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08/07/2004 | CEDH | N°48787/99

CEDH | AFFAIRE ILASCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE


AFFAIRE ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE
(Requête no 48787/99)
ARRÊT
STRASBOURG
8 juillet 2004
Table des matières
Introduction  1
Procédure  2
1.  Procédure sur la recevabilité  2
2.  Procédure sur le fond  3
a)  Observations des parties  3
b)  Audition des témoins  4
c)  Les preuves documentaires  5
En fait  6
I.  Les requérants  6
II.  L'établissement des faits  6
III.  Le contexte général de l'affaire  9
A.  La dissolution de l'URSS et le conflit mold

o-transnistrien relatif à la séparation de la Transnistrie  9
1.  La dissolution de l'URSS, la séparation de la Transnistrie et l'indé...

AFFAIRE ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE
(Requête no 48787/99)
ARRÊT
STRASBOURG
8 juillet 2004
Table des matières
Introduction  1
Procédure  2
1.  Procédure sur la recevabilité  2
2.  Procédure sur le fond  3
a)  Observations des parties  3
b)  Audition des témoins  4
c)  Les preuves documentaires  5
En fait  6
I.  Les requérants  6
II.  L'établissement des faits  6
III.  Le contexte général de l'affaire  9
A.  La dissolution de l'URSS et le conflit moldo-transnistrien relatif à la séparation de la Transnistrie  9
1.  La dissolution de l'URSS, la séparation de la Transnistrie et l'indépendance de la Moldova  9
2.  Le conflit armé (1991-1992)  11
3.  Evénements postérieurs au conflit armé  23
B.  La présence de l'armée de la Fédération de Russie et de ses militaires en Transnistrie après l'accord du 21 juillet 1992  27
1.  Les troupes et le matériel du GOR présents en Transnistrie  27
a)  Avant la ratification de la Convention par la Fédération de Russie  27
b)  Après la ratification de la Convention par la Fédération de Russie  31
2.  Les relations entre le GOR et la « RMT »  33
C.  Les relations économiques, politiques et autres entre la Fédération de Russie et la Transnistrie  34
1.  Avant la ratification de la Convention par la Fédération de Russie, le 5 mai 1998  34
2.  Après la ratification de la Convention par la Fédération de Russie  36
D.  Les relations moldo-transnistriennes  38
1.  Avant la ratification de la Convention par la Moldova le 12 septembre 1997  38
2.  Après la ratification de la Convention par la Moldova  39
IV.  Les circonstances particulières de l'affaire  42
A.  L'arrestation, la détention provisoire et la condamnation des requérants  42
1.  Arrestation des requérants  42
2.  Détention des trois premiers requérants dans les locaux de la 14e armée  44
3.  Détention au centre de détention provisoire des locaux de la police de Tiraspol et transfert en prison pendant le procès  46
4.  Le procès et la condamnation des requérants  47
B.  Evénements postérieurs à la condamnation des requérants ; libération de M. Ilaşcu  49
C.  La détention des requérants après leur condamnation  51
1.  Les conditions de détention  51
2.  Les mauvais traitements  55
D.  Démarches entreprises jusqu'en mai 2001 pour la libération des requérants  56
E.  Libération de M. Ilaşcu le 5 mai 2001  57
F.  Démarches entreprises pour la libération des autres requérants après mai 2001  59
G.  Réactions internationales à la condamnation et à la détention des requérants  60
V.  Le droit international, le droit interne et autres accords pertinents  61
En droit  71
I.  Sur la question de savoir si les requérants relèvent de la juridiction de la république de moldova  71
A.  Thèses défendues devant la Cour  71
1.  Le gouvernement moldave  71
2.  Le gouvernement de la Fédération de Russie  72
3.  Les requérants  73
4.  Le gouvernement roumain, tiers intervenant  73
B.  Appréciation de la Cour  74
1.  Principes généraux  74
a)  Sur la notion de « juridiction »  74
b)  La responsabilité de l'Etat quant à un fait illicite  77
2.  Application de ces principes  77
3.  Sur la notion d'obligations positives  79
4.  Sur le respect par la Moldova de ses obligations positives  80
II.  Sur la question de savoir si les requérants relèvent de la juridiction de la fédération de russie  85
A.  Thèses défendues devant la Cour  85
1.  Le gouvernement de la Fédération de Russie  85
2.  Le gouvernement moldave  87
3.  Les requérants  88
4.  Le gouvernement roumain, tiers intervenant  90
B.  Appréciation de la Cour  91
1.  Principes généraux  91
2.  Application des principes précités  91
a)  Avant la ratification de la Convention par la Fédération de Russie  91
b)  Après la ratification de la Convention par la Fédération de Russie  93
III.  Sur la compétence ratione temporis de la cour  95
A.  Quant au grief tiré de l'article 6 de la Convention  95
B.  Quant aux griefs tirés des articles 3, 5 et 8 de la Convention  96
C.  Quant au grief tiré de l'article 1 du Protocole no 1  96
D.  Quant au grief de M. Ilaşcu tiré de l'article 2 de la Convention  96
IV.  Sur la violation alléguée de l'article 2 de la Convention  97
A.  Arguments présentés devant la Cour  97
B.  Appréciation de la Cour  97
V.  Sur la violation alléguée de l'article 3 de la Convention  98
A.  Arguments présentés devant la Cour  99
B.  Appréciation de la Cour  99
1.  Principes généraux  99
2.  Application des principes en l'espèce  101
a)  En ce qui concerne M. Ilaşcu  101
b)  Les trois autres requérants : conditions de détention et traitement en détention  104
i.  En ce qui concerne M. Ivanţoc  104
ii.  En ce qui concerne MM. Leşco et Petrov-Popa  105
VI.  Sur la violation alléguée de l'article 5 de la convention  106
VII.  Sur la violation alléguée de l'article 8 de la convention  109
VIII.  Sur la violation alléguée de l'article 1 du protocole no 1  110
IX.  Sur la méconnaissance alléguée de l'article 34 de la convention  110
X.  Sur l'application de l'article 41 de la convention  113
A.  Dommage  113
B.  Frais et dépens  116
C.  Intérêts moratoires  116
Dispositif  117
Opinion partiellement dissidente de m. le juge Casadevall, à laquelle se rallient m. Ress, mme Tulkens, M. Bîrsan et mme Fura-sandström, juges  121
Opinion partiellement dissidente de m. le juge Ress  126
Opinion partiellement dissidente de Sir Nicolas bratza, juge, à laquelle se rallient m. Rozakis, m. Hedigan, mme Thomassen et m. Panţîru, juges  131
Opinion partiellement dissidente de m. le juge Loucaides  143
Opinion dissidente de m. le juge Kovler  146
En l'affaire Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie,
La Cour européenne des Droits de l'Homme, siégeant en une Grande Chambre composée de :
MM. L. Wildhaber, président,    C.L. Rozakis,    J.-P. Costa,    G. Ress,   Sir Nicolas Bratza,   MM. L. Loucaides,
I. Cabral Barreto,   Mme F. Tulkens,   MM. C. Bîrsan,    J. Casadevall,
B. Zupančič,   M. J. Hedigan,   Mme W. Thomassen,   MM. T. PanŢîru,
E. Levits,    A. Kovler,
Mme  E. Fura-Sandström, juges,
et de M. P.J. Mahoney, greffier,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 23 janvier, 26 février et 11 septembre 2002, 8 octobre 2003 et 7 mai 2004,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
INTRODUCTION
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 48787/99) dirigée contre la République de Moldova et la Fédération de Russie et dont quatre ressortissants moldaves, M. Ilie Ilaşcu, M. Alexandru Leşco, M. Andrei Ivanţoc et M. Tudor Petrov-Popa (« les requérants »), ont saisi la Cour le 5 avril 1999 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  La requête concerne principalement des actes accomplis par les autorités de la « République moldave de Transnistrie » (la « RMT »), région de la Moldova qui a proclamé son indépendance en 1991 mais n'est pas reconnue par la communauté internationale.
3.  Les requérants alléguaient qu'ils avaient été condamnés par un tribunal transnistrien qui n'était pas compétent au sens de l'article 6 de la Convention, qu'ils n'avaient pas bénéficié d'un procès équitable, en violation de la même disposition, et qu'à la suite de leur procès ils avaient été privés de leurs biens en violation de l'article 1 du Protocole no 1. Ils se plaignaient également que leur détention en Transnistrie n'était pas régulière, au mépris de l'article 5, et que leurs conditions de détention avaient emporté violation des articles 3 et 8 de la Convention. M. Ilaşcu dénonçait en outre une atteinte à l'article 2 de la Convention en raison de sa condamnation à la peine capitale. Les requérants considéraient que les autorités moldaves étaient responsables au titre de la Convention des violations alléguées de leurs droits garantis par ce texte, puisqu'elles n'avaient pris aucune mesure adéquate en vue d'y mettre fin. Ils affirmaient en outre que la Fédération de Russie partageait cette responsabilité car le territoire de la Transnistrie se trouvait, et se trouve toujours, sous le contrôle de fait de la Russie en raison des troupes et équipements militaires russes qui y stationnent et du soutien que fournirait ce pays au régime séparatiste.
Enfin, les requérants alléguaient que la Moldova et la Fédération de Russie avaient entravé l'exercice de leur droit de recours individuel devant la Cour, enfreignant ainsi l'article 34.
PROCÉDURE
1.  Procédure sur la recevabilité
4.  La requête a été attribuée à l'ancienne première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Celle-ci l'a portée à la connaissance des gouvernements défendeurs le 4 juillet 2000. Des observations écrites sur la recevabilité de la requête ont été présentées le 24 octobre 2000 par le gouvernement moldave, le 14 novembre 2000 par le gouvernement russe et le 2 janvier 2001 par les requérants.
5.  Le 20 mars 2001, la chambre de la première section s'est dessaisie au profit de la Grande Chambre, sans qu'aucune des parties ne s'y oppose (articles 30 de la Convention et 72 du règlement).
6.  La composition de la Grande Chambre a été arrêtée conformément aux articles 27 §§ 2 et 3 de la Convention et 24 du règlement. Lors des dernières délibérations, M. I. Cabral Barreto, M. B. Zupančič et Mme Fura-Sandström, suppléants, ont remplacé M. L. Ferrari Bravo, M. J. Makarczyk et M. K. Jungwiert, empêchés (article 24 § 3 du règlement).
7.  Par une décision du 4 juillet 2001, la Grande Chambre a déclaré la requête recevable, après une audience consacrée à la recevabilité et au fond (article 54 § 4 du règlement), tenue le 6 juin 2001. Lors de celle-ci, le gouvernement moldave a déclaré qu'il souhaitait retirer son mémoire du 24 octobre 2000, tout au moins dans sa partie relative à la responsabilité de la Fédération de Russie.
Dans sa décision sur la recevabilité, la Cour a jugé que les questions de savoir si la responsabilité et la juridiction de la Moldova et de la Fédération de Russie pouvaient se trouver engagées au regard de la Convention, et si la Cour était compétente ratione temporis pour examiner les griefs présentés, étaient étroitement liées au fond de l'affaire, ce pourquoi elle les y a jointes.
2.  Procédure sur le fond
a)  Observations des parties
8.  Après que la requête eut été déclarée recevable, tant les requérants que les gouvernements moldave et russe ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire : le gouvernement moldave les 12 novembre 2001 et 28 janvier 2002, le gouvernement russe le 8 décembre 2001 et les requérants le 27 septembre et les 2, 4, 12 et 16 novembre 2001.
Des observations ont également été soumises par le gouvernement roumain, que le président avait invité à intervenir dans la procédure dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice (articles 36 de la Convention et 61 §§ 2 et 3 du règlement). Les parties y ont répondu (article 61 § 5 du règlement). Une demande d'intervention a également été formulée par Mme Ludmila Goussar, partie civile dans la procédure ayant abouti à la condamnation des requérants par le « Tribunal suprême de la RMT ». Le président de la Grande Chambre a rejeté cette demande.
9.  Après les auditions des témoins (paragraphes 12-15 ci-dessous), les parties ont été invitées par le président à déposer des observations finales au plus tard le 1er septembre 2003. Le président ayant refusé d'accorder une prolongation de ce délai au gouvernement russe, les conclusions finales des parties sont parvenues à la Cour à cette date.
10.  Par une décision du 12 janvier 2004, le président de la Grande Chambre a invité les gouvernements défendeurs, en application de l'article 39 du règlement, à prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer à M. Ivanţoc, en grève de la faim depuis le 28 décembre 2003, des conditions de détention conformes au respect de ses droits garantis par la Convention. Les parties ont été invitées, conformément à l'article 24 § 2 a) du règlement, à fournir des renseignements sur la mise en œuvre des mesures provisoires demandées. Le représentant de M. Ivanţoc, Me V. Gribincea, et le gouvernement moldave ont soumis à la Cour les informations demandées par des lettres datées respectivement des 24 et 26 janvier 2004.
11.  Par une décision du 15 janvier 2004, le président a invité M. Ivanţoc, en application de l'article 39 du règlement, à mettre un terme à sa grève de la faim. Le 24 janvier 2004, le représentant de M. Ivanţoc a informé la Cour que son client avait cessé sa grève de la faim le 15 janvier 2004.
b)  Audition des témoins
12.  Afin d'éclaircir certaines questions controversées et, en particulier, celle de l'éventuelle responsabilité de la Moldova et/ou de la Fédération de Russie quant aux violations alléguées, la Cour a mené une enquête sur place, conformément aux articles 38 § 1 a) de la Convention et 42 § 2 du règlement (version alors en vigeur). Elle a fait porter ses recherches sur les faits pertinents pour déterminer la juridiction de la Moldova et de la Fédération de Russie, notamment sur la situation en Transnistrie et les relations entre celle-ci, la Moldova et la Fédération de Russie, ainsi que sur les conditions de détention des requérants.
La Cour a désigné quatre délégués, M. G. Ress, Sir Nicolas Bratza, M. J. Casadevall et M. E. Levits, qui ont entendu des témoins à Chişinău et à Tiraspol du 10 au 15 mars 2003. A Chişinău, les témoins ont été entendus au siège de la mission de l'OSCE en Moldova, qui a largement contribué à l'organisation de ces auditions. A Tiraspol, les délégués de la Cour ont entendu les requérants et autres témoins résidant en Transnistrie à la prison no 3 de Tiraspol, et les témoins appartenant aux forces armées de la Fédération de Russie au quartier général du Groupement opérationnel des forces russes dans la région transnistrienne de la Moldova (« GOR »).
13.  Les délégués ont entendu au total quarante-trois témoins cités par les parties et par la Cour. Le chef de la délégation ayant accédé à la demande de trois de ces témoins de garder l'anonymat, ils sont désignés par les lettres X, Y et Z.
14.  Sept autres témoins cités à comparaître devant les délégués ne se sont pas présentés. A la demande de ces derniers, les parties ont soumis, après la fin des auditions, des explications écrites sur les motifs de non-comparution des témoins et les démarches accomplies pour transmettre les convocations de la Cour.
Les témoins suivants ne se sont pas présentés : Olga Căpăţînă, hospitalisée juste avant les auditions à la suite d'une agression ; Vladimir Gorbov et Mikhaïl Bergman, au sujet desquels les gouvernements défendeurs ont prétendu qu'ils n'avaient pas été en mesure de les joindre ; Petru Godiac, dont l'absence n'a pas été motivée ; Valeriu Păsat, non présent sur le territoire moldave, et, enfin, Valeriu Muravschi et Petru Tăbuică, qui n'ont pas motivé leur absence.
La Cour déplore la non-comparution de pareils témoins, comme celle du commandant Bergman, alors qu'elle a du mal à croire, compte tenu de la notoriété de celui-ci, qu'il a été impossible de le joindre en vue de le citer à comparaître devant ses délégués. La Cour se réserve le droit de tirer les conclusions qui s'imposent en l'absence de tels témoignages.
15.  La liste des témoins qui ont comparu devant les délégués, ainsi que le résumé de leurs dépositions, se trouvent à l'annexe au présent arrêt. Un compte rendu intégral des dépositions des témoins devant les délégués a également été établi par le greffe de la Cour et inclus dans le dossier.
c)  Les preuves documentaires
16.  Outre les observations des parties et les dépositions des témoins, la Cour a pris en compte les nombreux documents soumis par les parties et par les autorités transnistriennes tout au long de la procédure : des lettres de M. Ilie Ilaşcu ; des déclarations et lettres de M. Andrei Ivanţoc ; des documents des autorités moldaves concernant les enquêtes sur l'arrestation et la détention des requérants ; des déclarations écrites de témoins, y compris Olga Căpăţînă et Petru Godiac ; des documents relatifs au procès des requérants devant le « Tribunal suprême de la RMT » et la « grâce » accordée à M. Ilaşcu ; des documents et déclarations au sujet de la Transnistrie et de la présente requête émanant de différentes administrations de la Moldova et de la Fédération de Russie ; des extraits de presse évoquant des déclarations d'hommes politiques et d'autres officiels de la Fédération de Russie ; des documents officiels concernant la présence militaire de la Fédération de Russie en Transnistrie et le règlement du différend transnistrien, y compris des traités et accords conclus entre la Moldova et la Transnistrie, et entre la Fédération de Russie et la Transnistrie ; des cassettes vidéo traitant du conflit de 1992 et de la situation en Transnistrie.
17.  La Cour s'est également appuyée sur certains documents déposés par le « ministère de la Justice de la RMT » par l'intermédiaire de la mission de l'OSCE à Chişinău, en particulier des extraits des dossiers médicaux et des registres de visites, ainsi que des colis reçus par les requérants sur leurs lieux de détention. Les gouvernements défendeurs ont en outre déposé des documents émanant de la Commission chargée du contrôle de la mise en place de l'accord du 21 juillet 1992 (la « Commission de contrôle unifiée », la « CCU »).
18.  Enfin, la Cour a disposé aussi de plusieurs documents publics au sujet de la Transnistrie et de la situation des requérants émanant d'organisations et organes internationaux comme l'OSCE, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (le « CPT »), l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et le Conseil de l'Union interparlementaire.
EN FAIT
I.  LES REQUÉRANTS
19.  Les requérants, ressortissants moldaves au moment de l'introduction de la requête, sont nés respectivement en 1952, 1955, 1961 et 1963. Lors de l'introduction de leur requête, ils étaient détenus dans la partie transnistrienne de la Moldova.
20.  Bien que détenu, M. Ilaşcu a été élu deux fois au Parlement moldave, de 1994 à 2000. En tant que parlementaire, il a été désigné pour faire partie de la délégation moldave à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Le 4 octobre 2000, M. Ilaşcu a acquis la nationalité roumaine. En décembre 2000, il a été élu sénateur au Parlement roumain et nommé à la délégation roumaine à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
21.  MM. Leşco et Ivanţoc ont acquis la nationalité roumaine en 2001.
22.  M. Ilaşcu a été libéré le 5 mai 2001 ; il réside depuis lors à Bucarest (Roumanie). Les deuxième et troisième requérants sont domiciliés à Chişinău (Moldova), tandis que le quatrième requérant réside à Tiraspol (Transnistrie, Moldova). Actuellement, ils sont tous les trois détenus à Tiraspol.
23.  Compte tenu de l'impossibilité où les requérants prétendaient se trouver de s'adresser directement à la Cour, la requête a été déposée par leurs épouses respectives, Mmes Nina Ilaşcu, Tatiana Leşco et Eudochia Ivanţoc, et par la sœur du quatrième requérant, Mme Raïssa Petrov-Popa.
24.  Le deuxième requérant est représenté devant la Cour par Me A. Tănase, avocat au barreau de Chişinău. Les autres requérants étaient représentés par Me C. Dinu, du barreau de Bucarest, jusqu'à son décès en décembre 2002. Depuis janvier 2003, ils sont représentés par Me V. Gribincea, du barreau de Chişinău.
II.  L'éTABLISSEMENT DES FAITS
25.  Afin d'établir les faits, la Cour s'est fondée sur des preuves documentaires, sur les observations des parties et sur les dépositions des témoins entendus sur place, à Chişinău et à Tiraspol.
26.  Dans l'appréciation des preuves aux fins de l'établissement des faits, la Cour considère comme pertinents les éléments suivants :
i.  Pour apprécier les preuves tant écrites qu'orales, la Cour a généralement adopté jusqu'ici le critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable ». Une telle preuve peut résulter d'un faisceau d'indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants ; de surcroît, le comportement des parties dans le cadre des efforts entrepris par la Cour pour obtenir des preuves peut constituer un élément à prendre en compte (voir, mutatis mutandis, les arrêts Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A no 25, pp. 64-65, § 161 ; Salman c. Turquie [GC], no 21986/93, § 100, CEDH 2000-VII).
ii.  Pour ce qui est des dépositions recueillies par les délégués, la Cour est consciente des difficultés pouvant surgir lors de l'appréciation de telles dépositions obtenues par l'intermédiaire d'interprètes : elle a, en conséquence, prêté une attention particulière au sens et au poids devant être attribués aux déclarations formulées par les témoins devant les délégués. La Cour est aussi consciente que bon nombre de faits pertinents concernent des événements qui se sont produits il y a plus de dix ans dans un contexte trouble et singulièrement complexe, ce qui rend inévitable une certaine imprécision quant aux dates et autres détails. Elle ne considère pas que cela puisse en soi jeter un doute sur la crédibilité des dépositions.
iii.  Dans une affaire où coexistent des récits contradictoires et conflictuels, la Cour se trouve inévitablement confrontée à des difficultés propres à toute juridiction de première instance dans l'établissement des faits, compte tenu, par exemple, de l'absence de connaissance directe et détaillée des conditions existant dans la région. En outre, la Cour n'a pas de pouvoirs de contrainte quant à la présence des témoins. En l'occurrence, sur cinquante et un témoins appelés à comparaître, sept d'entre eux ne se sont pas présentés devant les délégués. Par conséquent, la Cour s'est trouvée confrontée à la difficile tâche d'établir les faits en l'absence de dépositions potentiellement importantes.
27.  Avec l'assistance des parties, la Cour a mené une enquête sur place, lors de laquelle elle a entendu quarante-trois témoins :
a)  sur les circonstances particulières de l'arrestation, de la condamnation et de la détention des requérants : les requérants, Mmes Tatiana Leşco et Eudochia Ivanţoc, épouses des deuxième et troisième requérants, Mme Raïssa Petrov-Popa, sœur du quatrième requérant, M. Ştefan Urîtu, détenu en 1992 avec les requérants, M. Constantin Ţîbîrnă, médecin ayant examiné en 1995-1998 les requérants lors de leur détention à Tiraspol et Hlinaia, M. Nicolae Leşanu, médecin ayant examiné en 1995-1997 les requérants lors de leur détention à Tiraspol et Hlinaia, M. Vladimir Golovatchev, directeur de la prison de Tiraspol no 2, M. Stepan Tcherbebchi, directeur de la prison de Hlinaia de 1992 à 2001, M. Sergueï Kotovoï, directeur de la prison de Hlinaia, M. Yefim Samsonov, « directeur du Département médical des établissements pénitentiaires de la RMT », et M. Vassili Sementchouk, médecin à la prison de Hlinaia depuis 1995 ;
b)  sur les mesures prises par la Moldova afin d'obtenir la libération des requérants et sur les relations entre la Moldova, la Fédération de Russie et la Transnistrie, différents responsables et hommes politiques moldaves : M. Dumitru Postovan, procureur général de la Moldova de 1990 jusqu'en juillet 1998, M. Valeriu Catană, procureur général de la Moldova du 31 juillet 1998 au 29 juillet 1999, M. Vasile Rusu, procureur général de la Moldova depuis le 18 mai 2001, M. Vasile Sturza, adjoint au procureur général de la Moldova de 1990 à 1994 et ministre de la Justice de 1994 à 1998, Z, ancien ministre de la Moldova ; M. Victor Vieru, vice-ministre de la Justice depuis 2001, X, ancien haut fonctionnaire moldave, M. Mircea Snegur, président de la Moldova de 1990 à 1996, M. Alexandru Moşanu, président du Parlement moldave de 1990 à 1992, Y, ancien diplomate, M. Andrei Sangheli, premier ministre de la Moldova de 1992 à 1997, M. Anatol Plugaru, ministre de la Sécurité de la Moldova en 1991-1992, M. Nicolai Petrică, général dans l'armée moldave de 1992 à 1993, M. Andrei Stratan, ancien directeur du Département des douanes, M. Vladimir Molojen, directeur du Département des technologies de l'information, M. Ion Costaş, ministre de la Défense en 1991-1992, M. Valentin Sereda, directeur du Département des établissements pénitentiaires de la Moldova, M. Victor Berlinschi, député au Parlement moldave de 1990 à 1994, M. Constantin Obroc, premier ministre adjoint en 1991-1992 et conseiller du président de la Moldova de 1993 à 1996, M. Mikhaïl Sidorov, député au Parlement moldave, et M. Pavel Creangă, ministre de la Défense moldave de 1992 à 1997 ;
c)  sur la présence du GOR et du contingent militaire de maintien de la paix de la Fédération de Russie dans la région transnistrienne de Moldova, des militaires de ces unités : le général Boris Sergueïev, commandant du GOR, le colonel Alexandre Verguz, officier au commandement du GOR, le lieutenant-colonel Vitalius Radzaevichus, ancien membre du commandement du GOR, le colonel Anatoli Zverev, commandant du contingent militaire de maintien de la paix de la Fédération de Russie dans la région transnistrienne de Moldova, le lieutenant-colonel Boris Levitski, président du tribunal militaire auprès du GOR, le lieutenant-colonel Valeri Chamaïev, procureur militaire auprès du GOR, et M. Vassili Timochenko, ancien procureur militaire auprès de la 14e armée et du GOR.
III.  LE CONTEXTE GÉNÉRAL DE L'AFFAIRE
A.  La dissolution de l'URSS et le conflit moldo-transnistrien relatif à la séparation de la Transnistrie
1.  La dissolution de l'URSS, la séparation de la Transnistrie et l'indépendance de la Moldova
28.  Créée par une décision du Soviet suprême de l'URSS le 2 août 1940, la République socialiste soviétique de Moldavie se composait d'une partie de la Bessarabie enlevée à la Roumanie le 28 juin 1940 à la suite du pacte Molotov-Ribbentrop conclu entre l'URSS et l'Allemagne, habitée majoritairement par une population de langue roumaine, et d'une bande de terre située sur la rive gauche du Dniestr en Ukraine (URSS), la Transnistrie, qui lui a été transférée en 1940 et qui est habitée par une population dont la composition linguistique était en 1989, selon des données publiques, de 40 % moldaves, 28 % ukrainiens, 24 % russes et 8 % autres. Le russe devint la langue officielle de la nouvelle république soviétique.
Dans la vie publique, les autorités soviétiques imposèrent l'écriture du roumain avec des caractères cyrilliques, qui devint ainsi « le moldave », et qui prit la deuxième place après le russe1.
29.  En août et septembre 1989, le Soviet suprême moldave adopta deux lois introduisant l'alphabet latin pour l'écriture du roumain (moldave) et instituant cette langue comme première langue officielle du pays, à la place du russe.
Le 27 avril 1990, le Soviet suprême adopta un nouveau drapeau tricolore (rouge, jaune, bleu) avec le blason moldave et un hymne national, qui, à l'époque, était le même que celui de la Roumanie. En juin 1990, avec en toile de fond les mouvements autonomistes et indépendantistes au sein de l'Union soviétique, la République socialiste soviétique de Moldavie prit le nom de République socialiste soviétique de Moldova. Elle proclama sa souveraineté le 23 juin 1990 (document d'information de l'OSCE du 10 juin 1994, voir la note du paragraphe 28 ci-dessus).
Le 23 mai 1991, la République socialiste soviétique de Moldova prit le nom de République de Moldova.
30.  Le 2 septembre 1990 fut proclamée la « République moldave de Transnistrie » (la « RMT »). Le 25 août 1991, le « Conseil suprême de la RMT » adopta la déclaration d'indépendance de la « RMT ».
A ce jour, la « RMT » n'est pas reconnue par la communauté internationale.
31.  Le 27 août 1991, le Parlement moldave adopta la Déclaration d'indépendance de la République de Moldova, qui englobait la Transnistrie. A cette époque, la République de Moldova n'avait pas d'armée propre et les premières tentatives pour en créer une eurent lieu quelques mois plus tard. Le Parlement moldave demanda au gouvernement de l'URSS « d'entamer des négociations avec le gouvernement moldave pour mettre fin à l'occupation illégale de la République de Moldova et retirer les troupes militaires soviétiques du territoire moldave ».
32.  Après la déclaration d'indépendance de la République de Moldova, la 14e armée du district militaire d'Odessa du ministère de la Défense de l'URSS (« la 14e armée »), dont le quartier général se trouvait à Chişinău depuis 1956, resta sur le territoire moldave. Des mouvements importants de matériel furent néanmoins signalés à partir de 1990 : entre autres, de grandes quantités de matériel commencèrent à être retirées du territoire moldave.
33.  Au courant de l'année 1991, la 14e armée se composait de plusieurs milliers de soldats, d'unités d'infanterie, d'artillerie (avec notamment un système de missiles antiaériens), de blindés et d'aviation (y compris avions et hélicoptères de combat) et était dotée de plusieurs dépôts de munitions, dont un des plus grands dépôts de munitions d'Europe, situé à Kolbasna, en Transnistrie.
34.  Outre l'armement de la 14e armée, la DOSAAF, « l'Association d'aide à l'armée de terre, de l'air et à la marine » (ДОСААФ –Добровольное Общество Содействия Армии Авиации и Флоту), située sur le territoire moldave, à savoir une organisation étatique créée en 1951 pour préparer la population civile en cas de combat, disposait surtout de munitions.
Après la proclamation d'indépendance de la Moldova, le matériel de la DOSAAF situé dans la partie du territoire contrôlée par le gouvernement passa aux mains du gouvernement moldave et le restant du matériel situé en Transnistrie à celles des séparatistes transnistriens.
35.  Le 6 septembre 1991, le « Soviet suprême de la République moldave de Transnistrie » adopta une ordonnance plaçant sous la juridiction de la « République de Transnistrie » tous les établissements, entreprises, organisations, et services de la milice, de la Prokuratura, de la justice, du KGB et autres situés en Transnistrie, à l'exception des unités militaires des forces armées soviétiques. Les hommes du rang, les officiers et les sous-officiers des unités militaires stationnées en Transnistrie furent invités à « faire preuve de solidarité civique et à se mobiliser pour défendre la République de Transnistrie aux côtés de représentants des salariés des entreprises en cas d'invasion des forces depuis la Moldova ».
36.  Le 18 septembre 1991, le « président du Soviet suprême de la République socialiste soviétique moldave de Transnistrie » décida de placer les unités des forces armées soviétiques déployées en Transnistrie sous la juridiction de cette « République ».
37.  Par le décret no 234 du 14 novembre 1991, le président de la Moldova, M. Snegur, déclara propriété de la République de Moldova les munitions, armements, moyens de transport militaires, bases militaires et autres biens appartenant aux unités militaires des forces armées soviétiques stationnées sur le territoire moldave.
38.  Le 8 décembre 1991, la Biélorussie, la Fédération de Russie et l'Ukraine signèrent l'accord de Minsk, constatant la fin de l'existence de l'URSS et constituant la Communauté d'Etats indépendants (la « CEI » – paragraphe 290 ci-dessous).
39.  Le 21 décembre 1991, onze Etats membres de l'URSS dont la Moldova et l'Ukraine signèrent la déclaration d'Alma-Ata, qui confirmait et développait l'accord de Minsk créant la CEI. La déclaration d'Alma-Ata confirma aussi qu'en vertu de la création de la CEI, l'URSS avait cessé d'exister et que la CEI n'était ni un Etat ni une entité supra-étatique. Fut également créé un Conseil des chefs des gouvernements de la CEI, qui décida de soutenir la Russie en tant que continuatrice de l'URSS aux Nations unies, y compris au Conseil de sécurité de l'ONU, et dans d'autres organisations internationales.
40.  Le 30 janvier 1992, la République de Moldova devint membre de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe. Le 2 mars 1992, elle fut admise au sein de l'Organisation des Nations unies.
41.  Le 8 avril 1994, le Parlement moldave ratifia, avec certaines réserves, le traité d'adhésion de la Moldova à la CEI, signé par le président moldave à Alma-Ata le 21 décembre 1991 (paragraphe 293 ci-dessous).
2.  Le conflit armé (1991-1992)
42.  Les dépositions recueillies sur place par les délégués de la Cour ont confirmé l'existence d'opérations militaires au cours du conflit (annexe, M. Urîtu, §§ 64-66 et 69-71, X, §§ 216, 218 et 220, M. Snegur, §§ 230 et 238, M. Moşanu, §§ 243-245, Y, § 254, Z, §§ 271 et 277-281, général Petrică, §§ 296-297 et 299, M. Costaş, §§ 401, 405-407 et 409, M. Creangă, §§ 457-460) ; elles sont aussi attestées par d'autres documents déposés au dossier.
Les gouvernements défendeurs n'ont pas contesté la véracité des informations détaillées fournies ci-dessous, tout en donnant aux faits des interprétations différentes (paragraphes 50, 56-57, 60, 62-64).
43.  A partir de 1989, commencèrent à s'organiser dans le sud (Gagaouzie) et dans l'est du pays (Transnistrie) des mouvements de résistance à l'indépendance moldave.
44.  Des affrontements armés d'importance limitée entre les séparatistes transnistriens et la police moldave éclatèrent dès novembre 1990 à l'est du pays, à Dubăsari, sur la rive gauche du Dniestr.
45.  Les mois suivants, les autorités transnistriennes mirent sur pied des détachements paramilitaires appelés « détachements ouvriers », sur la base desquels fut créée en 1991 une garde républicaine professionnelle et entièrement équipée (document précité de l'OSCE du 10 juin 1994, note au paragraphe 28 ci-dessus).
46.  Les requérants allèguent que, le 19 mai 1991, le ministre de la Défense de l'URSS avait ordonné au commandant de la 14e armée, le général Netkatchev, d'appeler des réservistes pour compléter les effectifs des troupes de la 14e armée déployée en Transnistrie et de mettre ces troupes et le matériel militaire en état de combat. Il aurait justifié cet ordre ainsi : « Compte tenu de ce que la Transnistrie est un territoire russe et que la situation s'y est détériorée, nous devons la défendre par tous les moyens. »
47.  Le 1er décembre 1991, une élection présidentielle fut organisée dans les départements (raioane) situés sur la rive gauche du Dniestr (Transnistrie), élection déclarée illégale par les autorités moldaves. M. Igor Smirnov fut élu « président de la RMT ».
48.  Par un décret du 5 décembre 1991, M. Smirnov décida de placer « les unités militaires rattachées notamment à la circonscription militaire d'Odessa, déployées en République moldave de Transnistrie, sous le commandement du Chef de la Direction nationale de la défense et de la sécurité de la République moldave de Transnistrie ». Le chef de cette direction, M. Guennadi I. Iakovlev, par ailleurs commandant de la 14e armée (paragraphe 53 ci-dessous), fut invité à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à la cession et à la remise d'armements, de matériel et de biens de l'armée soviétique relevant des unités militaires déployées en Transnistrie. Le but déclaré de cette mesure était de conserver, au bénéfice du régime séparatiste de Transnistrie, l'armement, le matériel et le patrimoine de l'armée soviétique se trouvant en Transnistrie.
49.  En décembre 1991, les autorités moldaves arrêtèrent le lieutenant général Iakovlev sur le territoire ukrainien, l'accusant d'avoir aidé les séparatistes transnistriens à s'armer grâce à l'arsenal de la 14e armée. Il fut conduit sur le territoire moldave aux fins de l'enquête.
50.  Selon les requérants, le lieutenant général Iakovlev fut arrêté par les autorités moldaves et accusé d'avoir armé les séparatistes. Après son arrestation, il aurait fait des déclarations confirmant l'intervention de la Fédération de Russie dans le conflit et le soutien accordé à la Transnistrie, déclarations enregistrées sur une dizaine de cassettes. Toutefois, le lieutenant général Iakovlev fut relâché, toujours selon les requérants, à la suite de l'intervention auprès des autorités moldaves du général russe Nicolaï Stolearov, venu de Moscou à Chişinău dans ce but.
Le gouvernement moldave n'a pas fait de commentaires à ce sujet.
Bien que plusieurs témoins en fassent état (annexe, M. Urîtu, § 66, M. Postovan, § 182, Z, § 272, M. Plugaru, § 286), la Cour ne peut tenir pour établie au-delà de tout doute raisonnable la libération du lieutenant général Iakovlev en échange de plusieurs policiers moldaves, prisonniers des forces transnistriennes. La Cour a recueilli des récits différents quant aux motifs exacts de la libération du lieutenant général Iakovlev et, en l'absence de toute preuve documentaire sur le déroulement de l'instruction et sur sa libération, la Cour ne saurait ni écarter ni accepter les récits des témoins, qui étaient, pour la plupart d'entre eux, généralement crédibles aux yeux des délégués.
En revanche, la Cour note que tous les témoins interrogés à ce sujet s'accordent à dire qu'un général russe est venu de Moscou à Chişinău pour obtenir la libération du lieutenant général Iakovlev.
Dès lors, la Cour considère comme établi au-delà de tout doute raisonnable que les autorités de la Fédération de Russie sont intervenues auprès des autorités moldaves pour obtenir la libération du lieutenant général Iakovlev.
51.  Fin 1991 et début 1992, de violents affrontements éclatèrent entre les forces séparatistes transnistriennes et les forces de l'ordre moldaves, qui se soldèrent par plusieurs centaines de morts.
52.  Les requérants invoquent un certain nombre de faits qui précisent le déroulement des combats. Ces faits n'ont été contestés ni par les gouvernements défendeurs ni par les témoignages recueillis sur place par les délégués.
53.  Dans un appel lancé le 6 décembre 1991 à la communauté internationale et au Conseil de sécurité de l'ONU, le président de la République de Moldova, Mircea Snegur, le président du Parlement moldave, Alexandru Moşanu, et le premier ministre, Valeriu Muravschi, protestèrent contre l'occupation, le 3 décembre 1991, des localités moldaves de Grigoriopol, Dubăsari, Slobozia, Tiraspol et Rîbniţa, situées sur la rive gauche du Dniestr, par la 14e armée placée sous le commandement du lieutenant général Iakovlev, depuis une date qui n'a pas été précisée. Ils accusèrent les autorités de l'URSS, en particulier le ministère de la Défense, d'être à l'origine de ces actes. Les militaires de la 14e armée furent accusés d'avoir distribué du matériel militaire aux séparatistes de Transnistrie et d'avoir organisé les séparatistes en détachements militaires qui terrorisaient la population civile.
54.  Par un décret du 26 décembre 1991, M. Smirnov, « président de la RMT », créa les « Forces armées de la RMT » à partir des troupes et autres formations dispersées sur le territoire de la « RMT », à l'exception des forces armées constituant les « Forces stratégiques de maintien de la paix ».
55.  En janvier 1992, le lieutenant général Iakovlev fut relevé de ses fonctions de commandant de la 14e armée par le commandement des forces armées unies de la CEI. Par une décision du 29 janvier 1992 du commandant en chef des forces armées unies de la CEI, le lieutenant général Iakovlev fut mis à la disposition du Bureau militaire d'enregistrement du district de Primorski de la ville d'Odessa (Ukraine).
56.  En 1991-1992, à l'occasion d'affrontements avec les forces de l'ordre moldaves, plusieurs unités militaires appartenant à l'URSS, puis à la Fédération de Russie, passèrent avec leurs munitions du côté des séparatistes transnistriens, tandis que de nombreux équipements militaires de la 14e armée tombèrent entre les mains des séparatistes.
Les parties ne s'accordent pas sur la manière dont ces armes sont parvenues en la possession des transnistriens.
57.  Les requérants soutiennent que la 14e armée a armé les séparatistes de deux manières : d'une part, des dépôts de munitions appartenant à la 14e armée ont été ouverts aux séparatistes et, d'autre part, les militaires de la 14e armée n'ont opposé aucune résistance lorsque les miliciens et les civils séparatistes ont tenté de s'emparer de matériel militaire et de munitions. Par exemple, aucune force n'a été opposée au Comité des femmes transnistriennes dirigé par Galina Andreeva.
La Cour note l'explication fournie par un militaire du GOR (annexe, colonel Verguz, § 359) sur la saisie d'armes par la force par des femmes et des enfants et observe ensuite qu'elle est démentie par tous les témoins moldaves interrogés à ce sujet.
La Cour considère comme hautement improbable que des femmes et des enfants aient pu s'emparer d'armes et de munitions gardées par des militaires armés dans des entrepôts fermés, sans l'accord de ces militaires.
En somme, la Cour juge établi au-delà de tout doute raisonnable que des séparatistes transnistriens ont pu s'armer grâce à l'arsenal de la 14e armée stationnée en Transnistrie. Les militaires de la 14e armée ont choisi de ne pas s'opposer aux séparatistes venus se servir dans les dépôts de cette armée ; au contraire, dans de nombreux cas, ils ont aidé les séparatistes à s'équiper, en leur livrant des armes et en leur ouvrant l'accès à ces dépôts (annexe, MM. Urîtu, § 65, Petrov-Popa, § 130, Postovan, §§ 182 et 201, Costaş, § 407, Creangă, § 457).
58.  Les requérants font valoir que des militaires appartenant à la 14e armée ont rejoint le camp des séparatistes sous l'œil bienveillant de leurs supérieurs.
59.  Le bataillon du génie de Parcani de la 14e armée, sous les ordres du général Boutkevitch, est passé du côté séparatiste. Cette information est confirmée par le gouvernement russe. Les requérants ajoutent que, lors de ce « transfert », les militaires du bataillon disposaient d'un nombre important de kalachnikovs, de balles, de pistolets TT et Makarov, de grenades et lance-grenades, ainsi que de lance-roquettes air-sol. C'est ce bataillon qui a détruit les ponts de Dubăsari, Gura Bâcului-Bâcioc et Coşniţa.
Les requérants affirment aussi que, le 20 juillet 1992, ont été transférés des unités de la 14e armée aux séparatistes des véhicules de combat blindés, des lance-mines, des chars de combat et des véhicules de transport blindés. En outre, pendant les combats, huit hélicoptères de la 14e armée ont participé au transport des munitions et des blessés du côté séparatiste.
Dans une déclaration écrite adressée à la Cour par le représentant de M. Leşco le 19 novembre 2001, Mme Olga Căpăţînă, ancienne volontaire rattachée au ministère de la Sécurité nationale moldave du 15 mars au 15 août 1992, indique que pendant cette période, ainsi qu'il ressort d'une attestation délivrée par ce ministère, elle avait travaillé au sein de l'état-major de l'armée russe, au centre de commandement et d'espionnage de la 14e armée, sous le nom d'Olga Suslina. A cette occasion, elle avait transmis au ministère moldave de la Sécurité nationale des centaines de documents confirmant la participation de troupes russes aux actions armées et l'apport massif d'armement de leur part. Elle avait aussi recueilli des informations prouvant que les actions militaires des séparatistes étaient dirigées par la 14e armée, qui coordonnait toutes ses actions avec le ministère de la Défense de la Fédération de Russie.
60.  Les requérants font valoir que des Cosaques russes sont venus par milliers de Russie afin de combattre aux côtés des séparatistes et que l'Union des Cosaques, association russe, a été reconnue par les autorités russes. Ils allèguent que l'arrivée des Cosaques de Russie n'a été nullement empêchée par les autorités russes, en dépit de l'appel lancé à leur intention par le président moldave, M. Snegur. Au contraire, des officiers de la 14e armée ont accueilli début mars 1992 près de huit cents Cosaques et les ont armés. Les requérants observent à ce sujet que, alors qu'en 1988 aucun Cosaque ne se trouvait sur le territoire moldave, près de dix mille Cosaques arrivés de la Fédération de Russie vivent actuellement sur le territoire transnistrien.
Le gouvernement russe souligne, d'une part, que l'on peut trouver des Cosaques dans d'autres parties du monde et, d'autre part, que chacun a le droit de circuler librement.
La Cour note que plusieurs documents au dossier ainsi que des dépositions recueillies par les délégués font état d'une arrivée massive de Cosaques et d'autres ressortissants russes en Transnistrie pour combattre aux côtés des séparatistes. Elle note aussi que le gouvernement russe n'a pas nié ces faits.
Dès lors, la Cour tient pour établi au-delà de tout doute raisonnable que des ressortissants russes sont arrivés massivement en Transnistrie en vue de combattre dans les rangs des séparatistes transnistriens contre les forces moldaves.
61.  Dans un livre édité en 1996 par la maison Vneshtorgizdat, et intitulé « Le général Lebed – l'énigme de la Russie », l'auteur, Vladimir Polouchine, décrit, sur la base d'amples informations étayées par des documents, le soutien accordé par la Fédération de Russie aux séparatistes transnistriens. Ainsi, sont mentionnées la création par le général Lebed du Quartier général de défense commun russo-transnistrien et la participation de la 14e armée aux opérations militaires menées par les forces transnistriennes contre l'« ennemi » moldave.
Se référant à ce livre, les requérants mentionnent à titre d'exemple la destruction, le 30 juin 1992, d'une unité moldave à Chiţcani par cette armée et le bombardement par la 14e armée de plusieurs positions moldaves à Coşniţa, Dubăsari, Slobozia et Hârbovăţ entre le 1er juin et le 3 juillet 1992.
Les autres parties n'ont pas formulé de commentaires au sujet des informations contenues dans ce livre.
62.  Les requérants soutiennent en outre que les têtes des ponts situées sur la rive gauche du Dniestr ont été minées par les militaires de la 14e armée.
La Cour note qu'un témoin impliqué directement et au plus haut niveau dans les opérations militaires pendant le conflit, a affirmé qu'une partie du territoire situé sur la rive gauche du Dniestr avait été minée, que ce travail avait été effectué par des spécialistes et que l'armée moldave avait dû, à la fin du conflit, avoir recours à des spécialistes étrangers afin de procéder au déminage (annexe, M. Costaş, § 406). Ces informations n'ont pas été contestées par les autres parties.
Compte tenu également de la crédibilité de ce témoin, la Cour peut considérer comme établi qu'une partie du territoire moldave situé sur la rive gauche du Dniestr avait été minée par les forces opposées à l'armée moldave. En revanche, elle note que ce témoin n'a pu affirmer catégoriquement que les mines avaient été posées par les militaires de la 14e armée, mais a simplement soutenu qu'en toute logique un travail d'un tel niveau technique ne pouvait avoir été effectué que par des professionnels, en l'occurrence des militaires de la 14e armée. Elle note aussi que ce témoin a affirmé que les séparatistes s'étaient emparés de mines antipersonnel se trouvant auparavant dans l'arsenal de la 14e armée. Dans ces circonstances, la Cour estime que cette affirmation n'est pas sûre au-delà de tout doute raisonnable et ne peut donc pas tenir pour établi que ce sont les militaires de la 14e armée ou du GOR qui ont posé des mines sur la rive gauche du Dniestr.
63.  Pour sa part, le gouvernement moldave affirme qu'il n'a jamais prétendu que l'armée de la Fédération de Russie avait été dispersée légalement sur le territoire moldave, ni que la 14e armée ne s'était pas impliquée dans le conflit transnistrien.
Au contraire, il fait valoir que, ainsi qu'il ressort des témoignages recueillis par les délégués de la Cour, la 14e armée s'est engagée activement, directement et indirectement, dans le conflit transnistrien, contre les forces armées de la Moldova. Les séparatistes transnistriens ont pu s'armer grâce à l'arsenal de la 14e armée et avec la complicité de celle-ci. Le gouvernement moldave considère que l'on ne saurait ajouter foi à des affirmations selon lesquelles des femmes se seraient emparées par la force des armes et des munitions de l'arsenal de la 14e armée. De surcroît, aucun militaire russe n'a été par la suite sanctionné pour négligence ou complicité dans la saisie du matériel de l'arsenal de la 14e armée.
64.  Le gouvernement russe fait valoir que la 14e armée se trouvait en Moldova lorsque le conflit de Transnistrie a éclaté. Les forces militaires russes en tant que telles n'ont aucunement pris part à ce conflit et n'ont pas été impliquées dans les faits dénoncés. Cependant, lorsque des actions armées illégales ont été menées à l'encontre des soldats de la 14e armée, des mesures appropriées ont été prises conformément au droit international. D'une manière générale, le gouvernement russe est prêt à concevoir que des individus se réclamant de la 14e armée russe aient pu participer aux faits dénoncés, mais souligne que, si tel était le cas, ces agissements auraient constitué une violation grossière de la législation russe et auraient valu aux individus responsables d'être sanctionnés.
Le gouvernement russe ajoute que la Fédération de Russie est restée neutre dans ce conflit. En particulier, elle n'a soutenu d'aucune manière, militairement ou financièrement, les parties au conflit.
65.  La Cour relève que tous les témoins moldaves interrogés ont catégoriquement confirmé l'implication active, directe ou indirecte, de la 14e armée, et par la suite du GOR, dans le transfert d'armes aux séparatistes transnistriens. Ils ont également confirmé la participation des militaires russes au conflit, notamment l'implication dans le conflit de chars d'assaut portant le drapeau de la Fédération de Russie, les tirs en direction des positions moldaves en provenance d'unités de la 14e armée et le versement d'un grand nombre de militaires de la 14e armée dans l'armée de réserve afin de leur permettre de combattre aux côtés des Transnistriens ou de former ces combattants (annexe, MM. Costaş, § 406, Creangă, § 457).
Ces affirmations se trouvent corroborées par les informations contenues dans le rapport de l'OSCE no 7 du 29 juillet 1993, versé au dossier par le gouvernement roumain et par d'autres sources (annexe, M. Moşanu, § 244). A cet égard, la Cour relève tant l'abondance que le caractère détaillé des informations dont elle dispose à ce sujet.
La Cour ne voit aucun motif de mettre en doute la crédibilité des témoins moldaves entendus et constate que leurs affirmations sont corroborées par le gouvernement moldave, qui a confirmé les faits dans l'ensemble des observations déposées tout au long de la procédure.
Quant à la prétendue appartenance des témoins aux cercles politiques opposés à la Fédération de Russie, invoquée par le gouvernement russe, la Cour note qu'elle n'a pas été étayée.
Par ailleurs, les dépositions recueillies ne permettent pas à la Cour d'évaluer précisément le rapport de forces entre les parties au conflit. Cependant, eu égard au soutien manifesté par les troupes de la 14e armée aux forces séparatistes, et au transfert massif d'armes et de munitions de l'arsenal de la 14e armée aux séparatistes, il est certain que l'armée moldave se trouvait dans une situation d'infériorité l'empêchant de reprendre le contrôle de la Transnistrie (annexe, Z, § 271, M. Costaş, § 401).
66.  Le 5 mars 1992, le Parlement moldave protesta contre le silence, qu'il qualifia de complice, des autorités russes quant à l'appui qu'auraient fourni aux séparatistes de Transnistrie des groupes armés de Cosaques venant de Russie, appartenant à l'Union des Cosaques, association reconnue par les autorités russes. Le Parlement moldave demanda au Soviet suprême de la Fédération de Russie d'intervenir en vue du retrait immédiat des Cosaques de Russie du territoire moldave.
67.  Le 23 mars 1992, les ministres des Affaires étrangères de Moldova, de la Fédération de Russie, de Roumanie et d'Ukraine se réunirent à Helsinki, où ils adoptèrent une déclaration posant un certain nombre de principes pour le règlement politique pacifique du conflit. Dans des réunions ultérieures tenues en avril et mai 1992 à Chişinău, les quatre ministres décidèrent d'établir une commission quadripartite et un groupe d'observateurs militaires afin de surveiller l'application d'un éventuel cessez-le-feu.
68.  Le 24 mars 1992, le Parlement moldave s'éleva contre l'ingérence de la Fédération de Russie dans les affaires moldaves, la présidence du Soviet suprême de la Fédération de Russie ayant fait le 20 mars 1992 une déclaration indiquant à la Moldova des solutions pour le règlement du conflit de Transnistrie dans le respect des droits du « peuple transnistrien ».
69.  Le 28 mars 1992, le président de la République de Moldova, M. Snegur, décréta l'état d'urgence. Il constata que des « aventuriers » avaient créé sur la rive gauche du Dniestr, « non sans aide venue de l'extérieur », un « pseudo-Etat » et que, « armés jusqu'aux dents du matériel le plus performant de l'armée soviétique », ils avaient déclenché un conflit armé, essayant tout pour faire intervenir dans ce conflit la 14e armée des forces armées unies de la CEI. En vertu de l'état d'urgence, les ministères moldaves de la Sécurité nationale et de l'Intérieur, et les autres organes compétents, agissant de concert avec les unités de l'armée nationale, furent chargés par le président de prendre toutes les mesures nécessaires pour dissoudre et désarmer les formations armées illégalement et pour rechercher et déférer à la justice tous les auteurs de crimes contre les organes de l'Etat et la population de la République. Les initiateurs de « la soi-disant république moldave nistréenne » et les complices de ceux-ci furent sommés de dissoudre les formations armées illégales et de se livrer aux organes de la République.
