérant devant la cour d'appel sociale (Landessozialgericht) du Land de Basse-Saxe.
Le 17 août 2000, la partie défenderesse informa le tribunal que les négociations en vue d'un règlement extrajudiciaire avaient échoué car le requérant avait refusé de faire dépendre le paiement de la somme négociée du résultat d'un rapport d'expertise.
Le 4 septembre 2000, le requérant soumit ses observations en réponse.
iii) Troisième phase : instruction du dossier et rapport complémentaire
Le 17 octobre 2000, le requérant demanda au tribunal régional de rendre rapidement une décision, compte tenu de la durée totale de la procédure de 18 ans, et présenta une expertise psychiatrique relative à son état de santé. Par une note du 19 janvier 2001, le tribunal précisa au requérant que la procédure pendait depuis le 18 septembre 1989.
Le 21 février 2001, le requérant modifia sa demande qui portait désormais sur le paiement de 702 122 DEM et d'une pension mensuelle de 1 000 DEM. Le 2 mars 2001, le tribunal régional fixa la valeur du litige à 985 122 DEM.
Le 17 avril 2001, le requérant demanda au tribunal quand aurait lieu une audience. Le 15 mai 2001, le tribunal fixa l'audience au 9 juillet 2001 et demanda au requérant de donner des précisions sur la perte de salaire alléguée. Il ajouta qu'il importait de savoir quel aurait été probablement le cursus professionnel du requérant sans l'accident et dans quelle mesure le préjudice corporel dont souffrait le requérant actuellement était la conséquence directe de l'accident en question. Le tribunal demanda en outre au requérant de prouver son inscription universitaire pour l'année 1982/1983. Le requérant y donna suite le 14 juin 2001.
Le 9 juillet 2001, après avoir reçu l'accord des parties lors de l'audience, le tribunal décida de joindre au dossier celui de la cour sociale d'appel. Le dossier ne put être transféré immédiatement parce qu'il se trouvait à la Cour sociale fédérale.
Le 14 août 2001, sur demande du requérant, le tribunal ordonna au professeur Partecke de présenter un complément au rapport d'expertise du 30 octobre 1997. Le 10 septembre 2001, celui-ci répondit qu'il lui fallait au moins dix mois pour le faire. 
Le 20 septembre 2001, le tribunal demanda au requérant de donner son accord pour que le tribunal consulte le dossier de la Cour sociale fédérale. Le requérant fit savoir qu'il suivait une thérapie à l'étranger jusqu'à la mi-novembre et demanda une prolongation pour répondre. Le 26 octobre 2001, le tribunal indiqua au requérant que celui-ci n'avait pas suffisamment prouvé sa blessure de l'avant-bras et le pria de lui faire savoir s'il maintenait sa demande tendant à établir un rapport d'expertise en chirurgie de la main. Le requérant demanda une autre prolongation. Le 18 décembre 2001, il déclara ne pas approuver la jonction du dossier de la procédure devant les juridictions sociales et demanda une nouvelle prolongation quant au rapport d'expertise chirurgicale.
Le 8 février 2002, le tribunal ordonna au requérant de présenter un certain nombre de documents et invita le professeur Partecke à établir le rapport complémentaire. En réponse à deux lettres du requérant, il lui rappela que c'était lui qui avait demandé le rapport complémentaire. Les 4 mars et avril 2002, le requérant demanda de nouvelles prolongations pour présenter ses observations, ce qu'il fit le 7 mai 2002.
Le 24 mai 2002, le requérant informa personnellement le tribunal par téléphone qu'il ne voulait plus le rapport complémentaire, mais seulement celui portant sur la douleur au motif qu'il souffrait d'une névrose relative à la procédure (Prozessneurose).
Par une lettre du 23 mai 2002, le requérant récusa les juges du tribunal régional. Celui déclara la demande irrecevable le 28 mai 2002.
Le 29 mai 2002, le tribunal demanda des précisions aux représentants du requérant au sujet du rapport d'expertise complémentaire. Le 12 juillet 2002, ceux-ci informèrent le tribunal que le requérant renonçait à l'établissement du rapport.
Le 1er août 2002, le président du tribunal régional demanda le dossier judiciaire du requérant.
Le 16 septembre 2002, le tribunal décida de mandater un certain professeur Piepenbrock pour établir un rapport d'expertise relatif à la douleur portant notamment sur la date du début des douleurs et leurs origines. Il demanda en outre au requérant de fournir certains renseignements.