70.  Par le décret no 320 du 1er avril 1992, le président de la Fédération de Russie plaça les formations militaires de l'URSS stationnées sur le territoire moldave, y compris sur la rive gauche du Dniestr, sous la juridiction de la Fédération de Russie, la 14e armée devenant ainsi le Groupement opérationnel des forces russes dans la région transnistrienne de la Moldova (« le GOR » ou « la 14e armée »).
71.  Par le décret no 84 du 1er avril 1992, le « président de la RMT », M. Smirnov, releva le lieutenant général Iakovlev de ses fonctions de chef du « département de la défense et de la sécurité de la RMT ».
72.  Le 2 avril 1992, le général Netkatchev, commandant du GOR (14e armée), ordonna aux forces moldaves qui avaient encerclé la ville de Tighina (Bender), tenue par les séparatistes, de se retirer immédiatement, faute de quoi l'armée russe riposterait.
73.  Les requérants allèguent qu'après cet ultimatum adressé par le général Netkatchev, ont commencé sur le polygone de Tiraspol de la 14e armée des exercices militaires conjoints entre les militaires de la 14e armée et les séparatistes.
74.  Le 4 avril 1992, le président moldave, M. Snegur, envoya un télégramme aux chefs d'Etat des pays membres de la CEI, au commandement des forces armées unies de la CEI et au commandant de la 14e armée, pour porter à leur attention le fait que la 14e armée ne respectait pas sa neutralité.
75.  Le 5 avril 1992, Alexandre Routskoï, vice-président de la Fédération de Russie, se rendit à Tiraspol. Ainsi qu'il ressort des articles de presse présentés par les requérants à la Cour, et non contestés par les autres parties, M. Routskoï visita d'abord une unité militaire de la 14e armée, puis se rendit sur la place centrale de Tiraspol en compagnie de M. Smirnov. Dans un discours adressé aux cinq mille personnes présentes, M. Routskoï déclara que M. Snegur ne voulait pas dialoguer et que la meilleure solution serait une confédération dans laquelle les Moldaves et les Russes vivraient unis, sur un pied d'égalité. Il affirma enfin que la 14e armée devait être un tampon entre les forces participant au conflit, afin que le peuple nistréen puisse obtenir son indépendance et sa souveraineté et travailler en paix.
76.  Par l'ordre no 026 du 8 avril 1992 du commandant en chef des forces armées unies de la CEI, il fut décidé que seules les troupes et unités de la 14e armée stationnées sur le territoire de la République socialiste soviétique de Moldova pouvaient constituer la base de la création des forces armées de la République de Moldova.
Trois unités militaires ayant appartenu à la 14e armée décidèrent de se joindre à la nouvelle armée de la République de Moldova : l'unité militaire de Floreşti (dépôt de munitions no 5381), le régiment d'artillerie no 4 de Ungheni et le régiment d'artillerie de roquettes no 803 de Ungheni.
Les militaires du bataillon indépendant no 115 du génie et sapeurs pompiers de la 14e armée refusèrent de s'engager dans les forces armées de la Moldova et « se placèrent sous la juridiction de la région transnistrienne », selon les termes employés par le gouvernement russe.
77.  Dans un message adressé en avril 1992 au commandant en chef des forces armées unies de la CEI, le président de la Moldova, M. Snegur, déclara que les événements en Transnistrie étaient inspirés et soutenus par « les structures impériales et procommunistes de l'URSS et leurs successeurs en droit » et que la 14e armée n'avait pas fait preuve de neutralité dans le conflit. A cet égard, il souligna que les formations militaires transnistriennes étaient dotées d'un armement moderne ayant appartenu à l'ex-armée soviétique et que de très nombreux citoyens russes avaient pris part au conflit du côté des séparatistes en tant que mercenaires.
78.  Dans une lettre adressée en avril 1992 aux dirigeants des pays membres du Conseil de sécurité des Nations unies, de l'OSCE et de la CEI, M. Snegur accusa le commandement de la 14e armée d'avoir armé en décembre 1991 les formations transnistriennes et dénonça l'attitude du 6e congrès des députés de la Fédération de Russie, qui avait demandé le maintien en Moldova des unités de l'armée de la Fédération de Russie comme « forces pacificatrices ». Enfin, M. Snegur souligna qu'une condition essentielle pour le règlement pacifique du conflit transnistrien était le retrait le plus rapide de l'armée de la Fédération de Russie du territoire moldave, et demanda à la communauté internationale de soutenir le jeune Etat moldave dans sa lutte pour la liberté et la démocratie.
79.  Le 20 mai 1992, la présidence du Parlement moldave protesta contre l'occupation, le 19 mai 1992, d'autres régions de Transnistrie par les forces de la 14e armée appuyées par des mercenaires cosaques et russes et par des forces paramilitaires de Transnistrie. Selon la présidence du Parlement, cette agression militaire de la part de la Fédération de Russie violait la souveraineté de la Moldova et toutes les règles du droit international, rendant illusoires les négociations alors en cours pour trouver une solution au conflit en Transnistrie. Accusant la Fédération de Russie d'avoir armé les séparatistes de Transnistrie, la présidence du Parlement moldave demanda au Soviet suprême de la Fédération de Russie de faire cesser cette agression et de retirer les forces militaires russes du territoire moldave.
80.  Cette protestation était également dirigée contre les allocutions jugées « pleines d'agressivité » à l'égard de la Moldova prononcées à Tiraspol et Moscou par M. Routskoï, vice-président de la Fédération de Russie, et contre une déclaration faite le 19 mai 1992 par le Conseil militaire du GOR.
81.  Le 26 mai 1992, le Parlement moldave adressa une lettre au Soviet suprême d'Ukraine, exprimant la reconnaissance du Parlement moldave à l'égard des autorités ukrainiennes, qui n'avaient pas voulu se joindre à l'occupation du 19 mai 1992.
82.  Le 22 juin 1992, le Parlement moldave lança un appel à la communauté internationale et s'opposa à « la nouvelle agression perpétrée en Transnistrie le 21 juin 1992 par les forces de la 14e armée » qui, par ses actions de destruction et de pillage, avait poussé bon nombre de civils à fuir leurs foyers. La communauté internationale fut exhortée à envoyer des experts sur place pour faire cesser le « génocide » entrepris contre la population locale.
83.  Le 23 juin 1992, le président de la Moldova, M. Snegur, demanda au Secrétaire général de l'ONU, M. Boutros Boutros-Ghali, d'informer les membres du Conseil de sécurité des Nations unies de « l'attaque menée contre la ville [de Tighina] par la 14e armée », qui représentait, à ses yeux, une intervention « directe et brutale dans les affaires internes de la République [de Moldova] ». Il exprima aussi son inquiétude à l'égard des déclarations du président de la Fédération de Russie, M. Eltsine, et de son vice-président, M. Routskoï, « dont il ressort avec clarté que la Fédération de Russie n'est pas disposée à renoncer aux « droits » qu'elle ne possède plus, ni de jure ni de facto, sur un territoire qui ne lui appartient plus à la suite du démembrement de l'empire soviétique ». Enfin, selon M. Snegur, « les menaces récemment renouvelées à l'égard des dirigeants légaux de la République de Moldova, Etat indépendant et souverain, par l'administration russe, constituent un motif d'inquiétude pour l'opinion publique moldave, car elles semblent préfigurer d'autres moyens d'intervention dans nos affaires internes, moyens et méthodes spécifiques au système impérialiste communiste soviétique (...) ».
84.  Dans la première moitié du mois de juillet 1992, des discussions intenses eurent lieu dans le cadre de la CEI au sujet d'un possible déploiement en Moldova d'une force de paix de la CEI. Fut mentionné à cet égard un accord signé à Minsk en mars 1992 sur les groupes d'observateurs militaires et les forces stratégiques de maintien de la paix de la CEI.
85.  Lors d'une réunion de la CEI tenue à Moscou le 6 juillet 1992, il fut décidé, à titre préliminaire, de déployer en Moldova une force de maintien de la paix de la CEI formée de troupes russes, ukrainiennes, biélorusses, roumaines et bulgares, à condition que la Moldova en fasse la demande. En dépit d'une telle demande déposée le lendemain par le Parlement moldave, la force ne fut jamais déployée, certains pays étant revenus sur leur consentement à participer à une force de la CEI.
86.  Le 10 juillet 1992, à l'occasion du sommet d'Helsinki de la CSCE, le président de la Moldova, M. Snegur, demanda que soit prise en considération la possibilité d'appliquer à la situation moldave le mécanisme de maintien de la paix de la CSCE. Ce mécanisme ne fut pas appliqué en l'absence d'un cessez-le-feu effectif et durable (document d'information précité de l'OSCE du 10 juin 1994, note au paragraphe 28 ci-dessus).
87.  Le 21 juillet 1992, le président de la République de Moldova, M. Snegur, et le président de la Fédération de Russie, M. Eltsine, signèrent un accord sur les principes du règlement amiable du conflit armé dans la région transnistrienne de la République de Moldova (« accord de cessez-le-feu » ci-après – paragraphe 292 ci-dessous).
Sur l'exemplaire soumis à la Cour par le gouvernement moldave figurent uniquement les signatures de MM. Snegur et Eltsine. De son côté, le gouvernement russe a présenté à la Cour un exemplaire sur lequel figurent les signatures de MM. Snegur et Eltsine, en tant que présidents de la Moldova et de la Fédération de Russie respectivement. Sur cet exemplaire, en dessous de la signature de M. Snegur, se trouve aussi apposée la signature de M. Smirnov, sans indication de sa qualité.
La signature de M. Smirnov ne figure pas sur l'exemplaire soumis par le gouvernement moldave. Dans sa déposition devant les délégués de la Cour, M. Snegur a confirmé que le document officiel établi en deux exemplaires avait été signé uniquement par lui-même et par M. Eltsine (annexe, M. Snegur, § 228).
Ainsi qu'il ressort des témoignages recueillis par la Cour, l'accord fut rédigé dans ses grandes lignes par la partie russe, qui le présenta à la signature à la partie moldave (annexe, Z, § 281).
88.  Le gouvernement russe allègue qu'aux termes de l'article 4 de l'accord du 21 juillet 1992 la Fédération de Russie a été signataire de cet accord non pas en tant que partie au conflit, mais en tant qu'artisan de la paix.
89.  Par cet accord fut posé le principe d'une zone de sécurité, créée par le retrait des armées des « parties au conflit » (article 1 § 2).
90.  En application de l'article 2 de cet accord, fut créée une commission de contrôle unifiée (la « CCU »), composée de représentants de la Moldova, de la Fédération de Russie et de la Transnistrie, et siégeant à Tighina (Bender).
L'accord mit en place également des forces de maintien de la paix chargées de veiller au respect du cessez-le-feu et à la sécurité, consistant en cinq bataillons russes, trois bataillons moldaves et deux bataillons transnistriens, subordonnés à un commandement militaire unifié, lui-même subordonné à la CCU.
91.  Selon l'article 3 de l'accord, la ville de Tighina fut déclarée région à régime de sécurité, et son administration fut octroyée aux « organes de l'auto-administration locale, le cas échéant de concert avec la commission de contrôle ». La CCU se vit chargée d'assurer le maintien de l'ordre public à Tighina, conjointement avec la police.
L'article 4 prévoit que la 14e armée de la Fédération de Russie, stationnée sur le territoire de la République de Moldova, observe rigoureusement la neutralité, tandis que l'article 5 interdit l'application de toute sanction ou blocus et fixe comme objectif la suppression de tous les obstacles à la libre circulation des marchandises, des services et des personnes.
Enfin, les mesures prévues dans cet accord furent définies comme « une partie très importante du règlement du conflit par des moyens politiques » (article 7).
3.  Evénements postérieurs au conflit armé
92.  Le 29 juillet 1994, la Moldova se dota d'une nouvelle Constitution. Celle-ci pose, entre autres, la neutralité du pays, l'interdiction de stationnement sur son territoire de troupes appartenant à d'autres Etats et la possibilité d'octroyer une forme d'autonomie aux localités se situant, notamment, sur la rive gauche du Dniestr (paragraphe 294 ci-dessous).
93.  Le 21 octobre 1994, la Moldova et la Fédération de Russie signèrent un accord concernant le statut juridique, le mode et les délais de retrait des formations militaires de la Fédération de Russie se trouvant provisoirement sur le territoire de la République de Moldova (paragraphe 296 ci-dessous).
L'article 2 de cet accord prévoit la synchronisation du retrait de l'armée russe du territoire moldave avec le règlement politique du conflit transnistrien et l'établissement d'un statut spécial pour la « région transnistrienne de la République de Moldova ».
N'ayant pas été ratifié par les autorités de la Fédération de Russie, cet accord n'est jamais entré en vigueur (paragraphe 115 ci-dessous).
94.  Les requérants soutiennent que les forces russes de maintien de la paix n'observent pas une stricte neutralité, mais favorisent les Transnistriens en leur permettant de modifier l'équilibre des forces existant entre les parties au moment de la signature du cessez-le-feu le 21 juillet 1992.
95.  Le 28 décembre 1995, la délégation moldave à la CCU adressa une lettre au chef de la délégation russe à la CCU pour protester contre une proposition du commandant adjoint des Forces terrestres de la Fédération de Russie visant à transférer les pouvoirs des unités russes de maintien de la paix aux unités du GOR, proposition considérée par la délégation comme contraire à l'article 4 de l'accord du 21 juillet 1992. La proposition était aussi jugée inacceptable compte tenu « d'un certain niveau de politisation des hommes du GOR et de leur absence d'impartialité par rapport aux parties au conflit ». La délégation moldave mit en évidence plusieurs violations du principe de neutralité énoncé dans l'accord du 21 juillet 1992 : le transfert par la 14e armée aux autorités anticonstitutionnelles de Tiraspol de certains équipements militaires et munitions ; des entraînements des troupes de la « RMT » par l'armée russe ; et des transferts d'unités militaires de la 14e armée au camp de la « RMT » – par exemple, le bataillon d'ingénieurs de Parcani, devenu une unité d'artillerie de la « RMT », le transfert de la forteresse de Tighina/Bender à la deuxième brigade d'infanterie de la « RMT », ou bien le transfert à la « RMT » du cantonnement de Slobozia, comprenant un bataillon de communication de la 14e armée.
La délégation moldave attira l'attention sur le fait que des unités militaires de la « RMT » avaient été amenées dans la zone de sécurité avec la connivence des troupes russes de la CCU, que de nouvelles unités paramilitaires avaient été créées dans la ville de Tighina/Bender, déclarée zone de sécurité et se trouvant sous la responsabilité des forces de maintien de la paix de la Fédération de Russie, et que des entreprises situées à Tighina/Bender et Tiraspol fabriquaient des armes et des munitions.
La délégation moldave demanda à son gouvernement d'envisager la possibilité de remplacer les forces de maintien de la paix de la Fédération de Russie en Transnistrie par une force multinationale sous l'égide des Nations unies ou de l'OSCE. Enfin, la délégation moldave exprima l'espoir d'une mise en application rapide de l'accord du 21 octobre 1994 sur le retrait des forces armées de la Fédération de Russie du territoire moldave.
96.  Dans une lettre datée du 17 janvier 1996, le chef de la délégation russe à la CCU estima que les exemples de prétendue absence d'impartialité de la part des militaires de la 14e armée, fournis par la délégation moldave dans sa lettre du 28 décembre 1995, procédaient de « déformations » et qu'ils étaient contraires à la réalité. La délégation russe estima que l'accord du 21 juillet 1992 permettait sans aucun doute à la Fédération de Russie de transférer au GOR des fonctions dévolues aux forces de maintien de la paix, et demanda à la délégation moldave de revoir son point de vue et de reconsidérer les propositions faites en ce sens par le ministère russe de la Défense.
97.  Le 8 mai 1997, M. Lucinschi, président de la Moldova, et M. Smirnov, « président de la RMT », signèrent à Moscou un mémorandum posant les bases de la normalisation des relations entre la République de Moldova et la Transnistrie, où ils s'engageaient à régler tout conflit qu'ils pourraient avoir par des négociations, avec l'assistance, le cas échéant, de la Fédération de Russie et de l'Ukraine, en tant qu'Etats garants du respect des accords conclus, ainsi que celle de l'OSCE et de la CEI. Ledit mémorandum fut contresigné par les présidents de la Fédération de Russie, M. Eltsine, et de l'Ukraine, M. Koutchma. Il fut également signé par M. H. Petersen, président de l'OSCE, présent lors de la signature par les parties et les Etats garants.
Aux termes de ce mémorandum, le statut de la Transnistrie doit se fonder sur plusieurs principes : décisions prises d'un commun accord, division et délégation des compétences et garanties assurées réciproquement. La Transnistrie doit participer à la conduite de la politique extérieure de la République de Moldova pour les questions touchant à ses intérêts propres, la définition de ces questions devant être établie d'un commun accord. La Transnistrie aurait le droit d'instaurer et d'entretenir unilatéralement des contacts internationaux dans les domaines économique, scientifique et technique, culturel et autres, à déterminer d'un commun accord.
Le mémorandum accueille favorablement la disponibilité montrée par la Fédération de Russie et par l'Ukraine pour agir en tant qu'Etats garants du respect des dispositions contenues dans les documents définissant le statut de la Transnistrie et dans le mémorandum. Les parties confirment également la nécessité de poursuivre les activités menées conjointement par les Forces communes de maintien de la paix dans la zone de sécurité, conformément à l'accord du 21 juillet 1992. Le mémorandum prévoit aussi le droit pour les parties, en cas de violation de ces accords, de solliciter des consultations auprès des Etats garants en vue de prendre des mesures pour normaliser la situation. Enfin, les deux parties s'engagent à établir leurs relations dans le cadre d'un Etat commun à l'intérieur des frontières de la RSS moldave telle qu'elle existait au 1er janvier 1990.
98.  Le 20 mars 1998, des représentants de la Moldova, de la Transnistrie, de la Fédération de Russie et de l'Ukraine signèrent à Odessa (Ukraine) plusieurs documents visant à assurer le règlement du conflit transnistrien (paragraphe 123 ci-dessous).
99.  Dans des observations de 1999 sur un projet de rapport sur la Moldova rédigé par la Commission de l'Assemblée parlementaire pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe, le gouvernement moldave indiqua que les autorités séparatistes procédaient, « avec l'accord tacite des autorités de la Fédération de Russie dont les forces de maintien de la paix sont déployées dans la zone de sécurité de la région transnistrienne moldave », à la sortie illégale d'armes des dépôts du GOR.
100.  Dans une lettre du 6 février 2001, la délégation moldave à la CCU adressa une lettre aux chefs des délégations russe et transnistrienne à la CCU, pour protester contre l'absence d'impartialité des commandants des forces de maintien de la paix. Ceux-ci furent accusés de permettre l'introduction d'équipements militaires et de munitions dans la zone de sécurité, et la création d'unités militaires armées de la Transnistrie. La délégation moldave souligna que ces faits avaient été notés par les observateurs militaires sur le terrain et dénonça l'attitude du commandant des forces de maintien de la paix de la Fédération de Russie, qui n'avait ni contrôlé ni empêché la militarisation de la zone de sécurité, enfreignant ainsi le statut de forces de maintien de la paix. La délégation moldave souligna enfin qu'une telle attitude de la part des forces russes de maintien de la paix représentait un encouragement pour les Transnistriens.
Le gouvernement russe affirme que les forces de maintien de la paix observent la neutralité exigée par l'accord du 21 juillet 1992.
La Cour note le témoignage du commandant des forces russes de maintien de la paix, le colonel Zverev (annexe, § 368), selon lequel les forces russes de maintien de la paix assurent le respect de cet accord. Ce témoin déclare en outre ne pas être au courant des agissements illégaux des Transnistriens dans la zone contrôlée par les forces russes.
La Cour observe toutefois que le témoignage en question est contredit par les documents officiels de la CCU, dont il ressort, avec une abondance de détails, que dans différentes zones de Transnistrie situées sous le contrôle des forces de maintien de la paix de la Fédération de Russie, par exemple la zone de Tighina/Bender, les forces séparatistes transnistriennes ont agi en violation de l'accord de cessez-le-feu.
Compte tenu du caractère officiel des documents de la CCU et de la cohérence des informations qu'ils contiennent, la Cour tient pour établi avec un degré suffisant de certitude que, dans la zone se trouvant sous la responsabilité des forces russes de maintien de la paix, la partie transnistrienne n'a pas respecté les engagements qui découlent pour elle de l'accord du 21 juillet 1992.
101.  Le 16 avril 2001, les présidents de la République de Moldova, M. Voronine, et de la Fédération de Russie, M. Poutine, signèrent une déclaration commune, dont le point 5 indique :
« Les Présidents se sont prononcés en faveur d'un règlement rapide et équitable du conflit transnistrien par des moyens exclusivement pacifiques, reposant sur le respect des principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la République de Moldova, ainsi que des normes internationales en matière de droits de l'homme. »
102.  Dans un document daté du 4 septembre 2001 analysant la mise en application de l'accord moldo-russe du 20 mars 1998 sur les principes pour un règlement pacifique du conflit armé dans la région de Transnistrie de la République de Moldova, la délégation moldave à la CCU mit en évidence le non-respect, par la partie transnistrienne, de ses obligations, en ce sens qu'elle avait créé de nouvelles unités militaires, introduit des armes dans la zone de sécurité et a installé des postes douaniers. La délégation moldave exprima sa préoccupation quant au fait que le commandement militaire uni n'avait pris aucune mesure adéquate pour mettre fin à cette situation, mais s'était borné à constater les faits. La délégation moldave proposa que des mesures concrètes pour assurer le respect des obligations incombant aux parties soient discutées au niveau des ministères des Affaires étrangères de la Moldova et de la Fédération de Russie. Enfin, elle proposa de mettre sous le patronage de l'OSCE la fonction d'observateur militaire dans la zone de sécurité.
103.  En mars 2003, les forces de maintien de la paix de la Fédération de Russie en Transnistrie comptaient 294 militaires, 17 véhicules blindés, 29 véhicules et 264 armes à feu.
A ce jour, selon les témoignages recueillis par la Cour (annexe, colonel Zverev, § 367), aucun militaire de la 14e armée ou du GOR n'a été employé dans les forces russes de maintien de la paix.
104.  Des contacts des autorités moldaves avec la partie transnistrienne continuent d'avoir lieu au sujet de différents aspects du possible règlement de la situation en Transnistrie.
105.  Lors de ces négociations, la partie moldave a obtenu la création, par la partie transnistrienne, d'une commission chargée d'examiner la possibilité d'accorder la grâce à toutes les personnes condamnées et détenues en Transnistrie à la suite de jugements prononcés par les tribunaux transnistriens (annexe, M. Sturza, §§ 309, 312 et 318).
106.  Un des sujets régulièrement inscrits à l'ordre du jour des négociations est celui de l'impunité demandée par la partie transnistrienne pour les fonctionnaires et responsables de cette administration (annexe, MM. Sturza, § 314, Sidorov, § 446).
107.  Depuis 2002, plusieurs plans pour la fédéralisation de la Moldova furent proposés par l'OSCE, la Fédération de Russie ou bien le président moldave.
108.  Les dernières négociations menées avec l'aide de l'OSCE se fondèrent sur des propositions visant à créer un Etat fédéral accordant l'autonomie à la Transnistrie.
109.  Le 4 avril 2003, dans le cadre des négociations avec la Transnistrie, le Parlement moldave adopta un protocole concernant la création d'un mécanisme d'élaboration d'une constitution fédérale pour la République de Moldova.
110.  Selon un communiqué de presse de la mission de l'OSCE en Moldova, la première réunion de la Commission unifiée eut lieu le 24 avril 2003 au siège de la mission de l'OSCE en Moldova. Lors de cette réunion, il fut décidé qu'un texte final devait être prêt pour le mois d'octobre 2003 afin que la nouvelle Constitution puisse être présentée à l'ensemble du peuple moldave pour adoption lors d'un référendum organisé en février 2004.
B.  La présence de l'armée de la Fédération de Russie et de ses militaires en Transnistrie après l'accord du 21 juillet 1992
1.  Les troupes et le matériel du GOR présents en Transnistrie
a)  Avant la ratification de la Convention par la Fédération de Russie
111.  Ainsi que prévu par l'article 4 de l'accord de cessez-le-feu du 21 juillet 1992, la Moldova et la Fédération de Russie entamèrent des négociations au sujet du retrait du GOR du territoire moldave et de son statut en attendant ce retrait.
La partie russe proposa en 1994 de synchroniser le retrait du GOR du territoire moldave avec la solution du conflit transnistrien (paragraphe 93 ci-dessus). La partie moldave, qui considérait cette proposition comme contre-productive, l'accepta sur l'insistance de la partie russe et seulement après avoir obtenu que celle-ci se déclarât en faveur d'une libération rapide des membres du groupe Ilaşcu (annexe, Y, § 254).
Dans un communiqué de presse du 12 février 2004, le ministère des Affaires étrangères de la Moldova indiqua que les autorités moldaves s'opposaient catégoriquement à toute synchronisation entre le règlement politique du conflit transnistrien et le retrait des forces armées russes du territoire de la Moldova, et qu'elles attendaient un retrait complet et sans condition des forces armées russes, conformément aux décisions de l'OSCE (paragraphe 124 ci-dessous), d'autant plus que les Etats membres de l'OSCE avaient créé un fonds volontaire destiné à financer le retrait en question.
112.  L'article 2 de l'accord du 21 octobre 1994 (« le premier accord ») prévoit le retrait par la partie russe de ses formations militaires dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de l'accord, la synchronisation de la mise en œuvre du retrait dans le délai imparti avec le règlement politique du conflit transnistrien, et l'établissement d'un statut spécial pour la « région transnistrienne de la République de Moldova » (paragraphe 296 ci-dessous). Quant aux étapes et dates du retrait définitif de ces formations, le même article prévoit qu'elles doivent être arrêtées dans un protocole à part devant être conclu entre les ministères de la Défense des parties.
113.  Selon l'article 5 dudit accord, la commercialisation de tout type de technique militaire, d'armement et de munitions appartenant aux forces militaires de la Fédération de Russie stationnées sur le territoire de la République de Moldova ne peut se faire qu'au titre d'un accord spécialement conclu entre les gouvernements de ces pays.
114.  Selon l'article 7 dudit accord, l'aéroport militaire de Tiraspol est utilisé en commun par l'aviation du GOR et par « l'aviation civile de la région de Transnistrie de la République de Moldova ». Un deuxième accord conclu également le 21 octobre 1994 (« le deuxième accord ») entre les ministères de la Défense moldave et russe régit l'utilisation de l'aéroport de Tiraspol. Ainsi, il prévoit que les vols vers l'aéroport de Tiraspol sont effectués selon le « Règlement provisoire sur l'aviation déplacée en commun des formations militaires de la Fédération de Russie et de l'aviation civile de la région de Transnistrie de la République de Moldova », en coordination avec l'administration d'Etat de l'aviation civile de la Moldova et le ministère de la Défense de la Fédération de Russie (paragraphe 297 ci-dessous).
115.  Le 9 novembre 1994, le gouvernement moldave adopta la décision de mise en application de l'accord concernant le retrait de l'armée russe du territoire moldave. A une date non précisée, le gouvernement de la Fédération de Russie décida de soumettre cet accord à la ratification de la Douma. Le 17 novembre 1998, le premier accord du 21 octobre 1994 n'ayant toujours pas été ratifié par la Douma, le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie demanda à la Douma de le retirer de son ordre du jour, au motif qu'« une éventuelle décision du ministère de revenir sur cette question sera fonction de l'évolution des relations avec la République de Moldova et la région transnistrienne et du règlement politique dans la région ». En janvier 1999, l'accord fut retiré de l'ordre du jour de la Douma. Il n'est toujours pas entré en vigueur.
Le deuxième accord fut approuvé uniquement par le gouvernement moldave, le 9 novembre 1994.
116.  Le gouvernement moldave souligne que les termes « aviation civile de la région de Transnistrie de la République de Moldova », contenus dans les accords avec la Fédération de Russie, doivent être interprétés comme se référant aux autorités locales constitutionnelles moldaves subordonnées aux autorités centrales, ce qui n'est pas le cas du régime séparatiste transnistrien.
Le gouvernement russe estime que, par ces termes, il faut entendre les autorités locales actuelles, qui sont considérées comme un simple partenaire d'affaires. Cela n'équivaut en rien à une reconnaissance officielle ou politique de la « RMT ».
117.  La Cour note d'abord qu'aucun des accords du 21 octobre 1994 n'est entré en vigueur, faute de ratification par la partie russe.
Elle relève en outre que, selon la déposition de M. Sergueïev, commandant du GOR, l'aérodrome de Tiraspol est utilisé, en tant qu'espace libre, tant par les forces militaires russes que par les séparatistes transnistriens. L'espace aérien est surveillé par les contrôleurs aériens moldaves ou ukrainiens selon que le territoire survolé est ukrainien ou moldave. Il apparaît aussi que les appareils russes ne peuvent décoller ou atterrir sur l'aéroport de Tiraspol sans l'autorisation des autorités compétentes de la République de Moldova.
La sécurité des vols sur cet aéroport est contrôlée par les forces russes pour autant qu'il s'agit du décollage, de l'atterrissage et du stationnement au sol d'appareils russes, et par les séparatistes transnistriens pour ce qui est de leurs appareils. Ni les autorités du GOR ni les forces russes de maintien de la paix n'interfèrent avec la manière dont la partie transnistrienne utilise cet aérodrome. De leur côté, les séparatistes transnistriens n'interfèrent pas avec la manière dont les forces russes utilisent l'aéroport (annexe, général Sergueïev, § 340).
118.  Ainsi qu'il ressort d'une étude de M. Iurie Pintea, « L'aspect militaire de la solution du conflit dans la région Est de la République de Moldova » (publiée par l'Institut moldave de politiques publiques en août 2001 et présentée à la Cour par les requérants), des formations militaires de la « RMT » ont pris les commandes du poste de contrôle et des installations techniques de l'aérodrome de Tiraspol, en violation de l'accord du 21 octobre 1994, tandis que la partie de l'aérodrome utilisée par le GOR servirait aussi à d'autres buts que ceux mentionnés dans l'accord, par exemple pour les visites en Transnistrie d'hommes politiques russes ainsi que pour les opérations de vente d'armes.
Les autres parties n'ont pas commenté ces informations.
119.  L'article 13 du premier accord dispose que tous les locaux d'habitation et de casernement, les parcs, les polygones de tir et l'outillage fixe, les dépôts et l'outillage qu'ils contiennent, qui se trouveraient désaffectés par suite du retrait des formations militaires de la Fédération de Russie, sont à transférer pour gestion « aux organes de l'administration publique locale de la République de Moldova » dans la quantité existant de facto. L'article prévoit aussi que le mode de cession ou de vente du patrimoine immobilier des formations militaires de la Fédération de Russie est à déterminer dans un accord spécialement conclu entre les gouvernements des parties.
120.  D'après l'article 17 de cet accord, en vue d'assurer le retrait des formations militaires de la Fédération de Russie du territoire de la République de Moldova dans le délai imparti et leur bon fonctionnement sur leur nouvel emplacement sur le territoire de la Fédération de Russie, la République de Moldova devrait contribuer selon des quotes-parts à la construction sur le territoire de la Fédération de Russie des locaux nécessaires à l'installation de ces formations militaires.
121.  Dans son avis no 193 de 1996 sur l'adhésion de la Fédération de Russie au Conseil de l'Europe, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe prit note de l'intention exprimée par la Fédération de Russie « de ratifier, dans un délai de six mois après son adhésion, l'accord intervenu le 21 octobre 1994 entre les gouvernements russe et moldave, et de poursuivre le retrait de la 14e armée et de son matériel du territoire de la Moldova dans un délai de trois ans à compter de la date de signature de l'accord ».
122.  Dans un rapport daté du 30 août 1996, le procureur militaire principal du parquet général de la Fédération de Russie, le lieutenant général G.N. Nossov, constata que des irrégularités et illégalités avaient été commises au sein du GOR dans la gestion du matériel militaire. En particulier, il releva l'absence de contrôle, ce qui favorise les abus et le vol, le non-respect des décisions concernant la remise à titre gracieux aux dirigeants de la Transnistrie de plusieurs véhicules automobiles réformés, la communication à ces dirigeants de l'inventaire des stocks de matériel du génie militaire se trouvant dans les dépôts du GOR, amenant ces derniers à émettre des exigences tendant à l'augmentation des quantités de biens transférés, et le transfert sans autorisation à la « RMT » de plusieurs centaines de pièces d'équipement technique et de plusieurs milliers de tonnes de matériel.
Par conséquent, le procureur militaire demanda au ministre de la Défense de la Fédération de Russie de prendre des mesures complémentaires pour mettre fin aux violations de la loi constatées au sein du GOR, d'étudier l'opportunité d'engager des poursuites disciplinaires à l'encontre du lieutenant général E. et du major général D. pour défaut de contrôle et manquements dans l'exécution des obligations de service, et de lui communiquer les résultats.
123.  Le 20 mars 1998 fut signé à Odessa (Ukraine), parmi d'autres documents concernant le règlement de la situation en Transnistrie, un protocole d'accord sur les questions touchant aux biens militaires de la 14e armée (paragraphe 299 ci-dessous). Les signataires de cet accord étaient M. Tchernomyrdine, au nom de la Fédération de Russie, et M. Smirnov, « président de la RMT ».
Selon le calendrier figurant en annexe audit protocole, le retrait et la mise au rebut de certains éléments, en les éliminant par explosion ou autre procédé mécanique, devaient être achevés pour le 31 décembre 2001, à condition, entre autres, d'obtenir l'autorisation des autorités de la République de Moldova, « notamment de la région de Transnistrie ».
Le retrait (cession et mise au rebut) des surplus de munitions et autres matériels du GOR était prévu pour le 31 décembre 2002 au plus tard. Le retrait du matériel militaire réglementaire et des effectifs du GOR ne faisant pas partie des forces de maintien de la paix devait être terminé pour le 31 décembre 2002, à certaines conditions : achèvement du processus de retrait en Russie des munitions et autres matériels, cession ou mise au rebut d'autres matériels, et respect par la Moldova de ses obligations découlant de l'article 17 de l'accord du 21 octobre 1994.
b)  Après la ratification de la Convention par la Fédération de Russie
124.  Dans leur déclaration au sommet d'Istanbul du 19 novembre 1999, les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats de l'OSCE indiquèrent attendre « un retrait rapide, en bon ordre et complet, des troupes russes de la Moldova » et se félicitèrent de l'engagement pris par la Fédération de Russie d'achever avant fin 2002 le retrait de ses forces du territoire moldave. Enfin, ils rappelèrent qu'une mission internationale d'évaluation était prête à partir sans délai pour examiner le retrait et la destruction des munitions et armements russes.
125.  Dans des observations adressées en 1999 à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le gouvernement moldave fit valoir qu'à cette date le chiffre officiel avancé par les autorités russes quant à la quantité d'armes et de munitions du GOR stockées en Transnistrie était de 42 000 tonnes, mais que ce chiffre n'avait pu être vérifié, car tant les autorités russes que les séparatistes transnistriens avaient refusé toute mission d'évaluation internationale.
Les autorités moldaves attirèrent l'attention sur le fait qu'un éventuel retrait du personnel du GOR non accompagné d'une évacuation de l'énorme arsenal du GOR augmenterait le risque que les séparatistes transnistriens s'emparent de ces armes.
126.  Plusieurs trains chargés d'équipement appartenant au GOR furent évacués entre 1999 et 2002.
127.  Le 15 juin 2001, la Fédération de Russie et la Transnistrie signèrent un protocole concernant la réalisation en commun de travaux en vue d'utiliser l'armement, la technique militaire et les munitions.
128.  Le 19 novembre 2001, le gouvernement russe présenta à la Cour un document dont il ressort qu'en octobre 2001 la Fédération de Russie et la « RMT » conclurent un accord relatif au retrait des forces russes. En vertu de celui-ci, la « RMT » obtint, en compensation du retrait d'une partie de l'équipement militaire russe stationné en Transnistrie, une réduction de cent millions de dollars américains sur la dette contractée concernant le gaz importé de la Fédération de Russie ainsi que la cession par le GOR, dans le cadre dudit retrait, d'une partie de l'équipement à usage civil.
129.  Selon un document présenté à la Cour en novembre 2002 par le gouvernement moldave, le volume (de technique militaire) de munitions et d'équipement militaire appartenant au GOR et retiré jusqu'en novembre 2002 du territoire de la République de Moldova en vertu de l'accord du 21 octobre 1994 représentait seulement 15 % du volume total déclaré en 1994 comme étant stationné sur le territoire moldave.
130.  Ainsi qu'il ressort d'un communiqué de presse de l'OSCE, le 24 décembre 2002 furent évacués 29 wagons transportant du matériel de construction de ponts et autres matériels (cuisines de campagne).
Le même communiqué de presse reprit aussi la déclaration du commandant du GOR, le général Boris Sergueïev, selon laquelle les derniers retraits avaient été possibles grâce à un accord, conclu avec les Transnistriens, prévoyant que les autorités transnistriennes recevraient la moitié de l'équipement et des fournitures non militaires retirés. Le général Sergueïev donna pour exemple le retrait, le 16 décembre 2002, de 77 camions, qui avait été suivi d'un transfert de 77 camions du GOR au profit des Transnistriens.
131.  En juin 2001, selon les informations fournies à la Cour par le gouvernement russe, le GOR comptait encore quelque 2 200 militaires en Transnistrie. Dans sa déposition, le général Sergueïev affirmait qu'en 2002, le GOR ne comptait plus que près de 1 500 militaires (annexe, § 338).
La Cour n'a reçu aucune information précise quant à la quantité d'armes et de munitions stockée par le GOR en Transnistrie. Selon les affirmations des requérants et les dépositions recueillies par les délégués de la Cour (annexe, M. Snegur, § 235), en 2003 le GOR y disposait d'au moins 200 000 tonnes de matériel militaire et de munitions se trouvant principalement au dépôt de Kolbasna.
Selon une information fournie par le gouvernement russe en juin 2001 et non contestée par les autres parties, le GOR disposait en outre du matériel suivant : 106 chars de combat, 42 véhicules blindés de combat, 109 véhicules blindés de transport de troupes, 54 véhicules blindés de reconnaissance, 123 canons et mortiers, 206 armes antichars, 226 armes antiaériennes, 9 hélicoptères et 1 648 véhicules divers. Dans sa déposition, le général Sergueïev affirmait que 108 chars de combat avaient été détruits au cours de l'année 2002 et que des systèmes de défense antiaérienne étaient en cours de destruction (annexe, § 341).
2.  Les relations entre le GOR et la « RMT »
132.  Les militaires du GOR, les procureurs et les juges militaires détachés au GOR n'ont pas reçu d'instructions spécifiques quant à leurs relations avec les autorités transnistriennes (annexe, lieutenant-colonel Chamaïev, § 374).
133.  Les militaires du GOR peuvent se déplacer librement sur le territoire transnistrien. Pour ce qui est des mouvements de troupes ou de matériel, le GOR en informe au préalable les autorités transnistriennes. Occasionnellement, des incidents éclatent à ce sujet, comme ce fut le cas pour la saisie par les Transnistriens de trois véhicules appartenant au GOR (annexe, lieutenant-colonel Radzaevichus, § 363, lieutenant-colonel Chamaïev, § 376). En pareil cas, et en l'absence d'instructions, les autorités du GOR essayent de négocier directement avec les autorités transnistriennes. Selon les dispositions légales en vigueur en Fédération de Russie, les autorités de poursuite du GOR ne sont pas compétentes pour saisir directement les autorités moldaves, le territoire transnistrien relevant de leur juridiction. Tout vol ou autre activité criminelle commis par un civil transnistrien en relation avec le GOR doit être rapporté par les autorités du GOR auprès des autorités compétentes de la Fédération de Russie, ces dernières étant les seules à pouvoir saisir les autorités moldaves.
En réalité, l'enquête dans ce type d'actes criminels est menée par les autorités transnistriennes.
134.  Pour les actes criminels commis par un militaire du GOR ou avec sa participation, les organes d'enquête du GOR ont compétence pour mener l'enquête, mais uniquement en ce qui concerne le militaire en question. Toutefois, aucun cas de ce type n'a été rapporté jusqu'à présent (annexe, lieutenant-colonel Levitski, § 371, M. Timochenko, § 379).
135.  Ainsi qu'il ressort des documents soumis à la Cour par le gouvernement russe, du matériel et des installations à usage civil appartenant au GOR ont été transférés à la « RMT ». Par exemple, le bâtiment dans lequel les requérants ont été détenus en 1992 par la 14e armée a été transféré en 1998 aux séparatistes transnistriens. D'après les déclarations du témoin Timochenko, ce bâtiment est utilisé actuellement par le « parquet de la RMT » (annexe, § 380).
136.  Selon l'étude de M. Iurie Pintea (paragraphe 118 ci-dessus), le dépôt militaire de Kolbasna fut divisé en 1994 en deux parties, dont une fut attribuée à la « RMT », qui y installa un dépôt de munitions pour son armée. D'après l'auteur, la sécurité du dépôt de la « RMT » était assurée, à l'époque de la publication de l'étude en 2001, par une brigade d'infanterie motorisée de l'armée de la « RMT », forte de trois cents personnes et dotée de véhicules de transport blindés, de canons antichars et de lance-mines, ainsi que d'une batterie antiaérienne, qui était chargée en même temps de contrôler les sorties de l'ensemble du dépôt. La sécurité du dépôt du GOR était assurée par des militaires du GOR. Pour ce qui concerne les sorties de la partie du dépôt appartenant au GOR, un poste de douaniers transnistriens a spécialement été installé. La sécurité et les mouvements à l'intérieur de l'ensemble du dépôt ne pouvaient être contrôlés de l'extérieur.
C.  Les relations économiques, politiques et autres entre la Fédération de Russie et la Transnistrie
1.  Avant la ratification de la Convention par la Fédération de Russie, le 5 mai 1998
137.  Il ressort de déclarations non datées faites à la presse, présentées à la Cour par les requérants et non contestées par les autres parties, que le vice-président de la Fédération de Russie de l'époque, M. Routskoï, a reconnu la « légitimité de l'entité créée sur la rive gauche du Dniestr ».
138.  Dans une intervention télévisée non datée reprise par la presse écrite, soumise à la Cour par les requérants et non contestée par les autres parties, le président en titre de la Fédération de Russie, M. Eltsine, a affirmé que « la Russie a accordé, accorde et va accorder son soutien économique et politique à la région transnistrienne ».
139.  Après la fin du conflit, des officiers supérieurs de la 14e armée ont participé à la vie publique en Transnistrie. En particulier, des militaires de la 14e armée ont participé aux élections en Transnistrie, aux défilés militaires des forces transnistriennes et à d'autres manifestations publiques. Ainsi qu'il ressort des documents au dossier et de plusieurs témoignages concordants et non contestés par les autres parties, le 11 septembre 1993, le général Lebed, chef du GOR, fut élu député au « Soviet suprême de la RMT » (annexe, MM. Ilaşcu, § 26, Urîtu, § 72, X, § 220).
140.  Les requérants allèguent qu'un consulat de la Fédération de Russie aurait été ouvert en territoire transnistrien, sur le territoire du GOR, sans l'accord des autorités moldaves et que diverses opérations, y compris de vote, s'y dérouleraient.
Le gouvernement russe nie l'existence d'un consulat russe sur le territoire transnistrien.
Le 27 février 2004, le ministère des Affaires étrangères moldave adressa à l'ambassade de la Fédération de Russie à Chişinău une note dans laquelle les autorités moldaves exprimaient leur regret quant à l'ouverture sur le territoire transnistrien, par les autorités de la Fédération de Russie, de dix-sept bureaux de vote fixes en vue des élections présidentielles du 17 mars 2004, sans l'accord des autorités moldaves et indiquaient qu'en agissant ainsi, les autorités russes les avaient mises devant le fait accompli, créant un précédent non souhaité. Les autorités moldaves ajoutaient dans cette note que seule l'ouverture de bureaux de vote au quartier général du GOR à Tiraspol, au quartier général des forces de maintien de la paix à Tighina/Bender, au sein de l'ambassade russe à Chişinău et à des postes mobiles de vote, était souhaitable.
141.  La Cour note qu'en dehors des affirmations des requérants aucun élément de preuve ne vient étayer l'existence d'un consulat russe à Tiraspol effectuant des opérations consulaires habituelles, ouvert à tous les Transnistriens ayant la nationalité russe ou désirant acquérir la nationalité russe. De surcroît, aucun témoin entendu en Moldova n'a pu confirmer de telles allégations. Compte tenu de l'absence d'autres moyens de preuve, la Cour ne saurait tenir pour établi au-delà de tout doute raisonnable qu'un consulat russe est ouvert d'une manière permanente à Tiraspol à tous les Transnistriens de nationalité russe ou désirant acquérir cette nationalité.
En revanche, la Cour tient pour établi que des postes consulaires fixes, faisant fonction de bureaux de vote, ont été ouverts par les autorités russes sur le territoire transnistrien, en l'absence d'accord des autorités moldaves.
Quant aux articles de presse présentés par les requérants faisant état de l'existence d'un bureau consulaire de la Fédération de Russie sur le territoire du GOR, la Cour relève qu'ils ne sont pas non plus corroborés par une quelconque autre preuve. Cependant, le gouvernement russe n'a pas nié l'existence d'un tel bureau. La Cour estime que, compte tenu de la situation particulière du GOR, stationné sur le territoire transnistrien, il est plausible que, pour des raisons d'ordre pratique, un bureau consulaire soit ouvert sur le territoire du GOR pour permettre aux militaires russes de régler différents problèmes relevant normalement de la compétence d'un consulat.
142.  Les requérants affirment que, le 12 mars 1992, la Banque centrale russe procéda à l'ouverture de comptes pour la Banque transnistrienne. Les autres parties n'ont pas contesté la véracité de cette information.
143.  Dans une résolution no 1334 IGD du 17 novembre 1995, la Douma d'Etat de la Fédération de Russie déclara la Transnistrie « zone d'intérêt stratégique spécial pour la Russie ».
144.  Des personnalités politiques et des représentants de la Fédération de Russie ont confirmé, à diverses occasions, le soutien accordé par la Fédération de Russie à la Transnistrie. Des représentants de la Douma et d'autres personnalités de la Fédération de Russie se sont rendus en Transnistrie et y ont participé à des manifestations officielles.
De leur côté, des représentants du régime de la « RMT » se sont rendus à Moscou, à l'occasion de visites officielles, notamment à la Douma.
145.  Les requérants soulignent aussi que, plusieurs années après le conflit, le soutien apporté par les autorités russes à la création du régime transnistrien a été confirmé publiquement dans un entretien télévisé diffusé à une date non précisée sur la chaîne russe TV-Centre, auquel participaient MM. Voronine, Smirnov et Khasboulatov. Au cours de cet entretien, M. Khasboulatov, ancien président du Parlement russe de 1991 à 1993, a déclaré que, lorsqu'il était devenu clair que la Moldova allait sortir de la sphère d'influence russe, une « enclave territoriale administrative » y avait été créée. Lors de la même émission, M. Voronine, président de la Moldova, avait affirmé que l'ex-président russe, M. Eltsine, avait soutenu M. Smirnov afin de l'utiliser contre le régime démocratique de Chişinău.
Les autres parties n'ont pas contesté ces faits.
146.  Le 19 mai 1994, le lieutenant général Iakovlev, ex-commandant de la 14e armée et ancien chef du « département de la défense et de la sécurité de la RMT », devint citoyen de la Fédération de Russie.
147.  En 1997, M. Mărăcuţă, « président du Soviet suprême de la RMT », se vit accorder la nationalité russe.
2.  Après la ratification de la Convention par la Fédération de Russie
148.  En 1999, M. Caraman, un des dirigeants de la « RMT », acquit également la nationalité russe.
149.  M. Smirnov se vit accorder la nationalité russe, en 1997 selon le gouvernement russe, et en 1999 selon les requérants.
150.  Ainsi qu'il ressort des affirmations des requérants, non contredites par les autres parties, l'industrie de l'armement représente l'un des piliers de l'économie transnistrienne. Celle-ci est directement soutenue par des entreprises russes impliquées dans la fabrication d'armes en Transnistrie.
Selon l'étude de M. Iurie Pintea (paragraphe 118 ci-dessus), à partir de 1993, les entreprises d'armement transnistriennes se sont spécialisées dans la production d'armement de haute technologie, grâce aux fonds et aux commandes de différentes entreprises russes, dont le groupe russe de production et de vente d'armes Росвооружение (Rosvooroujenïe). Des entreprises russes fournissent aux entreprises transnistriennes la technologie et l'équipement nécessaires à la fabrication d'armement moderne, ainsi que des matériels à usage militaire. D'autre part, des entreprises transnistriennes produisent également des pièces détachées destinées aux fabricants d'armes russes. Par exemple, l'entreprise Elektrommash reçoit de la Fédération de Russie les pièces détachées pour les pistolets silencieux qu'elle produit et livre des pièces détachées pour des systèmes d'armements variés qui sont assemblés en Fédération de Russie.
151. Se fondant sur l'étude de M. Pintea, les requérants soutiennent que, sous couvert de « retrait », le GOR fournit aux entreprises transnistriennes des pièces et outils à usage militaire. L'usine métallurgique de Râbniţa, qui produit des mortiers de 82 mm, recevrait régulièrement des camions chargés de mortiers et obusiers en provenance du dépôt du GOR de Kolbasna, sous couvert de « destruction de munitions intransportables ».
152.  De surcroît, il existe une interdépendance entre les intérêts transnistriens, économiques ou autres, et le GOR, du fait de l'emploi massif par le GOR d'habitants de la Transnistrie.
Ainsi, selon la même étude de M. Pintea, près de 70 % du commandement de l'unité militaire du GOR stationnée à Kolbasna (y compris le dépôt de munitions) est constitué d'habitants de Râbniţa et de Kolbasna, tandis que 100 % du personnel technique du dépôt de Kolbasna (chefs de dépôts, techniciens, mécaniciens) est constitué d'habitants de la région.
En tout, 50 % des officiers du GOR et 80 % des sous-officiers sont des habitants de la « RMT ».
Les autres parties n'ont pas contesté ces informations.
153.  Il existe une coopération judiciaire en matière de transfert de détenus entre la Fédération de Russie et la Transnistrie, sans passer par les autorités moldaves. En effet, des prisonniers russes détenus en Transnistrie ont pu être transférés dans le cadre de cette coopération dans une prison en Fédération de Russie (annexe, colonel Golovatchev, § 136, M. Sereda, § 423).
154.  Ainsi qu'il ressort des affirmations des requérants étayées par des articles de presse, des visites entre des officiels de la Fédération de Russie et de la « RMT » continuent d'avoir lieu. Le journal Transnistrie du 16 février 1999 faisait état de la visite effectuée par une délégation du « Soviet suprême de la RMT » incluant MM. Mărăcuţă, Caraman et Antioufeïev, à la Douma de la Fédération de Russie. Par exemple, le 1er juin 2001, une délégation de la Douma composée de huit personnes s'est rendue à Tiraspol, où elle est restée jusqu'au 4 juin 2001.
En outre, entre le 28 août et le 2 septembre 2001, des membres de la Douma d'Etat ont participé aux festivités organisées à l'occasion du 10e anniversaire de la déclaration d'indépendance de la « RMT ».
155.  Des dirigeants de la « RMT » se sont vu remettre des distinctions officielles par différentes institutions de la Fédération de Russie et ont été reçus par des organes d'Etat de la Fédération de Russie avec tous les honneurs. Ainsi qu'il ressort des documents déposés par les requérants, M. Smirnov a été invité à Moscou par l'Université d'Etat de Moscou.
156.  La Fédération de Russie a des relations directes avec la « RMT » pour ce qui est de ses exportations de gaz.
Ainsi qu'il ressort d'un télégramme adressé le 17 février 2000 par le président du groupe russe Gazprom au vice-premier ministre moldave, les contrats de livraison de gaz à la Moldova ne concernent pas la Transnistrie, à laquelle le gaz est livré séparément dans des conditions financières plus avantageuses que celles accordées au reste de la République de Moldova (annexe, Y, § 261, M. Sangheli, § 268).
157.  La Transnistrie reçoit de l'électricité directement de la Fédération de Russie.
158.  Des produits fabriqués en Transnistrie sont exportés sur le marché russe, dont certains sont présentés comme des produits originaires de la Fédération de Russie (annexe, M. Stratan, § 333).
159.  Le GOR achète certains produits nécessaires à l'approvisionnement des troupes directement sur le marché transnistrien (annexe, général Sergueïev, § 347).
160.  Des entreprises russes ont participé à des privatisations en Transnistrie. Ainsi qu'il ressort des documents soumis par les requérants, l'entreprise russe Iterra a acheté la plus grande entreprise de Transnistrie, l'usine de métallurgie de Râbniţa, malgré l'opposition à cette opération des autorités moldaves.
161.  Par ailleurs, en janvier 2002, le gouvernement moldave soumit à la Cour une cassette vidéo contenant l'enregistrement d'une émission de la télévision russe portant sur les relations russo-moldaves et le régime transnistrien. Le commentateur russe mentionnait en premier lieu le traité d'amitié conclu depuis peu entre la Fédération de Russie et la République de Moldova, dans lequel Moscou et Chişinău condamnaient « le séparatisme sous toutes ses formes » et s'engageaient « à n'accorder aucun soutien aux mouvements séparatistes ». Selon le journaliste, ce traité confirmait sans ambiguïté le soutien apporté par la Fédération de Russie à la Moldova dans le conflit transnistrien. Le reste du reportage était consacré aux différents aspects de l'économie transnistrienne, présentée comme entièrement contrôlée par la famille Smirnov, et dont la principale ressource serait la fabrication et l'exportation d'armes vers des destinations telles que l'Afghanistan, le Pakistan, l'Irak ou la Tchétchénie. L'émission s'achevait sur l'information selon laquelle les autorités transnistriennes avaient interrompu la diffusion du programme sur le territoire de la « RMT », en prétextant de mauvaises conditions météorologiques.
D.  Les relations moldo-transnistriennes
1.  Avant la ratification de la Convention par la Moldova le 12 septembre 1997
162.  Les autorités moldaves n'ont jamais reconnu officiellement les organes de la « RMT » en tant qu'entité étatique.
163.  A la suite de l'accord du 21 juillet 1992, les deux parties instaurèrent des relations aux fins de régler le conflit.
Etablis et maintenus principalement à travers les commissions de négociations, les contacts portaient, d'une part, sur la question politique du statut de la Transnistrie et, d'autre part, sur le règlement de différents aspects de la vie courante (économiques, sociaux, etc.).
164.  Ainsi qu'il ressort des dépositions concordantes de plusieurs témoins (annexe, M. Urîtu, § 66, M. Postovan, § 182, Z, § 272, M. Plugaru, § 286, M. Obroc, § 430), les premiers contacts établis entre la Moldova et la Transnistrie visaient les échanges de prisonniers capturés de part et d'autre pendant le conflit de 1992. Généralement, ces échanges concernaient des groupes de prisonniers.
165.  Selon les dépositions concordantes de plusieurs témoins (annexe, MM. Urîtu, § 67, Snegur, § 239, Sturza, § 311), à partir du cessez-le-feu du 21 juillet 1992, les particuliers et les délégations officielles impliquées dans les négociations ont pu se rendre en Transnistrie. Des incidents se sont parfois produits, lorsque des gardes transnistriens n'ont pas permis l'accès en Transnistrie.
166.  En tant que particuliers, les médecins peuvent circuler assez librement vers la Transnistrie, que ce soit pour des consultations ou pour des congrès professionnels (annexe, MM. Ţîbîrnă, § 84, Leşanu, § 85).
167.  A partir de 1993, les autorités moldaves ont commencé à ouvrir des procédures pénales à l'encontre de certains responsables transnistriens accusés d'avoir usurpé des titres de fonctions officielles de l'Etat (paragraphes 221 et 230 ci-dessous).
168.  Néanmoins, des personnes ayant agi en qualité de dignitaires de la « RMT » ont pu retourner en Moldova et occuper par la suite des responsabilités élevées. Par exemple, M. Sidorov, ancien « ministre de la Justice de la RMT » en 1991, a occupé plusieurs hautes fonctions d'Etat après son retour de Transnistrie : membre du Parlement moldave de 1994 à 1998, ombudsman de la Moldova de 1998 à 2001, membre du Parlement moldave et président du Comité pour les droits de l'homme et les minorités à partir de 2001 (annexe, M. Sidorov, §§ 437-438).
169.  Le 7 février 1996, en présence de médiateurs de l'OSCE, de la Russie et de l'Ukraine, les autorités moldaves adoptèrent un protocole prévoyant la suppression des postes de douane appartenant à la Transnistrie.
2.  Après la ratification de la Convention par la Moldova
170.  La circulation des personnes entre la Transnistrie et le reste de la Moldova après 1997 s'est déroulée dans les mêmes conditions qu'auparavant, les autorités transnistriennes décidant du passage d'une manière discrétionnaire. Lorsqu'il s'agit de délégations officielles ou de personnalités moldaves qui souhaitent se rendre en Transnistrie, un contact préalable aux fins d'autorisation devient alors nécessaire, bien qu'une telle autorisation puisse, elle aussi, être révoquée à tout moment (annexe, M. Sereda, § 418). Par exemple, le gouvernement moldave indique qu'en 2003, en guise de représailles contre une décision prise en février 2003 par le Conseil de l'Union européenne interdisant pendant un an à Igor Smirnov et seize autres dirigeants transnistriens de voyager dans l'Union européenne, les autorités transnistriennes ont déclaré persona non grata certains hauts dirigeants moldaves, dont le président de la Moldova, le président du Parlement, le premier ministre, le ministre de la Justice et le ministre des Affaires étrangères.
171.  Les requérants allèguent que des dirigeants transnistriens, dont MM. Smirnov, Mărăcuţă et Caraman, auraient aussi la nationalité moldave et seraient en possession de passeports diplomatiques moldaves. En outre, le gouvernement moldave leur aurait accordé des distinctions officielles.
Le gouvernement moldave affirme que les dirigeants transnistriens ne possèdent pas la nationalité moldave, car ils n'ont jamais demandé à avoir des papiers d'identité moldaves.
La Cour relève que le témoin interrogé par les délégués à ce sujet a nié l'octroi d'un quelconque document d'identité moldave à MM. Smirnov, Mărăcuţă et Caraman (annexe, M. Molojen, § 396). En l'absence d'autre preuve corroborant les allégations des requérants, la Cour considère qu'il n'a pas été établi au-delà de tout doute raisonnable que les autorités moldaves ont octroyé des passeports à des dirigeants transnistriens.
172.  Plusieurs dignitaires moldaves, dont M. Sturza, ministre de la Justice de la Moldova, procureur général adjoint et, depuis 2000, président de la Commission pour les négociations avec la Transnistrie, ont continué à se rendre à Tiraspol pour rencontrer des responsables transnistriens, dont MM. Smirnov, Mărăcuţă, le « procureur général de la RMT » et le « président de la Cour suprême de la RMT ». Parmi les sujets abordés à l'occasion de ces rencontres ont figuré surtout la situation des requérants, leur libération et les négociations sur le statut futur de la Transnistrie, y compris des actes adoptés par les organes locaux transnistriens (annexe, M. Sturza, § 312).
173.  Le président du Parlement moldave, M. Diacov, a rendu visite le 16 mai 2000 à M. Ilaşcu dans sa cellule à Tiraspol. Le même jour, le président moldave, M. Lucinschi, s'est rendu à Tiraspol.
174.  Le 16 mai 2001, le président de la Moldova, M. Voronine, et le dirigeant transnistrien, M. Smirnov, signèrent deux accords, l'un concernant la reconnaissance mutuelle des documents délivrés par les autorités moldaves et transnistriennes, l'autre prévoyant des mesures destinées à attirer et protéger les investissements étrangers.
175.  Pour ce qui est de la coopération économique, les requérants allèguent que les autorités moldaves délivrent des certificats d'origine aux produits en provenance de Transnistrie.
Le gouvernement moldave n'a pas fait de commentaires en réponse à ces allégations.
176.  En ce qui concerne la prétendue délivrance par les autorités moldaves de certificats d'origine aux biens exportés de Transnistrie, invoquée par les requérants ainsi que par le gouvernement russe, la Cour relève que cette allégation n'a été confirmée par aucun témoin. Bien au contraire, M. Stratan, directeur du département des Douanes, a nié l'existence d'une telle pratique (annexe, § 327).
Dans ces circonstances, en l'absence d'autres moyens de preuve étayant les allégations des requérants, la Cour ne saurait tenir pour établi au-delà de tout doute raisonnable que les autorités moldaves mènent une politique de soutien de l'économie transnistrienne par le biais de tels certificats d'exportation.
177.  Outre la collaboration instituée en vertu de l'accord conclu par le président de la Moldova et le « président de la RMT », ainsi qu'il ressort des dépositions recueillies par les délégués de la Cour, il existe des relations plus ou moins de facto entre les autorités moldaves et transnistriennes dans d'autres domaines. Ainsi, il y a des contacts entre le ministère de la Justice transnistrien, en particulier le département des pénitenciers, et le ministère de la Justice moldave (annexe, lieutenant-colonel Samsonov, § 172). Des relations non officielles existent aussi entre les autorités moldaves et transnistriennes en matière judiciaire et de sécurité, en vue de prévenir la criminalité. Bien qu'il n'y ait aucun accord de coopération, il arrive que des procureurs ou des officiers moldaves chargés d'enquête dans des affaires pénales téléphonent à des « collègues » en Transnistrie, notamment pour obtenir des renseignements et faire venir des témoins (annexe, MM. Postovan, § 190, Catană, § 206).
178.  Le système de téléphonie est unique pour l'ensemble de la Moldova, y compris la Transnistrie. Une communication téléphonique entre Chişinău et Tiraspol est considérée comme une communication nationale (annexe, MM. Molojen, § 398, Sidorov, § 454).
179.  Le Département d'informatique rattaché au gouvernement moldave délivre des documents d'identité (carte d'identité) à toute personne résidant en Moldova, y compris en Transnistrie (annexe, M. Molojen, § 399).
180.  En 2001, dans le cadre des accords conclus avec l'Organisation mondiale du commerce, les autorités moldaves installèrent le long de la frontière avec l'Ukraine des postes douaniers mixtes moldo-ukrainiens et introduisirent de nouveaux tampons douaniers inaccessibles aux autorités transnistriennes. Il n'a pas été précisé si les postes douaniers moldo-ukrainiens fonctionnent toujours.
181.  En réponse aux mesures mentionnées dans le paragraphe précédent, les autorités transnistriennes informèrent les autorités moldaves, par une lettre du 18 septembre 2001, de la suspension unilatérale des négociations sur le statut de la Transnistrie et les menacèrent de couper les livraisons de gaz et d'électricité à destination de la Moldova transitant par la Transnistrie.
182.  Le gouvernement moldave affirme que, lors d'un incident survenu en 2001, les autorités transnistriennes ont immobilisé au nœud ferroviaire de Tighina/Bender cinq cents wagons contenant des dons humanitaires pour des enfants et personnes âgées moldaves, ainsi que des livraisons de pétrole et autres marchandises en provenance de l'Union européenne destinées aux entreprises moldaves.
183.  Dans une déclaration rendue publique le 6 février 2002, la mission de l'OSCE en Moldova dénonça les actions des autorités transnistriennes qui, à partir du 16 janvier 2002, avaient interdit aux représentants de l'OSCE d'entrer sur le territoire contrôlé par la « RMT », en violation de l'accord intervenu le 26 août 1993 entre l'OSCE et M. Smirnov.
184.  Ainsi qu'il ressort d'un document soumis à la Cour par le gouvernement moldave le 15 mars 2002, par l'ordonnance no 40 du 7 mars 2002, « le ministre de la Sécurité de la RMT » refusa de laisser entrer sur le territoire de la « RMT » les représentants des ministères de la Défense, des Affaires intérieures, du Service de renseignements et de la Sécurité et d'autres structures militaires moldaves.
185.  Enfin, le championnat national de football inclut également des équipes de Transnistrie, et des matchs de l'équipe nationale moldave de football, y compris internationaux, se déroulent parfois à Tiraspol, comme cela a été le cas pour un match disputé avec l'équipe nationale des Pays-Bas, en avril 2003 (annexe, M. Sidorov, § 454).
IV.  LES CIRCONSTANCES PARTICULIÈRES DE L'AFFAIRE
186.  La Cour résume ci-dessous les faits liés à l'arrestation, à la détention provisoire, à la condamnation et aux conditions de détention des requérants, tels qu'allégués par ces derniers et confirmés par les preuves documentaires et les dépositions des témoins.
Par ailleurs, la Cour note que, dans ses observations écrites du 24 octobre 2000, le gouvernement moldave a exprimé son accord sur la version présentée par les requérants quant aux circonstances dans lesquelles ils ont été arrêtés, condamnés et détenus. Dans ces mêmes observations, il a indiqué que les requérants avaient été certainement arrêtés sans mandat, qu'ils étaient restés deux mois dans les locaux de la 14e armée et que les perquisitions et saisies avaient, elles aussi, été effectuées sans mandat.
Le gouvernement moldave a estimé que les allégations des requérants au sujet de leurs conditions de détention étaient très vraisemblables.
187.  Pour sa part, le gouvernement russe a indiqué ne pas avoir eu connaissance des circonstances de l'arrestation et de la condamnation et des conditions de détention des requérants.
A.  L'arrestation, la détention provisoire et la condamnation des requérants
1.  Arrestation des requérants
188.  Ainsi qu'il ressort des dépositions des requérants, de leurs épouses et de M. Urîtu, corroborées d'une manière générale par la déposition de M. Timochenko, les requérants ont été arrêtés à leur domicile, à Tiraspol, entre le 2 juin et le 4 juin 1992, dans les premières heures de la matinée. Ils ont été appréhendés par plusieurs personnes, dont certaines étaient vêtues d'uniformes portant l'insigne de la 14e armée de l'URSS, tandis que d'autres portaient des uniformes de camouflage sans signe distinctif.
Ci-dessous se trouvent les détails de leur arrestation.
189.  Le deuxième requérant, Alexandru Leşco, fut arrêté le 2 juin 1992, à 2 h 45 du matin. Le lendemain, une perquisition fut effectuée à son domicile en présence de ses voisins.
190.  Le premier requérant, Ilie Ilaşcu, qui était à l'époque des faits le dirigeant local du Front populaire (parti représenté au Parlement moldave) et militait pour l'unification de la Moldova avec la Roumanie, fut arrêté le 2 juin 1992, vers 4 h 30, par dix ou douze individus armés de pistolets automatiques qui avaient pénétré de force dans son domicile à Tiraspol. Ils y effectuèrent une perquisition et saisirent certains objets. Parmi ceux-ci figurait un pistolet, qui, selon le requérant, avait été placé dans sa maison par les personnes ayant effectué la perquisition. Le requérant allègue que son arrestation et la perquisition furent faites sans mandat. Il fut informé qu'il était arrêté parce qu'en sa qualité de membre du Front populaire il était dangereux pour la stabilité de la « RMT », laquelle était en état de guerre avec la Moldova.
191.  Le troisième requérant, Andrei Ivanţoc, fut arrêté à son domicile le 2 juin 1992, à 8 heures, par plusieurs personnes armées, qui le frappèrent à coups de crosse et à coups de pied. Selon le requérant, lors de la perquisition qui s'ensuivit, plusieurs tapis, 50 000 roubles et une « belle » montre furent confisqués.
192.  Le quatrième requérant, Tudor Petrov-Popa, fut arrêté le 4 juin 1992 à 6 h 45 par deux personnes, dont un agent de police, Victor Gusan. Vers 11 heures, deux procureurs, MM. Starojouk et Glazyrine, procédèrent à une perquisition à son domicile en l'absence du requérant.
193.  Dans un réquisitoire de 140 pages dressé, entre autres, par le procureur Starojouk, les requérants furent accusés d'avoir mené des activités antisoviétiques et combattu, par des moyens illégaux, contre l'Etat légitime de Transnistrie, sous la direction du Front populaire de Moldova et de la Roumanie. Ils furent aussi accusés d'avoir commis un certain nombre d'infractions punies, selon le réquisitoire, tantôt par le code pénal de la République de Moldova, tantôt par celui de la République socialiste soviétique de Moldova. Parmi les faits reprochés aux requérants figurait l'assassinat de deux Transnistriens, MM. Goussar et Ostapenko (voir également le paragraphe 225 ci-dessous).
194.  Ainsi qu'il ressort des dépositions concordantes des requérants et d'autres témoins (annexe, M. Urîtu, §§ 55-56 et 60-61, Mmes Leşco, §§ 30-31, Ivanţoc, §§ 38 et 41), les requérants ont d'abord été conduits au siège de la police de Tiraspol, qui était probablement aussi le siège du « ministère de la Sécurité de la RMT », où ils ont été interrogés et soumis à des mauvais traitements pendant quelques jours. Parmi ceux qui les ont interrogés se trouvaient Vladimir Gorbov, « vice-ministre » dudit ministère, Vladimir Antioufeïev (ou Chevtsov), « ministre », et une personne nommée Gouchane. Certains gardes et enquêteurs étaient vêtus d'uniformes similaires, sinon identiques à ceux utilisés par les militaires soviétiques de la 14e armée. Pendant les premiers jours de leur détention dans les locaux de la police, les requérants ont été battus régulièrement et sévèrement, et n'ont presque rien reçu à manger ou à boire. Les interrogatoires avaient souvent lieu la nuit et, pendant la journée, il ne leur était pas permis de se reposer.
195.  Selon le premier requérant, il fut conduit aussitôt après son arrestation, dans le bureau du « ministre de la Sécurité de la RMT », où se trouvaient également cinq autres personnes, qui lui furent présentées comme étant des colonels du service de contre-espionnage russe. Ceux-ci lui demandèrent, en échange de sa libération, de mettre au service de la Transnistrie les compétences qu'il avait acquises pendant son service militaire auprès des troupes spéciales de l'URSS, et de se faire passer pour un agent travaillant pour les services secrets roumains. Le requérant allègue que, lorsqu'il refusa cette proposition, il fut menacé de n'avoir d'autre choix que le cimetière.
2.  Détention des trois premiers requérants dans les locaux de la 14e armée
196.  Quelques jours après leur arrestation, les trois premiers requérants ont été amenés, séparément, à la garnison (komendatura) de la 14e armée à Tiraspol, rue Souvorov, dans des véhicules portant des insignes russes.
Les requérants soutiennent que, lors de leur détention sur le territoire de la 14e armée, ils ont été gardés par des soldats de cette armée et que, pendant cette période, des policiers transnistriens sont venus les voir dans leur cellule. Les requérants allèguent aussi que, pendant cette période, ils ont été torturés par des militaires de la 14e armée.
Le gouvernement moldave souligne pour sa part qu'à la lumière des dépositions faites par les témoins moldaves et par M. Timochenko devant les délégués de la Cour, il ressort clairement que des militaires de la 14e armée ont participé à l'arrestation et à l'interrogatoire des requérants.
Dans ses observations du 1er septembre 2003, le gouvernement russe réitère sa position initiale, à savoir que la Cour n'a pas compétence ratione temporis pour examiner des événements qui ont eu lieu en 1992.
Sur le fond, il admet néanmoins que les requérants ont été détenus dans les locaux de la 14e armée, mais affirme que cette détention a été de très courte durée et qu'en tout état de cause elle était illégale. Le gouvernement fait valoir que le procureur militaire Timochenko a mis fin à l'illégalité dès qu'il a été informé de cette détention. Le gouvernement russe ne s'est pas prononcé sur la question de savoir si des militaires russes ont participé à l'arrestation initiale des requérants.
Il soutient qu'en dehors d'avoir fourni des cellules pour la détention des requérants les militaires de la 14e armée n'ont commis aucune illégalité. En particulier, ils n'ont pas gardé les cellules où étaient détenus les requérants. A cet égard, le gouvernement souligne que les requérants n'auraient pu voir des insignes « Russie » sur les uniformes des gardiens, car le nouvel insigne de la Russie remplaçant celui de l'URSS n'a été introduit que par l'ordre no 2555, émis le 28 juillet 1994 par le ministre de la Défense de la Fédération de Russie.
Le gouvernement russe soutient en outre que le colonel Gousarov (paragraphe 270 ci-dessous) n'a pas servi dans les formations militaires russes stationnées sur le territoire de la Transnistrie, mais a fait son service au « ministère de l'Intérieur de la RMT ».
197.  La Cour note que les trois premiers requérants prétendent avoir été détenus pendant deux mois dans la garnison de la 14e armée (annexe, MM. Ilaşcu, §§ 2, 4 et 11, Urîtu, §§ 55-56, Ivanţoc, §§ 94-95, Leşco, §§ 114 et 117, Petrov-Popa, § 124, Mmes Leşco, §§ 33-34, Ivanţoc, § 39, Petrov-Popa, § 48).
A ce sujet, la Cour note que M. Timochenko a affirmé dans sa déposition (annexe, § 381) que les requérants étaient restés dans les locaux de la 14e armée un laps de temps très court, sans pour autant être capable d'en préciser la durée.
Sans mettre en doute d'une manière générale la déposition de M. Timochenko, qu'elle considère comme crédible, la Cour estime que celle-ci contient un certain nombre de détails, dont ceux concernant la durée du séjour des requérants dans les locaux de la 14e armée, qui sont confus et de surcroît infirmés par d'autres dépositions.
198.  La garnison de Tiraspol était commandée par Mikhaïl Bergman. Les requérants y ont été détenus chacun seul dans une cellule. Un certain M. Godiac, arrêté en même temps que les requérants, était aussi détenu dans ce bâtiment. Les requérants ont aperçu, lors des interrogatoires ou à l'occasion de visites dans les cellules, M. Gorbov et des officiers, dont certains portaient l'uniforme de la 14e armée. Ils étaient interrogés surtout la nuit, les interrogatoires s'accompagnant de mauvais traitements. Ils ont aussi été battus en dehors des interrogatoires. Les requérants ont été frappés régulièrement et sévèrement par des soldats en uniforme de la 14e armée. Des policiers transnistriens ont parfois participé aux mauvais traitements infligés aux requérants.
Ilie Ilaşcu a été soumis à quatre reprises à des simulacres d'exécution : la première fois, on lui a lu sa condamnation à la peine capitale, tandis que les autres fois il a été conduit les yeux bandés dans un champ où les gardiens lui ont tiré dessus à blanc jusqu'à ce qu'il s'évanouisse.
Le deuxième requérant a été menacé de viol. Au bout d'un mois, à la suite des coups reçus, le troisième requérant a été hospitalisé dans un hôpital psychiatrique, où il est resté un mois (annexe, M. Ivanţoc, § 97).
199.  Les cellules ne disposaient pas de toilettes, d'eau ni de lumière naturelle. Une ampoule était en permanence allumée dans la cellule. Le lit, fixé au mur et pliant, était descendu à minuit et relevé à cinq heures du matin.
Les requérants ne disposaient que de quinze minutes par jour pour la promenade, qui se déroulait dans un espace clos. Durant leur détention à la garnison de la 14e armée, ils n'ont pu ni se laver ni changer de vêtements.
Les toilettes se trouvaient dans le couloir et les détenus y étaient amenés une seule fois par jour par des gardes accompagnés d'un berger allemand. Ils étaient obligés de satisfaire leurs besoins en quarante-cinq secondes, faute de quoi le chien était lancé sur eux. Puisqu'ils n'étaient conduits aux toilettes qu'une fois par jour dans les conditions décrites ci-dessus, les requérants devaient satisfaire leurs besoins dans la cellule (annexe, MM. Ivanţoc, § 95, Leşco, § 115, Mmes Leşco, § 33, Ivanţoc, § 40).
Ils ont été coupés du monde extérieur. Leurs familles n'ont pas pu entrer en contact avec eux ni leur envoyer des colis. Ils n'ont pas pu envoyer ou recevoir du courrier ; de même, ils n'ont eu aucun accès à un avocat.
200.  Le 23 août 1992, lorsque le général Lebed a pris le commandement de la 14e armée, les personnes détenues dans la garnison de Tiraspol de cette armée, y compris les trois requérants, ont été transférées dans les locaux de la police de Tiraspol. Le transfert a été effectué par des militaires de la 14e armée, dans ses véhicules (annexe, MM. Ilaşcu, § 11, Urîtu, § 55, Mme Ivanţoc, § 39).
3.  Détention au centre de détention provisoire des locaux de la police de Tiraspol et transfert en prison pendant le procès
201.  Les circonstances de la détention des requérants, telles qu'elles ressortent de leurs déclarations écrites et dépositions, ainsi que des dépositions d'autres témoins corroborant les informations fournies par eux (annexe, M. Urîtu, §§ 56 et 60-61, Mmes Ivanţoc, § 41, Leşco, §§ 30-31), se résument ainsi.
202.  Le premier requérant est resté dans une cellule située au siège de la police de Tiraspol pendant près de six mois, jusqu'en avril 1993, où son procès a commencé.
203.  Le deuxième requérant a été transféré de la garnison de la 14e armée dans les locaux de la police de Tiraspol, où il est resté jusqu'au mois d'avril 1993, date d'ouverture de son procès.
204.  Le troisième requérant est resté un mois dans la garnison de la 14e armée. Il a ensuite été interné dans un hôpital psychiatrique, où il est resté à peu près un mois. A son retour de l'hôpital, il a été reconduit à la garnison de la 14e armée et immédiatement détenu dans les locaux de la police de Tiraspol, où il est resté jusqu'au mois d'avril 1993.
205.  Le quatrième requérant a été détenu jusqu'au début du procès dans les locaux de la police de Tiraspol.
206.  Dans le centre de détention provisoire des locaux de la police de Tiraspol, les interrogatoires se déroulaient la nuit. Les requérants y ont été régulièrement battus, surtout pendant le mois qui a suivi leur retour de la garnison de la 14e armée.
207.  Les cellules n'avaient pas d'éclairage naturel. Pendant les premières semaines, ils n'ont pas pu recevoir les visites de leurs familles ou de leurs avocats. Ils ont ensuite pu recevoir la visite de leurs proches, d'une manière discrétionnaire, et des colis de leurs familles à un rythme irrégulier. Souvent, ils n'ont pu profiter de la nourriture envoyée par la famille, car elle s'était abîmée au cours des fouilles effectuées pour des motifs de sécurité. Les requérants n'ont pu ni recevoir de courrier ni en envoyer et n'ont pas pu s'entretenir avec leurs avocats.
208.  Pendant cette période, les requérants n'ont pu voir un médecin que rarement et, lorsqu'ils avaient été soumis à des mauvais traitements, la visite du médecin avait lieu bien après.
M. Alexandru Ivanţoc s'est vu administrer des produits hallucinogènes qui lui ont provoqué des migraines chroniques. Pendant cette période, il n'a pas été traité pour ses maux de tête, et sa femme n'a pas eu la permission de lui envoyer des médicaments.
209.  Ilie Ilaşcu a pu voir son avocat pour la première fois en septembre 1992, soit plusieurs mois après son arrestation.
210.  A une date non précisée, les requérants furent transférés à la prison de Tiraspol en vue du procès. Pendant leur détention provisoire, ils furent soumis à divers traitements inhumains et dégradants : ils furent battus sauvagement, des bergers allemands furent lancés contre eux ; ils furent mis en isolement et se virent communiquer de faux renseignements sur la situation politique et sur l'état de santé de leurs familles pour ensuite se voir promettre une libération à condition de signer des aveux ; enfin, on menaça de les exécuter.
211.  Andrei Ivanţoc et Tudor Petrov-Popa furent soumis à des traitements avec des substances psychotropes à la suite de quoi M. Ivanţoc connut des troubles psychiatriques.
4.  Le procès et la condamnation des requérants
212.  Les requérants furent traduits devant le « Tribunal suprême de la République moldave de Transnistrie », qui siégea successivement dans la salle des fêtes de l'entreprise d'Etat Kirov et dans la salle de l'espace culturel à Tiraspol. Pendant les débats, qui débutèrent le 21 avril 1993 et prirent fin le 9 décembre 1993, seuls furent autorisés à entrer dans la salle les ressortissants moldaves munis d'un visa de résidence en Transnistrie. Des policiers et des militaires armés étaient présents dans la salle et sur l'estrade où se trouvaient les juges. Les requérants assistèrent à leur procès enfermés dans des cages métalliques. Les témoins entendus purent assister librement au procès, sans être obligés de quitter la salle pendant les dépositions des autres témoins. A de nombreuses occasions durant les débats, les requérants ne purent s'entretenir avec leurs avocats qu'en présence de policiers armés. Les audiences se déroulèrent dans une atmosphère lourde, le public arborant des pancartes hostiles aux accusés. Comme le montre une photo soumise au greffe par les requérants, prise dans la salle d'audience et parue dans un journal moldave, une de ces pancartes indiquait : « Les terroristes doivent répondre ! » (« Teрpopиcтoв – к oтвeту ! »).
213.  Les requérants furent jugés par un collège de trois juges composé de Mme Ivanova, ancienne juge à la Cour suprême de Moldova, qui présidait, de M. Myazine, âgé de vingt-huit ans au moment du procès, qui avait travaillé pendant un an au parquet général de Moldova, avant sa nomination au « Tribunal suprême de la RMT », et de M. Zenine.
214.  Ainsi qu'il ressort du texte du jugement, le commandant Mikhaïl Bergman, officier du GOR, comparut comme témoin devant ce « tribunal ». Il déclara que les requérants n'avaient pas été maltraités par ses subordonnés pendant leur détention dans les locaux de la 14e armée, et que les intéressés ne s'étaient d'ailleurs pas plaints.
215.  Le tribunal rendit son jugement le 9 décembre 1993.
216.  Il reconnut le premier requérant coupable de plusieurs infractions prévues par le code pénal de la République socialiste soviétique de Moldova, dont instigation au crime contre la sûreté de l'Etat (article 67), organisation d'activités dans le but de commettre des infractions extrêmement dangereuses à l'encontre de l'Etat (article 69), assassinat d'un représentant de l'Etat dans le but de semer la terreur (article 63), meurtre avec préméditation (article 88), réquisition illégale de moyens de transport (article 182), destruction délibérée des biens d'autrui (article 127) et utilisation illégale ou sans autorisation de munitions ou de matières explosives (article 227). Le tribunal le condamna à la peine capitale et à la confiscation de ses biens.
217.  Le tribunal reconnut le deuxième requérant coupable de l'assassinat d'un représentant de l'Etat dans le but de semer la terreur (article 63), de destruction délibérée des biens d'autrui (article 127) et d'utilisation sans autorisation de munitions ou de matières explosives (article 227 § 2). Il le condamna à une peine privative de liberté de douze ans, à exécuter dans un camp de travail à régime sévère, et à la confiscation de ses biens.
218.  Le troisième requérant fut reconnu coupable de l'assassinat d'un représentant de l'Etat dans le but de semer la terreur (article 63), d'utilisation sans autorisation et de vol de munitions ou de matières explosives (articles 227 et 227-1 § 2), de réquisition illégale de moyens de transport à traction animale (article 182 § 3), de destruction délibérée des biens d'autrui (article 127) et de coups et blessures (article 96 § 2). Il fut condamné à une peine privative de liberté de quinze ans, à exécuter dans un camp de travail à régime sévère, et à la confiscation de ses biens.
219.  Le quatrième requérant fut reconnu coupable d'assassinat d'un représentant de l'Etat dans le but de semer la terreur (article 63), de coups et blessures (article 96 § 2), de réquisition illégale de moyens de transport à traction animale (article 182 § 3), de destruction délibérée des biens d'autrui (article 127), et d'utilisation sans autorisation et de vol de munitions ou de matières explosives (articles 227 et 227-1 § 2). Il fut condamné à une peine privative de liberté de quinze ans et à la confiscation de ses biens.
B.  Evénements postérieurs à la condamnation des requérants ; libération de M. Ilaşcu
220.  Le 9 décembre 1993, le président de la République de Moldova décréta que la condamnation des requérants était illégale, au motif qu'elle avait été prononcée par un tribunal anticonstitutionnel.
221.  Le 28 décembre 1993, le procureur général adjoint de Moldova ordonna l'ouverture d'une enquête pénale à l'encontre des « juges », « procureurs » et autres personnes impliquées dans la poursuite et la condamnation des requérants en Transnistrie, les accusant en vertu des articles 190 et 192 du code pénal de la République de Moldova d'arrestation illégale.
222.  Le 3 février 1994, le Tribunal suprême de la République de Moldova examina d'office le jugement du 9 décembre 1993 du « Tribunal suprême de la RMT », le cassa au motif que le tribunal qui l'avait rendu était anticonstitutionnel, et ordonna le renvoi du dossier au procureur de la République de Moldova pour une nouvelle instruction en vertu de l'article 93 du code de procédure pénale. Il ressort des dépositions, des informations fournies par le gouvernement moldave et des témoins entendus par la Cour à Chişinău en mars 2003, que l'instruction ordonnée par le jugement du 3 février 1994 n'a pas eu de suite (annexe, MM. Postovan, § 184, Rusu, § 302).
223.  En outre, le Tribunal suprême de la République de Moldova révoqua le mandat de détention des requérants, ordonna leur libération et demanda au procureur de la République d'examiner l'opportunité de poursuivre les juges du « soi-disant » Tribunal suprême de Transnistrie pour avoir délibérément rendu une décision illégale, infraction punie par les articles 190-192 du code pénal.
224.  Les autorités de la « RMT » ne donnèrent aucune suite au jugement du 3 février 1994.
225.  Les autorités moldaves ayant ouvert respectivement en avril et en mai 1992 une enquête au sujet de la mort de MM. Goussar et Ostapenko, le parquet la suspendit le 6 juin 1994, en vertu de l'article 172 § 3 du code de procédure pénale moldave, en l'absence de toute coopération de la part des autorités judiciaires et policières transnistriennes. Cette enquête fut rouverte le 9 septembre 2000. Par conséquent, plusieurs demandes de coopération (transmission de documents) furent adressées au « procureur de la RMT », V.P. Zaharov. Faute de toute réponse, le parquet moldave suspendit à nouveau l'enquête le 9 décembre 2000. Celle-ci n'a pas été rouverte depuis.
226.  Par un décret du 4 août 1995, le président de la République de Moldova promulgua une loi d'amnistie à l'occasion du premier anniversaire de l'adoption de la Constitution moldave. Cette loi amnistia notamment les condamnations pour les infractions prévues aux articles 227, 227-1 et 227-2 du code pénal commises à partir du 1er janvier 1990 dans plusieurs départements de la rive gauche du Dniestr.
227.  Le 3 octobre 1995, le Parlement moldave demanda, d'une part, au gouvernement moldave de traiter en priorité le problème de la détention des requérants, en tant que détenus politiques, et de l'informer régulièrement de l'évolution de la situation comme des actions entreprises à ce sujet et, d'autre part, au ministère des Affaires étrangères de rechercher un appui ferme auprès des pays dans lesquels la Moldova avait des missions diplomatiques en vue de la libération des requérants (« groupe Ilaşcu »).
228.  Le premier requérant, bien que détenu, fut élu député au Parlement moldave successivement les 25 février 1994 et 22 mars 1998, mais, étant privé de liberté, il n'y siégea jamais.
229.  Le 16 août 2000, le procureur de la République annula l'ordonnance du 28 décembre 1993 à l'encontre des « juges » et « procureurs » de la « RMT » (paragraphe 221 ci-dessus) au motif qu'il n'y avait privation illégale de liberté au sens des articles 190 et 192 du code pénal que lorsque la mesure était prise par des juges et procureurs désignés conformément à la législation de la République de Moldova, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Il considéra aussi comme inopportune l'ouverture d'une enquête pour privation illégale de liberté ou pour usurpation des pouvoirs ou du titre correspondant à une fonction officielle, infractions prévues aux articles 116 et 207 respectivement du code pénal, au motif qu'il y avait prescription et que les personnes en question se soustrayaient aux poursuites.
230.  Le même jour, le procureur de la République ordonna l'ouverture d'une enquête pénale à l'encontre du directeur de la prison de Hlinaia, accusé de privation illégale de liberté et d'usurpation des pouvoirs ou du titre correspondant à une fonction officielle, en vertu des articles 116 et 207 du code pénal. Il ressort des informations fournies par le gouvernement moldave et des dépositions des témoins entendus par la Cour à Chişinău en mars 2003 que cette enquête pénale n'a pas eu de suite (annexe, MM. Rusu, § 302, Sturza, § 314).
231.  Le 4 octobre 2000, à la demande de M. Ilaşcu, les autorités roumaines lui accordèrent la nationalité roumaine en vertu de la loi no 21/1991.
232.  Le 26 novembre 2000, M. Ilaşcu fut élu sénateur au Parlement roumain. Ayant renoncé à la nationalité moldave et à son mandat de député au Parlement moldave, ce dernier a par conséquent mis fin à son mandat le 4 décembre 2000.
233.  En 2001, à leur demande, MM. Ivanţoc et Leşco se virent également accorder la nationalité roumaine.
234.  Le 5 mai 2001, M. Ilaşcu fut mis en liberté. Les circonstances de sa libération, qui sont controversées, sont résumées ci-dessous (paragraphes 279-282).
C.  La détention des requérants après leur condamnation
235.  Le premier requérant, Ilie Ilaşcu, a été détenu à la prison no 2 de Tiraspol jusqu'à sa condamnation, le 9 décembre 1993. Il a ensuite été transféré à la prison de Hlinaia, au quartier des condamnés à mort, où il est resté jusqu'au mois de juillet 1998. A cette date, il a été à nouveau transféré à la prison no 2 de Tiraspol, où il est resté jusqu'à sa libération en mai 2001.
236.  M. Alexandru Leşco a été transféré après son procès à la prison no 2 de Tiraspol, où il est toujours détenu.
237.  Andrei Ivanţoc a été transféré après sa condamnation à la prison de Hlinaia, où il n'est probablement resté que quelques semaines. En effet, compte tenu de sa maladie, il a d'abord été hospitalisé puis transféré à la prison no 2 de Tiraspol, où il se trouve toujours.
238.  M. Tudor Petrov-Popa a été transféré peu avant le début de son procès à la prison no 2 de Tiraspol. Depuis la libération de M. Ilaşcu en mai 2001, M. Petrov-Popa a été transféré à la prison de Hlinaia, où il est resté jusqu'au 4 juin 2003, date à laquelle il a été transféré à la prison n o3 de Tiraspol, « afin de faciliter ses contacts avec son avocat », selon les dires de l'administration pénitentiaire.
239.  Dès les premiers mois de l'arrestation des requérants, le gouvernement moldave accorda une aide financière à leurs familles. En outre, les autorités trouvèrent des logements aux familles des requérants qui avaient été obligées de quitter la Transnistrie et leur fournirent occasionnellement de l'aide, d'une part, pour voir les requérants, en mettant à leur disposition des moyens de transport et, d'autre part, pour améliorer les conditions de détention des requérants, en envoyant des médecins et en leur fournissant des journaux (annexe, MM. Snegur, § 240, Moşanu, § 248, Sangheli, § 267).
1.  Les conditions de détention
240.  Les requérants ont été détenus, sauf pendant quelques périodes très courtes, seuls, chacun dans leur cellule, à l'exception de M. Leşco, qui n'a été détenu seul que pendant les premières années.
M. Ilaşcu a toujours été détenu en isolement. Il n'a pas eu le droit de correspondre, mais a néanmoins réussi à envoyer quelques lettres à l'extérieur.
241.  Dans la prison de Hlinaia, M. Ilaşcu a été détenu dans le quartier des condamnés à mort. Ses conditions de détention étaient plus strictes que celles des autres requérants. A l'intérieur de sa cellule était aménagée une cage métallique de même dimension que la cellule. A l'intérieur de la cage se trouvait le lit et une table, en métal également.
M. Ilaşcu n'avait pas le droit de parler aux autres détenus ou aux gardiens. Par conséquent, il était conduit seul à sa promenade journalière, qui avait lieu le soir, dans une pièce couverte.
La nourriture de M. Ilaşcu se composait de cent grammes de pain de seigle trois fois par jour et d'un verre de thé sans sucre deux fois par jour. Le soir, il recevait aussi un mélange à base de restes de maïs appelé « balanda ».
242.  Les cellules des requérants ne bénéficiaient pas d'un éclairage naturel : les seuls rayons de lumière provenant d'une ampoule accrochée dans le couloir filtraient à travers un regard pratiqué dans la porte de chaque cellule.
243.  Les requérants ne pouvaient se doucher que très rarement. Ils ont dû rester plusieurs mois sans se laver.
244.  Aucune des cellules occupées par M. Ilaşcu pendant sa détention n'était chauffée, y compris pendant l'hiver.
245.  Tant à Hlinaia qu'à Tiraspol, les requérants disposaient d'eau froide dans leurs cellules, qui étaient dotées de toilettes non séparées du reste de la cellule.
246.  Les requérants ont pu recevoir des colis et des visites de leurs familles, bien que l'autorisation à cet effet ne leur ait pas été octroyée systématiquement par le directeur de la prison.
A certaines reprises, l'autorisation de recevoir des visites ou des colis leur a été refusée sur ordre d'Igor Smirnov ou de Vladimir Antioufeïev/Chevtsov.
247.  Les colis étant contrôlés, la nourriture qui s'y trouvait devenait parfois impropre à la consommation. Pour protester contre la quantité insuffisante de nourriture qui leur était servie en prison, contre le fait que les « autorités » de la prison reefusaient parfois de leur distribuer la nourriture apportée par la famille, et contre la détérioration de cette nourriture lors des contrôles, les requérants ont entamé à plusieurs reprises une grève de la faim.
248.  En 1999, M. Ilaşcu a pu recevoir la visite de Mme Josette Durrieu, membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, et aussi celle de Vasile Sturza, président de la Commission pour les négociations avec la Transnistrie.
249.  Dans une lettre adressée en mars 1999 au Parlement moldave au sujet de la crise gouvernementale à laquelle la Moldova était confrontée, M. Ilaşcu affirma son soutien à Ion Sturza, candidat au poste de premier ministre. Lue à la tribune par le président du Parlement, la lettre permit au Parlement de dégager la majorité nécessaire pour désigner M. Ion Sturza comme premier ministre.
En 1999, à la suite de son vote pour le gouvernement Sturza et pendant les neuf mois de ce gouvernement, M. Ilaşcu n'a pu recevoir aucune visite de sa famille, ni aucun colis. Les autres requérants, en particulier M. Ivanţoc, ont subi des restrictions similaires.
250.  Dans une lettre adressée à la Cour datée du 14 mai 1999, Andrei Ivanţoc indiqua que, depuis que M. Ilaşcu avait écrit au Parlement moldave, les conditions de détention des requérants, en particulier celles de M. Ilaşcu, s'étaient dégradées.
251.  Dans une lettre du 17 juillet 1999, Andrei Ivanţoc informa le public qu'il avait entamé une grève de la faim pour protester contre les conditions sévères dans lesquelles lui et ses compagnons étaient détenus. Ainsi, il indiqua qu'il ne pouvait pas prendre contact avec un avocat et qu'il lui était interdit de recevoir la visite de médecins ou de représentants de la Croix-Rouge. Selon lui, la passivité des autorités moldaves face à la situation en Transnistrie, et notamment à celle du groupe Ilaşcu, équivalait à accorder un soutien tacite aux autorités transnistriennes.
252.  Dans une déclaration écrite datant du 29 juillet 1999, Andrei Ivanţoc, qui se trouvait au soixante-dix-septième jour de sa grève de la faim, accusa les dirigeants de Chişinău de ne rien faire pour protéger les droits de l'homme en Moldova et de « faire la fête » avec les dirigeants séparatistes de Transnistrie. Il se plaignit aussi du refus des autorités de la prison de Tiraspol de permettre, à lui-même et à Ilie Ilaşcu, l'accès à un médecin et indiqua que Ilie Ilaşcu, tenu en isolement cellulaire depuis quelque temps, était maltraité. En effet, tous les meubles avaient été enlevés de sa cellule, ses vêtements lui avaient été retirés, à l'exception d'un maillot de corps, et il était battu par des personnes des « forces spéciales », qui lui suggéraient de se suicider.
253.  Dans une lettre du 10 mai 2000 adressée à la Cour, M. Ilaşcu fit valoir qu'il n'avait pu consulter un médecin depuis 1997. Des médecins venus de Chişinău l'avaient alors examiné et avaient dressé un bilan de son état de santé, le qualifiant de grave. Dans la même lettre, il accusa les autorités de la République de Moldova d'hypocrisie, alléguant qu'en dépit de leurs déclarations favorables à la libération des requérants, elles faisaient « tout » pour les empêcher de recouvrer leur liberté.
254.  Le 14 janvier 2002, le représentant des requérants, M. Dinu, informa la Cour que les conditions de détention des trois requérants encore incarcérés s'étaient détériorées à partir du mois de juin 2001. M. Ivanţoc s'était vu refuser la visite de son épouse, sans aucune explication.
M. Ivanţoc et M. Leşco commencèrent à ne recevoir que du pain en guise de nourriture. Quant à M. Petrov-Popa, il fut transféré à la prison de Hlinaia où, dans des conditions d'isolement total, on lui signifia qu'il ne pourrait recevoir aucune visite pendant six mois.
255.  A l'exception de M. Ilaşcu, les requérants ont pu correspondre en russe, le roumain leur étant interdit. Leur courrier était censuré. Ils ne pouvaient pas en général recevoir de journaux en roumain.
256.  M. Ivanţoc se vit refuser une visite de sa femme le 15 février 2003. Cette visite put avoir lieu une semaine plus tard.
257.  Lors des auditions de témoins devant les délégués de la Cour à Tiraspol en mars 2003, l'administration pénitentiaire transnistrienne s'est engagée à permettre aux avocats des requérants de rencontrer leurs clients détenus en Transnistrie. Me Tănase a pu voir pour la première fois son client, M. Leşco, à une date non précisée, en mai ou juin 2003. Me Gribincea a pu rencontrer ses clients pour la première fois depuis leur incarcération le 20 juin 2003.
258.  Les conditions dans lesquelles se sont déroulés les examens médicaux des requérants ont été établies par la Cour sur la base des dépositions des témoins et d'autres documents en sa possession, y compris les registres de consultations médicales, conservés sur les lieux de détention des requérants.
259.  D'une manière générale, la Cour note que l'état de santé des requérants s'est détérioré pendant leur détention.
Les requérants ont pu être vus, sur demande, par le médecin de la prison, qui s'est limité dans la plupart des cas à des palpations et auscultations.
260.  Alexandru Leşco, bien que souffrant d'une arthrite aiguë, d'une pancréatite et d'un abcès dentaire, se vit refuser la visite d'un médecin. Sa vue aussi se détériora.
261.  En 1995, M. Leşco a néanmoins été conduit dans un hôpital de Tiraspol où il a subi une intervention chirurgicale pour soigner sa pancréatite.
262.  Sauf exception, les maladies des requérants n'ont pas été soignées. Les seuls médicaments qui leur ont été administrés étaient envoyés par leurs familles. Invoquant des raisons de sécurité, les « autorités » pénitentiaires n'ont pas permis aux requérants de recevoir les notices accompagnant ces médicaments.
263.  Après des négociations avec les autorités moldaves, et surtout à la suite de l'intervention du président Snegur, les autorités pénitentiaires de Transnistrie ont permis à des spécialistes de Chişinău d'examiner les requérants. Ainsi, à plusieurs reprises, les requérants ont été examinés par une commission composée de médecins venus de Moldova entre 1995 et 1999, dont MM. Leşan et Ţîbîrnă. En 1999, les visites ont eu lieu de janvier à mars et, à nouveau, en novembre.
A une occasion, M. Ilaşcu a pu subir un électrocardiogramme ; M. Ivanţoc a été opéré d'une maladie du foie ; M. Petrov-Popa a eu une piqûre pour sa tuberculose et s'est vu prescrire un traitement.
Les examens ont eu lieu en présence de médecins de la prison et de gardiens. Les ordonnances des médecins moldaves, inscrites sur les registres médicaux de la prison, n'ont pas été exécutées, les seuls médicaments reçus par les requérants étant ceux apportés par leurs familles.
A deux reprises, M. Ilaşcu a pu être examiné par des médecins de la Croix-Rouge internationale.
264.  M. Petrov-Popa, atteint de tuberculose, a été traité pendant environ six mois, jusqu'en mars 1999. Toutefois, la plupart des médicaments ont été fournis par sa famille.
265.  Aucun requérant n'a pu bénéficier de repas diététiques, bien que prescrits médicalement : M. Ilaşcu pour sa maladie de l'appareil digestif, M. Ivanţoc pour sa maladie du foie, M. Leşco pour les conséquences de sa pancréatite et M. Petrov-Popa pour sa tuberculose.
MM. Leşco, Ivanţoc et Petrov-Popa affirment souffrir d'une pancréatite, d'une maladie du foie et de tuberculose, respectivement, et ne pas recevoir les soins appropriés.
266.  M. Petrov-Popa occupe à ce jour à Hlinaia la même cellule que celle où se trouvait M. Ilaşcu avant sa libération, bien qu'un quartier spécial soit réservé dans cette prison aux tuberculeux. Depuis l'entrée en vigueur en 2002 du nouveau code de procédure pénale transnistrien, les conditions de détention à Hlinaia de M. Petrov-Popa se sont améliorées, puisqu'il peut recevoir trois colis et trois visites supplémentaires par an. Cette amélioration a été décidée par le directeur de la prison de Hlinaia eu égard à la bonne conduite du requérant.
2.  Les mauvais traitements
267.  Pendant les premiers mois de sa détention à Hlinaia, Ilie Ilaşcu a été plusieurs fois maltraité.
Sous le moindre prétexte, M. Ilaşcu était puni de détention au cachot.
268.  Après le transfert de M. Ilaşcu à la prison no 2 de Tiraspol, sa situation s'est quelque peu améliorée : les punitions n'étaient plus aussi nombreuses qu'à Hlinaia, les mauvais traitements ne survenant qu'à la suite de certains événements.
Ainsi, après la parution dans les journaux d'un article sur les requérants, des gardiens de prison sont entrés dans les cellules de MM. Ilaşcu et Ivanţoc et ont confisqué ou détruit tous les objets qui s'y trouvaient. Ils ont frappé durement les requérants et les ont mis au cachot pendant vingt-quatre heures.
269.  Les cellules de MM. Ilaşcu et Ivanţoc ont été saccagées après le vote de M. Ilaşcu pour le gouvernement Sturza, en 1999, et après le dépôt de leur requête devant la Cour. Entre autres, ont été détruits des effets personnels, par exemple des photos des enfants des requérants, et des icônes. Ils ont aussi été sauvagement battus.
Après l'introduction de sa requête devant la Cour, M. Ilaşcu a été battu par des militaires, à coups de pied et de fusil. On lui a ensuite mis un pistolet dans la bouche et on l'a menacé de mort s'il essayait à l'avenir d'envoyer des lettres en dehors de la prison. A cette occasion, il a perdu une dent.
270.  Dans la lettre susmentionnée du 14 mai 1999, Andrei Ivanţoc indiqua que, le 13 mai 1999, des civils portant des cagoules pénétrèrent dans sa cellule, le frappèrent avec un bâton à la tête, au dos et au niveau du foie et lui assenèrent des coups de poing au niveau du cœur. Ils le traînèrent ensuite dans le couloir, où il vit un certain colonel Gousarov en train de frapper la tête de Ilie Ilaşcu contre un mur et lui donner des coups de pied. Le colonel Gousarov mit ensuite un pistolet dans la bouche de M. Ilaşcu et le menaça de mort. Le colonel Gousarov indiqua aux requérants que le motif de cette agression était leur requête adressée à la Cour européenne des Droits de l'Homme. Dans la même lettre, Andrei Ivanţoc exhorta le Parlement et le gouvernement moldaves, les médias internationaux et les organisations de défense des droits de l'homme à intervenir pour faire cesser les tortures auxquelles lui-même et les trois autres requérants étaient soumis.
271.  A la suite de ces événements, ainsi qu'il ressort d'une lettre du 1er septembre 1999 adressée à la Cour par le représentant de M. Leşco, les requérants furent privés de nourriture pendant deux jours et de lumière pendant trois jours.
272.  La cellule de M. Ivanţoc dans la prison de Tiraspol a été dévastée à d'autres reprises : en novembre 2002 et aux alentours du 15 février 2003.
D.  Démarches entreprises jusqu'en mai 2001 pour la libération des requérants
273.  Les négociations entre la République de Moldova et la Fédération de Russie au sujet du retrait des forces russes de Transnistrie, au cours desquelles a également été mentionné le règlement de la question transnistrienne, n'ont jamais porté sur la situation des requérants. Toutefois, lors des discussions entre le président moldave et le président de la Fédération de Russie, la partie moldave a soulevé régulièrement la question de la libération des requérants (annexe, Y, § 254).
274.  Dans le cadre de la création par la partie transnistrienne d'une commission compétente pour examiner la possibilité de gracier toutes les personnes condamnées et détenues en Transnistrie à la suite de jugements prononcés par les tribunaux transnistriens (annexe, M. Sturza, §§ 309 et 311), les autorités moldaves ont obtenu une promesse de libération des requérants. Dans ce contexte, l'adjoint au procureur moldave, M. Vasile Sturza, s'est rendu à plusieurs reprises à Tiraspol pour négocier la libération des requérants, rencontrant même en 1996 M. Ilaşcu détenu à la prison de Hlinaia.
M. Sturza s'est déplacé une dernière fois à Tiraspol le 16 avril 2001 afin de ramener les requérants à Chişinău, mais sans résultat. Ce n'est que le 5 mai 2001 que M. Ilaşcu a été libéré (paragraphe 279 ci-dessous).