Le 7 octobre 2002, le requérant récusa de nouveau la chambre. Le 8 octobre 2002, il demanda une prolongation pour apporter les informations requises. Le 22 octobre 2002, il récusa l'expert mandaté et demanda une nouvelle prolongation de six semaines. Le 29 octobre 2002, le tribunal ordonna au requérant de motiver sa demande de récusation concernant l'expert, proposa d'autres experts et accorda une prolongation jusqu'au 20 décembre 2002 pour fournir les renseignements demandés.
Le 12 novembre 2002, le requérant informa personnellement le tribunal par téléphone qu'il ne pouvait consulter le dossier car il s'était cassé un bras.
Le 18 novembre 2002, la partie défenderesse proposa un expert. Le 21 novembre 2002, le requérant demanda au tribunal de rendre un jugement partiel. Le 3 décembre 2002, il fit savoir que l'expert proposé, à défaut d'une spécialisation en la matière, n'avait pas la compétence pour établir un rapport d'expertise sur la douleur.
Le 5 décembre 2002, le tribunal régional mandata le professeur Piepenbrock comme expert et rejeta les réserves du requérant quant aux qualifications professionnelles de celui-ci. Il souligna en outre qu'il ne pouvait rendre un jugement partiel. Le 10 janvier 2003, le requérant objecta que le professeur Piepenbrock avait déjà agi comme expert. Il demanda, outre le rapport d'expertise sur la douleur, un autre rapport « interdisciplinaire ».
Le 15 janvier 2003, le requérant récusa le juge rapporteur chargé de son affaire.
2. Les procédures devant la Cour constitutionnelle fédérale
Le 14 mars 2001, le requérant saisit la Cour constitutionnelle fédérale d'un recours constitutionnel ainsi libellé :
« La procédure 20 O 186/89 en première instance devant le tribunal régional de Hanovre dure depuis 1989 et a détruit mon existence de manière irréparable.
J'introduis un recours constitutionnel pour violation des articles 2 § 1 et 20 § 2 de la Loi fondamentale car la durée excessive n'est plus compatible avec les principes de la prééminence du droit et demande de constater l'illégalité et une violation de l'article 839 du code civil, car l'article 139 du code de procédure civil n'a pas été respecté.
Preuve : tribunal régional de Hanovre no 20 O 186/89. Information : no 1 BvR 352/2000
Si vous avez besoin d'autres documents, veuillez m'en informer s'il vous plaît. »
Le 23 mars 2001, la Cour constitutionnelle fédérale se renseigna auprès du tribunal régional sur l'état de la procédure. Le 22 mai 2001, le tribunal régional informa celle-ci qu'il avait fixé une audience au 9 juillet 2001. Le 22 juin 2001, la Cour constitutionnelle fédérale transmit une copie de la lettre du tribunal régional du 22 mai 2001 au requérant.
Le 16 juillet 2001, le requérant demanda à la Cour constitutionnelle fédérale de transférer son recours du registre général (Allgemeines Register) au registre des procédures (Verfahrensregister). Par la suite, il soumit des observations additionnelles.
Le 16 août 2001, la Cour constitutionnelle fédérale, statuant en comité de trois juges, décida de ne pas retenir le recours du requérant (no 1 BvR 1212/01), sans motiver sa décision. La décision se lit ainsi :
« Le recours n'est pas admis en vue d'une décision. Cette décision n'est susceptible d'aucun recours. »
Le 23 mai 2002, le requérant saisit la tribunal régional de Hanovre d'une demande tendant à obtenir des dommages-intérêts du Land de Basse-Saxe mettant en cause la responsabilité civile de l'Etat en raison de la durée de la procédure litigieuse devant le tribunal régional, et sollicita l'aide judiciaire. Cette demande fut rejetée au motif qu'il n'y avait pas de retards provoqués par la justice et que ceux-ci étaient justifiés par la surcharge de travail des tribunaux. Par ailleurs, l'intéressé n'avait pas suffisamment exposé les préjudices subis. La cour d'appel de Celle confirma la décision entreprise.
Le 26 mai 2002, en se référant à son recours précédent (no 1 BvR 1212/01), le requérant se plaignit de nouveau de la durée auprès de la Cour constitutionnelle fédérale. Son recours était rédigé comme suit :
« Je soussigné, M. M. Sürmeli, demeurant (...), introduis un recours constitutionnel pour violation du principe de la prééminence du droit (Rechtsstaatsprinzip) par le tribunal régional de Hanovre (no 20 O 186/89), parce que la procédure devant le tribunal régional de Hanovre continue à être retardée. »
Le 6 juin 2002, le recours fut inscrit au registre des procédures sous le nouveau numéro 1 BvR 1068/02.