275.  Dans une lettre du 23 février 2001, le président de la Moldova, M. Lucinschi, et le chef de la mission de l'OSCE en Moldova, M. Hill, demandèrent à M. Smirnov de libérer les requérants pour des raisons humanitaires.
276.  Le 12 avril 2001, le nouveau président de la Moldova, M. Voronine, présenta à M. Smirnov une nouvelle demande de libération des requérants fondée sur des raisons humanitaires.
277.  Dès le début des négociations avec la partie transnistrienne, la situation des requérants a été régulièrement soulevée par les autorités moldaves. Des discussions ont notamment eu lieu dans ce contexte avec des représentants du « parquet de la RMT », de la « Cour suprême de la RMT », avec le « ministre de la Justice de la RMT » et avec Igor Smirnov.
278.  Les requérants ont présenté à la Cour une note verbale datée du 19 avril 2001 adressée à l'ambassade de Moldova à Moscou, dans laquelle le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie attirait l'attention du gouvernement moldave sur le fait que le mémoire déposé par ce dernier à la Cour européenne des Droits de l'Homme en octobre 2000 donnait une évaluation subjective du rôle de la Russie dans l'affaire du groupe Ilaşcu et ne reflétait « nullement le caractère amical des relations entre la République de Moldova et la Fédération de Russie ». La note se poursuivait ainsi :
« L'examen dudit mémoire par la Grande Chambre de la Cour européenne, fixé au 1er mai de cette année, peut porter un grave préjudice aux intérêts de la Fédération de Russie et de la Moldova.
Dans ce contexte, la partie russe, s'appuyant sur l'accord auquel étaient parvenus les chefs des services des Affaires étrangères des deux pays en ce qui concerne la nécessité du retrait dudit mémoire, prie instamment le gouvernement de la Moldova de prendre toutes mesures pour assurer le retrait de ce document avant le 30 avril et d'en informer officiellement la Cour européenne ainsi que le représentant de la Russie auprès de cet organe. »
E.  Libération de M. Ilaşcu le 5 mai 2001
279.  M. Ilaşcu affirme que le 5 mai 2001 au matin, vers 5 h 30, Vladimir Chevtsov, également connu sous le nom d'Antioufeïev, « ministre de la Sécurité de Transnistrie », entra dans sa cellule et lui dit de s'habiller rapidement, car il allait être présenté au « président de la RMT ». Le requérant laissa toutes ses affaires dans la cellule et fut mis dans une voiture, attaché par des menottes à deux soldats. Vladimir Chevtsov prit aussi place dans la voiture. Le requérant fut ainsi conduit à Chişinău et, à quelque cent mètres du palais présidentiel, il fut remis entre les mains du chef des services secrets de la Moldova, M. Păsat. Le requérant prétend que M. Chevtsov aurait lu devant M. Păsat son acte de transfert, rédigé en ces termes : « Le détenu Ilaşcu, condamné à la peine capitale, est transféré aux organes compétents de la République de Moldova. » Après la remise du document, M. Chevtsov aurait déclaré que la condamnation restait valable et qu'elle serait exécutée si M. Ilaşcu retournait en Transnistrie.
Des forces spéciales moldaves emmenèrent ensuite le requérant au ministère de la Sécurité, où il fut interrogé brièvement puis remis en liberté.
280.  Le 22 juin 2001, le gouvernement moldave informa la Cour que le président de la République de Moldova, M. Voronine, avait appris la libération de M. Ilaşcu par une lettre que lui avait adressée M. Smirnov le 5 mai 2001. Dans cette lettre, M. Smirnov demandait en contrepartie du geste favorable des autorités transnistriennes que la République de Moldova condamnât « l'agression de 1992 dirigée par elle contre le peuple transnistrien », réparât intégralement le préjudice matériel subi par la « RMT » à la suite de l'agression et présentât « des excuses au peuple transnistrien pour la douleur et les souffrances causées ».
281.  Dans une lettre du 16 novembre 2001, le gouvernement moldave soumit à la Cour copie de plusieurs décrets signés par M. Smirnov, « président de la RMT ».
Le décret no 263, signé le 6 juillet 1999, prévoit l'introduction d'un moratoire sur l'application de la peine capitale sur le territoire de la « RMT » à partir du 1er septembre 1999. Ce moratoire serait aussi applicable aux jugements rendus avant cette date, mais non exécutés lors de l'entrée en vigueur du décret, qui intervient au moment de sa signature et de sa publication au Journal officiel. Le décret no 198, signé par M. Smirnov le 5 mai 2001, accorda la grâce à M. Ilaşcu et ordonna sa mise en liberté. Le décret entra en vigueur le jour de sa signature.
Le gouvernement moldave n'a fait aucun commentaire au sujet du prétendu transfert de M. Ilaşcu, se contentant de soumettre à la Cour le décret de M. Smirnov concernant le requérant. Il n'a pas non plus formulé de commentaires au sujet de la véridicité dudit décret. Il a néanmoins ajouté qu'il avait entendu des rumeurs selon lesquelles, avant de signer le décret en question, M. Smirnov aurait commué la peine de mort prononcée à l'encontre de M. Ilaşcu en prison à vie.
Pour sa part, M. Ilaşcu affirme que le décret de M. Smirnov est un faux qui a été créé après sa libération. Selon lui, malgré sa mise en liberté, sa condamnation reste valable et, s'il retournait en Transnistrie, il serait passible de la peine de mort.
282.  La Cour ne dispose que des allégations de M. Ilaşcu, d'une copie du « décret » du 5 mai 2001 émanant de M. Smirnov, et des allégations du gouvernement moldave faisant état d'une commutation de peine. Aucun de ces différents récits n'est confirmé par d'autres preuves, et la Cour n'aperçoit aucun élément objectif de nature à la faire trancher en faveur d'une thèse ou d'une autre. Par conséquent, la Cour estime qu'il ne lui est pas possible, en l'état actuel des preuves devant elle, de tirer une conclusion quant aux motifs et à la base légale de la libération de M. Ilaşcu.
F.  Démarches entreprises pour la libération des autres requérants après mai 2001
283.  Après la libération de M. Ilaşcu, le représentant de M. Leşco affirma dans une lettre parvenue à la Cour le 1er juin 2001 que cette libération serait due à l'intervention des autorités russes auprès des autorités transnistriennes. Il fit valoir que, dans un entretien accordé à la station de radio publique moldave Radio Moldova, le ministre des Affaires étrangères de ce pays, M. Nicolae Tchernomaz, aurait déclaré : « Ilie Ilaşcu a été libéré à la suite de l'intervention du ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, qui, à la demande du président moldave Voronine, a pris contact à ce sujet par téléphone avec l'administration de Tiraspol. Il [leur] a expliqué qu'il s'agissait d'un problème international touchant l'honneur de la Fédération de Russie et de la Moldova. » M. Tchernomaz aurait poursuivi en expliquant qu'il avait rencontré M. Ivanov afin de le convaincre que « la requête déposée auprès de la Cour européenne des Droits de l'Homme ne pouvait pas être retirée puisque M. Ilaşcu était un prisonnier de conscience, un otage du conflit de 1992 ».
284.  Lors de l'audience du 6 juin 2001, le gouvernement moldave remercia ceux qui avaient contribué à la libération de M. Ilaşcu, notamment la Fédération de Russie, et indiqua qu'il souhaitait revenir sur la position exprimée auparavant dans ses observations du 24 octobre 2000, en particulier au regard de la responsabilité de la Fédération de Russie. Il expliqua son geste par son vœu de ne pas voir se produire des effets indésirables, comme des tensions ou l'arrêt du processus visant à trouver une solution pacifique au différend transnistrien et à obtenir la libération des autres requérants.
285.  Après l'élargissement de M. Ilaşcu, des rencontres entre celui-ci et les autorités moldaves eurent lieu au sujet des perspectives de libération des autres requérants.
A l'occasion d'une conférence de presse qu'il donna le 31 juillet 2001, le président de la Moldova, M. Voronine, déclara : « M. Ilaşcu est celui qui maintient ses camarades en détention à Tiraspol. » Il souligna à cet égard qu'il avait proposé à celui-ci de retirer sa requête déposée devant la Cour contre la Fédération de Russie et la Moldova, en échange de quoi les autres requérants seraient libérés avant le 19 juin 2001, mais que l'intéressé avait refusé cette proposition. Selon l'agence de presse moldave Basa-press, M. Voronine suggéra également qu'au cas où M. Ilaşcu aurait gain de cause devant la Cour, cela rendrait encore plus difficile la libération des autres requérants.
G.  Réactions internationales à la condamnation et à la détention des requérants
286.  Dans un rapport du 20 février 1994 rédigé à la demande du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE par M. Andrzej Rzeplinski, professeur de droit pénal et des droits de l'homme à l'Université de Varsovie, et par M. Frederick Quinn, de l'OSCE, au terme d'une mission d'enquête en Transnistrie, le procès des requérants devant le « Tribunal suprême de la RMT » fut analysé du point de vue du respect des droits fondamentaux. Les auteurs relevèrent, entre autres, de graves violations des droits de la défense : absence de tout contact des requérants avec un avocat pendant les deux premiers mois suivant leur arrestation, accès très limité ultérieurement, violation du droit d'être jugé par un tribunal impartial, le tribunal ayant refusé d'examiner les allégations des requérants selon lesquelles on leur aurait extorqué des aveux après leur avoir fait subir des traitements inhumains, et violation du droit prévu par l'article 14.5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le procès des requérants s'étant déroulé selon une procédure d'exception leur ôtant tout droit à un recours.
Enfin, les auteurs qualifièrent le procès d'« événement politique du début jusqu'à la fin ». Ils conclurent que certaines accusations de terrorisme retenues à l'encontre des requérants, sur la base du code pénal de l'époque soviétique, seraient considérées dans les pays démocratiques modernes comme de simples questions de liberté d'expression.
287.  Le 28 septembre 1999, le président de l'Assemblée parlementaire et le Secrétaire général du Conseil de l'Europe lancèrent un appel aux autorités séparatistes de Transnistrie pour que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) puisse rendre visite aux requérants, et exigèrent l'amélioration immédiate des conditions de détention de ces derniers.
288.  De passage en Transnistrie les 18 et 19 octobre 2000, dans le cadre d'une visite en Moldova du 16 au 20 octobre 2000, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe demanda aux autorités transnistriennes l'autorisation de voir M. Ilaşcu afin de vérifier ses conditions de détention. La permission ne lui fut pas accordée au motif que, faute de temps, les autorisations nécessaires n'avaient pu être obtenues.
289.  En novembre 2000, à la suite de sa visite en Moldova, y compris dans la région de Transnistrie, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (le « CPT ») rendit son rapport. Pour ce qui est de la situation carcérale en Transnistrie, le CPT soulignait la surpopulation carcérale importante et exprimait son inquiétude quant à la pratique de détention prolongée en isolement concernant certains prisonniers et quant au niveau inadéquat de soins prodigués aux détenus malades, voire à l'absence totale de soins pour ceux souffrant de tuberculose, y compris s'agissant de la possibilité de bénéficier de repas diététiques.
Selon le CPT, la situation des établissements pénitentiaires en Transnistrie en 2000 laissait beaucoup à désirer, surtout à la prison de Hlinaia, où les conditions de détention étaient déplorables : manque d'aération, de lumière naturelle et de sanitaires adéquats, et surpeuplement.
Sur la situation des requérants en particulier, le CPT indiquait que trois membres du groupe Ilaşcu étaient détenus depuis huit ans dans des conditions d'isolement qui avaient des effets psychologiques graves sur au moins l'un d'entre eux. Le CPT indiqua également que la détention en isolement pouvait, dans certaines conditions, constituer un traitement inhumain et dégradant et qu'en tout état de cause un isolement prolongé pendant autant d'années était indéfendable. Le CPT demanda aux autorités transnistriennes d'assouplir les conditions de détention des trois membres du groupe Ilaşcu détenus en isolement, en leur assurant l'accès à la presse de leur choix, et en veillant à ce qu'ils puissent recevoir la visite de leurs familles et de leurs avocats.
Les médecins de la délégation du CPT ont pu examiner trois des quatre requérants, y compris M. Ilaşcu. En ce qui concerne ce dernier, les médecins recommandèrent de lui accorder le traitement médical convenant à sa pathologie.
Le CPT fit état des récits selon lesquels en mai 1999, les membres du groupe Ilaşcu détenus à Tiraspol avaient été battus par des individus masqués.
V.  LE DROIT INTERNATIONAL, LE DROIT INTERNE ET AUTRES ACCORDS PERTINENTS
290.  Les dispositions pertinentes de l'accord de Minsk du 8 décembre 1991 se lisent ainsi :
« Nous, Républiques de Biélorussie, de Russie et d'Ukraine, membres fondateurs de l'URSS, signataires du Traité sur la formation de l'Union de 1922, ci-après dénommés « Hautes Parties Contractantes », constatons que l'URSS n'a plus d'existence en tant que sujet de droit international et réalité géopolitique,
Partant de l'histoire commune de nos peuples et des liens qui les unissent, et tenant compte des traités bilatéraux conclus entre les Hautes Parties Contractantes,
Aspirant à édifier des Etats de droit démocratiques,
Désireux de développer nos relations sur la base de la reconnaissance et du respect mutuels de la souveraineté étatique, des principes de l'égalité en droit et de la non-ingérence dans les affaires intérieures, du non-recours à la force ou à tout autre moyen de pression, notamment économique, du règlement pacifique des différends, des autres principes et normes universellement reconnus du droit international,
Affirmant notre attachement aux buts et principes de la Charte des Nations Unies, de l'Acte final d'Helsinki et des autres documents de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe,
Nous engageant à respecter les normes internationales universellement reconnues s'agissant des droits de l'homme et des peuples,
Sommes convenus de ce qui suit :
Article 1
Les Hautes Parties Contractantes forment une Communauté d'Etats Indépendants.
Article 6
1)  Les Etats membres de la Communauté collaboreront au maintien de la paix et de la sécurité internationales, à l'application de mesures efficaces de réduction des armes et dépenses militaires. (...)
2)  Les Parties respecteront leur aspiration mutuelle à acquérir un statut de zone dénucléarisée et d'Etat neutre.
3)  Les Etats membres de la Communauté garderont et respecteront sous un commandement unifié un espace militaro-stratégique commun, y compris en contrôle unifié sur l'armement nucléaire, dont les modalités seront réglées dans un accord ad hoc.
4)  Ils garantissent également à titre collectif les conditions nécessaires au déploiement et au fonctionnement des forces armées stratégiques et leur octroient une aide matérielle et sociale. (...)
Article 12
Les Hautes Parties Contractantes s'engagent à respecter les obligations internationales qui leur incombent en vertu des traités et accords passés par l'ancienne URSS. »
291.  Le 24 décembre 1991, le Représentant permanent de l'URSS aux Nations unies, l'ambassadeur Y. Vorontsov, a communiqué au Secrétaire général des Nations unies une lettre du président de la Fédération de Russie, Boris Eltsine, rédigée en ces termes :
« L'adhésion de l'Union des Républiques socialistes soviétiques aux Nations Unies, y compris au Conseil de sécurité et à tous les autres organes et organismes du système des Nations Unies, est continuée par la Fédération de Russie (RSFSR) avec l'appui des pays de la Communauté d'Etats Indépendants. A cet égard, je demande que le nom de « Fédération de Russie » soit employé aux Nations Unies à la place de « Union des Républiques socialistes soviétiques ». La Fédération de Russie assume la pleine responsabilité de tous les droits et obligations de l'URSS au titre de la Charte des Nations Unies, y compris les engagements financiers. Je demande que vous considériez cette lettre comme confirmant le droit pour toutes les personnes ayant actuellement la qualité de représentants de l'URSS aux Nations Unies de représenter la Fédération de Russie dans les organes des Nations Unies. »
292.  Le 21 juillet 1992, le président de la Moldova, M. Mircea Snegur, et le président de la Fédération de Russie, M. Boris Eltsine, signèrent à Moscou un accord concernant les principes du règlement amiable du conflit armé dans la région transnistrienne de la République de Moldova :
« La République de Moldova et la Fédération de Russie,
Désirant aboutir le plus rapidement possible à un cessez-le-feu définitif et au règlement du conflit armé dans les régions transnistriennes ;
Faisant leurs les principes consacrés dans le statut de l'ONU et ceux de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe ;
Attendu que, le 3 juillet 1992, le Président de la République de Moldova et le Président de la Fédération de Russie ont abouti à un consensus de principe,
Sont convenus de ce qui suit :
Article 1
1.  Les parties au conflit s'engagent à procéder, dès la signature du présent accord, à la mise en place de toutes les mesures nécessaires au cessez-le-feu, ainsi qu'à la cessation de toute autre action armée dirigée contre la partie adverse.
2.  Dès que le cessez-le-feu aura été atteint, les parties procéderont au retrait de leurs armées, armement et équipement militaire, dans le délai de 7 jours. Le retrait des deux armées permettra la création d'une zone de sécurité entre les parties au conflit. Les paramètres exacts de cette zone seront fixés dans un protocole spécialement conclu entre les parties à la mise en application du présent accord.
Article 2
1.  Une commission spécialement créée, composée de représentants des trois parties au règlement du conflit, sera chargée du contrôle de la mise en place des activités prévues à l'article 1 ci-dessus et veillera à ce qu'un régime de sécurité soit assuré dans la zone susmentionnée. A cet effet, la commission aura recours aux groupes d'observateurs militaires mis en place en application des accords antérieurs, y compris des accords quadripartites. La commission de contrôle achèvera ses travaux dans les 7 jours suivant la signature du présent accord.
2.  Chaque partie à la commission y désignera ses représentants. La commission de contrôle siégera à Bender.
3.  En vue de mettre en place les activités ci-dessous, la commission chapeautera les contingents militaires constitués selon les principes du volontariat, et représentant les parties participant à la mise en application du présent accord. Les lieux de stationnement et les interventions de ces contingents, visant à assurer le cessez-le-feu et la sécurité dans la région du conflit, seront dictés par la commission de contrôle qui devra aboutir, à cet égard, à un consensus. Les effectifs, le statut et les conditions de l'intervention et du retrait des contingents militaires de la zone seront fixés dans un protocole séparé.
4.  En cas de dispositions des prescriptions du présent accord, la commission de contrôle procédera à des investigations et prendra sans délai les mesures nécessaires au rétablissement de la paix et de l'ordre, de même que des mesures propres à éviter que de telles violations ne se reproduisent.
Article 3
En tant que siège de la commission de contrôle et vu la gravité de la situation, Bender est déclaré région à régime de sécurité, celle-ci devant être assurée par les contingents militaires des parties à la mise en application du présent accord. La commission de contrôle assure le maintien de l'ordre public à Bender, avec les organes de la police.
L'administration de Bender est assurée par les organes de l'auto-administration locale, le cas échéant de concert avec la commission de contrôle.
Article 4
La 14e armée de la Fédération de Russie, stationnée sur le territoire de la République de Moldova, observera rigoureusement la neutralité. Les deux parties au conflit s'engagent à observer la neutralité et à n'entreprendre aucune action à l'encontre du patrimoine, et des militaires de cette armée et des membres des familles de ceux-ci.
Tous les problèmes ayant trait au statut de l'armée, aux étapes et aux délais de son retrait seront réglés par la voie de négociations entre la Fédération de Russie et la République de Moldova.
Article 5
1.  Les parties au conflit trouvent inadmissible l'application de sanctions ou d'un blocus quels qu'ils soient. Dans ce sens, seront supprimés tous les obstacles s'opposant à la libre circulation des marchandises, des services et des gens et seront entreprises toutes les actions susceptibles de mettre fin à l'état d'urgence sur le territoire de la République de Moldova.
2.  Les parties au conflit procéderont sans délai à des négociations en vue de régler les problèmes liés au retour des réfugiés chez eux, à l'octroi d'aide à la population de la région en conflit et à la reconstruction des logements et des bâtiments d'utilité publique. La Fédération de Russie accordera toute son aide à cet effet.
3.  Les parties au conflit prendront toutes les mesures nécessaires pour assurer la libre circulation de l'aide humanitaire à destination de la région du conflit.
Article 6
Il sera créé un centre de presse commun, qui aura pour mission de fournir à la commission de contrôle des informations véridiques concernant l'évolution de la situation dans la région.
Article 7
Les parties considèrent que les mesures prévues dans le présent accord constituent une partie très importante du règlement du conflit par des moyens politiques.
Article 8
Le présent accord entre en vigueur le jour de sa signature.
Le présent accord prend fin sur décision commune des parties ou en cas de dénonciation par l'une des parties, ce qui entraînera la cessation de l'activité de la commission de contrôle et des contingents militaires qui en relèvent. »
293.  Le 8 avril 1994, le Parlement moldave ratifia avec les réserves suivantes l'accord d'Alma-Ata du 21 décembre 1991 par lequel la Moldova avait adhéré à la CEI :
2. L'article 6, à l'exception des alinéas 3 et 4 (...)
Le Parlement de la République de Moldova considère que, dans le cadre de la CEI, la République de Moldova s'orientera d'abord vers la coopération économique et qu'elle exclura la coopération dans le domaine politico-militaire, qu'elle estime incompatible avec les principes de souveraineté et d'indépendance. »
294.  Les dispositions pertinentes de la Constitution moldave du 29 juillet 1994 se lisent ainsi :
Article 11
« 1)  La République de Moldova proclame sa neutralité permanente.
2)  La République de Moldova n'autorise pas le stationnement sur son territoire de troupes appartenant à d'autres Etats. »
Article 111
« 1)  Une forme et des conditions spéciales d'autonomie pourront être accordées aux localités se situant sur la rive gauche du Dniestr et au sud de la République de Moldova, en vertu d'un statut spécial adopté par une loi organique. (...) »
295.  Les dispositions pertinentes du code pénal moldave sont ainsi rédigées :
Article 116
« Une privation illégale de liberté est punie d'une année d'emprisonnement au plus.
Une privation illégale de liberté qui a mis en danger la vie ou la santé de la victime ou lui a causé des souffrances physiques est punie de 1 à 5 ans d'emprisonnement. »
Article 207
« L'usurpation des pouvoirs ou du titre correspondant à une fonction officielle, si elle a servi à la commission d'une infraction, est punie d'une amende maximale correspondant à 30 fois le salaire mensuel minimum ou d'une peine de 2 ans au plus de travail ou de 2 ans d'emprisonnement au plus. »
296.  Le 21 octobre 1994, la Moldova et la Fédération de Russie signèrent un « Accord concernant le statut juridique, le mode et les modalités de retrait des formations militaires de la Fédération de Russie qui se trouvent provisoirement sur le territoire de la République de Moldova », dont les principales dispositions se lisent ainsi :
« La République de Moldova et la Fédération de Russie, dénommées ci-après « Parties », avec la participation de la région de Transnistrie,
Vu les nouvelles relations politiques établies en Europe et dans le monde entier,
Confirmant que la République de Moldova et la Fédération de Russie sont des Etats souverains et indépendants,
Convaincues qu'elles doivent fonder leurs relations sur des principes d'amitié, d'entente mutuelle et de coopération,
Sur la base des accords que les Parties ont déjà conclus dans le domaine militaire,
Agissant en conformité avec les documents adoptés lors de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe,
Sont convenues de ce qui suit :
Article 2
Le statut des formations militaires de la Fédération de Russie sur le territoire de la République de Moldova est déterminé par le présent accord.
Le déplacement des formations militaires de la Fédération de Russie sur le territoire de la République de Moldova a un caractère provisoire.
La partie russe, en fonction des possibilités techniques et du délai qu'exigera l'installation des troupes ailleurs, réalisera le retrait des formations militaires susmentionnées dans les trois années suivant l'entrée en vigueur du présent accord.
Les actions pratiques mises en œuvre en vue du retrait des formations militaires de la Fédération de Russie du territoire moldave dans le délai imparti seront synchronisées avec le règlement politique du conflit transnistrien et l'établissement du statut spécial de la région transnistrienne de la République de Moldova.
Les étapes et les dates du retrait définitif des formations militaires de la Fédération de Russie seront arrêtées dans un protocole à part, à conclure entre les ministères de la Défense des Parties.
Article 5
Tant que les formations militaires russes resteront sur le territoire de la République de Moldova, on ne pourra y avoir recours en vue de la solution d'un conflit interne de la République de Moldova, ni pour d'autres actions de lutte dirigées contre d'autre pays.
La commercialisation de tout type de technique militaire, d'armement et de munitions appartenant aux formations militaires de la Fédération de Russie sur le territoire de la République de Moldova ne peut se faire qu'au titre d'un accord spécialement conclu entre les gouvernements de ces pays.
Article 6
Les déplacements et les instructions militaires des formations militaires de la Fédération de Russie sur le territoire de la République de Moldova au-delà des lieux de stationnement s'effectueront en conformité avec un plan établi en concertation avec les organes compétents de la République de Moldova.
Il incombe aux formations militaires d'organiser, aussi bien sur le lieu de stationnement que lors de leurs déplacements, la garde des objets militaires et du patrimoine de la façon établie au sein de l'armée russe.
Article 7
L'aérodrome militaire de Tiraspol sert d'emplacement commun à l'aviation des formations militaires de la Fédération de Russie et à l'aviation civile de la région de Transnistrie de la République de Moldova.
L'évolution des aéronefs de l'armée dans l'espace aérien de la République de Moldova se fait sur la base d'un accord spécialement conclu entre les ministères de l'Intérieur des Parties.
Article 13
Les locaux d'habitation et de casernement, les locaux de service, les parcs, les polygones et l'outillage fixe, les dépôts et l'outillage qu'ils contiennent, les bâtiments et autres locaux qui se trouveront désaffectés par suite du retrait des formations militaires de la Fédération de Russie, seront transférés pour gestion aux organes de l'administration publique locale de la République de Moldova dans le volume existant de facto et dans l'état où ils se trouvent.
Le mode de cession ou de vente du patrimoine immobilier des formations militaires de la Fédération de Russie sera déterminé dans un accord spécialement conclu entre les gouvernements des Parties.
Article 17
En vue d'assurer le retrait des formations militaires de la Fédération de Russie du territoire de la République de Moldova dans le délai imparti, et leur bon fonctionnement sur leur lieu de stationnement sur le territoire de la Fédération de Russie, les locaux nécessaires à l'installation des formations militaires seront déplacés. La quantité d'argent à verser, la liste des locaux à reconstruire et le lieu où ils seront installés seront arrêtés dans un accord spécial.
Article 23
Le présent accord entre en vigueur le jour de la dernière notification faite par les Parties concernant la mise en œuvre des procédures internes nécessaires, et reste en vigueur jusqu'au retrait total des formations militaires russes du territoire de la République de Moldova.
Le présent accord sera remis pour enregistrement à l'Organisation des Nations Unies, en conformité avec l'article 102 des statuts de l'ONU. »
297.  Le 21 octobre 1994, fut conclu à Moscou un accord entre les ministères de la Défense de la République de Moldova et de la Fédération de Russie sur l'activité de vol de l'aviation des unités militaires de la Fédération de Russie provisoirement déplacées sur le territoire de la République de Moldova, et visant à l'utilisation de l'aérodrome de Tiraspol par l'aviation de transport des forces armées de la Fédération de Russie. Les dispositions pertinentes de cet accord prévoient :
Article 1
« L'aérodrome militaire de Tiraspol est utilisé par les unités militaires de la Fédération de Russie jusqu'à leur retrait définitif du territoire de la République de Moldova.
Le déplacement et les vols communs sur l'aérodrome de Tiraspol de l'aviation civile de la région de Transnistrie appartenant à la République de Moldova et des appareils aériens russes s'effectuent conformément au « Règlement provisoire sur l'aviation déplacée en commun des formations militaires de la Fédération de Russie et de l'aviation civile de la région de Transnistrie de la République de Moldova », et en coordination avec l'administration d'Etat de l'aviation civile de la République de Moldova, le ministère de la Défense de la République de Moldova et le ministère de la Défense de la Fédération de Russie.
Les vols d'autres aéronefs pourront être effectués à partir de l'aérodrome de Tiraspol seulement après coordination avec les organes d'Etat de l'aviation de la République de Moldova et le ministère de la Défense de la Fédération de Russie. »
Article 3
« Les vols de l'avion postal appartenant aux unités russes s'effectuent à partir de l'aérodrome de Tiraspol tout au plus deux fois par semaine (le mardi et le jeudi et, pendant les autres jours de la semaine, après coordination préalable des Parties). »
Article 5
« Les demandes pour la réalisation par l'aviation des forces armées de la Fédération de Russie de vols d'apprentissage, d'entraînement et des survols, seront présentées jusqu'à 15 heures (heure locale), par le biais des organes de coordination du trafic aérien (les centres de contrôle).
La confirmation des demandes ainsi que les autorisations nécessaires à l'utilisation de l'espace aérien de la République de Moldova seront délivrées par le centre de contrôle de la défense antiaérienne et de l'aviation des forces armées de la République de Moldova. La décision concernant l'utilisation de l'espace aérien de la République de Moldova, conformément à la demande de vol, dans les localités de déplacement provisoire des unités russes sera adoptée par le chef de l'état-major général des forces armées de la République de Moldova. »
Article 7
« Le contrôle de la mise en œuvre du présent accord sera exercé par les représentants des ministères de la Défense de la République de Moldova et de la Fédération de Russie, conformément au règlement spécial, élaboré conjointement par eux. »
Article 8
« Le présent accord entrera en vigueur à la date de sa signature et sera valable jusqu'au retrait définitif des unités militaires de la Fédération de Russie du territoire de la République de Moldova.
Le présent accord pourra être modifié avec le consentement réciproque des Parties. »
298.  L'instrument de ratification de la Convention déposé par la République de Moldova auprès du Conseil de l'Europe le 12 septembre 1997 contient plusieurs déclarations et réserves, dont la partie pertinente se lit ainsi :
« La République de Moldova déclare qu'elle ne pourra pas assurer le respect des dispositions de la Convention pour les omissions et les actes commis par les organes de la République autoproclamée transnistrienne sur le territoire contrôlé effectivement par ses organes, jusqu'à la solution définitive du conflit dans la région.
299.  Le 20 mars 1998, le représentant de la Fédération de Russie, M. V. Tchernomyrdine, et le représentant de la « RMT », M. I. Smirnov, signèrent à Odessa (Ukraine) un protocole d'accord sur les questions touchant aux biens militaires, ainsi rédigé :
« Aux termes des négociations sur les questions touchant aux biens militaires liés à la présence des forces russes en Transnistrie, un accord a été trouvé sur les points suivants :
1.  L'ensemble des biens est réparti en trois catégories :
–  la première comprend l'armement réglementaire du Groupe uni des forces de Russie, ses munitions et ses biens ;
–  la deuxième comprend l'armement, les munitions, les biens militaires meubles en surplus, qui doivent être ramenés sans condition en Russie ;
–  la troisième comprend l'armement, les munitions, le matériel militaire et autres équipements qui peuvent être cédés (mis au rebut) directement sur place ou à l'extérieur des lieux où ils sont entreposés.
Les revenus tirés de la cession des biens relevant de la troisième catégorie seront répartis entre les parties dans les proportions suivantes :
Fédération de Russie : 50 %
Transnistrie : 50 %, déduction faite des dépenses liées à la cession des biens militaires de troisième catégorie.
Les modalités d'utilisation et de cession des biens relevant de la troisième catégorie sont fixées par la Russie avec la participation de la Transnistrie.
2.  Les parties sont convenues de rembourser en totalité leurs dettes mutuelles au 20 mars 1998 par le biais de compensations au titre des ressources tirées de la cession des biens militaires ou provenant d'autres sources.
3.  La Russie continuera de retirer de Transnistrie les biens militaires indispensables aux besoins des forces armées de Russie conformément à l'annexe au présent protocole. Les autorités de Transnistrie ne s'opposeront pas à la sortie de ces biens.
4.  En accord avec la Transnistrie, la Russie poursuivra l'élimination des munitions inutilisables et non transportables dans les environs du village de Kolbasna en respectant les exigences de sécurité écologique et autres.
5.  Afin de libérer rapidement les biens immeubles, les représentants de la Fédération de Russie et de la Transnistrie sont convenus que les quartiers libérés par les forces de Russie peuvent être remis aux collectivités locales de Transnistrie conformément à un acte officiel indiquant leur valeur réelle.
6.  Il est à nouveau souligné que les mesures concernant le retrait progressif des forces armées de Russie affectées en Transnistrie et le retrait de leurs biens seront appliquées dans un souci de transparence. La mise en pratique transparente de ces mesures peut être assurée sur une base bilatérale conformément aux accords signés entre la Moldavie et la Russie. Les renseignements indispensables sur la présence des forces de Russie en Transnistrie seront transmis conformément à la pratique en cours à l'OSCE, à savoir par le biais de la mission de celle-ci à Chişinău. »
EN DROIT
I.  SUR LA QUESTION DE SAVOIR SI LES REQUÉRANTS RELÈVENT DE LA JURIDICTION DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
A.  Thèses défendues devant la Cour
1.  Le gouvernement moldave
300.  Le gouvernement moldave estime que les requérants ne relevaient pas à l'époque pertinente et ne relèvent toujours pas de la « juridiction » de facto de la Moldova ; la requête serait donc incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention.
Aux termes de l'article 1 de la Convention, les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis dans celle-ci. En droit international, la compétence territoriale d'un Etat, qui doit être exclusive et totale, s'appelle la souveraineté territoriale. Cette souveraineté lui permet d'exercer dans un espace limité ses fonctions étatiques : actes législatifs, administratifs et juridictionnels. Mais dans le cas où un Etat n'a pas le contrôle effectif d'une partie de son territoire, il ne peut pas exercer réellement la compétence et la souveraineté territoriales, et les notions de « juridiction » et de « territoire » ne sauraient se confondre. Pour que la Convention soit applicable, il doit être possible à l'Etat de reconnaître et d'assurer les droits garantis par la Convention. Dès lors, la question de savoir si une personne relève de la juridiction d'un Etat est une question de fait ; il s'agit de déterminer si, au moment du comportement incriminé, les autorités de l'Etat exerçaient ou non un contrôle effectif sur les victimes supposées.
301.  En l'espèce, les localités situées sur la rive gauche du Dniestr ne sont plus contrôlées par les organes constitutionnels de la République de Moldova depuis la fin de 1991 au moins. Sur ce territoire a été créée la « République moldave de Transnistrie », qui dispose de ses propres institutions, dont des forces armées et de police et un corps de douaniers. C'est pour cette raison que, lors de la ratification de la Convention, la Moldova a fait une déclaration visant à exclure sa responsabilité quant aux actes commis sur le territoire transnistrien, qu'elle ne contrôle pas.
Le gouvernement moldave souligne que l'absence de contrôle par la Moldova du territoire se trouvant sous l'autorité du régime transnistrien a été confirmée par tous les témoins entendus.
302.  Il considère que la situation découlant de l'impossibilité où il se trouve d'exercer un contrôle effectif sur le territoire transnistrien est similaire à celle décrite par la Cour dans l'arrêt Chypre c. Turquie ([GC], no 25781/94, § 78, CEDH 2001-IV), où elle a conclu que le gouvernement chypriote était dans l'impossibilité d'exercer un contrôle effectif sur le territoire de la « RTCN », que cette dernière contrôlait de facto.
303.  Il rejette toute allégation de coopération de sa part avec les autorités transnistriennes et fait valoir que certaines mesures ont été prises dans le cadre des négociations pour l'apaisement du conflit transnistrien, dont certaines avec l'approbation et en présence de médiateurs de l'OSCE, tandis que d'autres l'ont été dans l'intérêt de la population moldave se trouvant sur le territoire contrôlé par le régime transnistrien.
304.  Le gouvernement moldave estime avoir rempli ses obligations positives, tant générales – trouver une solution au conflit et rétablir son contrôle sur le territoire transnistrien – que spécifiques – reconnaître aux requérants les droits garantis par la Convention.
A cet égard, il renvoie aux nombreuses tentatives menées pour régler le conflit, confirmées par les dépositions des témoins entendus à Chişinău, aux déclarations et interventions des dirigeants politiques moldaves – y compris dans le cadre des négociations pour le règlement du conflit – et aux autres mesures dénonçant l'illégalité de la détention et de la condamnation des requérants, au premier rang desquelles se trouve le jugement du 3 février 1994 du Tribunal suprême de la Moldova, aux mesures judiciaires prises à l'encontre des personnes responsables de leur détention et de leur condamnation, ainsi qu'aux mesures économiques et autres adoptées afin de réaffirmer la souveraineté moldave sur l'ensemble du territoire moldave, y compris transnistrien.
Toutefois, ces mesures sont restées sans effet, étant donné que la « RMT » est une entité capable de fonctionner de manière autonome par rapport à la Moldova, et que les autorités transnistriennes ont eu recours à des actes de rétorsion en réponse à certaines de ces mesures.
Par conséquent, le gouvernement moldave estime qu'il ne dispose pas d'autres moyens dont il pourrait user afin d'obtenir le respect des droits garantis aux requérants par la Convention sans pour autant mettre en péril la situation économique et politique de la Moldova.
2.  Le gouvernement de la Fédération de Russie
305.  Le gouvernement russe se borne à faire valoir que le gouvernement moldave est le seul gouvernement légitime de la Moldova. Le territoire transnistrien faisant partie intégrante de la République de Moldova, seule cette dernière peut être tenue pour responsable des agissements qui ont lieu sur ce territoire.
3.  Les requérants
306.  Les requérants considèrent que la Moldova doit être tenue pour responsable des violations de la Convention commises selon eux sur le territoire transnistrien car, cette région faisant partie de son territoire national, et nonobstant l'absence de contrôle effectif, le gouvernement moldave est dans l'obligation de prendre des mesures suffisantes pour assurer le respect des droits garantis par la Convention sur l'ensemble de son territoire, ce qu'il n'a pas fait. En effet, les requérants estiment que les mesures positives prises par les autorités moldaves étaient limitées et insuffisantes, compte tenu des moyens politiques et économiques à leur disposition.
Non seulement le gouvernement moldave ne se serait pas acquitté des obligations positives qui lui incombent en vertu de la Convention, mais il serait même allé jusqu'à prendre des mesures équivalant à une reconnaissance de facto du régime de Tiraspol ou tout au moins à une acceptation tacite de la situation. En témoigneraient la libération du lieutenant général Iakovlev (paragraphe 50 ci-dessus), le transfert de M. Ilaşcu le 5 mai 2001 aux autorités moldaves (paragraphe 279 ci-dessus), la conclusion des accords du 16 mai 2001 (paragraphe 174 ci-dessus) et la coopération, notamment dans les domaines douanier et policier (paragraphes 176-177 ci-dessus). Les requérants font valoir que l'intervention du président Voronine accusant M. Ilaşcu, après la mise en liberté de celui-ci, d'être responsable de la détention des autres requérants, constitue un acte de nature à engager la responsabilité de la Moldova sur le terrain de la Convention.
307.  Enfin, les requérants considèrent que les autorités moldaves auraient dû entamer des négociations à long terme avec les autorités russes, les seules capables de contrôler le régime transnistrien, en vue de leur libération.
4.  Le gouvernement roumain, tiers intervenant
308.  Dans sa tierce intervention, le gouvernement roumain souligne d'emblée qu'il ne souhaite pas prendre position quant à la responsabilité de la Moldova en l'espèce. Il entend fournir des précisions factuelles et un raisonnement juridique apte à soutenir la cause de ceux des requérants qui sont ses ressortissants.
309.  Il considère qu'un Etat partie à la Convention ne saurait limiter la portée des obligations qu'il a contractées au moment de la ratification de la Convention en excipant du fait qu'il n'exerce pas sa juridiction au sens de l'article 1. Les Etats contractants doivent assurer aux individus résidant sur leur territoire les droits garantis par la Convention et sont tenus de prendre les mesures nécessaires résultant des obligations positives établies par la jurisprudence de la Cour.
Bien que l'existence de telles obligations positives ne doive pas être interprétée de manière à imposer aux autorités un fardeau insupportable ou excessif, les Etats sont néanmoins tenus de faire preuve d'une diligence raisonnable.
Le gouvernement roumain estime qu'en l'espèce les autorités moldaves ont failli à prouver qu'elles avaient déployé tous leurs efforts pour assurer leur souveraineté sur le territoire transnistrien. En particulier, il reproche aux autorités moldaves de n'avoir pris aucune mesure effective pour faire exécuter le jugement du Tribunal suprême de la Moldova du 3 février 1994 et d'avoir autorisé les services douaniers de la « RMT » à utiliser les cachets et les sceaux de la République de Moldova afin de pouvoir exporter des marchandises en provenance de la région de Transnistrie.
B.  Appréciation de la Cour
1.  Principes généraux
a)  Sur la notion de « juridiction »
310.  L'article 1 de la Convention est ainsi rédigé :
« Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la (...) Convention. »
311.  Il découle de cette disposition que les Etats parties doivent répondre de toute violation des droits et libertés protégés par la Convention commise à l'endroit d'individus placés sous leur « juridiction ».
L'exercice de la juridiction est une condition nécessaire pour qu'un Etat contractant puisse être tenu pour responsable des actes ou omissions qui lui sont imputables et qui donnent lieu à une allégation de violation des droits et libertés énoncés dans la Convention.
312.  La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle la notion de « juridiction » au sens de l'article 1 de la Convention doit passer pour refléter la conception de cette notion en droit international public (Gentilhomme et autres c. France, nos 48205/99, 48207/99 et 48209/99, § 20, arrêt du 14 mai 2002 ; Banković et autres c. Belgique et autres (déc.) [GC], no 52207/99, §§ 59-61, CEDH 2001-XII ; Assanidzé c. Géorgie [GC], no 71503/01, § 137, CEDH 2004-II).
Du point de vue du droit international public, l'expression « relevant de leur juridiction » figurant à l'article 1 de la Convention doit être comprise comme signifiant que la compétence juridictionnelle d'un Etat est principalement territoriale (décision Banković et autres précitée, § 59), mais aussi en ce sens qu'il est présumé qu'elle s'exerce normalement sur l'ensemble de son territoire.
Cette présomption peut se trouver limitée dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsqu'un Etat est dans l'incapacité d'exercer son autorité sur une partie de son territoire. Cela peut être dû à une occupation militaire par les forces armées d'un autre Etat qui contrôle effectivement ce territoire (voir les arrêts Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires) du 23 mars 1995, série A no 310, et Chypre c. Turquie précité, §§ 76-80, tels que cités dans la décision Banković et autres susmentionnée, §§ 70-71), à des actes de guerre ou de rébellion, ou encore aux actes d'un Etat étranger soutenant la mise en place d'un régime séparatiste sur le territoire de l'Etat en question.
313.  Pour conclure à l'existence d'une telle situation exceptionnelle, la Cour se doit d'examiner, d'une part, l'ensemble des éléments factuels objectifs de nature à limiter l'exercice effectif de l'autorité d'un Etat sur son territoire et, d'autre part, le comportement de celui-ci. En effet, les engagements pris par une Partie contractante en vertu de l'article 1 de la Convention comportent, outre le devoir de s'abstenir de toute ingérence dans la jouissance des droits et libertés garantis, des obligations positives de prendre les mesures appropriées pour assurer le respect de ces droits et libertés sur son territoire (voir, parmi d'autres, l'arrêt Z et autres c. Royaume-Uni [GC], no 29392/95, § 73, CEDH 2001-V).
Ces obligations subsistent même dans le cas d'une limitation de l'exercice de son autorité sur une partie de son territoire, de sorte qu'il incombe à l'Etat de prendre toutes les mesures appropriées qui restent en son pouvoir.
314.  En outre, la Cour rappelle que, si elle a souligné la prépondérance du principe territorial dans l'application de la Convention dans l'affaire Banković et autres (décision précitée, § 80), elle a aussi reconnu que la notion de « juridiction » au sens de l'article 1 de la Convention ne se circonscrit pas nécessairement au seul territoire national des Hautes Parties contractantes (Loizidou c. Turquie (fond), arrêt du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, pp. 2234-2235, § 52).
La Cour a admis que, dans des circonstances exceptionnelles, les actes des Etats contractants accomplis ou produisant des effets en dehors de leur territoire peuvent s'analyser en l'exercice par eux de leur juridiction au sens de l'article 1 de la Convention.
Ainsi qu'il ressort des principes pertinents du droit international, un Etat contractant peut voir engager sa responsabilité lorsque, par suite d'une action militaire légale ou non, il exerce en pratique le contrôle effectif sur une zone située en dehors de son territoire national. L'obligation d'assurer, dans une telle région, le respect des droits et libertés garantis par la Convention découle du fait de ce contrôle, qu'il s'exerce directement, par l'intermédiaire des forces armées de l'Etat concerné ou par le biais d'une administration locale subordonnée (ibidem).
315.  Il n'est pas nécessaire de déterminer si une Partie contractante exerce dans le détail un contrôle sur la politique et les actions des autorités de la zone située en dehors de son territoire national, car même un contrôle global sur ce territoire est de nature à engager la responsabilité de cette Partie contractante (Loizidou (fond) précité, pp. 2235-2236, § 56).
316.  Dès lors qu'un Etat contractant exerce un contrôle global sur une zone située en dehors de son territoire national, sa responsabilité ne se limite pas aux seuls actes commis par ses soldats ou fonctionnaires dans cette zone, mais s'étend également aux actes de l'administration locale qui survit grâce à son soutien militaire ou autre (arrêt Chypre c. Turquie précité, § 77).
317.  La responsabilité d'un Etat peut aussi se voir engager en raison d'actes qui ont des répercussions suffisamment proches sur les droits garantis par la Convention, même si ces répercussions se manifestent en dehors de la juridiction de cet Etat. Ainsi, se référant à une extradition vers un Etat non contractant, la Cour a dit qu'un Etat contractant se conduirait d'une manière incompatible avec les valeurs sous-jacentes à la Convention, ce « patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit » auquel se réfère le préambule, s'il remettait consciemment un fugitif à un autre Etat où il existe des motifs sérieux de penser qu'il court un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A no 161, p. 35, §§ 88-91).
318.  De surcroît, si les autorités d'un Etat contractant approuvent, formellement ou tacitement, les actes des particuliers violant dans le chef d'autres particuliers soumis à sa juridiction les droits garantis par la Convention, la responsabilité dudit Etat peut se trouver engagée au regard de la Convention (arrêt Chypre c. Turquie précité, § 81). Cela vaut d'autant plus en cas de reconnaissance par l'Etat en question des actes émanant d'autorités autoproclamées et non reconnues sur le plan international.
319.  Un Etat peut aussi être tenu pour responsable même lorsque ses agents commettent des excès de pouvoir ou ne respectent pas les instructions reçues. En effet, les autorités d'un Etat assument au regard de la Convention la responsabilité objective de la conduite de leurs subordonnés ; elles ont le devoir de leur imposer leur volonté et ne sauraient se retrancher derrière leur impuissance à la faire respecter (arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 64, § 159 ; article 7 du projet d'articles de la Commission du droit international sur la responsabilité des Etats pour les actes internationalement illicites (2001) (« les travaux de la CDI »), p. 104 ; affaire Caire, examinée par la Commission générale pour les plaintes, 1929 Recueil des sentences arbitrales (RSA), V, p. 516).
b)  La responsabilité de l'Etat quant à un fait illicite
320.  Un autre principe de droit international reconnu est celui de la responsabilité d'un Etat du fait de la violation d'une obligation internationale. En témoignent les travaux de la CDI.
321.  Un fait illicite peut être qualifié de continu s'il s'étend sur toute la période durant laquelle le fait perdure et reste non conforme à l'obligation internationale (commentaire sur le projet d'article 14 § 2, p. 147 des travaux de la CDI).
En outre, la Cour estime que, lorsqu'il s'agit d'un ensemble d'actions ou d'omissions illicites, la violation s'étend sur toute la période débutant avec la première des actions et dure aussi longtemps que ces actions ou omissions se répètent et restent non conformes à ladite obligation internationale (voir également le projet d'article 15 § 2 des travaux de la CDI).
2.  Application de ces principes
322.  La Cour doit donc rechercher si la responsabilité de la Moldova est engagée en raison tant de son devoir d'abstention que des obligations positives qui lui incombent en vertu de la Convention.
323.  La Cour note en premier lieu que la Moldova affirme ne pas contrôler une partie de son territoire national, à savoir la région de Transnistrie.
324.  La Cour rappelle que, dans sa décision sur la recevabilité, elle a jugé que la déclaration consignée par la Moldova dans son instrument de ratification de la Convention au sujet de l'absence de contrôle par les autorités légitimes moldaves du territoire transnistrien ne constituait pas une réserve valide au sens de l'article 57 de la Convention.
La question qui se pose est donc celle de savoir si, en dépit de la conclusion susmentionnée, la situation de fait à laquelle se réfèrent la déclaration moldave et les observations ultérieures déposées par le gouvernement moldave, est de nature à produire des effets juridiques sur le plan de la responsabilité de la Moldova au regard de la Convention.
325.  En l'espèce, la Cour relève que, proclamée souveraine par son Parlement le 23 juin 1990 et indépendante depuis le 27 août 1991, et reconnue en tant que telle par la suite par la communauté internationale, la République de Moldova s'est trouvée aussitôt confrontée à un mouvement sécessionniste dans la région de Transnistrie. Ce mouvement s'est renforcé en décembre 1991, avec l'organisation d'une élection présidentielle dans des départements locaux, qui a été déclarée illégale par les autorités moldaves (paragraphe 47 ci-dessus). Fin 1991, une guerre civile éclata entre les forces de la République de Moldova et les séparatistes transnistriens, soutenus activement par certains au moins des militaires de la 14e armée. En mars 1992, compte tenu de la gravité de la situation, l'état d'urgence fut déclaré (paragraphe 69 ci-dessus).
Pendant le conflit armé, les autorités moldaves lancèrent une série d'appels à la communauté internationale, y compris au Conseil de sécurité des Nations unies le 23 juin 1992 (paragraphe 83 ci-dessus), lui demandant de les soutenir dans leur lutte pour l'indépendance. Accusant la Fédération de Russie d'appuyer les séparatistes transnistriens, elles adressèrent à celle-ci des demandes répétées pour que cesse « l'agression » à leur encontre (paragraphes 78-79 et 82-83 ci-dessus).
326.  Le 21 juillet 1992 fut signé un accord de cessez-le-feu instituant le statu quo et une zone de sécurité pour le maintien de celui-ci (paragraphes 87-89 ci-dessus).
Le 29 juillet 1994 fut adoptée la nouvelle Constitution de la République de Moldova, qui énonce dans son article 111 la possibilité d'octroyer une forme d'autonomie, entre autres, aux localités de la rive gauche du Dniestr, et interdit dans son article 11 le stationnement de troupes étrangères sur son territoire (paragraphe 294 ci-dessus).
327.  Par la suite, lorsqu'elle ratifia la Convention le 12 septembre 1997, la Moldova déposa avec son instrument de ratification une déclaration faisant état de l'impossibilité où elle se trouvait d'assurer le respect des dispositions de la Convention sur la partie de son territoire contrôlé effectivement par les organes de la « République autoproclamée transnistrienne », jusqu'à la solution définitive du conflit (paragraphe 298 ci-dessus).
328.  L'accord de cessez-le-feu du 21 juillet 1992 mit fin à une première phase d'efforts engagés par la Moldova pour exercer son autorité sur l'ensemble de son territoire.
329.  La Cour note qu'après cette période la Moldova adopta plutôt une attitude d'acquiescement, gardant sur la région de Transnistrie un contrôle limité, entre autres, à la délivrance des cartes d'identité et de tampons douaniers (paragraphes 179-180 ci-dessus).
Dès lors, la Cour voit dans la déclaration jointe aux instruments de ratification de la Convention par la Moldova une référence à cette situation de fait.
330.  Sur la base de l'ensemble des éléments en sa possession, la Cour estime que le gouvernement moldave, seul gouvernement légitime de la République de Moldova au regard du droit international, n'exerce pas d'autorité sur une partie de son territoire, à savoir celui se trouvant sous le contrôle effectif de la « RMT ».
Cela ne prête du reste à aucune controverse entre les parties. Sur ce point, le gouvernement roumain partage l'avis des parties.
331.  Toutefois, même en l'absence de contrôle effectif sur la région transnistrienne, la Moldova demeure tenue, en vertu de l'article 1 de la Convention, par l'obligation positive de prendre les mesures qui sont en son pouvoir et en conformité avec le droit international – qu'elles soient d'ordre diplomatique, économique, judiciaire ou autre – afin d'assurer dans le chef des requérants le respect des droits garantis par la Convention.
3.  Sur la notion d'obligations positives
332.  Afin de déterminer l'étendue des obligations positives incombant à l'Etat, il faut prendre en compte le juste équilibre à ménager entre l'intérêt général et les intérêts de l'individu, la diversité des situations dans les Etats contractants et les choix à faire en termes de priorités et de ressources. Ces obligations ne doivent pas non plus être interprétées de manière à imposer un fardeau insupportable ou excessif (arrêt Özgür Gündem c. Turquie, no 23144/93, § 43, CEDH 2000-III).