Le 27 juin 2002, la Cour constitutionnelle fédérale, statuant en comité de trois juges, décida de ne pas retenir ce nouveau recours. Sa décision se lit ainsi :
« Il n'y a pas lieu de retenir le recours constitutionnel au motif que les conditions énoncées à l'article 93 a § 2 de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale (Gesetz über das Bundesverfassungsgericht) n'ont pas été remplies. Le recours ne revêt pas d'importance fondamentale (grundsätzliche Bedeutung). La violation alléguée des droits constitutionnels ne donne pas lieu à retenir le recours, celui-ci n'ayant pas de chance suffisante de succès. Le recours manque de substance car les observations du requérant ne permettent pas d'examiner la question de savoir si la durée [devant le tribunal régional de Hanovre] était proportionnée.
Il n'y a pas lieu de donner plus de motivation, conformément à l'article 93 d § 1 troisième phrase de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale. Cette décision n'est susceptible d'aucun recours.»
3. La procédure devant la Commission européenne des Droits de l'Homme
Le 15 mai 1994, le requérant saisit la Commission européenne des Droits de l'homme d'une requête qui portait le numéro provisoire PH 4213 et qui concernait entre autre la durée de la procédure litigieuse. Le dossier fut détruit le 3 août 1999 sans avoir été enregistré formellement, faute pour le requérant d'avoir manifesté l'intention de poursuivre sa requête.
B.  Le droit et la pratique internes pertinents
1. La loi sur la Cour constitutionnelle fédérale
Les dispositions pertinentes de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgerichtsgesetz) du 12 décembre 1985, dans sa version du 11 août 1993, sont libellés comme suit :
Article 23 § 1
« Les demandes tendant à déclencher la procédure doivent être introduites à la Cour constitutionnelle fédérale par écrit. Elles doivent être motivées ; les preuves nécessaires doivent être indiquées. » 
Article 92
« La motivation du recours doit préciser le droit prétendument violé et l'action ou l'omission de l'organe ou de l'autorité par laquelle le requérant se sent lésé. »
Article 93 a
« (1) Le recours constitutionnel doit être retenu en vue d'une décision.
(2) Un recours constitutionnel doit être retenu
a) s'il revêt une importance fondamentale ou
b) si cela est nécessaire pour la défense des droits fondamentaux de l'intéressé garantis par la Loi fondamentale. Tel peut être le cas lorsque le refus de retenir le recours cause au requérant un préjudice particulièrement grave (besonders schwerer Nachteil). »
L'article 93 d § 1, troisième phrase, dispose que la décision d'un comité de trois juges de ne pas retenir un recours constitutionnel ne nécessite pas de motivation.
2. Le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle fédérale
Les dispositions pertinentes du règlement intérieur (Geschäftsordnung) de la Cour constitutionnelle fédérale sont ainsi rédigées :
Article 60
« (1) Les pétitions adressées à la Cour constitutionnelle fédérale qui ne concernent pas une affaire administrative de la Cour ou qui ne sont pas recevables aux termes des dispositions de la Loi sur la Cour constitutionnelle fédérale, sont regroupées dans le registre général (Allgemeines Register) et traitées en tant qu'affaires relevant de l'administration judiciaire (...)
(2) Peuvent également être consignées dans le registre général les recours constitutionnels
a) qui ne peuvent être admis (article 93 a de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale) parce qu'ils sont manifestement irrecevables ou, compte tenu de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, qu'ils n'ont de toute évidence aucune chance d'aboutir.
Article 61
« (1) Le président ou le vice-président [de la Cour constitutionnelle fédérale] décide si une affaire doit être consignée ou non au registre général. Cette compétence peut, d'une manière générale, être déléguée aux greffiers (Präsidialräte) (...)
(2) Une affaire consignée au registre général conformément à l'article 60 § 2 du Règlement intérieur, doit être transférée dans le registre des procédures (Verfahrensregister) lorsque l'expéditeur, après avoir été informé sur la situation juridique, demande à ce qu'une décision soit prise par les juges.