333.  La Cour considère que, si un Etat contractant se trouve dans l'impossibilité d'exercer son autorité sur l'ensemble de son territoire par une situation de fait contraignante, comme la mise en place d'un régime séparatiste accompagnée ou non par l'occupation militaire par un autre Etat, l'Etat ne cesse pas pour autant d'exercer sa juridiction au sens de l'article 1 de la Convention sur la partie du territoire momentanément soumise à une autorité locale soutenue par des forces de rébellion ou par un autre Etat.
Une telle situation factuelle a néanmoins pour effet de réduire la portée de cette juridiction, en ce sens que l'engagement souscrit par l'Etat contractant en vertu de l'article 1 doit être examiné par la Cour uniquement à la lumière des obligations positives de l'Etat à l'égard des personnes qui se trouvent sur son territoire. L'Etat en question se doit, avec tous les moyens légaux et diplomatiques dont il dispose envers les Etats tiers et les organisations internationales, d'essayer de continuer à garantir la jouissance des droits et libertés énoncés dans la Convention.
334.  Même s'il n'appartient pas à la Cour d'indiquer quelles sont les mesures les plus efficaces que doivent prendre les autorités pour se conformer à leurs obligations, il lui faut néanmoins s'assurer que les mesures effectivement prises étaient adéquates et suffisantes dans le cas d'espèce. Face à une omission partielle ou totale, la Cour a pour tâche de déterminer dans quelle mesure un effort minimal était quand même possible et s'il devait être entrepris. Pareille tâche est d'autant plus nécessaire lorsqu'il s'agit d'une violation alléguée de droits absolus tels que ceux garantis par les articles 2 et 3 de la Convention.
335.  Par conséquent, la Cour conclut que les requérants relèvent de la juridiction de la République de Moldova au sens de l'article 1 de la Convention, mais que la responsabilité de celle-ci pour les actes dénoncés – commis sur le territoire de la « RMT », sur lequel elle n'exerce aucune autorité effective – s'établit à la lumière des obligations positives qui lui incombent en vertu de la Convention.
4.  Sur le respect par la Moldova de ses obligations positives
336.  La Cour doit déterminer si les autorités moldaves se sont acquittées des obligations positives qui leur incombent pour assurer le respect des droits garantis par la Convention ou bien si, comme le soutiennent les requérants et le gouvernement roumain, le gouvernement moldave n'a pas pris suffisamment de mesures dans ce but.
337.  En l'espèce, eu égard à la complexité de la situation de fait, la Cour considère d'abord que la question de savoir si la Moldova s'est acquittée de ses obligations positives est étroitement liée aussi bien aux relations entre la Moldova et la Fédération de Russie qu'à celles entre la Transnistrie et la Fédération de Russie. De surcroît, il faut prendre en considération l'influence que pourrait exercer la Moldova par l'intermédiaire des autorités russes pour améliorer la situation des requérants sur le territoire moldave en Transnistrie.
338.  La Cour rappelle qu'elle n'est pas compétente pour examiner la compatibilité avec les exigences de la Convention des faits antérieurs à la date de ratification de cet instrument par la Moldova. Elle peut néanmoins se référer à des faits ou des actes commis avant cette date dans le contexte de l'examen des obligations positives incombant à la Moldova et les utiliser comme éléments de comparaison dans l'examen des efforts entrepris par cet Etat à compter du 12 septembre 1997.
339.  Les obligations positives incombant à la Moldova concernent tant celles nécessaires pour rétablir son contrôle sur le territoire transnistrien, en tant qu'expression de sa juridiction, que celles destinées à assurer le respect des droits des requérants, y compris leur libération.
340.  Quant à l'obligation relative au rétablissement du contrôle sur la Transnistrie, celle-ci suppose, d'une part, que la Moldova s'abstienne de soutenir le régime séparatiste de la « RMT » et, d'autre part, qu'elle agisse et prenne toutes les mesures à sa disposition, politiques, juridiques ou autres, en vue de rétablir son contrôle sur ce territoire.
Il n'appartient pas à la Cour de définir quelles sont les mesures les plus appropriées que la Moldova aurait dû ou devrait prendre à cette fin, ni si ces mesures étaient suffisantes ou non. La Cour doit uniquement s'assurer de la volonté de la Moldova, traduite dans des actes ou mesures spécifiques, de rétablir son contrôle sur le territoire de la « RMT ».
341.  En l'espèce, dès le début des hostilités en 1991-1992, les autorités moldaves n'ont pas cessé de dénoncer l'agression qu'elles estimaient subir et ont rejeté la proclamation d'indépendance de la « RMT ».
De l'avis de la Cour, face à un régime soutenu militairement, politiquement et économiquement par une puissance telle que la Fédération de Russie (paragraphes 111-161 ci-dessus), la Moldova n'avait que peu de possibilités de réussir à rétablir son autorité sur le territoire transnistrien. En témoigne l'issue du conflit militaire, qui a montré que les autorités moldaves n'avaient pas les moyens de s'imposer sur le territoire transnistrien contre les forces rebelles appuyées par des militaires de la 14e armée.
342.  Les autorités moldaves ont continué après la fin des hostilités en juillet 1992 à prendre des mesures pour rétablir leur contrôle sur la Transnistrie. Ainsi, à partir de 1993, elles ont commencé à ouvrir des procédures pénales à l'encontre de certains responsables transnistriens accusés d'avoir usurpé des titres correspondant à des fonctions officielles au sein de l'Etat (paragraphes 167 et 220-223 ci-dessus).
343.  Les efforts de la Moldova pour restaurer son autorité sur la région transnistrienne se sont poursuivis après 1994, les autorités moldaves continuant à revendiquer leur souveraineté sur le territoire contrôlé par la « RMT », sur les plans tant interne qu'international (paragraphes 31, 53, 66, 68-69 et 77-83 ci-dessus) : la Moldova s'est dotée en 1994 d'une nouvelle Constitution qui prévoyait, entre autres, la possibilité d'octroyer une certaine autonomie à la Transnistrie. La même année, elle a signé avec la Fédération de Russie un accord pour le retrait par cette dernière de ses troupes de Transnistrie dans un délai de trois ans.
Le 12 septembre 1997, elle a ratifié la Convention et confirmé dans ses réserves à la Convention sa volonté de reprendre le contrôle sur la région de Transnistrie.
344.  Ces efforts se sont poursuivis après 1997, en dépit d'une diminution du nombre de mesures d'ordre judiciaire destinées à affirmer l'autorité moldave en Transnistrie : les poursuites engagées à l'encontre de dignitaires transnistriens n'ont pas eu de suite et ont même été arrêtées en 2000, tandis qu'un ancien dignitaire transnistrien a pu, après son retour en Moldova, occuper de hautes fonctions au sein de l'Etat (paragraphe 168 ci-dessus).
En revanche, les efforts des autorités moldaves se sont orientés davantage vers des démarches d'ordre diplomatique : en mars 1998 la Moldova, la Fédération de Russie, l'Ukraine et la région de Transnistrie signèrent plusieurs documents en vue du règlement du conflit transnistrien ; des contacts et négociations ont eu lieu entre des représentants de la Moldova et du régime transnistrien. Enfin, depuis 2002 et jusqu'à présent, plusieurs projets de règlement du conflit ont été proposés et discutés par le président de la Moldova, l'OSCE et la Fédération de Russie (paragraphes 107-110 ci-dessus).
La Cour ne saurait voir dans la diminution du nombre de mesures prises une renonciation de la part de la Moldova à exercer sa juridiction sur cette région, compte tenu de ce que plusieurs mesures tentées jusqu'alors par les autorités moldaves se sont heurtées à des mesures de rétorsion de la « RMT » (paragraphes 181-184 ci-dessus).
La Cour constate également que le gouvernement moldave a soutenu que son changement de stratégie de négociation, orientée vers des efforts diplomatiques destinés à préparer le retour de la Transnistrie dans le cadre légal moldave, est intervenu en réponse aux exigences exprimées par les séparatistes lors des discussions sur le règlement de la situation en Transnistrie et sur la libération des requérants. Le gouvernement moldave a ainsi renoncé aux mesures adoptées auparavant, en particulier aux mesures d'ordre judiciaire. La Cour relève les dépositions faites en ce sens par MM. Sturza (annexe, §§ 309-314) et Sidorov (annexe, § 446).
345.  Parallèlement à ce changement de stratégie, des relations ont été nouées entre les autorités moldaves et les séparatistes transnistriens : des accords de coopération économique ont été conclus, des relations se sont établies entre le Parlement moldave et le « Parlement de la RMT », une coopération est instaurée depuis plusieurs années dans les domaines policier et de sécurité, tandis que des formes de coopération existent dans d'autres domaines tels que l'espace aérien, la téléphonie et le sport (paragraphes 114, 178 et 185 ci-dessus).
Le gouvernement moldave a expliqué que ces mesures de coopération ont été prises par les autorités moldaves dans le souci de soulager la vie quotidienne de la population de Transnistrie et lui permettre autant que faire se peut de mener une vie normale. Pour la Cour, comme pour le gouvernement moldave, ces actes ne sauraient être considérés, eu égard à leur nature et à leur caractère limité, comme un soutien au régime transnistrien. Bien au contraire, ils représentent une affirmation par la Moldova de sa volonté de rétablir le contrôle sur la région de Transnistrie.
346.  Pour ce qui est de la situation des requérants, la Cour note que, jusqu'à la ratification de la Convention en 1997, les autorités moldaves ont pris plusieurs mesures tant sur le plan judiciaire que sur les plans politique et administratif :
–  l'annulation le 3 février 1994, par le Tribunal suprême de la République de Moldova, de la condamnation des requérants prononcée le 9 décembre 1993 et la révocation par la même occasion de leur mandat de détention (paragraphes 222-223 ci-dessus) ;
–  les poursuites déclenchées le 28 décembre 1993 à l'encontre des « juges » du « Tribunal suprême de Transnistrie » (paragraphe 223 ci-dessus) ;
–  l'amnistie décrétée par le président de la Moldova le 4 août 1995 (paragraphe 226 ci-dessus) et la demande du 3 octobre 1995 du Parlement moldave (paragraphe 227 ci-dessus) ;
–  l'envoi de médecins moldaves pour examiner les requérants détenus en Transnistrie (paragraphes 239 et 263 ci-dessus) ; et
–  l'aide fournie aux familles des requérants financièrement et pour leur faciliter les visites (paragraphe 239 ci-dessus).
Pendant cette période, ainsi qu'il ressort des dépositions des témoins, les autorités moldaves ont en outre soulevé systématiquement, lors des discussions avec les responsables transnistriens, la question de la libération des requérants et le respect de leurs droits garantis par la Convention (paragraphes 172 et 274-277 ci-dessus). En particulier, la Cour relève les efforts considérables entrepris par les autorités judiciaires, par exemple le ministre de la Justice, M. Sturza, qui s'est rendu en Transnistrie à de nombreuses reprises afin de négocier avec les autorités transnistriennes la libération des requérants.
347.  Même après 1997, des mesures ont été prises par la Moldova en vue d'assurer le respect des droits des requérants : des médecins ont été envoyés en Transnistrie pour les examiner (le dernier examen par des médecins venus de Chişinău a eu lieu en 1999), les familles des requérants ont continué à être soutenues financièrement par les autorités, tandis que M. Sturza, ancien ministre de la Justice et président de la Commission pour les négociations avec la Transnistrie, a continué de soulever auprès des autorités transnistriennes la question de la libération des requérants. A cet égard, la Cour relève que, selon les dépositions de certains témoins, la libération de M. Ilaşcu avait été longuement négociée avec les autorités de la « RMT ». D'ailleurs, c'est à la suite de ces négociations que M. Sturza s'est rendu en avril 2001 en Transnistrie pour ramener à Chişinău les quatre requérants (paragraphe 274 ci-dessus ; annexe, M. Sturza, §§ 310-312).
Il est vrai que les autorités moldaves n'ont pas poursuivi certaines mesures prises auparavant, notamment l'ouverture d'enquêtes à l'encontre des personnes impliquées dans la condamnation et la détention des requérants. Cependant, la Cour estime qu'en l'absence de contrôle du territoire transnistrien par les autorités moldaves toute enquête judiciaire à l'encontre d'une personne habitant en Transnistrie ou liée à des faits commis en Transnistrie s'avérerait inefficace. Les dépositions des témoins à ce sujet en attestent (annexe, MM. Postovan, § 184, Catană, § 208, Rusu, § 302).
Enfin, les autorités moldaves sont intervenues pour la libération des requérants non seulement auprès du régime de la « RMT », mais aussi auprès d'autres Etats et organisations internationales (annexe, M. Moşanu, § 249).
348.  En revanche, la Cour ne dispose pas de preuves indiquant que, depuis la libération de M. Ilaşcu en mai 2001, des mesures efficaces ont été prises par les autorités pour mettre un terme aux violations continues de la Convention à leur encontre dénoncées par les trois autres requérants. Tout au moins, en dehors de la déposition de M. Sturza qui fait valoir que la situation des requérants n'a pas cessé d'être évoquée régulièrement par les autorités moldaves dans leurs relations avec le régime de la « RMT », la Cour ne dispose d'aucun autre élément pour conclure à une attitude diligente du gouvernement moldave pour ce qui est des requérants.
Dans les négociations avec les séparatistes, les autorités moldaves se sont bornées à soulever oralement la question de la situation des requérants, sans essayer d'obtenir la conclusion d'un accord garantissant le respect dans leur chef des droits prévus par la Convention (annexe, M. Sturza, §§ 310-313).
De même, bien que les requérants soient privés de liberté depuis presque douze ans, aucun projet global de règlement de la situation transnistrienne porté à l'attention de la Cour ne traite de leur situation, et le gouvernement moldave n'a pas soutenu qu'un tel document existât ou que des négociations à ce sujet fussent en cours.
349.  Dans leurs relations bilatérales avec la Fédération de Russie, les autorités moldaves ne se sont pas montrées plus attentives au sort des requérants.
De l'avis de la Cour, le fait que le gouvernement moldave ait renoncé, à l'audience du 6 juin 2001, à mettre en cause l'éventuelle responsabilité de la Fédération de Russie quant aux violations alléguées à raison du stationnement de son armée en Transnistrie, et ce dans le but de ne pas entraver le processus tendant « à mettre un terme (...) à la détention des (...) requérants » (paragraphe 360 ci-dessous), équivalait de sa part à admettre l'influence que pouvaient avoir les autorités russes sur le régime transnistrien en vue de faire libérer les requérants. Or, contrairement à ce qui s'est passé pendant la période antérieure à mai 2001, où les autorités moldaves ont soulevé auprès des autorités russes la question de la libération des requérants, ces interventions semblent avoir cessé également après cette date.
En tout état de cause, la Cour n'a été informée d'aucune démarche que les autorités moldaves auraient entreprise après mai 2001 auprès des autorités russes pour obtenir la libération des autres requérants.
350.  En somme, la Cour note que les négociations pour le règlement de la situation en Transnistrie, dans le cadre desquelles la Fédération de Russie agit en tant qu'Etat garant, se déroulent depuis 2001 sans que la question des requérants soit abordée d'aucune manière que ce soit et sans qu'aucune autre mesure n'ait été prise ou envisagée par les autorités de la Moldova pour assurer le respect des droits des requérants garantis par la Convention.
351.  Compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, la Cour estime que, même après la libération de M. Ilaşcu en mai 2001, il était dans le pouvoir du gouvernement moldave de prendre des mesures pour assurer dans le chef des requérants le respect des droits garantis par la Convention.
352.  La Cour conclut dès lors que la Moldova pourrait voir engager sa responsabilité au regard de la Convention du fait du manquement à ses obligations positives quant aux actes dénoncés postérieurs au mois de mai 2001.
Pour déterminer si la responsabilité du gouvernement moldave est effectivement engagée au regard de la Convention, il faudra donc examiner chacun des griefs soulevés par les requérants.
II.  SUR LA QUESTION DE SAVOIR SI LES REQUÉRANTS RELÈVENT DE LA JURIDICTION DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
A.  Thèses défendues devant la Cour
1.  Le gouvernement de la Fédération de Russie
353.  Le gouvernement russe soutient que les requérants ne relèvent pas de la « juridiction » de la Fédération de Russie au sens de l'article 1 de la Convention.
354.  La Fédération de Russie n'a pas exercé, et n'exerce pas, de juridiction sur la région de Transnistrie, qui est un territoire appartenant à la République de Moldova. En particulier, la Fédération de Russie n'a jamais occupé une partie de la République de Moldova et les forces armées qui y sont stationnées le sont avec l'accord de cet Etat. Les unités de la 14e armée ne se sont pas impliquées dans le conflit armé entre la Moldova et la Transnistrie, mais, en vertu des accords conclus entre la Moldova et la Fédération de Russie, elles se sont chargées de fonctions pacificatrices et ont ainsi prévenu l'aggravation du conflit et l'augmentation du nombre de victimes parmi la population civile. Bien sûr, lorsque des actions armées illégales ont eu lieu, tant de la part de la Transnistrie que de la Moldova, à l'encontre des soldats de la 14e armée, ceux-ci ont été obligés de se défendre.
L'engagement pris en 1994 par la Fédération de Russie de retirer ses forces militaires du territoire de la République de Moldova n'a pas pu être honoré quant au délai, à savoir trois ans à partir de la signature de l'accord, car ce retrait ne dépend pas uniquement de la Fédération de Russie. D'une part, les autorités de la « RMT » s'y opposent et, d'autre part, des considérations d'ordre technique relatives au retrait de l'arsenal doivent être prises en compte. Ce délai a été repoussé au 31 décembre 2002 lors du Sommet d'Istanbul de l'OSCE, et la Fédération de Russie entend respecter les accords conclus à cette occasion.
355.  Le gouvernement russe considère que le stationnement des troupes russes en Transnistrie n'est pas comparable à la présence des troupes turques dans la partie nord de Chypre, dont la Cour a traité dans ses arrêts Loizidou et Chypre c. Turquie (précités). La différence réside en premier lieu dans l'importance des troupes, le GOR ne disposant que de 2 000 militaires, alors que les forces turques comptaient plus de 30 000 soldats dans le nord de Chypre.
Les troupes du GOR n'agissent pas ensemble ou pour le compte de la « RMT », mais sont chargées d'une mission pacificatrice, l'objectif du commandement du GOR étant de maintenir la paix et la stabilité dans la région et de garder l'immense arsenal qui y est encore stationné. Quant aux forces de maintien de la paix, celles-ci observent la neutralité exigée par l'accord du 21 juillet 1992.
En résumé, la présence militaire russe sur le territoire de la République de Moldova, avec le consentement de cette dernière, dans le but de préserver la paix dans cette République, ne saurait engager la responsabilité de la Fédération de Russie au sens de l'article 1 de la Convention.
356.  Le gouvernement russe nie catégoriquement avoir exercé, ou exercer, un quelconque contrôle sur le territoire transnistrien, et souligne que la « RMT » a créé ses propres structures de pouvoir, y compris un Parlement et un pouvoir judiciaire.
La Fédération de Russie n'exerce aucun contrôle économique sur la région de Transnistrie. En effet, celle-ci mène sa propre politique économique de manière indépendante, au sein de la République de Moldova, par exemple en exportant des produits alimentaires et de l'alcool avec ses propres labels, mais en tant que produits de la République de Moldova, et en suivant les règles applicables à chaque domaine d'activité. Dès lors, à la différence de ce qui se passe dans le nord de Chypre, le régime transnistrien est loin de devoir sa survie à la Fédération de Russie. En cas de retrait total des troupes russes, l'administration locale transnistrienne n'aurait aucune difficulté à continuer à mener librement ses activités.
357.  La Fédération de Russie n'a jamais accordé aux autorités de Transnistrie le moindre soutien militaire, financier ou autre. Elle n'a jamais reconnu et ne reconnaît toujours pas la « RMT », comme celle-ci se dénomme. Elle considère la « région nistréenne » comme faisant partie intégrante du territoire de la République de Moldova, au même titre que la Gagaouzie.
Le gouvernement russe rejette l'allégation des requérants selon laquelle la Fédération de Russie aurait ouvert un consulat sur le territoire transnistrien, mais concède que ce sujet est depuis longtemps inscrit à l'ordre du jour des discussions avec la République de Moldova.
Le protocole d'accord du 20 mars 1998 sur les questions touchant aux biens militaires de la 14e armée (paragraphe 299 ci-dessus), ainsi que d'autres accords de coopération économique avec la « RMT », sont des contrats de droit privé conclus entre deux parties privées, et ne relèvent pas du droit international. On ne saurait en conclure que la Fédération de Russie reconnaît la « RMT ».
De même, aucune conclusion ne saurait être tirée des articles 7 et 13 de l'accord du 21 octobre 1994 conclu entre la Moldova et la Fédération de Russie (paragraphe 296 ci-dessus), qui prévoit l'utilisation commune par l'aviation militaire de la Fédération de Russie et par « l'aviation civile de la région de Transnistrie de la République de Moldova » de l'aéroport militaire de Tiraspol, ainsi que le transfert « aux organes de l'administration publique locale de la République de Moldova » des locaux et de l'outillage qui se trouveraient désaffectés par suite du retrait des formations militaires de la Fédération de Russie. Selon le gouvernement russe, la « région nistréenne » est considérée dans ce cas comme une « entité d'affaires » menant ses propres activités sur un territoire déterminé.
358.  Au vu des dépositions des témoins en Moldova, en particulier de l'ancien procureur militaire Timochenko, le gouvernement russe admet que les requérants ont été détenus dans les locaux de la 14e armée, mais fait valoir que cette détention était illégale au regard du règlement disciplinaire du GOR et que, d'ailleurs, elle a été de très courte durée puisque M. Timochenko a immédiatement mis fin à cette situation illégale. Par conséquent, en tout état de cause, une éventuelle violation des dispositions légales a été redressée et les requérants ne sauraient se considérer comme des victimes.
Quant au reste des allégations, le gouvernement russe affirme qu'il n'y a aucun lien de causalité entre la présence des forces militaires russes dans la région de Transnistrie et la situation des requérants.
2.  Le gouvernement moldave
359.  Dans ses observations écrites du 24 octobre 2000, le gouvernement moldave a soutenu que la responsabilité de la Fédération de Russie pourrait se trouver engagée en l'espèce au titre de l'article 1 de la Convention, compte tenu du stationnement de troupes et de matériel appartenant à la Fédération de Russie sur le territoire transnistrien. Le gouvernement moldave s'est appuyé à cet égard sur la décision de la Commission dans l'affaire Chypre c. Turquie (no 8007/77, 10 juillet 1978, Décisions et rapports 13) et sur l'arrêt de la Cour dans l'affaire Loizidou (exceptions préliminaires) (précitée).
360.  A l'audience du 6 juin 2001, le gouvernement moldave a indiqué qu'il souhaitait revenir sur sa position antérieure, exprimée dans ses observations écrites du 24 octobre 2000, quant à une éventuelle responsabilité de la Fédération de Russie. Le gouvernement moldave a justifié sa nouvelle position en la présentant comme étant destinée à « éviter des effets indésirables, à savoir l'arrêt du processus tendant à mettre un terme au conflit transnistrien et à la détention des autres requérants ».
361.  Dans ses observations écrites du 1er octobre 2003, le gouvernement moldave souligne que la 14e armée a participé activement, directement et indirectement, au conflit de 1991-1992 du côté des séparatistes et qu'elle a fourni à ceux-ci un soutien logistique et militaire. Le gouvernement moldave estime que la Fédération de Russie est la continuatrice, sur le plan international, de l'URSS et que, par conséquent, elle est responsable des actes commis par les organes de l'URSS, en l'espèce la 14e armée, devenue le GOR, notamment de la création du régime séparatiste transnistrien, et des conséquences de ces actes.
De surcroît, le gouvernement moldave fait valoir que la responsabilité de la Fédération de Russie doit être engagée à raison de la participation des militaires de la 14e armée à l'arrestation et à l'interrogatoire des requérants, de leur détention dans les locaux de la 14e armée et du transfert des requérants entre les mains des séparatistes transnistriens.
362.  Par conséquent, le gouvernement moldave estime que, d'une manière générale, en vertu de l'article 1 de la Convention, les actes commis sur le territoire de la Transnistrie relèvent de la juridiction de la Fédération de Russie jusqu'à la solution définitive du différend transnistrien.
363.  Le gouvernement moldave fait valoir que, s'il ne s'est jamais opposé au transfert vers la Transnistrie d'une partie des matériels civils appartenant au GOR, il s'est toujours prononcé catégoriquement contre le transfert vers cette région de tout type d'armement et de techniques militaires et de techniques à double usage, à savoir civil et militaire.
Quant au sens à donner à la notion « d'administration publique locale de la région transnistrienne de la République de Moldova » figurant dans certains accords conclus avec la Fédération de Russie par lesquels des droits spécifiques sont octroyés à cette administration, le gouvernement moldave souligne que ces termes renvoient à une administration créée en conformité avec les règles constitutionnelles de la République de Moldova, et subordonnée aux autorités centrales. Il rejette catégoriquement l'interprétation selon laquelle l'administration locale visée dans ces accords serait celle subordonnée aux autorités de Tiraspol.
3.  Les requérants
364.  Les requérants affirment que la responsabilité de la Fédération de Russie est engagée en raison de plusieurs éléments : la contribution de l'URSS et de la Fédération de Russie à la création de la « RMT », la participation des forces armées russes et des Cosaques russes au conflit armé de 1991-1992 qui a opposé la Moldova à la « RMT », et le soutien économique et politique fourni par la Fédération de Russie à la « RMT ».
365.  En premier lieu, les autorités russes ont soutenu les séparatistes transnistriens tant politiquement qu'en participant au conflit armé. A ce sujet, les requérants renvoient aux éléments factuels présentés pour démontrer le soutien de la Fédération de Russie (paragraphes 111-136 ci-dessus) et aux nombreux appels lancés en 1992 par les autorités moldaves pour dénoncer l'agression commise par la 14e armée contre le territoire moldave. Les requérants dénoncent également les prises de position publiques des commandants de la 14e armée et des dirigeants russes en faveur des séparatistes, et la participation de ces commandants aux élections en Transnistrie, aux défilés militaires des forces transnistriennes et à d'autres manifestations publiques.
366.  Ils allèguent que la Fédération de Russie n'a rien fait pour empêcher les Cosaques et autres mercenaires russes de se rendre en Transnistrie pour combattre aux côtés des séparatistes. Au contraire, la Fédération de Russie aurait encouragé ces mercenaires à agir ainsi, tandis que la 14e armée aurait armé et entraîné les séparatistes transnistriens.
367.  Les requérants soutiennent que les soi-disant organes de pouvoir de la « RMT » ne seraient en réalité que des marionnettes du gouvernement russe.
368.  De surcroît, la « RMT » serait reconnue par le gouvernement russe. Ils se réfèrent à cet égard au protocole d'accord sur les questions touchant aux biens militaires de la 14e armée conclu le 20 mars 1998 entre la Fédération de Russie et la Transnistrie (paragraphe 299 ci-dessus), et aux allégations selon lesquelles les partis politiques de la Fédération de Russie auraient des antennes à Tiraspol, le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie aurait ouvert un bureau consulaire sans l'accord des autorités moldaves, et les dirigeants transnistriens, parmi lesquels MM. Smirnov, Mărăcuţă et Caraman, détiendraient des passeports russes.
369.  Outre la reconnaissance de facto de la « RMT », la Fédération de Russie soutiendrait économiquement et financièrement le régime de Tiraspol, comme en témoignent le protocole d'accord susmentionné du 20 mars 1998 qui octroie à la « RMT » une partie des recettes tirées de la vente du matériel du GOR, la diminution de la dette consentie par les autorités russes à la Transnistrie, les relations économiques entre le fabricant d'armement russe Rosvooroujenïe et les autorités transnistriennes, et l'ouverture de comptes pour la Banque transnistrienne auprès de la Banque centrale russe.
370.  Selon les requérants, de tels agissements, combinés avec le contrôle de facto exercé par la Fédération de Russie sur le territoire transnistrien, ont pour conséquence d'engager la responsabilité de la Fédération de Russie quant aux violations des droits de l'homme qui y ont été commises.
Les requérants invoquent la jurisprudence de la Cour dans l'affaire Loizidou (exceptions préliminaires) (précitée) à l'appui de leur opinion selon laquelle la Fédération de Russie peut être reconnue comme responsable d'actes commis en dehors de son territoire, mais dans une région qu'elle contrôle.
Ils invoquent aussi la jurisprudence de la Cour internationale de justice qui, dans son avis consultatif au sujet de la présence de l'Afrique de Sud en Namibie, a souligné que les Etats sont dans l'obligation de s'assurer que les agissements de particuliers n'affectent pas les habitants du territoire en question. Ils se réfèrent en outre à l'affaire Kling, traitée par la Commission générale pour les plaintes, établie par les Etats-Unis et le Mexique en 1923, qui a conclu à la responsabilité de l'Etat quant à la conduite rebelle de ses soldats.
4.  Le gouvernement roumain, tiers intervenant
371.  Le gouvernement roumain souligne d'emblée que le but de son intervention est de fournir des précisions factuelles et un raisonnement juridique apte à soutenir la cause de ceux des requérants qui sont ses ressortissants.
372.  Tout en admettant que les faits dénoncés se sont produits, et continuent de se produire, dans la « RMT », partie du territoire moldave relevant de l'autorité de fait de l'administration séparatiste de Tiraspol, le gouvernement roumain insiste sur l'influence des troupes de la Fédération de Russie dans la création et le maintien de la zone transnistrienne échappant au contrôle du gouvernement de Chişinău.
Selon lui, la 14e armée a contribué à la création des forces militaires séparatistes. Après la fin du conflit, les militaires de la 14e armée sont restés sur le territoire moldave.
373.  Le gouvernement roumain met en avant la jurisprudence des organes de la Convention selon laquelle une Partie contractante peut également voir sa responsabilité engagée lorsque, par suite d'une action militaire, elle exerce en pratique le contrôle sur une zone située en dehors de son territoire national (Chypre c. Turquie, décision de la Commission précitée ; arrêt Loizidou (exceptions préliminaires) précité, et arrêt Chypre c. Turquie précité, rapport de la Commission du 4 juin 1999).
Cette jurisprudence serait entièrement applicable dans la présente affaire du fait, d'une part, de la participation des forces de la 14e armée au conflit militaire dans lequel la Moldova a essayé de rétablir concrètement sa juridiction souveraine sur le territoire en cause et, d'autre part, du stationnement de ces troupes en « RMT ». Il importe peu que le nombre réel de militaires de la Fédération de Russie se soit réduit au fur et à mesure que les autorités locales mettaient sur pied leurs propres forces armées, puisque l'élément de dissuasion que constitue le maintien de la 14e armée sur le territoire moldave reste présent.
374.  Par ailleurs, les organes de la Fédération de Russie exerceraient une influence politique sur les autorités sécessionnistes de Tiraspol.
375.  Le gouvernement roumain est d'avis qu'un Etat est responsable des actes commis par ses organes, y compris les excès de pouvoir, et renvoie à ce sujet à certaines déclarations faites par les autorités russes, dont le président Eltsine, et au cas des soldats russes qui sont passés du côté des séparatistes. De surcroît, il estime qu'un Etat devrait également être tenu pour responsable des actes illicites commis par des particuliers, lorsque lesdits actes résultent d'une carence des organes de l'Etat, qu'il s'agisse d'un défaut de prévention, d'un manque de contrôle ou d'une négligence.
B.  Appréciation de la Cour
1.  Principes généraux
376.  La Cour considère que les principes généraux résumés ci-dessus (paragraphes 310-321) sont pertinents pour l'examen de la question de savoir si les requérants relèvent de la juridiction de la Fédération de Russie.
2.  Application des principes précités
377.  En l'espèce, la tâche de la Cour consiste à déterminer si, compte tenu des principes énoncés ci-dessus (voir en particulier les paragraphes 314-316), la Fédération de Russie peut être tenue pour responsable des violations alléguées.
378.  La Cour note d'emblée que la Fédération de Russie est la continuatrice de l'URSS sur le plan du droit international (paragraphe 290 ci-dessus). Elle note également que, lors de la création de la CEI, la Moldova ne s'est pas jointe aux exercices des forces armées de la CEI ; la Moldova a d'ailleurs confirmé par la suite qu'elle ne souhaitait pas participer au volet militaire de la coopération au sein de la CEI (paragraphes 293 et 294 ci-dessus).
a)  Avant la ratification de la Convention par la Fédération de Russie
379.  La Cour relève qu'au moment du démantèlement de l'URSS, le 14 novembre 1991, la jeune République de Moldova a soutenu avoir droit aux équipements et à l'arsenal de la 14e armée de l'URSS stationnée sur son territoire (paragraphe 37 ci-dessus).
Par ailleurs, elle a aussi entamé des négociations avec la Fédération de Russie en vue du retrait de cette armée de son territoire.
380.  La Cour observe que, pendant le conflit moldave, en 1991-1992, des forces de la 14e armée (qui a appartenu successivement à l'URSS, à la CEI puis à la Fédération de Russie) stationnées en Transnistrie, partie intégrante du territoire de la République de Moldova, ont combattu avec et pour le compte des forces séparatistes transnistriennes. De plus, d'importantes quantités d'armes de l'arsenal de la 14e armée (devenue le GOR par la suite) ont été transférées volontairement aux séparatistes, ces derniers ayant pu, en outre, s'emparer d'autres armes sans que les militaires russes s'y opposent (paragraphes 48-136 ci-dessus).
La Cour note qu'à partir de décembre 1991, les autorités moldaves ont dénoncé systématiquement, y compris dans les instances internationales, ce qu'elles appelaient « les actes d'agression » de la 14e armée à l'encontre de la République de Moldova, et ont accusé la Fédération de Russie de soutenir les séparatistes transnistriens.
Compte tenu du principe de la responsabilité des Etats pour excès de pouvoir, il importe peu que, comme le soutient le gouvernement russe, la 14e armée n'ait pas participé en tant que telle aux opérations militaires opposant les forces moldaves aux insurgés transnistriens.
381.  Tout au long des affrontements entre les autorités moldaves et les séparatistes transnistriens, les dirigeants de la Fédération de Russie ont, par leurs déclarations politiques (paragraphes 46, 75, 137 et 138 ci-dessus), soutenu les autorités séparatistes. La Fédération de Russie a rédigé dans ses grandes lignes l'accord de cessez-le-feu du 21 juillet 1992, qu'elle a d'ailleurs signé en tant que partie.
382.  Au vu de l'ensemble de ces éléments, la Cour estime que la responsabilité de la Fédération de Russie est engagée pour les actes illégaux commis par les séparatistes transnistriens, eu égard au soutien militaire et politique qu'elle leur a accordé pour établir le régime séparatiste et à la participation de ses militaires aux combats. Ce faisant, en effet, les autorités de la Fédération de Russie ont contribué, tant militairement que politiquement, à la création d'un régime séparatiste dans la région de Transnistrie, qui fait partie du territoire de la République de Moldova.
La Cour note ensuite que, même après l'accord de cessez-le-feu du 21 juillet 1992, la Fédération de Russie a continué à soutenir militairement, politiquement et économiquement le régime séparatiste (paragraphes 111-161 ci-dessus), lui permettant ainsi de survivre en se renforçant et en acquérant une autonomie certaine à l'égard de la Moldova.
383.  Enfin la Cour relève que, dans le contexte des événements précités, les requérants ont été arrêtés en juin 1992 avec la participation des militaires de la 14e armée (devenue le GOR). Après quoi les trois premiers requérants ont été détenus dans les locaux de cette armée et gardés par ses militaires. Pendant leur détention, ils ont été interrogés et soumis à des traitements qui pourraient être considérés comme contraires à l'article 3 de la Convention. Ils ont par la suite été remis aux mains de la police transnistrienne.
De même, après son arrestation par des militaires de la 14e armée, le quatrième requérant a été remis aux mains de la police séparatiste transnistrienne, puis détenu, interrogé et soumis dans les locaux de cette police à des traitements qui pourraient aussi être considérés comme contraires à l'article 3 de la Convention.
384.  La Cour estime qu'en raison de ces faits les requérants relevaient de la juridiction de la Fédération de Russie au sens que l'article 1 de la Convention confère à cette notion, bien qu'à l'époque où ils se sont produits, la Convention ne fût pas en vigueur à l'égard de la Fédération de Russie.
En effet, sont à considérer comme faits générateurs de la responsabilité de la Fédération de Russie non seulement les actes auxquels des agents de cet Etat ont participé, comme l'arrestation et la détention des requérants, mais également leur transfert aux mains de la police et du régime transnistrien et, par la suite, les mauvais traitements qui leur ont été infligés par cette police, car, en agissant de la sorte, les agents de la Fédération de Russie avaient pleinement conscience de les remettre à un régime illégal et anticonstitutionnel.
De surcroît, compte tenu des faits reprochés aux requérants, les agents du gouvernement russe connaissaient, ou tout au moins auraient dû connaître, le sort qui leur était réservé.
385.  De l'avis de la Cour, l'ensemble des actes commis par les militaires russes à l'égard des requérants, y compris leur transfert aux mains du régime séparatiste, dans le contexte d'une collaboration des autorités russes avec ce régime illégal, sont de nature à engendrer une responsabilité quant aux conséquences pas trop lointaines des actes de ce régime.
Il reste encore à déterminer si cette responsabilité est restée engagée et si elle l'était toujours au moment de la ratification de la Convention par la Fédération de Russie.
b)  Après la ratification de la Convention par la Fédération de Russie
386.  En ce qui concerne la période postérieure à la ratification de la Convention, le 5 mai 1998, la Cour note ce qui suit.
387.  L'armée russe continue à stationner sur le territoire moldave en violation des engagements de retrait total pris par la Fédération de Russie aux sommets de l'OSCE d'Istanbul (1999) et de Porto (2001). Bien que les troupes russes stationnées en Transnistrie aient été en effet retirées massivement depuis 1992 (paragraphe 131 ci-dessus), la Cour note que l'arsenal appartenant au GOR y demeure.
Par conséquent, compte tenu du poids de cet arsenal (paragraphe 131 ci-dessus), l'importance militaire du GOR dans la région et son rôle dissuasif subsistent.
388.  La Cour remarque en outre qu'en vertu des accords conclus entre la Fédération de Russie, d'une part, et les autorités moldaves et transnistriennes respectivement, d'autre part (paragraphes 112-120 et 123 ci-dessus), les autorités de la « RMT » devaient bénéficier de l'infrastructure et de l'arsenal du GOR lors du retrait total de celui-ci. Il faut noter à cet égard que l'interprétation donnée par le gouvernement russe des termes « administration locale » de la région de Transnistrie figurant, entre autres, dans l'accord du 21 octobre 1994 (paragraphe 116 ci-dessus) est différente de celle avancée par le gouvernement moldave, ce qui a permis au régime de la « RMT » de bénéficier de cette infrastructure.
389.  Pour ce qui est des relations d'ordre militaire, la Cour note que la délégation moldave au sein de la Commission de contrôle unifiée a formulé d'une manière constante des allégations de collusion entre les militaires du GOR et les autorités transnistriennes quant au transfert d'armes à ces dernières. Elle relève que les militaires du GOR ont réfuté devant les délégués de telles allégations, déclarant que du matériel avait pu se trouver dans les mains des séparatistes par suite de vols.
Or, compte tenu des accusations formulées à l'encontre du GOR et du caractère dangereux de son arsenal, la Cour comprend mal que les militaires du GOR ne disposent pas de moyens légaux et efficaces pour empêcher de tels transferts ou vols, ainsi qu'il ressort de leurs dépositions devant les délégués.
390.  La Cour attribue une importance particulière au soutien financier dont bénéficie la « RMT » en vertu d'un certain nombre d'accords conclus entre celle-ci et la Fédération de Russie :
–  le protocole d'accord signé le 20 mars 1998 entre la Fédération de Russie et le représentant de la « RMT », qui a décidé du partage entre la « RMT » et la Fédération de Russie d'une partie des recettes résultant de la vente du matériel du GOR ;
–  le protocole conclu le 15 juin 2001 concernant la réalisation en commun de travaux en vue d'utiliser l'armement, la technique militaire et les munitions ;
–  la réduction de dette de cent millions de dollars américains consentie en 2001 par la Fédération de Russie à la « RMT » ; et
–  la fourniture de gaz russe à la Transnistrie dans des conditions financièrement plus avantageuses que celles concédées au reste de la Moldova (paragraphe 156 ci-dessus).
La Cour prend note par ailleurs des informations fournies par les requérants et non démenties par le gouvernement russe selon lesquelles des entreprises et institutions de la Fédération de Russie normalement contrôlées par l'Etat, ou dont la politique est sujette à une autorisation étatique, et appartenant notamment au domaine militaire, ont pu nouer des relations commerciales avec des entreprises similaires de la « RMT » (paragraphes 150 et 151 ci-dessus).
391.  La Cour relève ensuite que, tant avant qu'après le 5 mai 1998, dans le secteur de sécurité contrôlé par les forces russes de maintien de la paix, le régime de la « RMT » a continué à déployer ses troupes illégalement et à fabriquer et commercialiser des armes en violation de l'accord du 21 juillet 1992 (paragraphes 99, 100, 150 et 151 ci-dessus).
392.  L'ensemble de ces éléments est de nature à prouver que la « RMT », établie en 1991-1992 avec le soutien de la Fédération de Russie et dotée d'organes de pouvoir et d'une administration propres, continue à se trouver sous l'autorité effective, ou tout au moins sous l'influence décisive, de la Fédération de Russie et, en tout état de cause, qu'elle survit grâce au soutien militaire, économique, financier et politique que lui fournit la Fédération de Russie.
393.  Dans ces circonstances, la Cour estime qu'il existe un lien continu et ininterrompu de responsabilité de la part de la Fédération de Russie quant au sort des requérants, puisque la politique de la Fédération de Russie de soutien au régime et de collaboration avec celui-ci a perduré au-delà du 5 mai 1998 et qu'après cette date la Fédération de Russie n'a rien tenté pour mettre fin à la situation des requérants engendrée par ses agents, et n'a pas agi pour empêcher les violations prétendument commises après le 5 mai 1998.
Compte tenu de ce qui précède, il importe peu que, depuis le 5 mai 1998, les agents de la Fédération de Russie n'aient pas participé directement aux événements dénoncés dans la présente requête.
394.  En conclusion, les requérants relèvent donc de la « juridiction » de la Fédération de Russie aux fins de l'article 1 de la Convention et la responsabilité de celle-ci est engagée quant aux actes dénoncés.
III.  SUR LA COMPÉTENCE RATIONE TEMPORIS DE LA COUR
395.  Dans ses observations du 24 octobre 2000, le gouvernement moldave estime que les violations alléguées par les requérants ont un caractère continu et que la Cour est par conséquent compétente pour en connaître.
396.  Le gouvernement russe fait valoir que les faits dont se plaignent les requérants se sont déroulés avant l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard de la Russie, le 5 mai 1998, et qu'ils échappent donc à la compétence ratione temporis de la Cour.
397.  Les requérants soutiennent que les violations dénoncées ont un caractère continu et que, dès lors, la Cour serait compétente pour en connaître.
398.  Le gouvernement roumain ne se prononce pas.
399.  La Cour observe que la Convention est entrée en vigueur à l'égard de la Moldova le 12 septembre 1997 et à l'égard de la Fédération de Russie le 5 mai 1998. Elle rappelle que cet instrument ne régit pour chaque Partie contractante que les faits postérieurs à son entrée en vigueur à l'égard de cette partie.
A.  Quant au grief tiré de l'article 6 de la Convention
400.  La Cour note que les requérants affirment ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable devant le « Tribunal suprême de la RMT ».
Or la procédure devant celui-ci s'est achevée par le jugement du 9 décembre 1993 (paragraphe 215 ci-dessus), antérieur aux dates de ratification de la Convention par la Moldova et par la Fédération de Russie, et ce procès ne présente pas un caractère continu.
Par conséquent, la Cour n'est pas compétente ratione temporis pour examiner le grief tiré de l'article 6.
B.  Quant aux griefs tirés des articles 3, 5 et 8 de la Convention
401.  Les requérants contestent la régularité de leur détention, compte tenu de ce que le jugement en vertu duquel ils ont été détenus et, pour trois d'entre eux, le sont encore, n'a pas été prononcé par un tribunal compétent. Ils allèguent ne pas pouvoir correspondre librement depuis la prison de Tiraspol, ni recevoir la visite de leurs familles. Ils dénoncent également leurs conditions de détention.
402.  La Cour relève que les violations alléguées ont trait à des faits qui ont débuté avec l'incarcération des requérants, en 1992, et perdurent à ce jour.
403.  La Cour est donc compétente ratione temporis pour connaître des griefs invoqués pour autant qu'ils se rapportent aux faits postérieurs au 12 septembre 1997 en ce qui concerne la République de Moldova, et au 5 mai 1998 pour ce qui est de la Fédération de Russie.
C.  Quant au grief tiré de l'article 1 du Protocole no 1
404.  Les requérants se plaignent d'avoir été privés de leurs biens en violation de l'article 1 du Protocole no 1, puisque le jugement en vertu duquel ils ont subi cette privation était illégal. Ils estiment être victimes d'une violation continue.
405.  La Cour relève que les requérants n'ont donné quant à l'exécution de la décision de confiscation aucune précision qui lui permettrait de se prononcer sur le caractère continu de la violation alléguée. Toutefois, compte tenu de sa conclusion ci-dessous (paragraphe 474), elle n'estime pas nécessaire de trancher la question de sa compétence ratione temporis pour examiner ce grief.
D.  Quant au grief de M. Ilaşcu tiré de l'article 2 de la Convention
406.  Invoquant l'article 2, M. Ilaşcu se plaint de sa condamnation à la peine capitale et fait valoir que celle-ci n'a pas été annulée par les autorités qui l'ont prononcée et qu'elle pourrait être exécutée à tout moment au cas où il se rendrait en Transnistrie.
407.  La Cour observe que, le 9 décembre 1993, le requérant a été condamné à la peine capitale par un tribunal relevant des autorités séparatistes transnistriennes, qui ne sont pas reconnues sur le plan international. Au moment de la ratification de la Convention par les Etats défendeurs, cette sentence n'avait pas été annulée par l'autorité qui l'avait rendue ; elle continue dès lors à produire ses effets.
408.  Par conséquent, la Cour est compétente ratione temporis pour examiner ce grief.
IV.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 2 DE LA CONVENTION
409.  M. Ilaşcu se plaint de sa condamnation à la peine capitale par un tribunal illégal et allègue qu'il risque d'être exécuté à tout moment. L'article 2 de la Convention dispose en son premier paragraphe :
« Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. »
A.  Arguments présentés devant la Cour
410.  Le requérant considère que le décret de grâce du « président de la RMT » du 5 mai 2001 est un faux créé uniquement pour tromper la Cour et qu'en réalité sa condamnation à la peine capitale par les autorités de la « RMT » reste en vigueur.
Il fait valoir à cet égard que, le 22 juin 2001, après sa libération, les autorités moldaves ont déclaré n'être en possession d'aucun document lui accordant la grâce. Ce n'est que le 16 novembre 2001, en réponse aux questions supplémentaires posées par la Cour, que le gouvernement a fourni à celle-ci copie dudit décret. Le requérant indique que, le 5 mai 2001, il a été « remis » aux autorités de la République de Moldova en vertu d'un document de transfert confié au chef des services de renseignements moldaves par M. Chevtsov, « ministre de la Sécurité de la RMT », document qu'il a vu de ses propres yeux. De surcroît, M. Chevtsov aurait déclaré que la condamnation restait valable et qu'elle serait exécutée au cas où M. Ilaşcu retournerait en Transnistrie.
411.  Le gouvernement russe n'a pas formulé d'observations sur le fond du grief.
412.  Le gouvernement moldave ne conteste pas qu'il y ait eu violation de l'article invoqué par le requérant.
413.  Le gouvernement roumain considère que, le jugement du 3 février 1994 du Tribunal suprême de la Moldova annulant la condamnation n'ayant pas été mis en application à ce jour, les risques d'exécution subsistent au cas où M. Ilaşcu se rendrait en Transnistrie.
B.  Appréciation de la Cour
414.  La Cour relève que la Moldova a ratifié le Protocole no 6 à la Convention abolissant la peine de mort en temps de paix le 1er octobre 1997, et qu'elle a signé le Protocole no 13 à la Convention relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances le 3 mai 2002. La Fédération de fRussie n'a ratifié ni le Protocole no 6 ni le Protocole no 13 à la Convention, mais a adopté un moratoire sur la peine de mort.
415.  La peine capitale prononcée par le « Tribunal suprême de la RMT » le 9 décembre 1993 à l'encontre de M. Ilaşcu a été annulée par le Tribunal suprême de la République de Moldova le 3 février 1994, mais, à ce jour, cette annulation n'a produit aucun effet (paragraphe 222 ci-dessus).
Ce n'est qu'en novembre 2001 que le gouvernement moldave a présenté à la Cour une copie du « décret du président de la RMT » du 5 mai 2001 accordant la grâce au requérant (paragraphe 281 ci-dessus). Par la même occasion, le gouvernement moldave a fait part à la Cour de rumeurs selon lesquelles M. Smirnov aurait commué la peine de mort à l'encontre de M. Ilaşcu en prison à vie. La Cour relève que l'authenticité du décret de grâce pris par M. Smirnov a été mise en doute par le requérant, qui allègue avoir été simplement remis aux autorités moldaves, que la peine à son encontre subsiste toujours et qu'il risquerait de ce fait d'être exécuté s'il retournait en Transnistrie.
416.  Eu égard aux éléments de preuve dont elle dispose, la Cour n'est en mesure d'établir ni les circonstances exactes de la libération de M. Ilaşcu ni si la peine de mort prononcée à son encontre a été commuée en détention à vie (paragraphe 282 ci-dessus).
M. Ilaşcu ayant été libéré et vivant actuellement avec sa famille en Roumanie, pays dont il est ressortissant et où il exerce de hautes fonctions en tant que membre du Sénat (paragraphe 20 ci-dessus), la Cour considère que le risque d'exécution de la peine prononcée le 9 décembre 1993 à l'encontre de l'intéressé relève davantage de l'hypothèse que de la certitude.
417.  En revanche, il n'est pas contesté qu'après la ratification de la Convention par les deux Etats défendeurs M. Ilaşcu a dû souffrir à la fois de sa condamnation à la peine de mort et de ses conditions de détention, sous la menace de l'exécution de cette peine.
418.  Dans ces circonstances, la Cour estime qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément les faits dont se plaint M. Ilaşcu au titre de l'article 2 de la Convention, mais qu'il faut plutôt les étudier sous l'angle de l'article 3.
V.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
419.  Les requérants se plaignent de leurs conditions de détention et des traitements qui leur ont été infligés pendant celle-ci. Pour sa part, M. Ilaşcu se plaint en outre de ses conditions de détention dans l'attente de son exécution. Ils invoquent l'article 3 de la Convention, qui se lit ainsi :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A.  Arguments présentés devant la Cour
420.  Les requérants font valoir que les traitements particulièrement graves auxquels ils ont été soumis pendant leur détention étaient attentatoires à leur dignité et avilissants, et ont eu des effets désastreux sur leur état physique et mental. Dans le cas de M. Ilaşcu, il faut ajouter l'incertitude dans laquelle il a vécu quant à la possibilité que la peine de mort prononcée à son encontre soit mise à exécution.
421.  Le gouvernement russe considère que les allégations des requérants n'ont aucun lien avec la Fédération de Russie et, en tout état de cause, sont dénuées de fondement.
422.  Le gouvernement moldave a estimé dans ses observations du 24 octobre 2000 que les allégations des requérants au sujet de leurs conditions de détention étaient vraisemblables.
423.  Dans sa tierce intervention, le gouvernement roumain considère que les traitements subis par les requérants pendant leur détention peuvent être qualifiés de « torture » au sens de l'article 3, compte tenu de leur caractère délibéré, de leur infamie particulière et de ce qu'ils ont provoqué chez les requérants de graves et cruelles souffrances.
B.  Appréciation de la Cour
1.  Principes généraux
424.  La Cour rappelle que l'article 3 de la Convention consacre l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Même dans les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. L'article 3 ne prévoit pas de restrictions, en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la Convention et des Protocoles nos 1 et 4 et, d'après l'article 15 § 2 de la Convention, il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (voir, parmi d'autres, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 95, CEDH 1999-V ; Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 119, CEDH 2000-IV).
425.  La Cour a jugé un traitement « inhumain » au motif notamment qu'il avait été appliqué avec préméditation pendant des heures et qu'il avait causé soit des lésions corporelles, soit de vives souffrances physiques ou mentales. Elle a par ailleurs considéré qu'un traitement était « dégradant » en ce qu'il était de nature à inspirer à ses victimes des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité propres à les humilier et à les avilir (voir, par exemple, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 92, CEDH 2000-XI).
426.  Pour déterminer s'il y a lieu de qualifier de torture une forme particulière de mauvais traitements, la Cour doit avoir égard à la distinction que comporte l'article 3 entre cette notion et celle de traitements inhumains ou dégradants. Ainsi qu'elle l'a déjà relevé, cette distinction a été consacrée par la Convention pour marquer d'une spéciale infamie des traitements inhumains délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances, distinction qui ressort également de l'article 1er de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (arrêt Selmouni précité, § 97) :
«1.  Aux fins de la présente Convention, le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. (...) »
427.  La Cour a également dit que le critère que représente le qualificatif de « aiguë » est relatif par essence, tout comme le « minimum de gravité » requis pour l'application de l'article 3 (ibidem, § 100) : il dépend, lui aussi, de l'ensemble des données en cause, et notamment de la durée du traitement, de ses effets physiques et/ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime (voir, entre autres, Kalachnikov c. Russie, no 47095/99, § 95, CEDH 2002-VI ; arrêt Labita précité, § 120). En outre, en recherchant si un traitement est « dégradant » au sens de l'article 3, la Cour examinera si le but était d'humilier et de rabaisser l'intéressé et si, considérée dans ses effets, la mesure a ou non atteint la personnalité de celui-ci de manière incompatible avec l'article 3. Même l'absence d'un tel but ne saurait exclure de façon définitive un constat de violation de l'article 3 (Valašinas c. Lituanie, no 44558/98, § 101, CEDH 2001-VIII).
428.  La Cour a toujours souligné que la souffrance et l'humiliation infligées doivent en tout cas aller au-delà de celles que comporte inévitablement une forme donnée de traitement ou de peine légitimes. Les mesures privatives de liberté s'accompagnent ordinairement de pareilles souffrance et humiliation. L'article 3 impose à l'Etat de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d'exécution de la mesure ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l'emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (Kudła précité, §§ 92-94).
429.  La Cour a déjà décidé par le passé que la peine capitale, compte tenu de l'évolution et des normes communément acceptées de la politique pénale des Etats membres du Conseil de l'Europe, pourrait soulever un problème sur le terrain de l'article 3 de la Convention. Lorsqu'une peine capitale est prononcée, les circonstances liées à la personnalité du condamné, à la proportionnalité à la gravité de l'infraction, ainsi qu'aux conditions de la détention vécue dans l'attente de l'exécution, figurent parmi les éléments de nature à faire tomber sous le coup de l'article 3 le traitement ou la peine subis par l'intéressé (arrêts Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A no 161, p. 41, § 104 ; et Poltoratski c. Ukraine, no 38812/97, § 133, CEDH 2003-V).
430.  Aucun détenu condamné à mort ne saurait éviter l'écoulement d'un certain délai entre le prononcé et l'exécution de la peine, ni les fortes tensions inhérentes au régime rigoureux d'incarcération (arrêt Soering précité, p. 44, § 111). La condamnation à une telle peine pourrait néanmoins entraîner, dans certaines circonstances, un traitement dépassant le seuil fixé par l'article 3, par exemple si elle s'accompagne d'une longue période passée dans le « couloir de la mort » dans des conditions extrêmes, avec l'angoisse omniprésente et croissante de l'exécution de la peine capitale (ibidem).
431.  De surcroît, l'angoisse et la souffrance générées par pareille peine ne seront qu'amplifiées par le caractère arbitraire de la procédure qui a débouché sur la peine, laquelle, considérant qu'une vie humaine est en jeu, devient ainsi une violation de la Convention.
432.  L'interdiction de tout contact avec d'autres détenus pour des raisons de sécurité, de discipline et de protection ne constitue pas en elle-même une forme de peine ou de traitement inhumain. En revanche, l'isolement sensoriel complet, combiné à un isolement social total, peut détruire la personnalité, et constitue une forme de traitement inhumain qui ne saurait se justifier par les exigences de la sécurité ou toute autre raison (voir, entre autres, Messina c. Italie (no 2) (déc.), no 25498/94, CEDH 1999-V).
433.  En outre, lorsqu'on évalue les conditions de détention, il y a lieu de prendre en compte leurs effets cumulatifs ainsi que les allégations spécifiques du requérant (Dougoz c. Grèce, no 40907/98, § 46, CEDH 2001-II).
2.  Application des principes en l'espèce
a)  En ce qui concerne M. Ilaşcu
434.  Le requérant a été condamné à la peine capitale le 9 décembre 1993 et détenu jusqu'à sa libération le 5 mai 2001 (paragraphes 215 et 234 ci-dessus).
La Cour rappelle que la Convention n'est contraignante à l'égard des Etats contractants que pour les faits survenus après son entrée en vigueur, et que celle-ci est entrée en vigueur le 12 septembre 1997 pour la Moldova et le 5 mai 1998 pour la Fédération de Russie. Toutefois, pour apprécier l'effet sur le requérant de ses conditions de détention, qui sont demeurées plus ou moins identiques pendant toute la période où il a été incarcéré, la Cour peut également considérer l'intégralité de la période pendant laquelle l'intéressé a été emprisonné, y compris la phase antérieure à la date d'entrée en vigueur de la Convention à l'égard de chacun des Etats défendeurs.
435.  Pendant la très longue période qu'il a passée dans le « couloir de la mort », le requérant a vécu dans l'ombre omniprésente de la mort, avec l'angoisse d'une exécution potentielle. Dépourvu de tout recours, il a vécu pendant de nombreuses années dans des conditions de détention de nature à lui rappeler la perspective de l'exécution de la sentence, y compris après l'entrée en vigueur de la Convention (paragraphes 196-210, 240-253 ci-dessus).
En particulier, la Cour note qu'à la suite d'une lettre qu'il a adressée au Parlement moldave en mars 1999 M. Ilaşcu a été sauvagement battu par les gardiens de la prison de Tiraspol, qui l'ont menacé de mort (paragraphes 249, 250, 269 et 270 ci-dessus). Après cet incident, il a été privé de nourriture pendant deux jours et de lumière pendant trois jours (paragraphe 271 ci-dessus).
Quant aux simulacres d'exécution qui ont eu lieu avant l'entrée en vigueur de la Convention (paragraphe 198 ci-dessus), il ne fait aucun doute que de tels actes ont eu pour effet d'accroître l'angoisse ressentie par le requérant tout au long de sa détention à la perspective d'une possible exécution.
436.  L'angoisse et la souffrance ressenties ont été aggravées par l'absence de base légale et de légitimité de la condamnation au sens de la Convention. Le « Tribunal suprême de la RMT » qui a prononcé la peine à l'encontre de M. Ilaşcu a été créé par une entité illégale en droit international et non reconnue par la communauté internationale. Ce « tribunal » appartient à un système dont il est difficile de dire qu'il fonctionne sur une base constitutionnelle et juridique reflétant une tradition judiciaire conforme à la Convention. En témoigne l'apparence d'arbitraire qui se dégage des circonstances dans lesquelles les requérants ont été jugés et condamnés, telles qu'ils les ont décrites – leur récit n'ayant pas été contesté par les autres parties (paragraphes 212-216 ci-dessus) – et telles qu'elles ont été décrites et analysées par les institutions de l'OSCE (paragraphe 286 ci-dessus).
437.  L'annulation par le Tribunal suprême de la Moldova de la condamnation du requérant (paragraphe 222 ci-dessus) a confirmé le caractère illégitime et arbitraire de la sentence du 9 décembre 1993.
438.  En ce qui concerne les conditions de détention du requérant dans le couloir de la mort, la Cour note que M. Ilaşcu a été détenu pendant huit ans, depuis 1993 et jusqu'à sa libération en mai 2001, en régime d'isolement sévère : sans contact avec d'autres détenus, sans aucune nouvelle de l'extérieur, puisqu'il n'avait pas la permission d'envoyer ou de recevoir du courrier, et privé du droit de prendre contact avec son avocat ou de recevoir régulièrement la visite de sa famille ; sa cellule non chauffée, même dans les rudes conditions d'hiver, était dépourvue d'éclairage naturel et d'aération. Il ressort du dossier que M. Ilaşcu a aussi été privé de nourriture en guise de punition et qu'en tout état de cause, compte tenu des restrictions à la réception de colis, même la nourriture qu'il recevait de l'extérieur était souvent impropre à la consommation. Le requérant ne pouvait prendre une douche que très rarement, parfois à plusieurs mois d'intervalle. A ce sujet, la Cour renvoie aux conclusions figurant dans le rapport rédigé par le CPT à la suite de sa visite en Transnistrie en 2000 (paragraphe 289 ci-dessus), qualifiant d'indéfendable un isolement prolongé pendant de nombreuses années.
Les conditions de détention du requérant ont eu des effets préjudiciables sur sa santé, qui s'est détériorée tout au long de ces nombreuses années de détention. Ainsi, le requérant n'a pas été correctement soigné, en l'absence de visites et de traitements médicaux réguliers (paragraphes 253, 258-260, 262-263 et 265 ci-dessus) et de repas diététiques. Par ailleurs, compte tenu des restrictions imposées à la réception de colis, il n'a pas pu recevoir des médicaments et de la nourriture bénéfiques pour sa santé.
439.  La Cour note avec inquiétude l'existence de règles autorisant un pouvoir discrétionnaire en matière de correspondance et de visites en prison, que ce soit celui des gardiens de prison ou d'autres autorités, et souligne que de telles règles revêtent un caractère arbitraire et sont incompatibles avec les garanties adéquates et effectives contre les abus que tout système carcéral d'une société démocratique doit prévoir. De surcroît, en l'espèce, de telles 0règles ont rendu encore plus difficiles les conditions de détention du requérant.
440.  La Cour conclut que la condamnation du requérant à la peine capitale, les conditions dans lesquelles il a vécu et les traitements qu'il a subis pendant sa détention après la ratification, pris dans leur ensemble, et compte tenu de l'état dans lequel il se trouvait après plusieurs années passées dans ces conditions avant la ratification, revêtent un caractère particulièrement grave et cruel et doivent dès lors être considérés comme des actes de torture au sens de l'article 3 de la Convention.
Partant, il y a eu manquement aux exigences de cette disposition.
441.  M. Ilaşcu étant détenu au moment de l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard de la Fédération de Russie, le 5 mai 1998, cette dernière est dès lors responsable, pour les motifs énoncés ci-dessus (paragraphe 393), à raison des conditions de détention et du traitement infligé à l'intéressé ainsi que des souffrances qui lui ont été causées en prison.
Par ailleurs, M. Ilaşcu a été libéré en mai 2001. Or c'est uniquement à partir de cette date que la responsabilité de la Moldova est engagée à raison des actes dénoncés du fait du manquement à ses obligations positives (paragraphe 352 ci-dessus). Par conséquent, il n'y a pas eu violation de l'article 3 de la Convention par la Moldova en ce qui concerne M. Ilaşcu.
442.  En conclusion, la violation de l'article 3 de la Convention pour ce qui est de M. Ilaşcu est imputable uniquement à la Fédération de Russie.
b)  Les trois autres requérants : conditions de détention et traitement en détention
i.  En ce qui concerne M. Ivanţoc
443.  La Cour note d'emblée que les gouvernements défendeurs n'ont à aucun moment de la procédure devant elle nié la réalité des incidents allégués.
Elle considère par ailleurs que les descriptions fournies par M. Ivanţoc sont suffisamment précises et sont corroborées par des affirmations identiques formulées de manière répétée par celui-ci devant son épouse et par les dépositions d'autres témoins devant les délégués de la Cour.
Au vu de l'ensemble des éléments dont elle dispose, la Cour estime pouvoir tenir pour acquis que, pendant sa détention, y compris après l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard des Etats défendeurs, le requérant s'est vu infliger un grand nombre de coups et autres supplices, et qu'à certains moments, il a été privé de nourriture et de toute assistance médicale en dépit de son état de santé fragilisé par ces conditions de détention. En particulier, la Cour souligne les brimades et mauvais traitements auxquels a été soumis M. Ivanţoc en mai 1999 après l'introduction de sa requête devant la Cour (paragraphes 251-252 ci-dessus), ainsi qu'en 2001, en novembre 2002 et en février 2003 (paragraphes 254, 256, 269-272 ci-dessus).
444.  De surcroît, M. Ivanţoc est détenu depuis sa condamnation en 1993 en régime d'isolement, sans contact avec d'autres détenus et sans la possibilité d'avoir accès aux journaux. Il est privé de la possibilité de voir un avocat, ses seuls contacts avec le monde extérieur étant des visites et des colis de son épouse, sous réserve de l'autorisation délivrée par les autorités pénitentiaires selon leur bon vouloir.
Toutes ces restrictions, dépourvues de base légale et laissées à la discrétion des autorités, sont incompatibles avec un régime d'incarcération dans une société démocratique. Elles ont contribué à l'accroissement de l'angoisse et des souffrances mentales du requérant.
445.  Détenu dans une cellule non chauffée, mal aérée, sans lumière naturelle, le requérant n'a pas bénéficié des soins convenant à son état de santé, malgré quelques visites médicales permises par les autorités pénitentiaires. A ce sujet, la Cour renvoie aux conclusions figurant dans le rapport rédigé par le CPT à la suite de sa visite en Transnistrie en 2000 (paragraphe 289 ci-dessus).
446.  De l'avis de la Cour, de tels traitements étaient de nature à engendrer des douleurs ou des souffrances, tant physiques que mentales, qui ne pouvaient qu'être exacerbées par l'isolement total de l'intéressé et susceptibles de lui inspirer des sentiments de peur, d'angoisse et de vulnérabilité propres à l'humilier, à l'avilir et à briser sa résistance et sa volonté.
Pour la Cour, ces traitements ont été infligés à M. Ivanţoc intentionnellement par des personnes relevant de l'administration de la « RMT » dans le but de le punir des actes prétendument commis par lui.
447.  Dans ces circonstances, la Cour estime que, pris dans leur ensemble et compte tenu de leur gravité, de leur caractère répétitif et du but auquel ils tendaient, les traitements infligés à M. Ivanţoc ont provoqué des douleurs et souffrances « aiguës » et revêtaient un caractère particulièrement grave et cruel. Force est de considérer l'ensemble de ces agissements comme des actes de torture au sens de l'article 3 de la Convention.
448.  M. Ivanţoc étant détenu au moment de l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard de la Fédération de Russie, cette dernière est dès lors responsable, pour les motifs énoncés ci-dessus (paragraphe 393), à raison des conditions de détention et du traitement qui lui ont été infligés, ainsi que des souffrances qui lui ont été causées en prison.
Vu les conclusions auxquelles est parvenue la Cour au sujet de la responsabilité de la Moldova quant aux actes dénoncés du fait du manquement à ses obligations positives à compter de mai 2001 (paragraphe 352 ci-dessus), la Moldova est responsable de la violation de l'article 3 de la Convention en ce qui concerne M. Ivanţoc à partir de cette date.
449.  En conclusion, pour ce qui est de M. Ivanţoc, il y a eu violation de l'article 3 de la Convention par la Fédération de Russie à compter de la ratification de la Convention par celle-ci le 5 mai 1998, et par la Moldova à partir de mai 2001.
ii.  En ce qui concerne MM. Leşco et Petrov-Popa
450.  La Cour note d'emblée que les gouvernements défendeurs n'ont à aucun moment de la procédure devant elle nié la réalité des incidents allégués.
Elle considère par ailleurs que les descriptions fournies par les témoins entendus, y compris les requérants et leurs épouses, sont suffisamment précises et sont corroborées par d'autres éléments en sa possession.
451.  Par conséquent, la Cour estime pouvoir tenir pour acquis que, pendant leur détention, y compris après l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard des deux Etats défendeurs, MM. Leşco et Petrov-Popa ont connu des conditions de détention extrêmement sévères :
–  visites ou colis de la part de leurs familles accordés d'une manière discrétionnaire par l'administration pénitentiaire ;
–  privation à certains moments de nourriture ou distribution de nourriture impropre à la consommation, privation la plupart du temps de toute assistance médicale adéquate en dépit de leur état de santé fragilisé par ces conditions de détention ; et
–  absence de repas diététiques, bien que prescrits médicalement (paragraphe 265 ci-dessus).
La Cour souligne aussi que ces conditions se sont détériorées après 2001 (paragraphe 254 ci-dessus).
En outre, M. Petrov-Popa se trouve détenu en régime d'isolement cellulaire depuis 1993, sans contact avec d'autres détenus et sans pouvoir avoir accès aux journaux dans sa langue (paragraphes 240, 254 et 255 ci-dessus).
M. Petrov-Popa comme M. Leşco se sont vu refuser l'accès à un avocat jusqu'en juin 2003 (paragraphe 257 ci-dessus).
452.  De l'avis de la Cour, de tels traitements sont de nature à engendrer des douleurs ou des souffrances tant physiques que mentales. Pris dans leur ensemble et compte tenu de leur gravité, les traitements infligés à MM. Leşco et Petrov-Popa peuvent être qualifiés de traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la Convention.
453.  MM. Leşco et Petrov-Popa étant détenus au moment de l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard de la Fédération de Russie, cette dernière est dès lors responsable, pour les motifs énoncés ci-dessus (paragraphe 393), à raison des conditions de détention et du traitement qui leur ont été infligés ainsi que des souffrances qui leur ont été causées en prison.
Vu les conclusions auxquelles est parvenue la Cour au sujet de la responsabilité de la Moldova quant aux actes dénoncés du fait du manquement à ses obligations positives à compter de mai 2001 (paragraphe 352 ci-dessus), la Moldova est responsable de la violation de l'article 3 de la Convention en ce qui concerne MM. Leşco et Petrov-Popa à compter de cette date.
454.  En conclusion, pour ce qui est de MM. Leşco et Petrov-Popa, il y a eu violation de l'article 3 de la Convention par la Fédération de Russie à compter de la ratification de la Convention par celle-ci le 5 mai 1998, et par la Moldova à partir de mai 2001.
VI.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 DE LA CONVENTION
455.  Les requérants allèguent que leur détention n'était pas régulière et que le tribunal qui les a condamnés n'était pas un tribunal compétent. Ils invoquent l'article 5 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente est ainsi libellée :
« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
a)      s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;
456.  Le gouvernement russe considère que les allégations des requérants n'ont aucun lien avec la Fédération de Russie et, en tout état de cause, qu'elles sont dénuées de fondement.
457.  Dans ses observations du 24 octobre 2000, le gouvernement moldave a souligné que l'arrestation des requérants s'était faite sans mandat et qu'ils étaient restés pendant deux mois dans les cellules du commandement de la 14e armée. A l'audience du 6 juin 2001, il a déclaré qu'il revenait sur sa position antérieure, sans pour autant se prononcer sur les violations alléguées.
458.  Dans sa tierce intervention, le gouvernement roumain considère que la détention des requérants est dépourvue de base légale, puisqu'ils ont été condamnés par un tribunal illégitime. Si certains actes des autorités séparatistes devaient être reconnus comme des actes d'état civil, afin de ne pas aggraver la situation des habitants (voir l'avis consultatif du 21 juin 1971 de la CIJ sur les conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie nonobstant la résolution 276 du Conseil de sécurité), cela ne devrait pas être le cas de tous les actes émanant d'autorités non reconnues sur le plan international, au risque de voir légitimer ces autorités.
En l'espèce, la condamnation des requérants serait le résultat d'un déni flagrant de justice, puisqu'ils n'ont pas bénéficié d'un procès équitable devant le « Tribunal suprême de la RMT ».
459.  La Cour n'a pas compétence ratione temporis pour se prononcer sur la question de savoir si la procédure pénale au cours de laquelle les requérants ont été condamnés par le « Tribunal suprême de la RMT » a enfreint l'article 6 de la Convention. Pour autant que la détention des requérants s'est prolongée après les dates de ratification de la Convention par les deux Etats défendeurs, la Cour est néanmoins compétente pour rechercher si, après ces dates, chacun des requérants a été détenu « régulièrement » « selon les voies légales » « après condamnation par un tribunal compétent » au sens de l'article 5 § 1 a) de la Convention.
460.  Comme cela est bien établi dans la jurisprudence de la Cour, le mot « tribunal » employé à l'article 5 et dans d'autres articles de la Convention, en particulier l'article 6, renvoie en premier lieu à un organe « établi par la loi » répondant à un certain nombre de conditions : indépendance, notamment à l'égard de l'exécutif, impartialité, durée du mandat de ses membres, et garanties d'une procédure judiciaire (arrêt De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique du 18 juin 1971, série A no 12, p. 41, § 78).
Dans certaines circonstances, une juridiction appartenant au système judiciaire d'une entité non reconnue en droit international peut passer pour un tribunal « établi par la loi » à condition de faire partie d'un système judiciaire fonctionnant sur une base « constitutionnelle et juridique » reflétant une tradition judiciaire conforme à la Convention, et ce pour permettre à certains individus de bénéficier des garanties de la Convention (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Chypre c. Turquie précité, §§ 231 et 236-237).
461.  L'exigence de régularité posée par l'article 5 § 1 a) (« détention régulière » ordonnée « selon les voies légales ») n'est pas satisfaite par un simple respect du droit interne pertinent ; il faut que le droit interne se conforme lui-même à la Convention, y compris aux principes généraux énoncés ou impliqués par elle, notamment celui de la prééminence du droit expressément mentionné dans le préambule de la Convention. A l'origine de l'expression « selon les voies légales » se trouve la notion de procédure équitable et adéquate, l'idée que toute mesure privative de liberté doit émaner d'une autorité qualifiée, être exécutée par une telle autorité et ne pas revêtir un caractère arbitraire (voir notamment l'arrêt Winterwerp c. Pays-Bas du 24 octobre 1979, série A no 33, pp. 19-20, § 45).
En outre, le but de l'article 5 étant de protéger l'individu contre l'arbitraire (voir, entre autres, l'arrêt Stafford c. Royaume-Uni [GC], no 46295/99, § 63, CEDH 2002-IV), la « condamnation » ne saurait être le résultat d'un déni de justice flagrant (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Drozd et Janousek c. France et Espagne du 26 juin 1992, série A no 240, pp.34-35, § 110).
La Cour renvoie aussi à ses conclusions sur le terrain de l'article 3 de la Convention quant au caractère de la procédure qui s'est déroulée devant le « Tribunal suprême de la RMT » (paragraphe 436 ci-dessus).
462.  La Cour conclut dès lors qu'aucun des requérants n'a été condamné par un « tribunal », et qu'une peine d'emprisonnement prononcée par un organe juridictionnel tel que le « Tribunal suprême de la RMT » à l'issue d'une procédure comme celle menée en l'espèce ne saurait passer pour une « détention régulière » ordonnée « selon les voies légales ».
463.  Dans ces conditions, la privation de liberté subie par les requérants pendant la période couverte par la compétence ratione temporis de la Cour à l'égard des Etats défendeurs (à savoir, s'agissant de la Moldova, le 12 septembre 1997 et, s'agissant de la Russie, le 5 mai 1998), ne saurait satisfaire aux conditions énoncées au paragraphe 1 a) de l'article 5 de la Convention.
Il s'ensuit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 1 de la Convention jusqu'en mai 2001 en ce qui concerne M. Ilaşcu, et qu'il y a eu et qu'il continue d'y avoir violation de cette disposition pour ce qui est des trois requérants toujours en détention.
464.  Sachant que les requérants étaient détenus au moment de l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard de la Fédération de Russie et compte tenu de ses constats ci-dessus (paragraphe 393), la Cour conclut que les faits constitutifs de la violation de l'article 5 de la Convention sont imputables à la Fédération de Russie pour l'ensemble des requérants.
Vu sa conclusion ci-dessus (paragraphe 352) concernant la date à partir de laquelle la Moldova pourrait voir sa responsabilité engagée, à savoir à compter de mai 2001, la Cour dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 5 de la Convention par la Moldova en ce qui concerne M. Ilaşcu. En revanche, il y a eu violation de cette disposition par la Moldova pour ce qui est des trois autres requérants.
VII.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
465.  Les requérants se plaignent de ne pouvoir correspondre librement avec leurs familles et avec la Cour. En particulier, ils font valoir qu'ils n'ont pas pu saisir la Cour librement, et qu'ils ont dû faire appel pour cela à leurs épouses. En outre, ils se plaignent de ne pouvoir recevoir la visite de leurs familles, sauf accord préalable du « président de la RMT ». Ils invoquent l'article 8 de la Convention, libellé comme suit dans ses parties pertinentes :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) et de sa correspondance.
2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, (...) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
466.  Le gouvernement russe s'en tient à considérer les allégations des requérants comme dépourvues de tout lien avec la Fédération de Russie et, en tout état de cause, comme dénuées de fondement.
467.  Dans ses observations du 24 octobre 2000, le gouvernement moldave a indiqué que les requérants n'avaient pas accès à un avocat, que les représentants des organisations internationales s'étaient vu refuser l'autorisation de les voir et qu'ils ne pouvaient pas correspondre librement depuis la prison. A l'audience du 6 juin 2001, il a déclaré qu'il revenait sur sa position antérieure, sans pour autant se prononcer sur les violations alléguées.
468.  Le gouvernement roumain considère que l'ingérence dans le droit des requérants au respect de leur correspondance et de leur vie familiale n'était pas prévue par la loi au sens de l'article 8 § 2 car, d'une part, la loi soviétique appliquée en « RMT » n'est pas une loi valide sur le territoire moldave et, d'autre part, l'accord préalable du « président de la RMT » ne saurait être assimilé à une loi, faute de garantie contre l'arbitraire.
469.  La Cour estime que cette plainte se limite à l'impossibilité pour les requérants d'écrire librement à leurs familles et à la Cour depuis la prison et aux difficultés qu'ils ont eu à recevoir la visite de leurs familles. Quant au grief tiré de l'impossibilité de saisir la Cour depuis la prison, il relève plutôt de l'article 34 de la Convention, que la Cour examinera séparément.
470.  Toutefois, ayant pris en compte ces allégations dans le contexte de l'article 3 de la Convention (paragraphes 438, 439, 444 et 451 ci-dessus), la Cour estime qu'il n'y a pas lieu de les examiner séparément sous l'angle de l'article 8.
VIII.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
471.  Les requérants se plaignent, au titre de l'article 1 du Protocole no 1, de la confiscation de leurs biens à la suite d'un procès contraire à l'article 6 de la Convention.
472.  Le gouvernement russe considère que les allégations des requérants sont dépourvues de tout lien avec la Fédération de Russie et, en tout état de cause, dénuées de fondement.
473.  Les gouvernements moldave et roumain ne se prononcent pas.
474.  A supposer qu'elle soit compétente ratione temporis pour trancher ce grief, la Cour note que la base factuelle du grief est insuffisante.
Le grief n'ayant pas été étayé, la Cour juge donc qu'il n'y a pas eu violation de l'article 1 du Protocole no 1.
IX.  SUR LA MÉCONNAISSANCE ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 34 DE LA CONVENTION
475.  Les requérants se plaignent d'une entrave à leur droit de recours individuel devant la Cour et invoquent l'article 34 de la Convention, aux termes duquel :
« La Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à n'entraver par aucune mesure l'exercice efficace de ce droit. »
476.  Les requérants soutiennent tout d'abord qu'il ne leur a pas été permis de saisir la Cour depuis la prison et que, par conséquent, ce sont leurs épouses qui ont dû accomplir cette démarche en leur nom. Ils allèguent également avoir été persécutés en prison pour avoir voulu saisir la Cour.
Ils considèrent ensuite que les déclarations du président de la Moldova, M. Voronine, selon lesquelles le refus de M. Ilaşcu de retirer sa requête serait la cause du maintien en détention des autres requérants (paragraphe 285 ci-dessus), représentent une atteinte flagrante à leur droit de recours individuel.
Enfin, les intéressés soutiennent que la note du ministère russe des Affaires étrangères (paragraphe 278 ci-dessus) représente aussi une grave atteinte à leur droit de recours individuel.
477.  Le gouvernement moldave confirme les observations de M. Voronine, mais affirme qu'elles ont été déterminées par les déclarations formulées par M. Ilaşcu, lors d'une discussion avec M. Voronine, selon lesquelles il aurait été prêt à retirer sa requête pour autant qu'elle était dirigée contre la Moldova à condition que les autorités moldaves prouvent par des actes leur désir de voir libérer les trois autres requérants. Le gouvernement moldave considère dans ces circonstances que les accusations portées à l'encontre de M. Voronine visent à détériorer l'image de la Moldova plutôt qu'à dénoncer une atteinte au droit de recours individuel des requérants.
478.  Le gouvernement russe affirme que les requérants ont obtenu la note susmentionnée d'une manière frauduleuse et que, par conséquent, ce document ne saurait être invoqué devant la Cour.
479.  Le gouvernement roumain estime que les actes d'intimidation dirigés contre M. Ilaşcu pour le punir d'avoir introduit la présente requête constituent une entrave au droit au recours individuel garanti par l'article 34.
480.  La Cour rappelle que, pour que le mécanisme de recours individuel prévu à l'article 34 de la Convention soit efficace, il est de la plus haute importance que les requérants, déclarés ou potentiels, soient libres de communiquer avec la Cour, sans que les autorités les pressent en aucune manière de retirer ou modifier leurs griefs (arrêts Akdivar et autres c. Turquie du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1219, § 105 ; Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2288, § 105).
Par le mot « presser » il faut entendre non seulement la coercition directe et les actes flagrants d'intimidation, mais aussi les actes ou contacts indirects et de mauvais aloi tendant à dissuader ou à décourager les requérants de se prévaloir du recours qu'offre la Convention (arrêt Kurt c. Turquie du 25 mai 1998, Recueil 1998-III, pp. 1192-1193, § 160).
Par ailleurs, pour déterminer si des contacts entre les autorités et un requérant constituent des pratiques inacceptables du point de vue de l'article 34, il faut tenir compte des circonstances particulières de la cause. A ce propos, il faut évaluer la vulnérabilité du plaignant et le risque que les autorités ne l'influencent (arrêts Akdivar et autres précité, p. 1219, § 105, et Kurt précité, pp. 1192-1193, § 160).
481.  En l'espèce, les requérants ont affirmé ne pas avoir pu saisir la Cour depuis leur lieu de détention et qu'en effet la requête a été déposée par le seul avocat qui les représentait au début de la procédure, M. Tănase, et qu'elle était signée par les épouses des intéressés.
La Cour relève également les menaces proférées à l'encontre des requérants par les autorités pénitentiaires de Transnistrie et l'aggravation de leurs conditions de détention après le dépôt de leur requête. Selon elle, de tels agissements constituent une forme de pression illicite et inacceptable qui a entravé leur droit de recours individuel.
En outre, la Cour relève avec inquiétude le contenu de la note diplomatique du 19 avril 2001 adressée par la Fédération de Russie aux autorités moldaves (paragraphe 278 ci-dessus). Il ressort de cette note que les autorités russes ont demandé à la République de Moldova de retirer ses observations présentées à la Cour le 24 octobre 2004 pour autant qu'elles suggéraient une responsabilité de la Fédération de Russie quant aux violations alléguées du fait du stationnement de ses troupes sur le territoire moldave, en Transnistrie.
Par la suite, à l'audience du 6 juin 2001, le gouvernement moldave a en effet déclaré retirer la partie de ses observations du 24 octobre 2000 concernant la Fédération de Russie (paragraphe 360 ci-dessus).
La Cour considère que pareils agissements de la part du gouvernement de la Fédération de Russie représentent une négation du patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit mentionné dans le préambule de la Convention et, à la fois, sont de nature à porter gravement atteinte à l'examen par elle d'une requête déposée dans l'exercice du droit de recours individuel et, par là, à entraver le droit même garanti par l'article 34 de la Convention.
Il y a donc eu méconnaissance par la Fédération de Russie de l'article 34 de la Convention.
482.  La Cour relève de surcroît qu'après la libération de M. Ilaşcu celui-ci s'est entretenu avec les autorités moldaves au sujet de la possibilité que les autres requérants soient eux aussi relâchés et que, dans ce contexte, M. Voronine a accusé publiquement M. Ilaşcu d'être la cause du maintien en détention de ses camarades, de par son refus de retirer sa requête dirigée contre la Moldova et la Fédération de Russie.
De l'avis de la Cour, de tels propos venant de la plus haute autorité d'un Etat contractant, et faisant dépendre l'amélioration de la situation des requérants du retrait de la requête déposée à l'encontre de cet Etat ou d'un autre Etat contractant, représentent une pression directe destinée à entraver l'exercice du droit de recours individuel. Cette conclusion est valable quelle que soit l'influence réelle ou théorique que peut avoir cette autorité sur la situation des requérants.
Dès lors, les déclarations de M. Voronine s'analysent en une entrave, par la République de Moldova, à l'exercice du droit de recours individuel des requérants, au mépris de l'article 34 de la Convention.
X.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
483.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
484.  Les requérants ont présenté leurs prétentions au titre de la satisfaction équitable en novembre 2001.
Dans une lettre parvenue à la Cour le 12 février 2004, Me Tănase a soumis les nouvelles prétentions de son client, M. Leşco, mises à jour afin de tenir compte de la période écoulée depuis 2001.
Me Gribincea en a fait de même pour les autres requérants dans une lettre parvenue à la Cour le 24 février 2004.
485.  Les requérants font valoir que leur condamnation et leur détention leur ont fait perdre leur emploi. De même, en raison des persécutions auxquelles ont été soumis leurs époux, Mmes Ilaşcu et Ivanţoc ont dû démissionner de leur emploi à Tiraspol et déménager à Chişinău. En outre, la famille de M. Leşco a dû quitter le logement qu'elle occupait à Tiraspol et en chercher un nouveau. Les requérants réclament le remboursement de l'ensemble des dépenses qu'ont effectué leurs épouses et familles pour leur rendre visite en prison et leur envoyer des colis. Enfin, compte tenu de la dégradation de leur état physique, les requérants ont eu d'importants frais médicaux.
En particulier, les requérants demandent à se voir octroyer les sommes suivantes.
M. Ilaşcu demande 1 861 euros (EUR) pour perte de salaire et autres indemnités en raison de sa détention de juin 1992 au 28 février 1994, date à laquelle il a été élu au Parlement moldave. Il souligne que les indemnités auxquelles il avait droit en tant que député ont été versées à sa famille par le gouvernement moldave. M. Ivanţoc sollicite 9 560 EUR pour la perte de salaire et autres indemnités depuis son arrestation jusqu'à ce jour. M. Petrov-Popa réclame 21 510 EUR pour compenser la perte de ses revenus depuis son arrestation jusqu'à ce jour. M. Leşco demande 30 000 EUR, représentant la valeur de l'appartement situé à Tiraspol dont il était propriétaire et qu'il a perdu à la suite de sa condamnation et du départ de sa famille de Transnistrie.
MM. Ilaşcu, Ivanţoc et Petrov-Popa estiment que, puisque seule la Fédération de Russie contrôle le territoire transnistrien, elle seule devrait les dédommager au titre du préjudice matériel.
Compte tenu de la gravité des violations dénoncées, des circonstances de l'espèce, de l'attitude des gouvernements défendeurs et des effets durables sur leur état de santé et du traumatisme qu'ils ont subi, les requérants réclament les sommes suivantes au titre du dommage moral : M. Ilaşcu, 7 395 000 EUR ; M. Ivanţoc, 7 842 000 EUR ; M. Petrov-Popa, 7 441 000 EUR ; et M. Leşco, 7 800 000 EUR.
En ce qui concerne les sommes réclamées au titre du dommage moral, MM. Ilaşcu, Ivanţoc et Petrov-Popa déclarent qu'ils seraient satisfaits si le gouvernement moldave leur payait à chacun la somme de 1 000 EUR, et que la Fédération de Russie leur versait le restant.
En bref, pour l'ensemble des faits constitutifs des dommages matériel et moral, les requérants réclament les montants suivants : M. Ilaşcu, 7 396 861 EUR ; M. Ivanţoc, 7 851 560 EUR ; M. Petrov-Popa, 7 462 510 EUR ; et M. Leşco, 7 830 000 EUR.
486.  Le gouvernement moldave fait valoir qu'il ne s'oppose pas aux demandes formulées par MM. Ilaşcu, Ivanţoc et Petrov-Popa dans la mesure où il ressort de celles-ci qu'il devrait payer à chacun d'eux 1 000 EUR. En revanche, il trouve les sommes réclamées par M. Leşco excessives et non étayées.
Le gouvernement russe estime qu'il ne saurait être tenu pour responsable des violations alléguées. En outre, les faits dont se plaignent les requérants échappent selon lui à la compétence ratione temporis de la Cour.
En tout état de cause, il considère que les sommes réclamées sont excessives et non étayées.
487.  La Cour rappelle que, dans le cadre de l'exécution d'un arrêt en application de l'article 46 de la Convention, un arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat défendeur l'obligation juridique au regard de cette disposition de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci. Si, en revanche, le droit national ne permet pas ou ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de la violation, l'article 41 habilite la Cour à accorder à la partie lésée, s'il y a lieu, la satisfaction qui lui semble appropriée. Il en découle notamment que l'Etat défendeur reconnu responsable d'une violation de la Convention ou de ses Protocoles est appelé non seulement à verser aux intéressés les sommes allouées à titre de satisfaction équitable, mais aussi à choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales et/ou, le cas échéant, individuelles à adopter dans son ordre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la Cour et d'en effacer dans la mesure du possible les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Assanidzé c. Géorgie [GC], no 71503/01, § 198, CEDH 2004-II ; Maestri c. Italie [GC], no 39748/98, § 47, CEDH 2004-I ; Menteş et autres c. Turquie (article 50), arrêt du 24 juillet 1998, Recueil 1998-IV, p. 1695, § 24 ; Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 249, CEDH 2000-VIII).
488.  La Cour rappelle avoir conclu à la violation de plusieurs dispositions de la Convention par la Fédération de Russie et par la Moldova, cette dernière uniquement à partir de mai 2001.
En effet, elle a constaté que MM. Ilaşcu et Ivanţoc ont été soumis à des traitements qu'elle a qualifiés de torture au sens de l'article 3 de la Convention, que les deux autres requérants ont été soumis à des traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3, que tous les requérants ont été détenus arbitrairement au mépris de l'article 5, et que MM. Ivanţoc, Leşco et Petrov-Popa continuent d'être détenus en violation de l'article 5 de la Convention.
La Cour a également conclu à la méconnaissance de l'article 34 de la Convention tant par la Fédération de Russie que par la Moldova.
489.  La Cour n'estime pas établie la réalité du dommage matériel allégué, mais il ne lui semble pas déraisonnable de penser que les requérants ont subi une perte de revenus et ont certainement encouru des frais directement dus aux violations constatées. Elle estime en outre que les requérants ont indéniablement éprouvé un préjudice moral résultant des violations constatées et que le simple constat de violation ne saurait le compenser.
En conséquence, eu égard à l'extrême gravité des violations de la Convention dont ont été victimes les requérants, et statuant en équité comme le veut l'article 41 de la Convention, la Cour alloue aux intéressés les sommes suivantes, plus tout montant pouvant être dû au titre de l'impôt :
a)  à chacun des requérants, 180 000 EUR pour dommage matériel et moral, eu égard aux violations des articles 3 et 5 de la Convention ;
b)  à chacun des requérants, 10 000 EUR pour le dommage moral résultant de la méconnaissance de l'article 34 par la Fédération de Russie et la Moldova.
490.  La Cour considère en outre que toute continuation de la détention irrégulière et arbitraire des trois requérants entraînerait nécessairement une prolongation grave de la violation de l'article 5 constatée par la Cour et un manquement aux obligations qui découlent pour les Etats défendeurs de l'article 46 § 1 de la Convention de se conformer à l'arrêt de la Cour.
Compte tenu des motifs sur lesquels s'est fondé le constat de violation par les deux Etats défendeurs (paragraphes 352 et 393 ci-dessus), ces derniers doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à la détention arbitraire des requérants encore incarcérés et assurer leur libération immédiate.
B.  Frais et dépens
491.  Pour les honoraires de leurs avocats, M. Ilaşcu réclame 8 000 EUR et MM. Ivanţoc et Petrov-Popa sollicitent chacun 8 500 EUR. Ils demandent aussi 2 500 EUR de frais divers.
Ainsi qu'il ressort du contrat conclu entre l'épouse de M. Leşco et son conseil, M. Leşco réclame 200 EUR par mois de travail de son conseil, soit un total de 11 800 EUR. Cette somme représente le travail et les dépens effectués par son conseil depuis juin 1999, date d'introduction de la requête, soit depuis cinquante-neuf mois, notamment : rédaction de la requête, recherche de documents, rédaction d'observations demandées par la Cour, préparation de la mission d'enquête de la Cour, examen du compte rendu des auditions devant les délégués de la Cour, frais de communication (télécopie, téléphone, lettres normales et urgentes), frais de traduction et frais relatifs aux visites rendues aux requérants en prison.
492.  Le gouvernement moldave s'oppose à l'octroi des sommes réclamées au titre des frais et dépens au motif que la demande n'a pas été étayée.
493.  La Cour rappelle que, pour inclure des frais et dépens dans une indemnité octroyée au titre de l'article 41, elle doit rechercher s'ils ont été réellement exposés pour prévenir ou redresser la situation jugée constitutive d'une violation de la Convention, s'ils correspondaient à une nécessité et s'ils sont raisonnables quant à leur taux (voir, par exemple, Kalachnikov précité, § 146).
La Cour note que la présente affaire a donné lieu à plusieurs séries d'observations écrites, ainsi qu'à une audience contradictoire et à l'audition de témoins sur place pendant sept jours.
Il ressort des éléments fournis à la Cour que les représentants des requérants, Me Dinu, Me Tănase et Me Gribincea, ont engagé des frais et dépens relatifs aux faits constitutifs des violations constatées.
Statuant en équité et tenant compte du travail raisonnablement nécessaire pour produire le volume important de documents et observations déposés au nom des requérants, la Cour alloue aux requérants la somme globale de 21 000 EUR, moins les 3 964 EUR déjà versés au titre de l'assistance judiciaire par le Conseil de l'Europe. Ces sommes correspondent à 4 363 EUR pour les honoraires et frais de secrétariat de Me Dinu, 3 960 EUR pour les honoraires et frais de Me Gribincea, et 8 713 EUR pour les honoraires et frais de M. Tănase.
C.  Intérêts moratoires
494.  La Cour considère que le taux annuel des intérêts moratoires doit être calqué sur celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne augmenté de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1.  Dit, par onze voix contre six, que les requérants relèvent de la juridiction de la République de Moldova au sens de l'article 1 de la Convention quant à ses obligations positives ;
2.  Dit, par seize voix contre une, que les requérants relèvent de la juridiction de la Fédération de Russie au sens de l'article 1 de la Convention ;
3.  Dit, à l'unanimité, que la Cour n'est pas compétente ratione temporis pour examiner le grief tiré de l'article 6 de la Convention ;
4.  Dit, par seize voix contre une, que la Cour est compétente ratione temporis pour examiner les griefs tirés des articles 2, 3, 5 et 8 de la Convention pour autant qu'ils se rapportent à des faits postérieurs au 12 septembre 1997 en ce qui concerne la République de Moldova, et au 5 mai 1998 en ce qui concerne la Fédération de Russie ;
5.  Dit, par quinze voix contre deux, que la Cour n'a pas à trancher la question de savoir si elle est compétente ratione temporis pour examiner le grief tiré de l'article 1 du Protocole no 1 ;
6.  Dit, à l'unanimité, qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément le grief tiré de la violation de l'article 2 de la Convention quant à la condamnation de M. Ilaşcu à la peine capitale par le « Tribunal suprême de la RMT » ;
7.  Dit, par onze voix contre six, qu'il n'y a pas eu violation de l'article 3 de la Convention par la Moldova à raison des mauvais traitements et des conditions de détention que M. Ilaşcu a connus dans l'attente de son exécution éventuelle ;
8.  Dit, par seize voix contre une, qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention par la Fédération de Russie à raison des mauvais traitements et des conditions de détention que M. Ilaşcu a connus dans l'attente de son exécution éventuelle et que ceux-ci doivent être qualifiés de torture au sens de cet article ;
9.  Dit, par onze voix contre six, qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention par la Moldova à partir du mois de mai 2001 à raison des mauvais traitements et des conditions de détention que M. Ivanţoc a connus et que ceux-ci doivent être qualifiés de torture au sens de cet article ;
10.  Dit, par seize voix contre une, qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention par la Fédération de Russie à raison des mauvais traitements et des conditions de détention que M. Ivanţoc a connus et que ceux-ci doivent être qualifiés de torture au sens de cet article ;
11.  Dit, par onze voix contre six, qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention par la Moldova à partir du mois de mai 2001 à raison des mauvais traitements et des conditions de détention que MM. Leşco et Petrov-Popa ont connus et que ceux-ci doivent être qualifiés de traitements inhumains et dégradants au sens de cet article ;
12.  Dit, par seize voix contre une, qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention par la Fédération de Russie à raison des mauvais traitements et des conditions de détention que MM. Leşco et Petrov-Popa ont connus et que ceux-ci doivent être qualifiés de traitements inhumains et dégradants au sens de cet article ;
13.  Dit, par onze voix contre six, qu'il n'y a pas eu violation de l'article 5 de la Convention par la Moldova quant à la détention de M. Ilaşcu ;
14.  Dit, par onze voix contre six, qu'il y a eu et qu'il continue d'y avoir violation de l'article 5 de la Convention par la Moldova quant à la détention de MM. Ivanţoc, Leşco et Petrov-Popa à partir du mois de mai 2001 ;
15.  Dit, par seize voix contre une, qu'il y a eu violation de l'article 5 de la Convention par la Fédération de Russie quant à M. Ilaşcu jusqu'en mai 2001 et qu'il y a eu et qu'il continue d'y avoir violation de cette disposition quant à MM. Ivanţoc, Leşco et Petrov-Popa ;
16.  Dit, à l'unanimité qu'il n'y a pas lieu d'examiner séparément le grief formulé par les requérants sur le terrain de l'article 8 de la Convention ;
17.  Dit, par quinze voix contre deux, qu'il n'y a pas eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 ;
18.  Dit, par seize voix contre une, que la Moldova a failli à ses obligations au titre de l'article 34 de la Convention ;
19.  Dit, par seize voix contre une, que la Fédération de Russie a failli à ses obligations au titre de l'article 34 de la Convention ;
20.  Dit, par dix voix contre sept, que la Moldova doit verser, dans les trois mois, les sommes suivantes, plus tout montant pouvant être dû au titre de l'impôt :
a)  à MM. Ivanţoc, Leşco et Petrov-Popa, 60 000 EUR (soixante mille euros) chacun pour dommage matériel et moral ;
b)  à chacun des requérants, 3 000 EUR (trois mille euros) pour dommage moral découlant de la méconnaissance de l'article 34 ;
c)  aux requérants, la somme globale de 7 000 EUR (sept mille euros), moins 1 321,34 EUR (mille trois cent vingt et un euros trente-quatre centimes) perçus au titre de l'assistance judiciaire, pour frais et dépens, à savoir 1 454,33 EUR (mille quatre cent cinquante-quatre euros trente-trois centimes) pour Me Dinu, 1 320 EUR (mille trois cent vingt euros) pour Me Gribincea et 2 904,33 EUR (deux mille neuf cent quatre euros trente-trois centimes) pour Me Tănase ;
21.  Dit, par seize voix contre une, que la Fédération de Russie doit verser, dans les trois mois, les sommes suivantes, plus tout montant pouvant être dû au titre de l'impôt :
a)  à M. Ilaşcu, 180 000 EUR (cent quatre-vingt mille euros) pour dommage matériel et moral ;
b)  à chacun des autres requérants, 120 000 EUR (cent vingt mille euros) pour dommage matériel et moral ;
c)  à chacun des requérants, 7 000 EUR (sept mille euros) pour dommage moral découlant de la méconnaissance de l'article 34 ;
d)  aux requérants, la somme globale de 14 000 EUR (quatorze mille euros), moins 2 642,66 EUR (deux mille six cent quarante-deux euros soixante-six centimes) perçus au titre de l'assistance judiciaire, pour frais et dépens, à savoir 2 908,67 EUR (deux mille neuf cent huit euros soixante-sept centimes) pour Me Dinu, 2 640 EUR (deux mille six cent quarante euros) pour Me Gribincea et 5 808,67 EUR (cinq mille huit cent huit euros soixante-sept centimes) pour Me Tănase ;
22.  Dit, à l'unanimité, que les Etats défendeurs doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à la détention arbitraire des requérants encore incarcérés et assurer leur remise en liberté immédiate ;
23.  Dit, à l'unanimité, que les montants indiqués aux points 20 et 21 ci-dessus sont à convertir dans la monnaie nationale du lieu de résidence de chaque requérant, au taux applicable à la date du règlement, et sont à majorer d'un intérêt simple à un taux annuel équivalant au taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne augmenté de trois points de pourcentage à compter de l'expiration dudit délai de trois mois et jusqu'au versement ;
24.  Rejette, à l'unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l'Homme, à Strasbourg, le 8 juillet 2004.
Luzius Wildhaber    Président   Paul Mahoney   Greffier
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l'exposé des opinions séparées suivantes :
–  opinion partiellement dissidente de M. Casadevall, à laquelle se rallient M. Ress, Mme Tulkens, M. Bîrsan et Mme Fura-Sandström ;
–  opinion partiellement dissidente de M. Ress ;
–  opinion partiellement dissidente de Sir Nicolas Bratza, à laquelle se rallient M. Rozakis, M. Hedigan, Mme Thomassen et M. Panţîru ;
–  opinion partiellement dissidente de M. Loucaides ;
–  opinion dissidente de M. Kovler.
L.W.   P.J.M.  
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE   DE M. LE JUGE CASADEVALL, À LAQUELLE  SE RALLIENT M. RESS, Mme TULKENS,  M. BÎRSAN ET Mme FURA-SANDSTRÖM, JUGES
1.  Je n'ai pas suivi la majorité de la Grande Chambre dans sa conclusion selon laquelle la responsabilité de la Moldova du fait du manquement à ses obligations positives au regard de la Convention ne serait engagée qu'à partir du mois de mai 2001.
Une telle appréciation a conduit au constat, paradoxal et incohérent de mon point de vue, que la Moldova a méconnu les articles 3 et 5 de la Convention en raison des mauvais traitements, de la détention et des conditions de détention subis par MM. Ivanţoc, Leşco et Petrov-Popa (seulement à partir de mai 2001) mais qu'en revanche aucune responsabilité ne lui est attribuée pour les mêmes faits et surtout pour la condamnation à la peine capitale prononcée par le « Tribunal suprême de la RMT » et pour le risque d'exécution en ce qui concerne M. Ilaşcu.
Les requérants relevant de la juridiction de la Moldova (paragrahe 335 de l'arrêt), la responsabilité de celle-ci est engagée, à mon avis, à partir de la date de ratification de la Convention jusqu'à nos jours et à l'égard de tous les requérants, rien ne permettant de considérer, bien au contraire, que ses obligations positives sont inexistantes pendant la période allant du 12 septembre 1997 au mois de mai 2001, comme l'a fait la majorité. J'expose les raisons de ma dissidence ci-dessous.
2.  L'accord de cessez-le-feu du conflit armé signé le 21 juillet 1992 a marqué la fin d'une première phase de vrais efforts de la part de la Moldova pour exercer son autorité sur l'ensemble de son territoire. Après cette date, elle a plutôt adopté une attitude d'acquiescement, ses efforts se déployant par la voie de la négociation en vue de rétablir le contrôle sur le territoire transnistrien, au lieu de viser à assurer le respect des droits des requérants, jugés et détenus illégalement pendant dix ans pour M. Ilaşcu et depuis presque douze ans pour les trois autres.
3.  Comme le dit la Cour, eu égard à la complexité des faits, la question de savoir si la Moldova s'est acquittée de ses obligations positives est étroitement liée aussi bien aux relations entre la Moldova et la Fédération de Russie qu'à celles entre la Transnistrie et la Fédération de Russie. De surcroît, il faut noter l'influence que pouvait exercer la Moldova par l'intermédiaire des autorités russes pour améliorer la situation des requérants ; enfin, il importe aussi de tenir compte de certains faits et actes datant d'avant la ratification comme éléments de comparaison dans l'examen des efforts entrepris par cet Etat à partir du 12 septembre 1997 (paragraphes 337 et 338 de l'arrêt). Dès lors, une évaluation globale dans le 
temps de la situation, des actions et des omissions s'impose.
4.  Il est vrai que, depuis le début des hostilités, les autorités moldaves ont constamment dénoncé l'agression qu'elles estimaient subir et rejeté la proclamation d'indépendance des sécessionnistes. Après la fin des hostilités, en juillet 1992, les autorités moldaves ont continué à prendre des mesures pour rétablir leur contrôle, en engageant des enquêtes pénales en 1993. Par la suite, après 1994, elles n'ont pas cessé de revendiquer leur souveraineté sur le territoire contrôlé par la « RMT », que ce soit sur le plan interne ou sur le plan international (paragraphes 341-343 de l'arrêt).