3. Dispositions relatives à la responsabilité de l'Etat
L'article 34 de la Loi fondamentale (Grundgesetz) dispose :
« Lorsqu'une personne, dans l'exercice d'une fonction publique dont elle est investie, contrevient à un devoir de fonction (Amtspflicht) envers un tiers, la responsabilité incombe par principe à l'État ou à la collectivité au service de laquelle elle se trouve. L'action récursoire demeure possible en cas de faute intentionnelle ou de négligence grave. Le recours devant les tribunaux civils ordinaires ne peut être exclu ni pour une action en dommages-intérêts ni pour une action récursoire. »
L'article 839 du Code civil (Bürgerliches Gesetzbuch) est ainsi libellé :
« (1) Tout fonctionnaire qui, par intention ou par négligence, contrevient au devoir de sa fonction envers un tiers, est tenu de réparer le dommage qui en résulte. Lorsqu'un fonctionnaire n'a agi que par négligence, sa responsabilité ne peut être engagée que si la partie lésée ne peut obtenir réparation par d'autres moyens.
(2) Tout fonctionnaire qui lors de la décision sur une affaire litigieuse, contrevient au devoir de sa fonction, n'est responsable du dommage causé que si le manquement constitue une infraction pénale. Cette disposition ne s'applique pas au cas de refus ou de retard dans l'exercice de la fonction qui est contraire au devoir professionnel.
(3) L'obligation de réparer ne joue pas lorsque, par intention ou par négligence, la partie lésée a omis d'écarter le dommage par l'introduction d'un recours. »
4. Jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale relative à la durée d'une procédure civile
a) Principes généraux
D'après la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle fédérale, l'article 2 § 1 de la Loi fondamentale combiné avec le principe de la prééminence du droit (Rechtsstaatsprinzip) qui, lui, découle de l'article 20 § 3 de la Loi fondamentale, garantit une protection juridique efficace. Le principe de la prééminence du droit demande, dans l'intérêt de la sécurité juridique, que des litiges juridiques soient décidés dans un délai raisonnable (angemessene Zeit). Compte tenu de la diversité des procédures, il n'y a pas de critères absolus pour déterminer à partir de quel moment la durée d'une procédure est excessive. A cet égard doivent être prises en considération toutes les circonstances de l'affaire, l'enjeu pour les parties, la complexité de l'affaire, le comportement imputables aux parties ainsi que celui de tiers tels un expert qui agissent indépendamment du juge. Plus la durée globale ou devant une instance est longue, plus grande est l'obligation pour le juge de prendre les moyens pour accélérer ou pour terminer a procédure (voir, parmi d'autres, les décisions du 20 avril 1982, no 2 BvL 26/81, publiée dans le Recueil des arrêts et décision (Entscheidungssammlung) de la Cour constitutionnelle fédérale, tome 60, p. 253 (269), et du 23 mars 1993, no 1 BvR 249/92, tome 88, p. 118 (124)).
b) Conséquences d'un constat de dépassement du délai raisonnable
Lorsque la Cour constitutionnelle fédérale considère que la durée d'une procédure pendante est excessive, elle se limite en règle générale à constater la violation de la Loi fondamentale et à inviter la juridiction chargée de l'affaire litigieuse d'accélérer ou de terminer la procédure. C'est ainsi que, dans une décision du 17 novembre 1999 (no 1 BvR 1708/99), citée par les deux parties et concernant une procédure civile qui durait depuis quinze ans, la Cour constitutionnelle fédérale a conclu :
« Étant donné que la cour d'appel n'a pas encore rendu son arrêt, la Cour constitutionnelle fédérale doit se limiter à constater l'inconstitutionnalité aux termes de l'article 95 § 1 de la Loi sur la Cour constitutionnelle fédérale. La cour d'appel est désormais tenue, au vu des conclusions faites ci-dessus, de prendre des mesures efficaces permettant aussi vite que possible d'accélérer et de terminer la procédure. »
Pareille raisonnement se trouve dans une décision du 20 juillet 2000 (no 1 BvR 352/00) qui fait par ailleurs l'objet de la requête Grässer c. Allemagne (no 66491/01, décision partielle du 6 mai 2003).
Le Gouvernement cite en outre une affaire où la cour d'appel du travail avait mis 18 mois pour rédiger son arrêt et où la Cour fédérale du travail avait considéré que même si un arrêt devait être rédigé dans un délai de cinq mois à partir de la date du prononcé public, cela ne justifiait pas pour autant d'admettre le pourvoi en cassation de l'intéressé en l'espèce. La Cour constitutionnelle fédérale, après avoir constaté une violation de la Loi fondamentale, a estimé que dans de tels cas, elle pourrait être saisie dès l'expiration du délai de cinq mois et a renvoyé l'affaire devant une autre chambre de la cour d'appel du travail (no 1 BvR 383/00, décision du 26 mars 2001).