5.  Toutefois, à partir de 1997, force est de constater une diminution du nombre de tentatives des autorités moldaves pour affirmer leur contrôle en Transnistrie, et que ces tentatives se limitaient à des efforts d'ordre diplomatique. Par ailleurs, la Moldova venait d'être admise au sein du Conseil de l'Europe et, paradoxalement, elle n'a pas tiré profit des possibilités qui lui étaient offertes dans ce forum politique.
Par contre, des mesures de coopération, expresses ou de facto, ont été mises en place entre les autorités moldaves et les séparatistes transnistriens : des accords d'ordre administratif, économique et politique ont été conclus, des relations ont été nouées entre le Parlement moldave et le « Parlement de la RMT », une coopération a été instaurée pendant plusieurs années dans les domaines policier, pénitentiaire et de sécurité, et d'autres formes de participation ont été créées dans d'autres domaines tels que la livraison de documents d'identité, l'espace aérien, la téléphonie et le sport (paragraphes 114, 174, 175, 177, 178, 179 et 185 de l'arrêt).
6.  Pour ce qui est de la situation des requérants, jusqu'à la ratification de la Convention en 1997, les autorités moldaves ont pris certaines mesures, telles que l'annulation le 3 février 1994 par le Tribunal suprême de la condamnation des requérants et la révocation de leur mandat de détention ; les poursuites déclenchées le 28 décembre 1993 à l'encontre des « juges » du « Tribunal suprême de Transnistrie » et autres responsables transnistriens accusés d'avoir usurpé des fonctions officielles ; l'amnistie décrétée par le président de la Moldova le 4 août 1995 ; la demande du 3 octobre 1995 du Parlement moldave ; l'envoi de médecins pour examiner les requérants détenus en Transnistrie ; et l'aide fournie aux familles (paragraphes 222, 223, 226, 227, 239 de l'arrêt).
7.  Mais encore une fois, après 1997, les mesures adoptées en vue d'assurer le respect des droits des requérants se sont limitées à l'envoi de médecins (la dernière visite ayant eu lieu en 1999), au soutien financier accordé à leurs familles, et aux interventions de M. Sturza pour leur libération (la dernière figurant dans le dossier date d'avril 2001). Le gouvernement moldave reconnaît qu'en réponse aux exigences exprimées par les séparatistes lors des discussions sur le règlement du conflit et sur la libération des requérants, il avait modifié sa stratégie de négociation, l'orientant davantage vers des échanges diplomatiques en vue de préparer le 
retour de la Transnistrie dans le cadre légal moldave et en renonçant en même temps aux mesures d'ordre judiciaire adoptées auparavant (paragraphe 344 in fine de l'arrêt). On peut comprendre que certaines mesures de coopération aient été prises par les autorités moldaves dans le souci louable de soulager la vie quotidienne de la population de Transnistrie et de lui permettre autant que faire se peut de mener une vie normale.
8.  Je ne souhaite pas porter un jugement sur la pertinence ou l'efficacité de la stratégie politique adoptée par la Moldova afin de régler une question aussi sérieuse que celle de son intégrité territoriale. Il n'en demeure pas moins que, même en l'absence de contrôle effectif sur la région transnistrienne, les autorités moldaves conservent l'obligation de prendre toutes les mesures en leur pouvoir, qu'elles soient d'ordre politique, diplomatique, économique, judicaire ou autre (paragraphe 331 de l'arrêt), pour assurer le respect des droits garantis par la Convention dans le chef des personnes relevant de leur juridiction formelle, donc toutes celles se trouvant à l'intérieur des frontières de la Moldova internationalement reconnues.
Sur la nature et l'efficacité des mesures prises ou pouvant être prises, certains faits peuvent avoir une valeur indicative plus prononcée que d'autres en fonction des conséquences qu'ils engendrent. A cet égard, vu la libération de M. Ilaşcu en mai 2001, on peut se permettre de présumer que toutes les mesures envisagées afin d'obtenir la libération des requérants ne pouvaient pas être jugées inutiles ex ante, comme semble l'admettre la majorité dans le deuxième alinéa du paragraphe 347 de l'arrêt.
9.  J'estime que les efforts menés par les autorités moldaves en vue d'obtenir le respect des droits garantis par la Convention, après sa ratification en 1997, n'ont pas été poursuivis avec la fermeté, la volonté et la conviction exigées par la grave situation qui était celle des requérants. Ainsi, il faut noter l'inaction manifeste, parfois l'action contraire, sur les aspects suivants.
–  Par une ordonnance du 28 décembre 1993, une enquête a été ouverte à l'encontre des personnes impliquées dans la poursuite et la condamnation des requérants, mais le manque d'informations sur les mesures prises par les autorités pour mener à bien cette procédure permet d'exprimer des doutes sérieux quant à son caractère effectif (paragraphe 221 de l'arrêt).
–  L'arrêt du 3 février 1994 du Tribunal suprême de la République de Moldova annulant le jugement du « Tribunal suprême de la RMT » du 9 décembre 1993 et ordonnant le renvoi du dossier au parquet pour une nouvelle instruction n'a eu aucune suite (paragraphe 222 de l'arrêt).
–  Aucune démarche n'a été effectuée après l'amnistie prononcée le 4 août 1995 par le président moldave. De même, la Cour n'a été informée d'aucune action entreprise par le gouvernement moldave ou par le ministère des Affaires étrangères en faveur des requérants, contrairement à ce que le Parlement leur avait demandé le 3 octobre 1995 (paragraphe 227 de l'arrêt).
–  Par une décision du 16 août 2000, l'ordonnance du 28 décembre 1993 a été annulée par le procureur de la République au motif que les faits avaient reçu une qualification juridique incorrecte. Par la même décision, il a été procédé à une requalification, mais l'ouverture d'une enquête à ce titre a été jugée inopportune au motif qu'il y avait prescription. On ne peut qu'exprimer des doutes quant au sérieux d'une enquête dans laquelle les autorités attendent sept ans avant de procéder à une nouvelle qualification juridique des faits, pour finir par les considérer comme prescrits. Sans pouvoir me prononcer sur la légalité en droit moldave d'une prescription des faits au sujet desquels une enquête pénale est pendante, il faut remarquer que la prescription en question a été possible précisément en raison de la durée d'une procédure qui s'est révélée de surcroît ineffective (paragraphe 229 de l'arrêt).
–  L'ouverture, le 16 août 2000 par le procureur de la République, d'une enquête pénale à l'encontre du directeur de la prison de Hlinaia n'a pas eu de suite. En tout cas, celui-ci a déclaré aux délégués de la Cour ne pas en avoir été informé (paragraphe 230 de l'arrêt et paragraphe 137 de l'annexe).
–  Du fait de la suspension ou de l'annulation des enquêtes susmentionnées, il est loisible à ce jour à certains hauts responsables du régime de la « RMT », dont M. Chevtsov, de se rendre en Moldova sans être réellement inquiétés pour leurs activités au service de ce régime (annexe, M. Ilaşcu, § 21, M. Rusu, § 304). Par ailleurs, on constate, non sans étonnement, qu'un ancien « ministre de la Justice de la RMT », M. Sidorov, a occupé depuis son retour en Moldova plusieurs hautes fonctions au sein de l'Etat et qu'il est le président du Comité pour les droits de l'homme et les minorités au Parlement moldave depuis 2001 (paragraphe 168 de l'arrêt).
10.  Il faut noter que, tout en adoptant des mesures de coopération avec le régime sécessionniste dans le but avoué de faciliter la vie de la population de Transnistrie, les autorités moldaves n'ont pas fait preuve de la même diligence en ce qui concerne le sort des requérants. Dans les négociations avec les séparatistes, que se soit avant ou après mai 2001, les autorités moldaves se sont limitées à soulever oralement la question, sans s'efforcer d'obtenir la conclusion d'un accord écrit pour obtenir la libération des intéressés (paragraphes 172 et 348 de l'arrêt). De même, bien que trois des requérants soient toujours privés illégalement de liberté depuis presque douze ans, aucun projet global de règlement du problème transnistrien ne traite de leur situation (paragraphe 348 in fine).
11.  La Cour admet que, dans leurs relations bilatérales avec la Fédération de Russie, les autorités moldaves ne se sont pas montrées plus attentives au sort des requérants et que le fait que le gouvernement moldave ait renoncé, à l'audience du 6 juin 2001, à mettre en cause l'éventuelle responsabilité de la Fédération de Russie, et ce dans le but d'« éviter des effets indésirables, à savoir l'arrêt du processus tendant à mettre un terme (...) à la détention des (...)requérants » (paragraphe 360 de l'arrêt), équivaut de sa part à admettre l'influence que pouvaient avoir les autorités russes sur le régime transnistrien (paragraphe 349 de l'arrêt). Cependant, il semblerait que les autorités moldaves, que ce soit avant ou après 2001, n'ont pas exploité toutes les possibilités dont elles disposaient pour faire jouer une telle influence en faveur des requérants.
12.  En conclusion, on peut ne pas partager l'avis de la minorité, qui estime que les requérants ne relèvent pas de la juridiction de la Moldova aux fins de l'article 1 de la Convention, qu'elle n'a pas failli à ses obligations positives et que sa responsabilité ne se trouve pas engagée pour les violations dénoncées, mais une telle approche est parfaitement cohérente. Par contre, dès que l'on conclut que les requérants relèvent de la juridiction de la Moldova et que celle-ci est tenue par ses obligations positives, sa responsabilité est pleinement engagée à partir de la ratification de la Convention, le 12 septembre 1997.
La date fatidique de « mai 2001 » me paraît tout à fait artificielle et constitutive d'un non-sens. Telle est mon opinion.
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE   DE M. LE JUGE RESS
(Traduction)
1.  Je me suis rallié à l'opinion partiellement dissidente du juge Casadevall mais j'aimerais ajouter quelques remarques au sujet des obligations positives de la Moldova. La Cour a conclu que les requérants relèvent de la juridiction de la République de Moldova (paragraphes 300-331 de l'arrêt) et que la déclaration contenue dans l'instrument de ratification de la Convention déposé par la Moldova est une référence à la situation de contrôle régnant de fait. Même si la Moldova n'exerce pas un contrôle effectif sur la Transnistrie, l'article 1 de la Convention lui impose l'obligation positive de prendre les mesures qui sont en son pouvoir et en conformité avec le droit international afin de reconnaître aux requérants les droits énoncés dans la Convention. La Cour a déclaré à juste titre que, dans ces circonstances, l'Etat contractant continue d'exercer sa juridiction même s'il est empêché d'étendre son autorité sur l'ensemble de son territoire par une situation de fait contraignante, comme la mise en place d'un régime séparatiste. La communauté internationale ne conteste pas la souveraineté de la Moldova sur l'ensemble de son territoire. La Fédération de Russie elle-même ne le fait pas, alors que, par le biais de la présence de ses troupes, elle assure un contrôle sur la Transnistrie et, à ce titre, exerce aussi une juridiction et partage dans cette mesure avec la Moldova une responsabilité, quoique d'une nature différente. Je ne saurais conclure, comme la Cour le fait au paragraphe 333 de l'arrêt, qu'« une telle situation factuelle a (...) pour effet de réduire la portée de cette juridiction ». La « portée » de la juridiction demeure toujours identique, mais la responsabilité de l'Etat contractant qui découle de l'engagement pris au titre de l'article 1 peut passer pour ne se rapporter qu'aux obligations positives envers les personnes se trouvant sur son territoire et non à tous les actes commis par l'autorité locale soutenue par les forces rebelles en Transnistrie. S'agissant des questions de juridiction et de responsabilité, l'Etat en cause se doit, avec tous les moyens légaux et diplomatiques dont il dispose envers des Etats tiers et des organisations internationales, d'essayer de continuer à garantir la jouissance des droits et libertés énoncés dans la Convention.
2.  Je souscris au constat énoncé au paragraphe 335 de l'arrêt selon lequel les requérants relèvent de la juridiction de la République de Moldova au sens de l'article 1 de la Convention, mais que la responsabilité de celle-ci pour les actes dénoncés – commis sur le territoire de la « RMT », sur lequel elle n'exerce aucune autorité effective – s'établit à la lumière des obligations positives qui lui incombent en vertu de la Convention. Il est difficile de comprendre comment la Moldova pourrait être tenue pour directement responsable de tous les actes commis par le régime transnistrien  
sur cette partie de son territoire. La Cour conclut, eu égard à la complexité de la situation factuelle et à la difficulté d'indiquer quelles mesures les autorités devraient prendre pour s'acquitter le plus efficacement de leurs obligations positives, que la Moldova a pris de nombreuses mesures après 1991-1992 pour rétablir son contrôle sur le territoire transnistrien. Toutefois, ces mesures ont perdu de leur intensité et de leur force après que la Moldova eut ratifié la Convention le 12 septembre 1997, et ont pratiquement cessé après la libération de M. Ilaşcu.
Comme la Cour l'a indiqué à juste titre, cette obligation de rétablir le contrôle sur la Transnistrie exigeait de la Moldova, premièrement, qu'elle s'abstienne de soutenir le régime séparatiste de la « RMT » en particulier après 1997 et, deuxièmement, qu'elle prenne toutes les mesures politiques, judiciaires et autres à sa disposition notamment pour résoudre la situation des requérants et prévenir toute autre violation de la Convention à leur encontre. La Cour elle-même note qu'il y a eu une « diminution du nombre de mesures d'ordre judiciaire destinées à affirmer l'autorité moldave en Transnistrie » (paragraphe 344 de l'arrêt). Je souscris sans réserve à l'analyse du juge Casadevall selon laquelle rien ne justifie de conclure que la Moldova s'est acquittée de ses obligations positives avant la libération de M. Ilaşcu en mai 2001 mais que, après cette date, les signes témoignant de mesures effectives prises par le gouvernement moldave pour reconnaître aux requérants les droits énoncés dans la Convention ont été encore moins nombreux, voire inexistants.
Il est évident que les efforts politiques et judiciaires menés par la Moldova pour rétablir son autorité sur le territoire transnistrien et pour mettre un terme aux violations de la Convention dans le chef des requérants ont connu différentes « phases » d'une efficacité plus ou moins grande. Après la création de la « RMT » en 1991-1992 avec le soutien de la Fédération de Russie, ce territoire est resté tout le temps sous l'autorité effective, ou au moins sous l'influence décisive de la Fédération de Russie, et a survécu grâce au soutien militaire, économique, financier et politique de celle-ci (paragraphe 392 de l'arrêt). Dans ces conditions, il était du plus élémentaire devoir des autorités moldaves de s'acquitter de leurs obligations positives en abordant le sort des requérants régulièrement dans le cadre de leurs relations bilatérales avec la Fédération de Russie. Ce manque d'efforts et d'arguments diplomatiques concernant les allégations de violation de la part de la Fédération de Russie était évident après mai 2001 mais aussi selon moi, comme la Cour elle-même l'a déclaré, dès après 1997 (paragraphe 349). C'est à la Fédération de Russie, en tant qu'Etat garant, que la Moldova aurait dû s'adresser par des efforts intenses, dans le cadre de ses obligations positives, en invoquant la responsabilité de celle-ci au titre de la Convention. Je ne décèle aucune ligne de démarcation entre la date de ratification et aujourd'hui, que ce soit en mai 2001 ou à un autre moment.
3.  La situation en Moldova diffère de celle décrite dans l'arrêt Chypre c. Turquie ([GC], no 25781/94, § 78, CEDH 2001-IV), où la Cour a constaté que la République de Chypre n'était toujours pas en mesure d'exécuter dans le nord de Chypre les obligations que lui imposait la Convention du fait que cette région était occupée militairement par la Turquie. En l'espèce, il n'y a pas d'occupation du territoire transnistrien bien qu'un régime rebelle y soit en place et que la Fédération de Russie y exerce une influence décisive, et même un contrôle. Cependant, la Moldova a disposé et dispose encore de puissants moyens d'influence pour s'acquitter de ses obligations positives, moyens qu'elle n'a pas utilisés avec détermination et conviction. Elle a même adopté une attitude de coopération dans différents domaines de l'administration et conclu des accords avec le régime rebelle, ce qui a conduit le juge Casadevall à dire qu'elle a plutôt adopté une attitude d'acquiescement. Or, lorsque les circonstances empêchent un Etat d'exercer son autorité sur certaines parties de son territoire à cause d'un régime rebelle, sa responsabilité peut se trouver engagée même s'il ne fait pas preuve d'un manque d'engagement ou d'effort tel que cela constitue un acquiescement tacite aux activités de l'administration illégale. Si l'on est amené à conclure qu'il y a eu acquiescement tacite, il est ensuite difficile de tenir le régime rebelle pour responsable de la violation du droit international. Pareil acquiescement ne permettrait aussi que difficilement à l'Etat en cause d'accepter le soutien de pays tiers dans sa lutte contre le régime rebelle. En effet, cela pourrait facilement être assimilé à une intervention injustifiée de la part du pays portant assistance. Par conséquent, on peut conclure à une méconnaissance de l'obligation positive dès lors que les preuves dont dispose la Cour, même si elles ne montrent pas clairement qu'il y a eu collusion ou acquiescement à l'exercice de l'autorité par un régime rebelle sur le territoire concerné, révèlent comme en l'espèce une situation intermédiaire, où l'Etat n'a pas déployé la détermination et les efforts attendus de lui et qui étaient en son pouvoir.
4.  Il n'appartient pas à la Cour d'interdire tout accord ou acquiescement tacite entre Etats quant à l'exercice de l'autorité et du contrôle. Toutefois, en vertu de la Convention, l'Etat est dans tous les cas tenu par l'obligation positive de veiller à ce que les droits et libertés garantis par la Convention continuent d'être respectés.
La question la plus cruciale est celle de savoir quelles mesures la Cour doit indiquer comme étant absolument indispensables à l'exécution de cette obligation positive. A mon sens, pour ne pas être considéré comme acquiesçant tacitement aux actes du régime rebelle, l'Etat doit :
a)  continuer à protester fermement contre l'exercice illégal de l'autorité sur son territoire sur les plans bilatéral et international ;
b)  continuer à prendre toutes les mesures possibles et juridiquement acceptables pour recouvrer le contrôle complet de son territoire ;
c)  continuer à rechercher un soutien, sur les plans bilatéral et international, notamment par l'intermédiaire des organisations internationales, pour toutes les mesures prises contre le régime illégal, étant donné que les Etats contractants doivent assurer le respect des droits de l'homme sur l'ensemble de leur territoire, et
d)  ne pas accorder au régime rebelle un soutien qui pourrait passer pour un acquiescement manifeste à l'exercice par celui-ci de l'autorité.
Les questions touchant à l'efficacité de mesures plus strictes, comme un blocus économique, par exemple, pour garantir la protection des droits de l'homme à court terme, ou à l'utilité d'une coopération économique, culturelle et autre pour résoudre la situation, relèvent de l'évaluation politique et de la diplomatie, et la Cour a prudemment essayé d'éviter d'y répondre.
5.  Au contraire de la situation régnant à Chypre, les relations entre les autorités constitutionnelles moldaves et le régime transnistrien n'ont jamais été totalement interrompues. Comme la Cour l'a souligné, il existait des relations pour la gestion de l'aéroport de Tiraspol, un système de téléphonie commun ainsi que des accords de coopération à de nombreux niveaux. Etant donné que la question est de savoir si la Moldova continue d'exercer sa juridiction sur certaines parties de son territoire, tous ces aspects de la coopération économique, politique, de sécurité et autre entre les autorités moldaves et transnistriennes rendent difficile de réfuter la responsabilité de la Moldova en l'espèce. La situation est donc plus proche de celle décrite dans l'arrêt Assanidzé c. Géorgie ([GC], no 71503/01, CEDH 2004-II) que de celle de l'affaire Chypre c. Turquie précitée. Dans la première affaire, qui concerne la région de l'Adjarie, les autorités constitutionnelles géorgiennes eurent des difficultés à obtenir le respect des droits garantis par la Convention sur tout leur territoire. En l'espèce, l'obligation positive de rétablir entièrement l'autorité et le contrôle exigerait de continuer à affirmer l'illégalité du régime transnistrien et les droits du gouvernement moldave sur la totalité du pays. Cela doit être accompli en utilisant tous les pouvoirs de l'Etat, judiciaire, exécutif et législatif. La poursuite de mesures judiciaires ne me paraît pas n'avoir qu'un effet symbolique. Quoi qu'il en soit, il y a aussi eu une nette diminution du nombre de tentatives menées par la Moldova au plan international pour affirmer son autorité sur la Transnistrie à partir de septembre 1997, et une diminution certaine de ses efforts visant à reconnaître leurs droits aux requérants, même en tenant compte de l'intense activité déployée par M. Sturza.
6.  Il sera toujours difficile d'évaluer une telle mosaïque de mesures, mais si l'on reconnaît que la Fédération de Russie exerçait sa juridiction sur la Transnistrie à l'époque des faits et continue d'y exercer un contrôle, alors on se rend compte qu'il y a eu un manque évident de protestations formelles, déclarations ou autres mesures adressées à la Russie ainsi qu'aux pays tiers, aux Nations unies et aux autres organisations internationales dans le but de les inciter à mettre un terme à la situation illégale régnant en Transnistrie et au sort inacceptable fait aux requérants.
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE  DE Sir Nicolas BRATZA, JUGE, À LAQUELLE  SE RALLIENT M. ROZAKIS, M. HEDIGAN,  Mme THOMASSEN ET M. PANŢÎRU, JUGES
(Traduction)
1.  Si je souscris à la conclusion de la majorité de la Cour selon laquelle les violations de la Convention alléguées par les requérants et dont la réalité a été établie engagent la responsabilité de la Fédération de Russie, je ne puis en revanche partager l'opinion de la majorité de mes collègues, qui estime que la responsabilité de la Moldova est elle aussi engagée.
2.  Pour déterminer si les griefs formulés peuvent être imputés aux deux Etats défendeurs, il est essentiel de se prononcer sur la question de savoir si les requérants peuvent passer pour « relever de leur juridiction » au sens de l'article 1 de la Convention. Dans l'affirmative, leur responsabilité sera en principe engagée à raison des violations de la Convention qui ont été commises ou qui se sont poursuivies après la date de l'entrée en vigueur de la Convention à leur égard, c'est-à-dire le 12 septembre 1997 pour la Moldova, et le 5 mai 1998 pour la Russie.
3.  Il a été établi dans la décision Banković et autres c. Belgique et autres ((déc.) [GC], no 52207/99, §§ 59-61, CEDH 2001-XII) que la notion de « juridiction » au sens de l'article 1 de la Convention est essentiellement territoriale et que ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que des actes accomplis ou produisant des effets en dehors du territoire des Etats contractants peuvent s'analyser en un exercice de leur « juridiction » au regard de cet article. A l'inverse, la présomption selon laquelle les personnes se trouvant sur le territoire d'un Etat relèvent de sa « juridiction » au sens de la Convention est réfragable, de sorte qu'un Etat peut, à titre exceptionnel, ne pas voir sa responsabilité engagée à raison d'actes contraires à la Convention accomplis sur son territoire. Cela ressort de l'arrêt Chypre c. Turquie ([GC], no 25781/94, § 78, CEDH 2001-IV) où la Cour a jugé que « [la République de Chypre] n'[étant] toujours pas en mesure d'exécuter dans le nord de Chypre les obligations que lui impose la Convention », considérer que les requérants ne relevaient pas de la juridiction de la Turquie aurait donné lieu à une « lacune regrettable dans le système de protection des droits de l'homme ».
4.  Les questions essentielles auxquelles il convient de répondre sont les suivantes : i) s'agit-il en l'espèce d'un cas exceptionnel où les requérants doivent être considérés comme relevant de la « juridiction » de la Fédération de Russie alors qu'ils se sont toujours trouvés en dehors de son territoire ? ii) doit-on estimer que les requérants, qui se trouvent sur le  
territoire de la Moldova, relèvent de sa « juridiction » de sorte que la responsabilité de cet Etat est engagée, ou qu'il convient au contraire de réfuter la présomption selon laquelle ils relevaient et relèvent toujours de sa juridiction ? Comme le présent arrêt le précise, ces deux questions étroitement liées ne peuvent être résolues que par une analyse minutieuse de la situation factuelle qui régnait en Transnistrie ou qui avait trait à cette région de 1991 à aujourd'hui.
A.  Principes applicables
5.  Les circonstances dans lesquelles un Etat peut voir sa responsabilité engagée à raison d'actes contraires à la Convention accomplis en dehors de son territoire ont été envisagées et définies par la Cour dans ses arrêts Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires) (arrêt du 23 mars 1995, série A no 310), Loizidou c. Turquie (fond) (arrêt du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI), Chypre c. Turquie (précité), et dans sa décision Banković et autres (précitée). Pareille responsabilité peut être mise en cause, le cas échéant :
i.  lorsque, par suite d'une action militaire – légale ou non – un Etat exerce un contrôle effectif sur une zone située en dehors de son territoire national. Pareil contrôle peut être exercé soit directement, par l'intermédiaire de ses forces armées, soit indirectement, par le biais d'une administration locale subordonnée (Loizidou (exceptions préliminaires), pp. 23-24, § 62). Dès lors qu'un Etat exerce en pratique un contrôle global sur un territoire, sa responsabilité ne saurait se circonscrire aux actes commis par ses soldats ou fonctionnaires – qu'ils aient ou non été approuvés par les autorités supérieures de l'Etat – « mais s'étend également aux actes de l'administration locale qui survit grâce à son soutien militaire et autre » (Chypre c. Turquie, § 77). En outre, dès lors qu'il est établi qu'un Etat exerce en pratique pareil contrôle, sa responsabilité est engagée même s'il n'exerce pas dans le détail un contrôle sur la politique et les actions des autorités locales (Loizidou (fond), pp. 2235-2236, § 56) ;
ii.  lorsqu'un Etat, en vertu du consentement, de l'invitation ou de l'acquiescement du gouvernement local, assume l'ensemble ou certains des pouvoirs publics relevant normalement des prérogatives de celui-ci (Banković et autres, § 71).
6.  La jurisprudence est moins affirmée dans l'hypothèse inverse qui concerne la responsabilité d'un Etat sur le territoire duquel surviennent des violations de la Convention mais qui se trouve dans l'impossibilité d'exercer un contrôle effectif sur celui-ci, soit parce qu'il est occupé militairement par les forces armées d'un autre Etat, soit parce qu'il s'y produit des actes de guerre ou de rébellion, soit parce qu'il est occupé et contrôlé par un régime séparatiste soutenu par des forces rebelles ou par un autre Etat. Il est évident qu'un individu continue de « relever de la  
juridiction » de l'Etat et que la présomption de responsabilité de l'Etat n'est pas réfutée lorsqu'il est établi qu'il coopère avec le gouvernement local dans l'exercice par celui-ci de l'autorité sur le territoire en cause. En outre, même si un Etat n'exerce pas un contrôle effectif sur une partie de son territoire, un individu sera considéré comme relevant de la « juridiction » de cet Etat pour ce qui est des actes contraires à la Convention qui y seraient accomplis, s'il est démontré que ses fonctionnaires ou agents ont participé, directement ou indirectement, à de tels actes ou les ont autorisés.
7.  La majorité de la Cour va plus loin, considérant que lorsqu'un Etat contractant est dans l'impossibilité d'exercer son autorité sur l'ensemble de son territoire par une situation de fait contraignante, comme la mise en place d'un régime séparatiste, il n'en cesse pas pour autant d'exercer sa « juridiction » au sens de l'article 1 de la Convention sur la partie du territoire momentanément soumise à une autorité locale soutenue par des forces de rébellion ou par un autre Etat ; une telle situation factuelle a néanmoins pour effet de « réduire la portée de cette juridiction, en ce sens que l'engagement souscrit par l'Etat contractant en vertu de l'article 1 doit être examiné par la Cour uniquement à la lumière des obligations positives de l'Etat à l'égard des personnes qui se trouvent sur son territoire » (paragraphe 333 de l'arrêt). La nature des obligations positives de l'Etat est décrite de diverses manières dans l'arrêt, comme l'obligation « de prendre toutes les mesures appropriées qui restent en son pouvoir » pour assurer le respect des droits et libertés définis dans la Convention (paragraphe 313), « l'obligation (...) de prendre les mesures qui sont en son pouvoir et en conformité avec le droit international – qu'elles soient d'ordre diplomatique, économique, judiciaire ou autre – afin d'assurer dans le chef des requérants le respect des droits garantis par la Convention » (paragraphe 331), et le devoir « avec tous les moyens légaux et diplomatiques (...) envers les Etats tiers et les organisations internationales, d'essayer de continuer à garantir la jouissance des droits et libertés énoncés dans la Convention » (paragraphe 333). La majorité de la Cour considère qu'il n'appartient pas à celle-ci d'indiquer quelles sont les mesures les plus efficaces que doivent prendre les autorités pour se conformer à leurs obligations mais plutôt de s'assurer que les mesures effectivement prises étaient adéquates et suffisantes dans le cas d'espèce, la Cour ayant pour tâche de « déterminer dans quelle mesure un effort minimal était quand même possible et s'il devait être entrepris » (paragraphe 334). Appliquant ces principes au cas d'espèce, la majorité de la Cour conclut que « les requérants relèvent de la juridiction de la République de Moldova au sens de l'article 1 de la Convention, mais que la responsabilité de celle-ci pour les actes dénoncés – commis sur le territoire de la « RMT », sur lequel elle n'exerce aucune autorité effective – s'établit à la lumière des obligations positives qui lui incombent en vertu de la Convention » (paragraphe 335).
8.  Je ne puis souscrire à cette analyse. Tout d'abord, j'ai quelque difficulté à admettre que les personnes qui vivent sur une partie du territoire d'un Etat sur laquelle, par suite de son occupation illégale par un régime séparatiste, cet Etat ne peut exercer son autorité ou son contrôle, peuvent malgré tout être réputées relever de la « juridiction » de cet Etat au sens autonome que revêt ce terme à l'article 1 de la Convention, terme qui suppose que l'Etat a le pouvoir de « reconna[ître] à toute personne (...) les droits et libertés » définis dans ce texte. Ensuite, il m'est tout aussi difficile d'admettre la conclusion de la majorité de la Cour selon laquelle, dans une telle situation factuelle, les personnes se trouvant sur son territoire continuent à « relever de la juridiction » de l'Etat mais que la portée de cette « juridiction » est réduite, l'Etat continuant à assumer des obligations positives à l'égard de toutes les personnes se trouvant sur son territoire s'agissant des droits garantis par la Convention. L'utilisation même de l'expression « obligations positives de l'Etat » et la référence qui est faite dans l'arrêt à la jurisprudence de la Cour au titre de l'article 1 concernant ces obligations me paraissent à la fois inutiles et trompeuses dans le contexte de la présente affaire. Cette jurisprudence – qui prend en considération le juste équilibre à ménager entre l'intérêt général et les intérêts de l'individu ainsi que les choix à faire en termes de priorités et de ressources – a été conçue en considération d'un contexte factuel où l'Etat défendeur exerçait un contrôle complet et effectif sur l'ensemble de son territoire et où les individus se trouvant sur ce territoire relevaient indiscutablement de sa « juridiction » aux fins de la Convention. Le raisonnement de la Cour ne peut, à mon sens, être transposé tel quel à des cas de figure fondamentalement différents où des circonstances qu'il ne maîtrise pas empêchent un Etat d'exercer une quelconque autorité sur le territoire en cause et où la question centrale est de savoir si les individus qui s'y trouvent doivent être considérés comme relevant de sa « juridiction » aux fins de la Convention.
Dans pareille situation, je ne saurais souscrire à la thèse selon laquelle l'Etat concerné peut être tenu pour responsable d'une violation des droits que des individus se trouvant sur le territoire en question tirent de la Convention du seul fait qu'il n'a pas établi avoir accompli des efforts suffisants, sur les plans juridique et diplomatique, pour protéger ces droits. Dans les circonstances de l'espèce, je pense que la mise en cause de la responsabilité d'un Etat à raison de la détention illégale de personnes emprisonnées sur un territoire qui échappe à son contrôle effectif ne peut dépendre de l'appréciation que la Cour porte sur le point de savoir si, à un moment donné, cet Etat a fourni des efforts concertés suffisants pour obtenir leur libération. Je ne peux pas non plus me rallier à une interprétation de la Convention qui obligerait la Cour, face à une situation internationale complexe et instable, à se prononcer sur l'efficacité des mesures juridiques ou diplomatiques prises pour rétablir l'ordre constitutionnel sur le territoire en question, sur leur applicabilité du point de vue pratique et sur le caractère approprié de leur mise en œuvre par l'Etat concerné.
9.  Je peux en revanche admettre que, lorsqu'un Etat est dans l'incapacité d'exercer toute autorité ou tout contrôle sur un territoire situé à l'intérieur de ses frontières, l'inaction de cet Etat peut passer pour engager sa responsabilité au titre de la Convention à l'égard des personnes se trouvant sur ce territoire. Cependant, pareille responsabilité ne peut selon moi entrer en jeu que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque les preuves dont dispose la Cour démontrent clairement de la part de l'Etat en question un manque d'engagement ou d'effort pour rétablir son autorité ou l'ordre constitutionnel sur le territoire tel que cette attitude revient à approuver tacitement le maintien de l'autorité ou de la « juridiction » du régime illégal sur ce territoire.
B.  Application des principes précités à la présente espèce
1.  La Fédération de Russie
10.  L'application des principes susmentionnés aux circonstances de la présente espèce me conduit à partager pleinement le raisonnement de la majorité de la Cour selon lequel, dès lors que les requérants ont toujours relevé de la « juridiction » de la Fédération de Russie au sens de l'article 1 de la Convention, et en relèvent encore pour trois d'entre eux, il y a lieu de mettre en cause la responsabilité encourue pour les violations de la Convention constatées par la Cour. Je considère notamment que les éléments de preuve en possession de la Cour ont démontré ce qui suit.
i.  Durant le conflit de 1991-1992, des militaires de la 14e armée (devenue le 1er avril 1992 le Groupement opérationnel des forces russes – le GOR) stationnée en Transnistrie combattant aux côtés et pour le compte des séparatistes sur le territoire en cause leur ont volontairement remis d'importantes quantités d'armement ou leur ont permis de s'en emparer.
ii.  Tout au long du conflit, des responsables de la Fédération de Russie ont manifesté leur soutien politique aux séparatistes transnistriens, notamment par leurs déclarations publiques.
iii.  Des soldats de la 14e armée/GOR ont été directement impliqués dans l'arrestation des requérants survenue en juin 1992 ; les trois premiers d'entre eux ont été détenus dans la garnison de la 14e armée/GOR où ils ont été victimes de graves sévices ; les requérants ont par la suite été remis aux mains de la police séparatiste par les autorités militaires qui connaissaient les charges pesant sur eux et avaient conscience des conséquences que leur transfert à un régime illégal et anticonstitutionnel était susceptible d'entraîner à leur encontre.
iv.  La Fédération de Russie a permis la survie du régime séparatiste établi sur le territoire en question en continuant à lui fournir un soutien militaire, politique et économique après l'accord de cessez-le-feu conclu le 21 juillet 1992.
v.  Dans la période postérieure à la ratification de la Convention, la Fédération de Russie, en conservant des troupes stationnées sur le territoire moldave au mépris de son engagement de les retirer et en soutenant économiquement, financièrement et politiquement le régime transnistrien illégal qu'elle avait contribué à établir, lui a permis de se maintenir ainsi que d'exercer son autorité et son contrôle sur le territoire en question.
2.  La Moldova
11.  J'aimerais préciser d'emblée que, contrairement à ce que la Cour a dit de la situation récemment examinée par elle dans l'arrêt Assanidzé c. Géorgie ([GC], no 71503/01, CEDH 2004-II), les autorités moldaves n'ont en l'espèce pas seulement des « difficultés à faire respecter les droits garantis par la Convention sur l'ensemble de [leur] territoire » (arrêt Assanidzé, § 146). Comme indiqué dans le présent arrêt (paragraphe 330), nul ne conteste que depuis le début du conflit, en 1991, jusqu'à l'heure actuelle, la Moldova est dans l'impossibilité d'exercer toute autorité et tout contrôle sur le territoire de la Transnistrie en raison de l'occupation de ce dernier par un régime séparatiste illégal. De plus, la majorité de la Cour reconnaît dans l'arrêt que, pour la période de 1991 à la ratification de la Convention par la Moldova en septembre 1997, non seulement la Moldova n'encourt aucune responsabilité pour les actes contraires à la Convention dont les requérants font grief, mais on ne saurait lui reprocher un manque d'engagement ou d'effort pour rétablir son contrôle sur ce territoire ou reconnaître aux requérants leurs droits. Ce constat est selon moi tout à fait juste.
Pendant la durée des hostilités, les autorités constitutionnelles moldaves, confrontées à des forces supérieures en nombre, armement et puissance de combat, furent dans l'incapacité de rétablir leur contrôle sur le territoire transnistrien. De surcroît, comme indiqué dans l'arrêt, dès le début des hostilités, les autorités moldaves non seulement rejetèrent la déclaration d'indépendance proclamée unilatéralement par les séparatistes, mais encore dénoncèrent publiquement l'agression dont était victime la Moldova et firent appel à l'aide internationale. Même après la fin du conflit armé, les autorités moldaves ne purent concrètement rétablir l'ordre constitutionnel sur le territoire car elles étaient confrontées à un régime bénéficiant du soutien militaire, politique et économique de la Fédération de Russie. Rien ne dénote que ces autorités aient en quoi que ce soit acquiescé au contrôle exercé sur ce territoire par le régime séparatiste illégal ; bien au contraire, comme le montrent les preuves et comme le relève l'arrêt, les autorités moldaves continuèrent à dénoncer le régime et à proclamer leur souveraineté sur ce territoire, sur les plans tant intérieur qu'international. C'est ainsi qu'en 1994, par exemple, la Moldova adopta une nouvelle Constitution prévoyant notamment la possibilité d'accorder un certain degré d'autonomie à la Transnistrie et qu'au cours de cette même année la Moldova signa avec la Fédération de Russie un accord sur le retrait total des troupes russes de ce territoire dans un délai de trois ans.
12.  Quant à la situation des requérants, non seulement leur arrestation, leur détention et les traitements qu'ils ont subis pendant leur incarcération ne sont en rien imputables aux autorités moldaves mais en outre, comme le souligne l'arrêt, rien ne donne à penser qu'il y ait eu collusion ou acquiescement de leur part au sujet de l'un quelconque des actes contraires à la Convention dont il est fait grief. Les preuves montrent au contraire que les responsables de l'exécutif et du judiciaire ont pris un certain nombre de mesures pour mettre en lumière le caractère illégal des faits survenus et pour obtenir la libération des requérants, notamment en annulant leur condamnation, en engageant des procédures pénales contre les personnes ayant mené les poursuites contre eux et procédé à leur condamnation, et en soulevant systématiquement la question de leur libération tant auprès des dirigeants séparatistes qu'auprès des autorités russes.
13.  Dans une déclaration contenue dans l'instrument de ratification de la Convention déposé le 12 septembre 1997, la République de Moldova annonce « qu'elle ne pourra pas assurer le respect des dispositions de la Convention pour les omissions et les actes commis par les organes de la République autoproclamée transnistrienne sur le territoire contrôlé effectivement par ses organes, jusqu'à la solution définitive du conflit dans la région ». Alors que la Cour, dans sa décision sur la recevabilité de la requête, a jugé que cette déclaration ne constituait pas une réserve valide aux fins de l'article 57 de la Convention, il n'y a aucune raison de croire que ce texte ne constitue pas un reflet exact de la situation factuelle qui régnait à la date de la ratification.
14.  C'est dans la période postérieure à septembre 1997 que la majorité de la Cour a jugé les autorités moldaves critiquables. Ayant admis que la Moldova n'exerce aucun contrôle sur le territoire de la Transnistrie, elle ne laisse pas entendre que cet Etat porte une responsabilité directe à raison des violations dénoncées. La majorité conclut plutôt que la responsabilité de la Moldova à raison de ces violations est engagée au motif qu'elle ne s'est pas acquittée de ses obligations positives consistant à prendre des mesures suffisantes, effectives et adéquates pour reconnaître aux requérants les droits définis dans la Convention. Cependant, les juges composant la majorité sont partagés quant à la date à partir de laquelle la Moldova peut être considérée comme ayant failli à ses obligations positives et donc quant à la responsabilité de la Moldova à raison des actes contraires à la Convention qui ont été commis. L'un de ces groupes (« le premier groupe »), dont le point de vue est exprimé dans l'opinion partiellement dissidente du juge Casadevall, considère que la Moldova a failli à ses obligations positives à compter de l'entrée en vigueur de la Convention, en septembre 1997, et que la Moldova est donc responsable des violations de la Convention intervenues après cette date. L'autre groupe (« le second groupe »), dont le point de vue est exposé dans l'arrêt lui-même, estime que pareil manquement ne s'est produit qu'après mai 2001 et que la responsabilité de la Moldova n'est pas engagée à raison des violations survenues avant cette date, y compris celles dont se plaint M. Ilaşcu, libéré ce mois-là. Il y a lieu de traiter séparément du raisonnement de ces deux groupes et je commencerai par celui qui attribue à la Moldova la responsabilité la plus grande.
a)  Responsabilité à compter de septembre 1997
15.  La conclusion du premier groupe selon laquelle la Moldova a failli à ses obligations positives à compter de la date d'entrée en vigueur de la Convention se fonde sur trois éléments principaux :
–  la réduction du nombre de tentatives de la part de la Moldova pour rétablir son contrôle sur la Transnistrie et la limitation de ces tentatives au domaine diplomatique ;
–  le développement de la coopération entre les autorités moldaves et transnistriennes dans les domaines administratif, économique, politique, de sécurité et autres ; et
–  la diminution des mesures adoptées et efforts entrepris par la Moldova pour reconnaître aux requérants leurs droits.
Pour des raisons de commodité, j'étudierai chacun de ces éléments tour à tour. A mon sens, aucun d'eux ne suffit à lui seul à justifier de conclure à la responsabilité de l'Etat moldave, et ils n'y suffisent pas non plus pris ensemble.
16.  Pour ce qui est du premier de ces éléments, il est vrai qu'il semble y avoir eu une diminution du nombre de mesures judiciaires prises en Moldova pour affirmer l'autorité de ce pays sur le territoire transnistrien. Il apparaît en particulier que l'enquête sur les allégations d'infractions contre les requérants ordonnée par la Cour suprême n'a pas eu lieu et que l'enquête pénale ouverte à l'encontre du directeur de la prison de Hlinaia le 16 août 2000 n'a pas eu de suite. De plus, à cette même date, l'ordonnance du 28 décembre 1993 prévoyant l'ouverture d'une enquête au sujet des personnes impliquées dans les poursuites contre les requérants et leur condamnation a été annulée.
17.  Je n'accorde pas une grande importance au fait que ces mesures n'aient pas été menées à terme, car elles n'avaient pas permis de mettre fin au régime illégal en place sur le territoire transnistrien ou de l'affaiblir et elles semblent n'avoir eu qu'un effet tout au plus symbolique. Le premier groupe insiste particulièrement sur le fait que, après avoir requalifié les charges pesant sur les personnes soupçonnées d'être responsables des poursuites et de la condamnation des requérants le 16 août 2000, les autorités moldaves ont jugé inopportun d'ouvrir une enquête au motif qu'il y avait prescription et que les suspects refusaient de coopérer avec les autorités. Or si, comme le relève le premier groupe, on ne peut qu'exprimer des doutes quant au sérieux d'une enquête dans laquelle les autorités attendent sept ans avant de procéder à une nouvelle qualification juridique, rien ne montre que la décision de requalification ou celle de considérer les faits comme prescrits en droit interne ont été prises de mauvaise foi et sans motifs juridiques justifiés. De plus, la position adoptée par les autorités judiciaires ne vient d'après moi nullement étayer la thèse selon laquelle les autorités moldaves avaient renoncé à tout effort pour rétablir leur contrôle sur leur territoire.
18.  Il est un facteur plus important : comme indiqué dans l'arrêt, à partir de 1998, les efforts des autorités moldaves se sont orientés davantage vers des démarches d'ordre diplomatique en vue de parvenir à un règlement global de la situation dans la région et de restaurer l'ordre constitutionnel sur le territoire transnistrien. En mars 1998, en particulier, la Moldova, la Fédération de Russie, l'Ukraine et la région de Transnistrie signèrent plusieurs documents en vue du règlement du conflit transnistrien (paragraphe 98 de l'arrêt) ; des représentants de la Moldova et du régime séparatiste eurent de nombreux contacts et entretiens dans le même but (paragraphes 104 et 171 de l'arrêt) ; et, de 2002 à nos jours, un certain nombre de propositions en vue du règlement du conflit furent présentées et débattues par les autorités moldaves et russes et l'OSCE (paragraphes 106-109 de l'arrêt). Je ne vois pas de raison de mettre en doute l'affirmation du gouvernement moldave, étayée par les témoignages de M. Sturza (annexe, §§ 309-313) et de M. Sidorov (annexe, § 446), selon laquelle ce passage à une stratégie diplomatique visait à préparer la voie au retour de la Transnistrie dans l'ordre juridique moldave et par là à restituer leurs droits constitutionnels aux personnes vivant sur ce territoire, y compris aux requérants. Je ne décèle, dans les efforts qui ont été et qui continuent d'être déployés par les autorités moldaves pour négocier un règlement global, rien qui donne à penser qu'elles soutiennent le régime séparatiste ou qu'elles acquiescent à la poursuite par celui-ci de l'exercice illégal de l'autorité sur ce territoire.
19.  Le recours à des mesures de coopération avec les autorités séparatistes doit selon moi être considéré sous le même angle. Le premier groupe insiste particulièrement sur la conclusion d'accords de coopération économique, l'établissement de relations entre le Parlement moldave et le « Parlement de la RMT », la coopération dans les domaines policier et de sécurité et dans d'autres secteurs comme l'espace aérien, la téléphonie et le sport. Le gouvernement moldave a expliqué que ces mesures de coopération avaient été adoptées dans le souci d'améliorer le quotidien des personnes vivant en Transnistrie et de leur permettre de vivre le plus normalement possible. Aucun motif convaincant n'a été avancé pour porter à croire que tel n'était pas le but recherché, but que le premier groupe a lui-même qualifié de louable. En tout état de cause, compte tenu de leur nature et de leur caractère limité, ces mesures ne sauraient selon moi passer pour conférer le moindre soutien au régime transnistrien mais attestent au contraire du désir de la Moldova de rétablir son contrôle sur la totalité de son territoire.
20.  Le premier groupe critique le fait que, lorsqu'elles ont pris des mesures pour améliorer les conditions de vie des personnes se trouvant sur le territoire transnistrien, les autorités moldaves n'ont pas montré le même empressement à l'égard des requérants. Tout en affirmant qu'il n'appartient pas à la Cour de porter un jugement sur la pertinence ou l'efficacité de la stratégie politique adoptée par la Moldova pour régler une question aussi sérieuse que celle de son intégrité territoriale, le premier groupe fait cependant observer que les autorités moldaves conservent l'obligation « de prendre toutes les mesures en leur pouvoir, qu'elles soient d'ordre politique, diplomatique, économique, judicaire ou autre (...), pour assurer le respect des droits garantis par la Convention dans le chef des personnes relevant de leur juridiction formelle, donc toutes celles se trouvant à l'intérieur des frontières de la Moldova internationalement reconnues ». Toutefois, indépendamment de ce que je ne souscris pas à la thèse selon laquelle les personnes se trouvant sur le territoire de la Transnistrie doivent être considérées comme relevant de la « juridiction » de la Moldova aux fins de la Convention, ces critiques négligent selon moi le fait que le but même de la stratégie politique suivie était et est encore de restaurer l'ordre constitutionnel dans le territoire séparatiste, ce qui demeure une condition préalable indispensable à la reconnaissance des droits définis dans la Convention à toutes les personnes se trouvant sur le territoire, y compris aux requérants eux-mêmes.
21.  Le manque d'efforts dont auraient fait preuve les autorités moldaves depuis 1997 pour reconnaître aux requérants les droits énoncés dans la Convention constitue le troisième élément sur lequel le premier groupe s'appuie. Il critique ces efforts, considérant qu'après la ratification ils « n'ont pas été poursuivis avec la fermeté, la volonté et la conviction exigées par la grave situation qui était celle des requérants ». Il déclare que, depuis cette date, la Moldova s'est bornée à envoyer des médecins en Transnistrie pour examiner les requérants en prison, à fournir un soutien financier à leurs familles et à intervenir par l'intermédiaire de M. Sturza en vue d'obtenir leur libération.
22.  J'ai quelque difficulté à comprendre ces critiques pour autant qu'elles se rapportent à la période comprise entre 1997 et 2001. D'après le témoignage de M. Moşanu, la situation des requérants a été évoquée lors de réunions de l'OSCE, lors de réunions avec des Etats étrangers et lors d'une réunion de l'Union interparlementaire (annexe, § 249). Selon le témoignage, nullement contesté, de M. Sturza, ancien ministre de la Justice et président de la Commission pour les négociations avec la Transnistrie, il a continué après 1997 à évoquer la question de la libération des requérants auprès des autorités séparatistes. C'est à la suite de ces négociations que M. Sturza s'est rendu en Transnistrie, en avril 2001, pour ramener à Chişinău les quatre requérants, car on lui avait fait croire à tort qu'ils seraient tous quatre remis en liberté (annexe, § 312) et, selon les preuves soumises à la Cour, c'est au moins en partie grâce à ces négociations que M. Ilaşcu a effectivement été libéré le mois suivant. Sachant que les autorités moldaves espéraient encore à l'époque obtenir la libération des trois autres requérants, je ne trouve pas le moins du monde surprenant, contrairement au premier groupe, que M. Chevtsov ait été autorisé à se rendre en Moldova en ramenant M. Ilaşcu « sans être réellement inquiété pour [ses] activités au service de ce régime ».
23.  Je suis donc en mesure de souscrire au point de vue du second groupe de juges composant la majorité selon lequel la responsabilité de la Moldova n'est pas engagée à raison de l'une quelconque des violations de la Convention constatées avant mai 2001. Reste à déterminer si sa responsabilité l'est après cette date.
b)  Responsabilité après mai 2001
24.  La conclusion du second groupe selon laquelle la responsabilité de la Moldova est engagée après mai 2001 ne repose pas sur la diminution après cette date du nombre de mesures judiciaires destinées à affirmer l'autorité de la Moldova en Transnistrie ; au contraire, selon ce groupe, cette diminution ne saurait être vue comme une renonciation de la part de la Moldova à exercer sa juridiction sur cette région, compte tenu de ce que plusieurs mesures tentées jusqu'alors par les autorités moldaves se sont heurtées à des mesures de rétorsion de la « RMT » en 2001 et 2002 (paragraphe 344 de l'arrêt). En revanche, le raisonnement du second groupe s'appuie essentiellement sur ce qu'il présente comme une absence d'éléments prouvant que, depuis la libération de M. Ilaşcu, les autorités moldaves ont pris des mesures efficaces pour mettre un terme aux violations continues de la Convention à l'encontre des requérants. D'après ce groupe, en dehors de la déposition de M. Sturza selon laquelle la situation des requérants continue d'être évoquée régulièrement par les autorités moldaves dans leurs relations avec le régime de la « RMT », « la Cour ne dispose d'aucun autre élément pour conclure à une attitude diligente du gouvernement moldave pour ce qui est des requérants » (paragraphe 348 de l'arrêt).
25.  Certes, après mai 2001, les négociations avec les représentants de l'administration transnistrienne et de la Fédération de Russie semblent s'être centrées sur l'obtention d'un règlement global du conflit plutôt que sur le cas particulier des trois requérants toujours détenus. De plus, selon le témoignage de M. Sturza, M. Smirnov a refusé après cette date toute autre réunion consacrée à la situation des requérants (annexe, § 313). Cependant, toujours selon la déposition, nullement contestée, de M. Sturza, non seulement les négociations ont porté sur la question de ce qu'il convenait de faire des condamnations pénales prononcées par les autorités transnistriennes au cours des dix années précédentes mais, comme cela est reconnu dans l'arrêt, ce témoin a continué à soulever régulièrement la question de la libération des trois requérants auprès de ses homologues de Tiraspol au sein de la Commission pour les négociations avec la Transnistrie (annexe, § 309).
26.  Tout en reconnaissant la réalité de ces efforts, l'arrêt met l'accent sur le fait que les autorités moldaves se sont bornées à soulever oralement la question de la situation des requérants et qu'aucun projet global de règlement de la situation transnistrienne porté à l'attention de la Cour ne traite de leur situation (paragraphe 348). L'arrêt indique aussi que la Cour n'a été informée d'aucune démarche que les autorités moldaves auraient entreprise auprès des autorités russes pour obtenir la libération des autres requérants (paragraphe 349). Ces deux constats sont justes, mais je ne suis nullement convaincu que l'absence de telles preuves puisse servir à étayer la conclusion de la majorité selon laquelle la Moldova n'a pas pris des mesures suffisantes, effectives ou appropriées pour assurer aux requérants le respect des droits garantis par la Convention. Je suis encore moins en mesure d'admettre que les preuves soumises à la Cour permettent d'établir que les autorités moldaves ont acquiescé au maintien en détention de trois des requérants.