Dans une autre décision que cite le Gouvernement, le tribunal des finances devant lequel la procédure litigieuse était pendante depuis huit ans, a tenu une audience après que l'intéressé eut saisi la Cour constitutionnelle fédérale en raison de la durée excessive. En conséquence, l'intéressé a retiré son recours et a obtenu le remboursement de ses frais de procédure pour l'introduction de son recours dans la mesure où celui-ci se rapportait à la durée (no 2 BvR 2189/99 du 26 mai 2000).
Dans une décision du 26 février 1999 (no 1 BvR 2142/97, non publiée, voir Mianowicz c. Allemagne, no 42505/98, 18 octobre 2001, § 40), la Cour constitutionnelle fédérale a refusé de retenir le recours constitutionnel de l'intéressé entre autres aux motifs suivants :
« (...) Le recours constitutionnel est irrecevable dans la mesure où le requérant invite la Cour constitutionnelle fédérale de lui octroyer des dommages-intérêts pour la durée excessive de la procédure litigieuse. Si un requérant demande une indemnisation du préjudice matériel ou moral subi en raison d'une violation de ses droits fondamentaux, il doit épuiser d'abord les voies de recours devant les juridictions civiles. C'est à elles qu'il revient d'évaluer, le cas échéant, dans quelle mesure des dispositions relatives à la responsabilité de l'Etat (article 34 de la Loi fondamentale) et celles découlant de la Convention européenne des Droits de l'Homme transformées en droit interne constituent une base pour accorder une compensation pour une durée de la procédure excessive (...) »
5. Code de procédure civile
L'article 252 du code de procédure civile (Zivilprozessordnung) prévoit un recours contre une décision par laquelle la suspension d'une procédure est ordonnée ou refusée.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint de la durée de la procédure devant le tribunal régional de Hanovre. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention.
2. Invoquant l'article 13 de la Convention, le requérant soutient que le législateur allemand n'a pas instauré un recours effectif contre l'inactivité des tribunaux. Il dénonce en outre le fait que la Cour constitutionnelle fédérale n'a pas tenté de remédier à la durée de la procédure litigieuse.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint de la durée de la procédure devant le tribunal régional de Hanovre. A cet égard il invoque l'article 6 § 1 de la Convention dont la partie pertinente dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
a)      Exceptions préliminaires du Gouvernement
i. Non-épuisement des voies de recours internes
Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il soutient, d'une part, que le requérant n'avait pas saisi la Cour constitutionnelle fédérale d'un recours constitutionnel portant sur la durée de la procédure litigieuse lorsqu'il introduisit sa requête devant la Cour le 24 novembre 1999. Il soutient, d'autre part, que même si le requérant a saisi la Cour constitutionnelle fédérale, il n'a pas suffisamment motivé ses recours constitutionnels des 14 mars 2001 et 26 mai 2002. En effet, le premier recours ne comprenait que huit lignes et n'a de ce fait permis à la juridiction constitutionnelle ni de déceler l'objet de la procédure devant le tribunal régional de Hanovre ni d'évaluer les raisons de la durée de celle-ci. Les observations du requérant à l'appui du recours envoyées par la suite n'ont pas apporté davantage de clarifications. S'il est vrai que la Cour constitutionnelle fédérale n'a pas motivé sa décision de ne pas retenir le recours et n'a dès lors pas expressément rejeté le recours pour défaut de motivation, elle emploie néanmoins cette formule générale aussi lorsqu'un recours est irrecevable (unzulässig). Le Gouvernement ajoute que, lorsqu'il s'agit d'un recours constitutionnel manifestement irrecevable ou de toute évidence mal fondé, celui-ci est d'abord enregistré dans le registre général, comme c'était le cas du premier recours du requérant. En même temps le greffe de la Cour constitutionnelle fédérale envoie à l'intéressé une lettre l'informant des obstacles à la recevabilité de son recours. Si le requérant n'a pas reçu une telle lettre en l'espèce, c'est qu'il avait déjà introduit quatorze recours constitutionnels auparavant et qu'il avait déjà reçu des lettres du greffe dans neuf cas.
Quant au second recours du requérant, le Gouvernement soutient que celui-ci n'était pas signé et ne répondait pas non plus aux exigences de motivation prévues à l'article 23 § 1 combiné avec l'article 92 de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale (voir Droit interne pertinent ci-dessus). Eu égard aux recours précédents du requérant, la Cour constitutionnelle fédérale a aussitôt inscrit le second recours à son registre procédural et l'a déclaré irrecevable pour défaut de motivation.
Le requérant réplique que les exigences relatives à la motivation d'un recours constitutionnel sont excessives, d'autant que, à défaut de moyens financiers, il n'était pas représenté par un avocat devant la Cour constitutionnelle fédérale. Par ailleurs, seul 4% des recours adressés à la haute juridiction sont retenus par celle-ci. Le requérant souligne que l'objet de son recours, c'est-à-dire la durée de la procédure devant le tribunal régional, était en lui-même une motivation suffisante. La Cour constitutionnelle fédérale aurait pu s'adresser au tribunal régional et demander le dossier de la procédure litigieuse.
De toute façon, le recours constitutionnel ne pouvait être considéré comme un moyen efficace de remédier à la durée excessive devant le tribunal régional car il n'aurait pas permis à la Cour constitutionnelle fédérale, au nom du principe de l'indépendance des juges, de s'ingérer dans la procédure du requérant avant que celle-ci ne fût terminée devant le tribunal régional. Tout au plus la Cour constitutionnelle fédérale aurait-elle pu constater l'inconstitutionnalité de la durée de la procédure sans toutefois disposer de moyens appropriés pour accélérer cette dernière.
La Cour est d'avis que la question de savoir si l'exigence d'épuisement des voies de recours internes a été satisfaite en l'occurrence est étroitement liée au grief relatif à l'existence d'un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention. Elle estime donc que cette exception préliminaire soulevée par le Gouvernement sous l'angle de l'article 6 doit être jointe au fond de l'affaire afin d'être examinée ultérieurement.
ii. Requête essentiellement la même
Le Gouvernement soutient aussi que les griefs du requérant ont déjà été soulevés dans une requête précédente (no PH 4213) et que, partant, la présente requête doit être rejetée en vertu de l'article 35 § 2 b) de la Convention.
« 2.  La Cour ne retient aucune requête individuelle introduite en application de l'article 34, lorsque
b)  elle est essentiellement la même qu'une requête précédemment examinée par la Cour (...) et si elle ne contient pas de faits nouveaux. »
Le requérant rétorque que le requérant n'a pas poursuivi la précédente requête et que celle-ci n'a pas atteint le stade de la recevabilité. Au demeurant, l'objet de la présente requête est différent de celui de la précédente compte tenu du nombre d'années écoulées depuis lors.
La Cour note que la requête précédente du requérant n'a jamais été l'objet d'une décision formelle d'elle ou de la Commission et ne saurait dès lors faire obstacle à l'examen de la présente requête sous l'angle de l'article 35 § 2 b) de la Convention. Il convient donc d'écarter l'exception préliminaire du Gouvernement.
iii. Requête abusive
Le Gouvernement soutient enfin que la requête est abusive aux termes de l'article 35 § 3 de la Convention car le requérant a présenté la copie d'observations adressées à la Cour constitutionnelle fédérale en date du 22 octobre 2001 alors qu'elles ne se trouvent pas dans le dossier de celle-ci. Par ailleurs le requérant se réfère dans ces observations à la décision de la Cour constitutionnelle fédérale du 27 juin 2002, c'est-à-dire à des événements postérieurs à la date des observations litigieuses. Le Gouvernement se demande si le requérant n'a pas rédigé ces observations ultérieurement aux fins de prouver qu'il avait dûment motivé son recours constitutionnel du 14 mars 2001 qui a été finalement rejeté le 16 août 2001.
Le requérant rétorque qu'il s'agit d'une erreur de plume et que les observations en question datent du 22 octobre 2002.
La Cour n'aperçoit en l'espèce aucun élément abusif donnant lieu à rejeter la requête, conformément à l'article 35 § 3 de la Convention. Cette exception, partant, doit être écartée.
b) Bien-fondé du grief
Le Gouvernement affirme que la durée n'est pas encore excessive. En ce qui concerne la première partie de la procédure, il attribue un certain nombre de retards survenus (au total quinze mois) au comportement du requérant, dont notamment une période de cinq mois et demi pour la motivation du pourvoi en cassation. La durée de cette phase ne prête dès lors pas à la critique.
Quant à la seconde phase de la procédure, le Gouvernement estime que le comportement du requérant a provoqué des retards d'une manière considérable s'élevant au total à presque cinq ans. Il souligne notamment que le requérant a modifié sa demande de dommages-intérêts à deux reprises, a demandé quinze fois la prolongation du délai pour soumettre ses observations et, à deux reprises, la suspension de la procédure en raison des négociations en vue d'un règlement extrajudiciaire. Il a en outre sollicité l'établissement de six rapports d'expertise médicale et a récusé à quatre reprises les juges chargés de son affaire et les experts désignés. Le tribunal régional quant à lui n'est responsable que d'une période d'inactivité d'environ un an. Le Gouvernement insiste en outre sur le fait que l'affaire portait sur des questions médicales complexes et que la deuxième chute du requérant en 1993 a compliqué l'établissement du préjudice exact résultant de l'accident en 1982 qui se trouve au cœur de la procédure litigieuse.
Le requérant rétorque qu'il était représenté devant le tribunal régional par un avocat, comme l'exigeait l'article 78 du code de procédure civile, et que le tribunal n'était dès lors pas tenu de prendre en compte toutes les demandes qu'il avait introduites lui-même. Le requérant rappelle surtout qu'il incombait au tribunal régional de mener la procédure et que celui-ci avait des moyens à sa disposition pour rejeter les demandes du requérant qu'il ne jugeait pas opportunes dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Il fait aussi état de ce que la défenderesse dans la procédure litigieuse est aussi à l'origine de certains retards et que c'est d'ailleurs elle qui est responsable de ce que les négociations en vue d'un règlement extrajudiciaire ont échoué.
La Cour estime, à la lumière des critères dégagés par sa jurisprudence en matière de « délai raisonnable », et compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, que ce grief doit faire l'objet d'un examen au fond.
2. Le requérant se plaint aussi de ce qu'il n'avait pas à sa disposition un recours efficace pour contester la durée excessive de la procédure devant le tribunal régional de Hanovre. Il invoque l'article 13 de la Convention qui se lit ainsi :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
Le Gouvernement affirme qu'il existait des recours efficaces pour contester la durée de la procédure, à savoir un recours extraordinaire devant les juridictions civiles, d'une part, et le recours constitutionnel devant la Cour constitutionnelle fédérale, d'autre part.
En ce qui concerne le premier recours, il admet que le code de procédure civile est muet sur l'existence d'un tel recours. Cependant, la jurisprudence a admis qu'il devait y avoir un recours extraordinaire lorsque la décision attaquée était d'une manière évidente contraire à la loi (greifbar gesetzeswidrig). Un tel recours a été aussi reconnu lorsqu'il y avait inactivité arbitraire (willkürliches Untätigbleiben) d'un tribunal. Le Gouvernement cite quatre arrêts rendus par des cours d'appel à l'appui. Quant à la Cour de justice fédérale, à l'instar d'autres cours d'appel, elle a laissé ouverte cette question. Le Gouvernement fait également référence à un arrêt de la cour d'appel de Stuttgart du 19 juin 1998 (no 11 WF 115/98) qui a déduit un droit au recours de l'article 252 du code de procédure civile par analogie (voir Droit et pratique internes pertinent ci-dessus) lorsque le tribunal chargé de l'affaire procède avec lenteur. Au demeurant, le refus du juge chargé de l'affaire d'accélérer la procédure en dépit de l'injonction faite par l'instance supérieure, peut constituer un motif de récusation.
Pour ce qui est du recours constitutionnel, le Gouvernement affirme que d'après la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle fédérale, la Loi fondamentale (article 2 § 1 combiné avec l'article 20 § 3) garantit le droit à ce que des litiges juridiques soient décidés dans un délai raisonnable. Compte tenu de la diversité des procédures, il n'y a pas de critères absolus pour déterminer à partir de quel moment la durée d'une procédure est excessive. A cet égard doivent être prises en considération toutes les circonstances de l'affaire, l'enjeu pour les parties, la complexité de l'affaire, le comportement des parties ainsi que celui de tiers tels un expert qui agissent indépendamment du juge. Plus la durée globale ou devant une instance est longue, plus grande est l'obligation pour le juge de prendre les moyens pour accélérer ou pour terminer la procédure.
Quant aux moyens de la Cour constitutionnelle fédérale d'influer sur la durée d'une procédure pendante, le Gouvernement concède que la haute juridiction se limite en règle générale à constater la violation de la Loi fondamentale, conformément à l'article 95 § 1 de la Loi sur la Cour constitutionnelle fédérale et à inviter la juridiction chargée de l'affaire litigieuse à accélérer ou terminer la procédure. Cependant, le seul fait qu'un recours constitutionnel qui répond aux critères de recevabilité, soit communiqué au Gouvernement fédéral ou à celui du Land dont relève la juridiction critiquée, a pour effet que la procédure s'accélère. Il en était ainsi en l'occurrence puisque le tribunal régional, après avoir reçu une demande de renseignements de la Cour constitutionnelle fédérale relative au recours constitutionnel du requérant du 14 mars 2001, a fixé une audience au 9 juillet 2001. Le Gouvernement ajoute que le même effet se produit lorsque la décision constatant le caractère excessif de la procédure litigieuse est envoyée aux autorités judiciaires concernées, d'autant que les décisions de la Cour constitutionnelle fédérale à ce propos sont non seulement dûment motivées mais aussi publiées, faisant de surcroît l'objet de débats scientifiques dans des revues juridiques.
Le Gouvernement fait valoir que lorsque les retards survenus s'analysent en un manquement du juge à un devoir de fonction, il peut en résulter un droit à une indemnisation pour le préjudice subi en vertu de l'article 839 du code civil combiné avec l'article 34 de la Loi fondamentale (voir Droit et pratique internes pertinents ci-dessus). Cela s'applique aussi lorsqu'un juge refuse ou retarde de manière illicite (pflichtwidrig) une procédure, comme le prévoit l'article 839 § 2 du code civil. Le comportement du juge en question devient illicite notamment lorsqu'il n'y aucune activité à observer. Si la durée excessive est le résultat d'une telle violation de devoir du juge, l'État est responsable pour les préjudices matériels et, plus rarement, moraux subis. Le Gouvernement précise qu'une telle responsabilité n'existe d'une manière générale que dans des actes abusifs flagrants (krasse Missbrauchsfälle) en raison du principe de l'indépendance des juges. Selon le Gouvernement, il n'existe jusqu'à présent aucune décision de la Cour constitutionnelle fédérale condamnant l'Etat à payer des dommages-intérêts pour la durée excessive d'une procédure. Il précise que les tribunaux civils, appelés à connaître d'une demande de compensation, peuvent évaluer eux-mêmes le caractère excessif de la durée litigieuse sans qu'il y ait besoin que la Cour constitutionnelle fédérale l'ait constaté auparavant.
Le requérant réplique que l'existence d'un recours extraordinaire, dépourvu de toute base légale, n'a pas été admise par la Cour de justice fédérale mais seulement par certaines cours d'appel parmi lesquelles ne figure d'ailleurs pas la cour d'appel de Celle qui aurait été compétente pour l'affaire du requérant en l'espèce. De toute façon, un tel recours n'a une chance d'aboutir que s'il y inactivité du tribunal en question. Or en l'espèce le tribunal régional a pris une multitude de décisions procédurales qui précisément ont provoqué les retards survenus. Quant à l'efficacité du recours constitutionnel, le requérant fait valoir que la possible pression exercée par le public relève de la spéculation et ne saurait répondre aux exigences de l'article 13 de la Convention.
En ce qui concerne la possibilité d'obtenir une indemnisation, le requérant fait observer que sa demande tendant à obtenir l'aide judiciaire en vue d'une action en dommages-intérêts a été rejetée par les juridictions civiles au motif qu'il n'y avait pas de retards provoqués par la justice et que ceux-ci étaient justifiés par la surcharge de travail des tribunaux. Par ailleurs, il n'avait pas suffisamment exposé les préjudices subis.
La Cour estime, à la lumière de l'ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s'ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d'irrecevabilité n'a été relevé.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Décide de joindre au fond l'exception préliminaire de non-épuisement des voies de recours internes ;
Déclare la requête recevable, tous moyens de fond réservés.
Vincent Berger Ireneu Cabral Barreto   Greffier Président
DÉCISION SÜRMELI c. ALLEMAGNE
DÉCISION SÜRMELI c. ALLEMAGNE 


Type d'affaire : Decision
Type de recours : Autriche ; Belgique ; Danemark ; Finlande ; France ; Allemagne ; Grèce ; Irlande ; Italie ; Luxembourg ; Pays-Bas ; Portugal ; Espagne ; Suède ; Royaume-Uni

Analyses

(Art. 10-2) PREVISIBILITE, (Art. 8-1) RESPECT DE LA CORRESPONDANCE, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE PRIVEE, (Art. 8-2) INGERENCE


Parties
Demandeurs : SURMELI
Défendeurs : l'ALLEMAGNE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Irrecevable
Date de la décision : 29/04/2004
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 75529/01
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2004-04-29;75529.01 ?
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