27.  C'est pourquoi je conclus que les requérants n'ont à aucun moment de l'époque considérée relevé de la « juridiction » de la Moldova aux fins de l'article 1 de la Convention, que la Moldova n'a failli à aucune des obligations découlant de cet article à l'égard des requérants et que la responsabilité de ce pays n'est donc pas engagée à raison des violations de la Convention dénoncées par les requérants, que ce soit avant ou après mai 2001.
28.  Il s'ensuit que j'ai non seulement voté contre la violation par la Moldova des droits garantis par la Convention dans le chef des requérants mais aussi contre la conclusion que la Moldova doit verser une somme aux requérants au titre de la satisfaction équitable. J'ai voté avec la majorité sur tous les autres points du dispositif (y compris le constat selon lequel la Moldova ne s'est pas acquittée de ses obligations au regard de l'article 34 de la Convention), sauf en ce qui concerne le point 21 c) au titre duquel la Fédération de Russie doit verser une somme pour dommage moral en raison de la méconnaissance par elle de l'article 34. Selon moi, même à supposer qu'une telle méconnaissance doive passer pour une « violation de la Convention » aux fins de l'article 41 de la Convention de sorte qu'elle puisse donner lieu à l'octroi d'une réparation équitable, ce dont je doute, je ne pense pas qu'il soit approprié en l'espèce d'allouer une somme à ce titre.
OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE   DE M. LE JUGE LOUCAIDES
(Traduction)
J'aimerais tout d'abord rappeler le point de vue que j'ai exprimé dans l'affaire Assanidzé c. Géorgie ([GC], no 71503/01, CEDH 2004-II) au sujet de la notion de « juridiction » au sens de l'article 1 de la Convention, dont il est question aux paragraphes 310 à 314 et 319 du présent arrêt :
« A mes yeux, la « juridiction » signifie l'autorité réelle – c'est-à-dire la possibilité d'imposer la volonté de l'Etat à tout individu –, qu'elle s'exerce sur le territoire d'une Haute Partie contractante ou en dehors de celui-ci. Il s'ensuit qu'au regard de la Convention un Etat partie est comptable de ses actes envers quiconque se trouve directement lésé par tout exercice d'autorité de la part de cet Etat, et ce en tout endroit du monde. Cette autorité peut revêtir différents aspects et être licite ou illicite. La forme habituelle est celle de l'autorité étatique sur le propre territoire de la Haute Partie, mais il peut aussi s'agir du contrôle global – même illicite – d'un autre territoire (Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), arrêt du 23 mars 1995, série A no 310), notamment d'un territoire occupé (Chypre c. Turquie [GC], no 25781/94, CEDH 2001-IV). Par ailleurs, cette autorité peut se manifester par une domination ou une influence effective exercée au moyen d'un important soutien politique, financier, militaire ou autre accordé au gouvernement d'un autre Etat. En outre, elle peut à mon avis se concrétiser par toutes sortes d'actions étatiques – militaires ou autres –, menées par la Haute Partie concernée dans toute partie du monde (contrairement à ce qui est affirmé dans la décision Banković et autres c. Belgique et autres ((déc.) [GC], no 52207/99, CEDH 2001-XII) évoquée dans l'arrêt).
Le critère devrait toujours consister à déterminer si la personne prétendant relever de la « juridiction » d'un Etat partie à la Convention à propos d'un acte donné est à même de démontrer que l'acte litigieux est résulté de l'exercice de l'autorité par l'Etat concerné. Toute autre interprétation écartant la responsabilité d'une Haute Partie contractante s'agissant d'actes découlant de l'exercice de son autorité étatique conduirait à l'affirmation absurde selon laquelle la Convention impose l'obligation de respecter les droits de l'homme uniquement sur le territoire placé sous le contrôle physique licite ou illicite de cette Partie et qu'en dehors de ce cadre – hormis certaines circonstances exceptionnelles dont l'existence serait déterminée au cas par cas – l'Etat partie concerné peut bafouer en toute impunité les règles de conduite fixées par la Convention. J'estime qu'une interprétation raisonnable des dispositions de la Convention à la lumière de l'objet de celle-ci amène forcément à conclure que la Convention représente pour toutes les Hautes Parties un code de bonne conduite pour chacun de leurs actes liés à l'exercice de leur autorité étatique et ayant un impact sur les individus. »
Je souhaite élargir ma position telle qu'elle est exposée ci-dessus en ajoutant qu'un Etat peut aussi être tenu pour responsable au titre de la Convention s'il ne s'est pas acquitté de ses obligations positives à l'égard d'une personne quelle qu'elle soit alors qu'il était en mesure d'exercer son autorité directement ou même indirectement sur cette personne ou sur le  
territoire où elle vit.
Eu égard à ce qui précède et aux faits et circonstances de l'affaire tels que décrits dans l'arrêt, je partage l'avis de la majorité selon lequel les requérants relèvent de la « juridiction » de la Fédération de Russie aux fins de l'article 1 et que la responsabilité de celle-ci est engagée à raison des actes dénoncés. Comme indiqué à juste titre dans l'arrêt, il est prouvé « que la « RMT », établie en 1991-1992 avec le soutien de la Fédération de Russie et dotée d'organes de pouvoir et d'une administration propres, continue à se trouver sous l'autorité effective, ou tout au moins sous l'influence décisive, de la Fédération de Russie et, en tout état de cause, qu'elle survit grâce au soutien militaire, économique, financier et politique que lui fournit la Fédération de Russie » (paragraphe 392 de l'arrêt).
Toutefois, je ne souscris pas à l'avis de la majorité selon lequel les requérants relèvent de la « juridiction » de la Moldova et que la responsabilité de celle-ci est engagée au motif qu'elle a failli à l'obligation positive où elle se trouvait de prendre suffisamment de mesures effectives et appropriées pour reconnaître aux requérants les droits énoncés dans la Convention. Rien ne montre que la Moldova ait en réalité exercé une autorité directe ou indirecte sur le territoire où les requérants étaient détenus ou sur les requérants eux-mêmes. La Moldova n'est en rien responsable à raison de la détention illégale des requérants ou de la poursuite de cette détention. Rien ne montre que la Moldova ait acquiescé à l'existence du régime illégal ou ait encouragé ce régime qui, tout au long de la période considérée, a exercé (avec l'aide de la Russie comme on vient de l'expliquer) son autorité sur la région où les violations se sont produites et où les requérants étaient détenus.
Aucun des facteurs cités par la majorité à l'appui de sa conclusion selon laquelle la Moldova exerce sa juridiction sur les requérants ne peut selon moi être considéré comme équivalant à l'exercice ou au refus d'exercice d'une autorité effective à l'égard des requérants. A ce propos, je m'associe à l'approche adoptée par Sir Nicolas Bratza et exposée aux paragraphes 15 à 26 de son opinion partiellement dissidente.
En tout état de cause, conclure qu'il y a « juridiction » sur certaines personnes aux fins de la Convention du simple fait que le gouvernement concerné n'a pas pris les mesures judiciaires, politiques, diplomatiques et économiques ou toute autre des mesures citées par la majorité dans le but de reconnaître aux requérants les droits énoncés dans la Convention, alors même que ledit gouvernement n'exerçait pas une réelle autorité sur ces personnes, équivaudrait à élargir la notion de « juridiction » jusqu'à l'absurde. En d'autres termes, il serait à mon avis fallacieux d'admettre qu'une Haute Partie contractante a « juridiction » sur une personne échappant à son autorité du simple fait qu'elle ne prend pas les mesures politiques ou autres mentionnées en termes généraux par la majorité. Selon moi, pareil raisonnement conduirait par exemple à la conclusion à mon avis  
illogique que toutes les Hautes Parties contractantes exerceraient leur juridiction et verraient leur responsabilité engagée à raison des violations des droits de l'homme commises à l'égard de personnes se trouvant sur le territoire de l'une quelconque d'entre elles, y compris le leur, mais en dehors de leur autorité (de facto ou de jure ou les deux en fonction du territoire), du simple fait qu'elles n'œuvrent pas pour obtenir le respect des droits énoncés dans la Convention sur ce territoire en dirigeant des actions contre l'Etat qui exerce en réalité l'autorité sur ces personnes.
Je crois qu'il ne faut pas interpréter un traité d'une manière qui conduise à un résultat manifestement absurde.
Dans la décision Banković et autres (que je désapprouve personnellement), la Grande Chambre de la Cour a jugé que le bombardement d'un bâtiment à Belgrade ayant provoqué la mort de seize civils était un acte extraterritorial ne relevant pas de la « juridiction » des Hautes Parties contractantes à la Convention responsables du bombardement, raison pour laquelle elle a conclu que le grief formulé par les proches parents des personnes décédées était irrecevable. Il me semble incompréhensible et en tout cas très étrange qu'une Haute Partie contractante échappe à sa responsabilité au titre de la Convention au motif que le largage de bombes à partir d'avions lui appartenant survolant une région habitée dans un quelconque endroit du monde n'implique pas que les victimes de ce bombardement relèvent de sa « juridiction » (c'est-à-dire de son autorité), alors que le fait qu'une telle Partie ne prenne pas « toutes les mesures en [son] pouvoir, qu'elles soient d'ordre politique, diplomatique, économique, judicaire ou autre, pour assurer le respect des droits garantis par la Convention dans le chef des personnes relevant de [sa] juridiction formelle [de jure] », mais se trouvant en réalité en dehors de son autorité effective, confère à cet Etat juridiction et lui impose des obligations positives envers ces personnes.
En tout état de cause, je pense que les autorités de la Moldova ont en fait tenté tout ce que l'on pouvait raisonnablement attendre d'elles dans les circonstances particulières de la cause. Il serait irréaliste et injuste de leur attribuer une quelconque responsabilité à raison de la situation dénoncée par les requérants.
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE KOVLER
« La frontière entre le judiciaire et le politique n'est plus ce qu'elle était. Les fondements de la légitimité non plus. Encore moins la normativité, désormais plurielle et de plus en plus diffuse. » (A. Lajoie, Jugements de valeurs, Paris, PUF, 1997, p. 207)
Je regrette de ne pas me retrouver dans la majorité et de faire part publiquement, grâce à l'article 45 § 2 de la Convention, de mon profond désaccord avec le jugement de la Grande Chambre dans la présente affaire, tout en respectant les opinions de mes collègues.
Ce désaccord concerne à la fois la méthodologie de l'analyse, la présentation des faits, l'analyse des notions de « juridiction » et de « responsabilité » et enfin les conclusions auxquelles a abouti la Cour. Je suis obligé donc de m'arrêter sur chaque point.
I.  Méthodologie de l'analyse
L'affaire examinée donne l'exemple d'une situation où « les droits de l'homme deviennent une politique » (M. Gauchet, La démocratie contre elle-même, Paris, 2002, p. 326). Vu le caractère particulier de l'affaire, où la situation des requérants est indissociable d'une situation géopolitique d'une extrême complexité, il s'agit d'une situation inédite compte tenu de l'absence de jurisprudence appropriée de la Cour. L'arrêt de la Cour en cette affaire aurait pu former un précédent pour le même type de situations dans d'autres zones de conflit dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, y compris ceux qui ont récemment fait leur entrée dans cette organisation. Les racines historiques du conflit dans lequel étaient impliqués les pays de la région et l'effet d'« empire éclaté » font penser à un conflit de type balkanique ou caucasien, le rapprochement géographique aidant.
Or la Cour a préféré (à tort, à mon avis) la vision d'un conflit de type chypriote, en suivant sa jurisprudence correspondante et en tombant dans le piège de celle-ci. A mon avis, c'est une erreur méthodologique. Les similitudes superficielles entre la présente affaire et l'affaire Loizidou sont selon moi trompeuses. Le seul point commun (auquel je reviendrai) sont les sources du conflit, à savoir la perspective pour une communauté assez importante d'être rattachée un jour à un autre pays dont elle se distingue radicalement par ses attaches historiques, économiques et culturelles. D'où les réactions et contre-réactions des acteurs du conflit prenant des formes violentes et causant des tragédies humaines.
Pourtant, même cette jurisprudence Loizidou est riche d'enseignements : elle nous permet d'éviter des conclusions hâtives et simplistes. Dans son  
opinion dissidente dans l'affaire Loizidou, le juge Bernhardt, auquel le juge Lopes Rocha s'était rallié, soulignait : « En l'espèce, il est impossible de dissocier la situation personnelle de la victime d'une évolution historique complexe et d'une situation actuelle qui ne l'est pas moins » (Loizidou c. Turquie (fond), arrêt du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2242). En constatant l'échec des négociations visant à réunifier l'île, échec qui avait fait perdurer la situation de la requérante, il se demandait : « Qui est responsable de cet échec ? L'une des parties seulement ? Est-il possible de donner une réponse précise à ce genre de questions et de parvenir à une conclusion claire d'un point de vue juridique ? » (ibidem).
Dans une autre opinion dissidente dans la même affaire, le juge Pettiti constatait : « Quelles que soient les responsabilités assumées en 1974 lors du coup d'Etat, celles se situant à l'arrivée des troupes turques la même année, quelles que soient les hésitations de la communauté internationale dans l'approche des problèmes internationaux relatifs, à partir de 1974, à Chypre, (...), responsabilités qui sont d'origines diverses et de natures différentes, l'ensemble du problème des deux communautés (il ne s'agit pas de minorités nationales au sens du droit international) relève plus du politique et de la diplomatie que d'un examen juridictionnel européen, à partir de la situation isolée de Mme Loizidou au regard du Protocole no 1 » (Loizidou précité, pp. 2253-2254). La prudence et la sagesse de ces propos sont tout à fait justifiées.
Hélas, dans la présente affaire, la Cour a pris le risque d'examiner à partir de la situation isolée des quatre requérants (car à la différence de la situation chypriote aucun système de reproduction de cas similaires n'a été révélé) un ensemble de problèmes de différents ordres : militaire (on trouve dans l'arrêt l'analyse des aspects militaires du conflit transnistrien et un calcul minutieux des armes digne d'un quartier général), économique (appréciation des rapports des partenaires opérant depuis des décennies dans le même espace économique), politique (citations difficilement vérifiables des déclarations « non datées » des dirigeants politiques et des militaires). Certes, la Cour était débordée par l'énorme volume d'informations contradictoires provenant des requérants, des trois Etats impliqués dans la procédure et de sa propre mission d'enquête dans la région ; elle a fait un énorme travail – digne de toute estime – de sélection. Mais la problématique proprement juridique (par exemple, la qualification juridique du droit des peuples à l'autodétermination avec ses limites ou bien des appels répétés du premier requérant à la violence avant son arrestation) est restée orpheline. A mon avis, c'est une deuxième erreur méthodologique, qui a entraîné une série d'autres erreurs.
II.  Présentation des faits
Dans une affaire aussi complexe et aussi « sensible » que celle-là, la présentation minutieuse et objective des circonstances de l'espèce joue un rôle primordial car elle détermine en réalité le préjugement au sens positif de ce mot. Or, à mon avis, le contexte général de l'affaire est présenté d'une façon sommaire en dénaturant considérablement le tissu factuel. C'est la vision des choses imposée par les requérants dans des buts que l'on peut comprendre, qui prévaut. Je ne peux m'arrêter que sur quelques faits et leur interprétation qui donnent des images de la réalité erronées.
Le problème crucial du contexte général de l'affaire est la vision des origines et des principaux problèmes du conflit moldo-transnistrien. Dans des affaires assez compliquées et délicates, telles que Gorzelik et autres c. Pologne ([GC], no 44158/98, CEDH 2004-I) et Assanidzé c. Géorgie ([GC], no 71503/01, CEDH 2004-II), la Grande Chambre remonte au XIVe siècle pour analyser le problème silésien (paragraphe 13 de l'arrêt Gorzelik) et même au XIe siècle pour éclaircir le statut de l'Adjarie au sein de la Géorgie (paragraphes 100-107 de l'arrêt Assanidzé). Dans la présente affaire, les « non-dits » sont plus éloquents que ce qui est dit : une photographie instantanée de l'enlèvement à la Roumanie le 28 juin 1940 à la suite du pacte Molotov-Ribbentrop d'une partie de la Bessarabie et de la reprise à l'Ukraine « d'une bande de terre située sur la rive gauche du Dniestr » pour former la Moldavie soviétique donne l'impression que l'histoire de cette région multiethnique commence là (paragraphe 28 de l'arrêt) – tout cela sous forme de référence (très sélective il faut le dire) à un document de l'OSCE. Or le document cité comme n'importe quel autre aperçu d'histoire donne une image plus colorée de l'histoire de la région que je me permets de rappeler en bref.
Créée en 1360 après son détachement de la Hongrie, la principauté de Moldavie tombe en 1456 sous la domination de l'Empire ottoman. Cette domination dure plusieurs siècles. En 1711, le prince (gospodar) Dmitri Kantemir (dont le fils, Antiokh, soit dit en passant, deviendra l'éminent écrivain russe et ambassadeur de Russie à Londres et à Paris) conclut un accord avec Pierre le Grand sur la protection de la Moldavie, et c'est en 1791 par le traité conclu à l'issue de la guerre entre la coalition russo-autrichienne (dont les forces étaient conduites par A. Souvorov) et la Turquie que la Russie obtient le contrôle de la partie gauche du Dniestr, dont une forte proportion de la population est slave. A la suite de la nouvelle guerre russo-turque, le traité de Bucarest de 1812 inclut dans l'Empire russe la partie orientale de la Moldavie entre les fleuves Prout et Dniestr sous le nom de Bessarabie. Les Bulgares et les Gagaouses (ethnie turcophone chrétienne) peuplent la Bessarabie du Sud. Après la guerre de Crimée (1854-1856), la Russie cède aux Etats vainqueurs, conformément au traité de Paris de 1856, une partie de la Bessarabie qui est incluse dans le royaume de Roumanie créé en 1859, mais, par le traité de Berlin (1878), la Bessarabie est de nouveau rendue à la Russie, la Roumanie obtenant en compensation la Dobroudje. C'est en janvier 1918 que la Roumanie occupe la Bessarabie et fait voter par l'assemblée locale son rattachement. En même temps, le directoire de l'Ukraine (à l'époque indépendante) proclame sa souveraineté sur la rive gauche du Dniestr (48 % de la population étant à l'époque ukrainienne, 30 % moldave, 9 % russe et 8,5 % juive), et en 1924 une république autonome moldave y est créée. Depuis 1924, l'URSS a imposé à la Roumanie le plébiscite en Bessarabie (négociations à Vienne) avant d'occuper le 28 juin 1940 la Bessarabie. Telle est l'histoire controversée de la région qui depuis 1940 constitue une entité moldave, avec deux moitiés ayant chacune ses particularités historiques, économiques, culturelles et linguistiques. Ces particularités n'ont pas échappé aux observateurs avertis : « La Transnistrie dont la population est composée d'une majorité de Russes et d'Ukrainiens, s'est toujours sentie proche de la Russie avec laquelle elle a partagé deux siècles de vie commune. A l'éclatement de l'URSS, la Transnistrie a rejeté la politique de rattachement à la Roumanie du premier gouvernement moldave indépendant » (Libération, Paris, 1er août 2002).
A propos de la langue et de l'écriture, je ne veux pas spéculer sur ce problème très délicat et regrette que la Cour donne une vision plutôt simpliste à ce sujet (paragraphe 28 de l'arrêt), ce qui m'amène à deux citations. « Le premier texte connu en langue roumaine date de 1521 : c'est une lettre écrite par le boyard Neaşcu au maire de Braşov (...). Ces textes, traduits du slavon (langue liturgique des orthodoxes slaves mais aussi roumains), étaient transcrits en caractères cyrilliques. (...) Il faut cependant attendre le XIXe siècle pour que s'établisse définitivement la langue roumaine moderne, sous l'influence du français notamment : on a parlé à cet égard de « relatinisation ». C'est aussi à ce moment que l'usage de l'alphabet latin se substitue à celui de l'alphabet cyrillique » (source : Atlas des peuples de l'Europe centrale, Paris, La Découverte, 2002, p. 137). Quant aux langues utilisées, la Constitution de la Moldavie soviétique de 1978 établissait : « l'égalité des droits, y compris le droit d'utiliser la langue nationale » (article 34), « l'enseignement scolaire en langue nationale » (article 43), « les lois et autres actes (...) sont publiés en moldave et en russe » (article 103), « la justice est rendue soit en langues moldave et russe, soit en langue de la majorité de la population de la région » (article 158).
Je me suis permis de faire ces digressions historiques afin de rappeler la position de la Cour : « La Cour estime qu'elle doit s'abstenir, dans toute la mesure du possible, de se prononcer sur des questions d'ordre purement historique, lesquelles ne relèvent pas de sa compétence ; toutefois, elle peut accepter certaines vérités historiques notoires et se fonder sur elles dans son raisonnement » (Ždanoka c. Lettonie, no 58278/70, § 77, arrêt du 17 juin 2004 ; voir aussi Marais c. France, no 31159/96, décision de la Commission du 24 juin 1996, Décisions et rapports 86-A, p. 184, et Garaudy c. France (déc.), no 65831/01, CEDH 2003-IX). Or les « vérités historiques » s'avèrent assez déformées dans notre arrêt, par conséquent certains raisonnements aussi, à mon grand regret.
Les paragraphes 30-41 mentionnent pêle-mêle les prémisses et l'évolution du conflit moldo-transnistrien en mettant l'accent sur les aspects militaires, comme si le problème majeur était la 14e armée et le matériel de la DOSAAF (à propos, organisation non étatique selon la législation en vigueur). Comme juge national, je tiens à préciser que le processus de décomposition de l'URSS en 1988-1991 a touché non seulement les quinze républiques soviétiques qui ont proclamé l'une après l'autre leur souveraineté (la fameuse « parade des souverainetés »), mais aussi des territoires au sein de certaines républiques multinationales : le Haut-Karabakh, l'Abkhazie, la Tchétchénie, etc. La Moldova n'a pas échappé à cette escalade, d'autant plus que le Front populaire de la Moldova avait proclamé comme son but le rattachement de la Moldova dans son entité à la Roumanie, les lois sur la langue et le nouveau drapeau mentionnées au paragraphe 29 n'étant que le premier pas. C'est la Gagaousie, région turcophone, qui proclama la première le 18 août 1990 sa souveraineté, suivie le 2 septembre 1990 par la Transnistrie. Ce n'était pas, à mon avis, le résultat de la « résistance à l'indépendance moldave » (paragraphe 43 de l'arrêt), mais plutôt la résistance à la politique de refus du droit à l'autodétermination. N'oublions pas (et c'est encore un des « non-dits » du texte de l'arrêt) que la première opération des forces spéciales de la police moldave, lancée contre les « séparatistes » à Doubossari le 12 juin 1990, a précédé ces proclamations, donc les a stimulées.
C'est dans cette situation qu'il fallait chercher, à mon avis, les racines du conflit ayant des répercussions directes sur la situation des quatre requérants, et non dans la simple déclaration du 2 septembre 1990 quant à la création de la « République moldave de Transnistrie » comme le laissent entendre les paragraphes 30-34 de l'arrêt.
Juridiquement parlant, les déclarations mentionnées ne signifiaient pas à cette époque tumultueuse une déclaration de séparation (le mot « moldave » dans l'appellation de la « RMT » en est la preuve), mais une déclaration de la volonté d'obtenir une autonomie plus large, comprenant le droit au référendum sur l'appartenance à l'entité étatique pour le cas où cette entité proclamerait son union avec un Etat étranger, perspective perçue comme un danger réel. « L'émergence, en 1990, des premiers mouvements autonomistes, puis la proclamation de l'indépendance en août 1991 favorisent la mise en place, entre Kichinev (Chişinău) et Bucarest, d'un projet d'intégration/annexion de la Moldavie par la Roumanie. Mais ce projet qui, dans un premier temps, a tenté les Moldaves, est abandonné lorsque, le 6 mars 1994, par voie de référendum, les Moldaves, au grand dam de Bucarest, se prononcent à 95,4 % contre leur rattachement à la Roumanie. Mais, hostiles à l'idée de l'indépendance de la république et, plus encore, à son éventuel rattachement à la Roumanie, les populations slaves localisées essentiellement en Transnistrie, une bande de territoire de 5 000 km2 à l'est du Dniestr, proclament leur autonomie », écrit Jean-Christophe Romer, professeur à l'Institut des Hautes Etudes européennes et à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr (J.-Ch. Romer, Géopolitique de la Russie, Paris, Economica, 1999, p. 63).
J'ajoute à cette analyse qu'en février 1992 le 2e Congrès du Front populaire de la Moldova a proclamé la Moldova, y compris la région de Transnistrie, partie intégrante de la Roumanie, et que c'est en mars 1992 qu'ont débuté les hostilités entre les forces spéciales de police et les « séparatistes ». Le 19 juin 1992 – date noire –, début de l'opération des forces policières de la Moldova à Bender. Bilan : quatre cent seize morts dans la population civile. C'est seulement le 29 juillet 1992 que les premiers détachements des forces de paix russes entrent à Tiraspol selon l'accord russo-moldave du 21 juillet 1992. Je pourrais continuer à restituer la suite des événements, mais je m'arrête là. J'observe seulement que la référence au « contexte général de l'affaire » dans le texte de l'arrêt compense l'absence de certains faits importants par des citations abondantes de déclarations politiques reflétant une seule tendance d'interprétation des événements. Il n'est donc pas facile de se faire une idée de la réalité. Je le déplore encore une fois.
Je regrette aussi que la Cour n'ait pas pris en considération le fait que les événements de 1992 (opération de « pacification » des autorités centrales, résistance armée des rebelles, période transitoire juste après la décomposition de l'URSS, etc.) constituaient en réalité un cas de force majeure dans lequel ont agi toutes les parties impliquées directement ou indirectement au conflit, y compris la 14e armée.
Je suis aussi tenté de donner ma vision plus nuancée du conflit armé des années 1991-1992, car je pense que le volume vraiment hypertrophié de cette partie de l'arrêt (paragraphes 42-110), dont le seul but est manifestement de démontrer la participation de la Russie au conflit et son soutien militaire aux séparatistes, est le résultat de l'erreur méthodologique déjà évoquée. Même dans l'affaire interétatique Chypre c. Turquie, la Cour a été beaucoup plus « économe » dans ce genre d'analyse, en se concentrant sur les problèmes juridiques.
Et pourtant, bien que je ne veuille pas alourdir le texte, je ne peux passer sous silence la « question cosaque ». L'arrêt reproduit une affirmation des requérants selon laquelle « en 1988 aucun Cosaque ne se trouvait sur le territoire moldave » (paragraphe 60). Je voudrais seulement rappeler que les Cosaques ukrainiens participèrent déjà en 1571-1574 à une guerre de libération des Moldaves contre la domination ottomane et que les Cosaques libres peuplaient la Moldavie, la Podolie, la Zaporogue depuis des siècles (voir entre autres sources : Ph. Longworth, The Cossacks, Londres, 1969). Victimes de la terreur stalinienne, ils furent réhabilités par le décret du 16 juin 1992 du Parlement russe dans le cadre de la réhabilitation des peuples victimes de la répression. C'est seulement le 9 août 1995 que le président de la Fédération de Russie signa l'ordonnance sur le registre des associations des Cosaques et le 16 avril 1996 celle sur les modalités de leur service civil et militaire. La liberté de mouvement et le caractère paramilitaire de leur organisation sont des traits reconnus des Cosaques. Des détails, dira-t-on, mais le diable est dans les détails.
Ces détails, il y en a pas mal dans le texte de l'arrêt : déclarations « non datées » du vice-président russe (paragraphe 137), intervention télévisée « non datée » du président russe (paragraphe 138), entretien télévisé diffusé « à une date non précisée » (paragraphe 145), etc. – cela malgré la position déclarée de la Cour : « Pour apprécier les preuves tant écrites qu'orales, la Cour a généralement adopté jusqu'ici le critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » (paragraphe 26). Or je suis étonné par le fait que, contrairement aux précisions fournies à la Cour, l'arrêt reproduit au paragraphe 141 (« tient pour établi[e] » !) une fausse information sur l'organisation par la Russie du vote du 17 mars 2004 « en l'absence d'accord des autorités moldaves ». La législation électorale de la Fédération de Russie prévoit le vote des citoyens russes à l'étranger dans les bureaux de vote créés à l'occasion (et pas toujours dans des « postes consulaires fixes, faisant fonction de bureaux de vote ») seulement avec l'accord des autorités de l'Etat en question. Je regrette que la Cour, dont les jugements sont étudiés partout à la loupe, se soit écartée à maintes reprises du critère énoncé au paragraphe 26 du présent arrêt.
Il est dommage aussi que, dans la présentation du contexte général de l'affaire, la Cour n'ait pas toujours suivi le principe établi par elle-même dans l'affaire Irlande c. Royaume-Uni : « Dans les affaires dont [la Cour] connaît, elle étudie l'ensemble des éléments en sa possession, qu'ils proviennent de la Commission, des parties ou d'autres sources ; s'il le faut, elle s'en procure d'office » (arrêt du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 64, § 160).
Par exemple, je regrette que la Cour évite soigneusement dans son arrêt de faire la moindre mention des activités du groupe « Bujor » et des requérants avant leur arrestation (sauf au paragraphe 216, en s'y référant au jugement du 9 décembre 1993). Or les documents fournis à la Cour sont éloquents sur ce point. Dans une interview à la revue « Sména » de Léningrad du 6 décembre 1990, M. Ilaşcu donne des détails de la fameuse « directive no 6 » : « Nous avons deux listes noires. Dans la première il y a 23 noms, toute la direction de la soi-disant République de Transnistrie. Dans la deuxième – 480, ce sont les délégués de leur deuxième Congrès. Des préparatifs sérieux sont effectués pour leur liquidation physique. » Conclusion : « Nous avons des hommes politiques qui doivent rester toujours propres, mais quelqu'un doit faire le sale boulot. » De déclarations du type « nous sommes capables d'organiser une grande effusion de sang » aux actes concrets, le chemin était court. Les noms des victimes de ces actes sont connus, les noms de leurs veuves et orphelins aussi. Ce n'est pas par hasard que les éminents spécialistes, mentionnés dans le paragraphe 286 de l'arrêt, proposaient de rejuger les requérants dans un pays neutre, comme d'ailleurs le Secrétaire général du Conseil de l'Europe qui n'excluait pas « a possible new trial of Mr Ilie Ilaşcu in a neutral place » (SG/Inf (2000) 53, 19 janvier 2001). A quoi servent toutes les résolutions des Nations unies sur la lutte contre le terrorisme ? Hélas, la Cour ne donne pas de réponse à ces questions, mais elle refuse la demande d'une des veuves, Mme Ludmila Goussar, de témoigner devant la Cour (paragraphe 8 de l'arrêt).
III.  Analyse des notions de « juridiction » et de « responsabilité »
Mais mes regrets sont encore plus profonds en ce qui concerne l'occasion manquée d'appliquer à une situation inédite une analyse plus nuancée des notions de « juridiction » et de « responsabilité ». Ne prétendant pas être détenteur de la vérité en dernière instance, je voudrais néanmoins faire part de ma vision du problème.
Ma position initiale exprimée lors du vote sur la recevabilité le 4 juillet 2001 (à laquelle je tiens toujours) était de déclarer la requête irrecevable ratione loci et ratione personae en ce qui concerne la Russie, tout en reconnaissant la juridiction de la Moldova sur la Transnistrie, mais en même temps en constatant l'absence de sa part de contrôle de facto sur la région, au moins au moment de l'arrestation des requérants.
Comme conséquence de ces constatations, la Cour aurait pu aboutir à un constat de « vide juridique » ou d'une « zone de non-droit » à laquelle des dispositions de la Convention ne s'appliquent pas de facto. Cette idée n'est ni absurde ni nouvelle. La proposition de recommandation intitulée « 'Zones de non-droit' sur le territoire des Etats membres du Conseil de l'Europe » émanant de M. Magnusson, député suédois à l'Assemblée parlementaire (soutenu par plusieurs de ses collègues) constate :
« [L'Assemblée] doit cependant admettre qu'il existe plusieurs zones se trouvant sur le territoire de certains Etats membres où la Convention européenne des Droits de l'Homme et les autres instruments de protection des droits de l'homme ne s'appliquent pas en fait.
Ceci ressort d'une part de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme dont certains jugements ne sont pas appliqués : affaire Loizidou contre Turquie, qui concerne la partie nord de Chypre ; affaire Matthews contre Royaume-Uni, qui concerne Gibraltar.
D'autre part, des zones de « non-droit » sont apparues dans les régions irrédentistes telles que la Tchétchénie, la Transnistrie, l'Abkhazie ou le Haut-Karabakh » (Doc. 8993, 8 mars 2001).
La déclaration d'une réserve territoriale faite par la Moldova au moment de la ratification de la Convention milite en quelque sorte en faveur de la reconnaissance d'un « vide juridique » dans la région, véritable « trou noir » dans l'espace juridique européen, d'autant plus que cette constatation pourrait être accompagnée par la reconnaissance de l'absence d'un contrôle de facto de la Moldova sur ce territoire. Je suis satisfait de faire partie de la majorité au moins sur ce point : la reconnaissance de la juridiction de la Moldova, même avec la formule limitée de « la juridiction (...) quant à ses obligations positives » (point 1 du dispositif).
Néanmoins, j'estime que la prépondérance du principe territorial s'agissant de la notion de « juridiction » au sens de l'article 1 de la Convention s'applique pleinement à la Moldova, à sa responsabilité et à ses obligations envers les requérants, même si celles-là sont de facto limitées (paragraphe 313 de l'arrêt). En tout cas, la Transnistrie n'est ni un « territoire sans maître » ni terra nullius aux termes du droit international : la communauté internationale continue à considérer la Transnistrie comme une partie intégrante de la Moldova ; le fait même que la Moldova ait exprimé une réserve au sujet de la Transnistrie au moment de la ratification de la Convention prouve qu'elle ne s'est pas acquittée à long terme de ses obligations envers ce territoire. Accepter le contraire serait faire un cadeau inestimable à tous les séparatistes du monde : une juridiction internationale reconnaît enfin qu'une partie du territoire d'un Etat échappe à la juridiction des autorités centrales. Je regrette seulement que la majorité n'ait reconnu la responsabilité de la Moldova qu'à partir de 2001, et cela en dépit du fait établi que la Moldova n'avait pas entrepris après 1994, et surtout après son adhésion au Conseil de l'Europe en 1997, la moindre démarche visant à obtenir le rejugement ou la libération des requérants. A cet égard, je partage l'essentiel des arguments de l'opinion partiellement dissidente du juge Casadevall et des autres collègues qui s'y sont ralliés.
Le problème de la juridiction dite extraterritoriale est beaucoup plus complexe. Je suis convaincu que la Cour est appelée à suivre les traditions de la « jurisprudence des notions », c'est-à-dire partir de l'idée que les notions essentielles du droit positif contemporain ont été élaborées par des générations de juristes et ne doivent pas être remises en cause, sauf dans des cas exceptionnels. C'était d'ailleurs la position unanime de la Cour dans l'affaire Banković et autres : « Aussi la Cour estime-t-elle que l'article 1 de la Convention doit passer pour refléter cette conception ordinaire et essentiellement territoriale de la juridiction des Etats, les autres titres de juridiction étant exceptionnels et nécessitant chaque fois une justification spéciale, en fonction des circonstances de l'espèce » (Banković et autres c. Belgique et autres (déc.) [GC], no 52207/99, § 61, CEDH 2001-XII). Dans l'affaire Banković et autres, la Cour a estimé nécessaire de « se convaincre qu'il existe en l'espèce des circonstances (...) exceptionnelles propres à faire conclure à un exercice extraterritorial de leur juridiction par les Etats défendeurs » (§ 74).
Quelles circonstances exceptionnelles pourraient justifier une telle conclusion dans la présente affaire ?
La Cour choisit, à mon humble avis, la voie de la facilité et applique dans son arrêt les critères élaborés dans un autre cas exceptionnel, l'incontournable affaire Loizidou, en tirant de ce précédent une conclusion trop vague : « La Cour a admis que, dans des circonstances exceptionnelles, les actes des Etats contractants accomplis ou produisant des effets en dehors de leur territoire peuvent s'analyser en l'exercice par eux de leur juridiction au sens de l'article 1 de la Convention » (paragraphe 314 du présent arrêt). Le premier critère de ces « actes » qui ressort de cette affaire est l'occupation par une action militaire ciblée du territoire de l'autre Etat. Mais tel n'est pas le cas dans notre affaire, où les forces militaires soviétiques stationnaient dans la région depuis des décennies.
Même en supposant qu'il y avait une « action militaire » à l'instar de la situation chypriote, les juges Gölcüklü et Pettiti avaient mille fois raison de séparer la « responsabilité » et la « juridiction » : « Certes, une Haute Partie peut voir engager sa responsabilité par suite d'une action militaire à l'extérieur de son territoire ; ceci n'implique pas l'exercice de la juridiction » (arrêt Loizidou (exceptions préliminaires), arrêt du 23 mars 1995, série A no 310, p. 35). Effectivement, les deux notions possèdent une certaine autonomie l'une par rapport à l'autre, hypothèse d'école dira-t-on...
Pourquoi la Cour a-t-elle négligé cette nuance très importante dans la présente affaire et n'a-t-elle pas comblé une lacune dans sa jurisprudence vu l'absence de critère valable relatif à la juridiction extraterritoriale ? A mon avis, pour aboutir à des conclusions plus directes par notion de responsabilité interposée (paragraphes 314-317 de l'arrêt). C'est la juridiction (territoriale ou extraterritoriale) qui est une notion primaire, la responsabilité étant l'émanation de la juridiction et non le contraire. La Cour a indirectement confirmé cette subordination, en reconnaissant la juridiction de la Moldova, mais en excluant sa responsabilité jusqu'en 2001 ! Mais, dans la recherche de la juridiction de la Fédération de Russie, elle a préféré la logique inverse : il y a « juridiction » car il y a « responsabilité ».
Même en acceptant qu'il s'agisse d'une éventuelle responsabilité impartie à un Etat étranger défendeur, nous devrions prouver que l'Etat défendeur a)  continue à exercer sa responsabilité engagée par le biais d'une administration locale subordonnée ; b)  continue à contrôler tout le territoire en question par un grand nombre de soldats participant à des missions actives en exerçant « en pratique un contrôle global sur cette partie de l'île », comme il a été constaté dans les exceptions préliminaires dans l'affaire Loizidou. Ces deux aspects sont évoqués notamment au paragraphe 70 de la décision sur la recevabilité de l'affaire Banković et autres, où cet aspect territorial a été mis en relief tout au long de la décision afin de conclure : « la Cour n'est pas persuadée de l'existence d'un lien juridictionnel entre les personnes ayant été victimes de l'acte incriminé et les Etats défendeurs » (affaire Banković et autres précitée, § 82).
Pour déterminer la responsabilité de la Fédération de Russie quant aux actes dénoncés, la Cour en se référant à l'arrêt Chypre c. Turquie utilise la notion de « contrôle global sur une zone située en dehors de son territoire national » (paragraphe 316 de l'arrêt). Je rappelle à cet effet l'appréciation donnée par la Cour dans l'affaire Loizidou : « la Turquie exerce en réalité dans le détail un contrôle sur la politique et les actions des autorités de la « RTCN ». Le grand nombre de soldats participant à des missions actives dans le nord de Chypre (...) atteste que l'armée turque exerce en pratique un contrôle global sur cette partie de l'île » (arrêt Loizidou (fond) précité, p. 2235, § 56). Si ma mémoire est bonne, je me souviens avoir appris dans les cours de préparation militaire initiale que la notion de « mission active » suppose le contrôle des routes et des chemins de fer, la surveillance des points stratégiques (poste-télégraphe-téléphone), le contrôle des gares et aéroports et des frontières, etc. Même sans être stratège militaire, l'on peut comparer les deux situations : 30 000 soldats sur un petit territoire peuplé de 120 000 à 150 000 habitants – et 2 500 soldats et officiers sur le territoire de 4 163 km2 et de 852 km de frontières peuplé de plus de 750 000 habitants ! Et enfin la différence majeure : il n'y avait pas d'invasion militaire de l'extérieur dans le but d'établir ce contrôle : les militaires russes, hier encore militaires soviétiques (dont les deux tiers originaires de la région), ont été surpris par les événements là où ils stationnaient depuis de longues années sans se mêler de la gestion administrative. Ces militaires n'exercent aucune « mission active » à part la garde des arsenaux d'armes et du matériel destiné à être évacué.
Quant à la subordination de l'administration locale aux autorités russes, le seul fait que cette administration ait maintes fois empêché l'évacuation du matériel militaire est révélateur. Après avoir libéré un des requérants sous la pression internationale, les autorités de la « RMT » continuent à retenir les autres malgré l'intérêt évident de leur « tuteur » présumé de se débarrasser du problème encombrant – drôle d'administration « soumise à l'autorité étrangère »...
L'autre thèse qui milite selon la majorité en faveur de la responsabilité de la Fédération de Russie est la suivante : la « RMT » fut établie en 1991-1992 avec le soutien de la Fédération de Russie. Je suis obligé de rappeler que la « RMT » a été proclamée le 2 septembre 1990, donc plus d'un an avant la décomposition de l'URSS et l'accession de la Russie à l'indépendance en tant qu'Etat souverain. Décidément, c'est La Fontaine qui vient à l'esprit : « Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. – Je n'en ai point. – C'est donc quelqu'un des tiens». La thèse du gouvernement moldave selon laquelle la Russie, en tant que continuatrice de l'URSS, assume la pleine responsabilité pour les actes de cet Etat ne résiste pas à l'idée, admise par le droit international, que dans le cas d'une responsabilité encourue par un sujet de droit du fait du comportement d'un autre sujet de droit il ne s'agit que d'une responsabilité indirecte (Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, 2001, pp. 996-997).
Rien que pour ce fait, à la différence de la proclamation de la « RTCN », la Russie ne pouvait pas être responsable de cet acte. En plus, elle n'a jamais reconnu la « RMT » comme Etat indépendant. Le Traité d'amitié et de coopération entre la Fédération de Russie et la République de Moldova signé le 19 novembre 2001 est clair sur ce point : « les parties condamnent le séparatisme sous toutes ses formes et prennent l'engagement de n'accorder aucun soutien aux mouvements séparatistes » (article 5, alinéa 2). Or la Cour préfère reproduire des déclarations irresponsables « non datées » de certains députés et ex-politiciens comme « preuves » du soutien politique.
Les « preuves » du prétendu soutien économique (paragraphes 156-160 de l'arrêt) ne résistent pas à leur vérification. Je compare les thèses de l'arrêt avec les observations d'une ONG – British Helsinki Human Rights Group (BHHRG) –, qui analyse la situation dans la région :
Exportations de gaz « dans des conditions financières plus avantageuses » (paragraphe 156). Selon cette ONG, le coût de 1 000 mètres cube de gaz fourni par la Russie à la Transnistrie était en 2003 de l'ordre de 89 USD, comme le prix du gaz fourni à l'Estonie (36 USD pour la Belarus, 50 USD pour la Géorgie).
« La Transnistrie reçoit de l'électricité directement de la Fédération de Russie » (paragraphe 157). Selon le BHHRG, le marché de l'électricité est contrôlé par la compagnie espagnole Union Fenosa, produisant l'électricité grâce au gaz acheté à la Russie.
« L'entreprise russe Iterra a acheté la plus grande entreprise de Transnistrie, l'usine de métallurgie de Râbniţa » (paragraphe 160). Rien qu'en août 2003, une seule compagnie du Liechtenstein a acheté 15,6 % des actions de cette usine.
C'est l'entreprise américaine Lucent Technologies qui contrôle toutes les télécommunications ; c'est en Allemagne que sont imprimés les billets de banque ; c'est l'Union européenne qui couronne par le prix « Arc of Europe » la production textile de l'entreprise Intercentre Llux (source : British Helsinki Human Rights Group, Transnistria 2003: Eye in the Gathering Storm – www.bhhrg.org).
Autre argument : la fourniture des armes aux séparatistes. Les requérants affirment (sans donner des preuves concrètes) que la 14e armée avait fourni des armes aux séparatistes, ce qui engage à leur avis encore plus la responsabilité de la Fédération de Russie. N'étant pas spécialiste en la matière, je me réfère à une source digne de foi : « Le pillage organisé des armes a commencé après la proclamation de la souveraineté de la Moldova le 23 juin 1990 et avait pris des formes graves en 1991 lors de la décomposition de l'URSS (situation semblable en Tchétchénie, en Abkhazie, etc.) ; 21 800 fusils, munitions et même les chars ont été « expropriés ». C'est grâce aux efforts du commandant de la 14e armée, le général Lebed, qu'une partie des armes a été saisie et retournée aux dépôts. Une enquête avait été ouverte par le procureur militaire » (journal russe Commersant, 21 juillet 2001). Le potentiel industriel de la région permet de produire pratiquement toutes les armes conventionnelles ; la vente des armes constitue jusqu'à aujourd'hui une part importante des revenus de la région, ce que mentionne la Cour (paragraphe 161 de l'arrêt).
En fin de compte, je n'ai trouvé dans les éléments factuels concernant les aspects militaire, politique et économique aucun élément valable qui puisse établir une intervention limitée ou continue de la Russie en faveur de la Transnistrie, de preuves de la dépendance militaire, politique ou économique de la « RMT » envers la Russie.
Au fond de moi-même, je regrette de ne pas avoir de preuves de ce que l'on appelle maintenant « l'intervention humanitaire », forme anoblie des interventions militaires de jadis. Je veux être absolument honnête sur la responsabilité de la Russie sur ce point : je suis persuadé qu'elle est responsable de ne pas être intervenue en 1992 d'une manière plus énergique afin de protéger la population civile et d'éviter plus de 850 victimes (y compris en dissuadant par des moyens politiques et diplomatiques les autorités moldaves de mener une expédition militaire punitive contre leur propre population). Là où d'autres puissances n'hésitent pas à hisser le drapeau de l'intervention humanitaire afin d'établir « the new military humanism » (N. Chomsky, The New Military Humanism, Lessons from Kosovo, L. 1999), les autorités russes de l'époque ont préféré une politique attentiste en laissant à certains de ses soldats et officiers (dans leur majorité originaires de la région) le soin de faire leur choix moral – défendre ou non leurs familles.
Je propose donc de répondre à une question qui se pose de toute évidence : comme sujet de droit international, la Russie avait-elle en pratique des possibilités réelles d'assumer en « RMT » sa responsabilité, c'est-à-dire la charge consistant à régler des problèmes ou à gérer une situation à caractère systématique ? Pour faciliter la réponse, je propose de se référer à l'arrêt Irlande c. Royaume-Uni (arrêt du 18 janvier 1978, série A no 25, p.64, § 159) : « Une pratique incompatible avec la Convention consiste en une accumulation de manquements de nature identique ou analogue, assez nombreux et liés entre eux pour ne pas se ramener à des incidents isolés, ou à des exceptions, et pour former un ensemble ou système (...) ». C'est seulement dans le cas où à travers une situation personnelle se dessinent des violations systématiques que l'on peut parler de la responsabilité objective d'un Etat étranger ; telle est ma lecture de l'arrêt cité, d'autant plus que les requérants n'ont pas présenté de preuves de violations systématiques du même genre.
L'autre postulat du droit international confirmé par notre jurisprudence est que la responsabilité extraterritoriale d'un Etat est engagée dans la mesure où ses représentants exercent leur autorité sur des victimes supposées ou sur leurs biens (Chypre c. Turquie, no 6780/74 et no 6950/75, décision de la Commission du 26 mai 1975, Décisions et rapports 2, p. 150). Est-ce vraiment le cas des quatre requérants en dehors de la brève période de leur arrestation en 1992 ?
A part les éléments factuels, il convient de tenir compte de l'aspect juridique de la question de la responsabilité internationale d'un Etat.
Je m'appuie sur un document de première importance : la Résolution 56/83 adoptée le 12 décembre 2001 par l'Assemblée générale des Nations unies et intitulée « Responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite », fruit de plusieurs années de travail de la Commission du droit international (CDI). En se référant aux travaux de la CDI, le paragraphe 320 de l'arrêt soulève le problème de la responsabilité d'un Etat du fait de la violation d'une obligation internationale en mettant l'accent, dans le paragraphe 321, sur la « violation continue » à la lumière de l'article 14 § 2 de la résolution. Or l'article 13 du même document établit : « Le fait de l'Etat ne constitue pas une violation d'une obligation internationale à moins que l'Etat ne soit lié par ladite obligation au moment où le fait se produit. »
De toute évidence, ce principe confirme le principe ratione temporis de notre jurisprudence. En d'autres termes, avant d'établir la continuité d'une violation (dans notre cas – l'arrestation et la détention provisoire des requérants), il est opportun de décider si cette prétendue violation n'échappe pas à notre examen ratione temporis.
A propos du principe ratione temporis, un des piliers de la jurisprudence de la Cour européenne, je crains fort que ce principe ne vole en éclats face à la notion de « juridiction » telle que définie dans le présent arrêt : « La Cour estime qu'en raison de ces faits les requérants relevaient de la juridiction de la Fédération de Russie au sens que l'article 1 de la Convention confère à cette notion, bien qu'à l'époque où ils se sont produits, la Convention ne fût pas en vigueur à l'égard de la Fédération de Russie. » (paragraphe 384)
Effectivement, ni la Moldova ni encore moins la Russie n'ayant ratifié la Convention au moment des faits (1992), elles ne peuvent pas être accusées de violation d'une obligation internationale par laquelle elles n'étaient pas encore liées. Par conséquent, ni l'article 14 (Extension dans le temps de la violation d'une obligation internationale), ni l'article 15 (Violation constituée par un fait composite) de la résolution mentionnée ne s'appliquent, contrairement à ce qu'affirme la Cour dans son arrêt (paragraphe 321).
Par contre, une autre disposition des travaux de la CDI est, à mon avis, tout à fait applicable lors de l'examen de la prétendue responsabilité russe, car elle confirme l'hypothèse de la force majeure :
« L'illicéité du fait d'un Etat non conforme à une obligation internationale de cet Etat est exclue si ce fait est dû à la force majeure, consistant en la survenance d'une force irrésistible ou d'un événement extérieur imprévu qui échappe au contrôle de l'Etat et fait qu'il est matériellement impossible, étant donné les circonstances, d'exécuter l'obligation. » (article 23, alinéa 1)
Demandons-nous : l'apogée d'une guerre civile constitue-t-il une situation de force majeure au sens de l'article 23 cité, d'autant plus que l'Etat défendeur, en l'occurrence la Fédération de Russie, n'a pas provoqué cette situation pour la simple raison qu'il n'existait pas encore comme sujet du droit international ?
A mon avis, la Cour ne peut pas faire exception à la règle confirmée par l'avis de la Commission dans Ribitsch c. Autriche : en établissant la responsabilité d'un Etat défendeur, la Cour applique les dispositions de la Convention tout en se fondant sur les buts de la Convention à la lumière des principes du droit international. La Commission précisait entre autres : « La responsabilité d'un Etat au titre de la Convention, engagée quant aux actions de tous ses organes, agents et fonctionnaires, ne requiert pas nécessairement de « culpabilité » au nom de l'Etat, que ce soit au sens moral, juridique ou politique » (Ribitsch c. Autriche, arrêt du 4 décembre 1995, série A no 336, avis de la Commission, p. 37, § 110).
IV.  Violation de l'article 34 de la Convention
Quant au constat de violation de l'article 34 par la Moldova et la Russie, je tiens seulement à remarquer que je suis choqué par l'utilisation d'un document volé (ou acheté – peu importe) – une note diplomatique. Je suis gêné de rappeler un principe élémentaire de toute procédure judiciaire : les témoignages obtenus illégalement ne peuvent pas être pris en considération. Encourager la violation du secret de la correspondance diplomatique, au mépris de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (18 avril 1961), surtout de son article 24 stipulant que les archives et les documents d'une représentation diplomatique « sont inviolables à tout moment et en quelque lieu qu'ils se trouvent », par une citation complice (paragraphe 278 de l'arrêt) et par une prise en considération (paragraphe 481 de l'arrêt) ne me paraît pas être à la hauteur d'une instance juridictionnelle européenne.
Les consultations confidentielles sont une pratique courante dans les relations internationales, notamment consacrée par le traité russo-moldave du 19 novembre 2001 : « Etant profondément concernées par l'assurance de la paix et de la sécurité les Hautes Parties Contractantes auront des consultations régulières sur des problèmes internationaux importants aussi bien que sur des questions de relations bilatérales. De tels consultations et échanges d'opinions vont englober (...) des questions d'interaction dans le cadre de l'OSCE, du Conseil de l'Europe et d'autres structures européennes » (article 3, alinéa 1, du traité). En plus, en présentant une note diplomatique détournée, les requérants tombaient sous la clause de l'abus du droit de requête individuelle (article 35 § 3 de la Convention) avec les conséquences que l'on connaît dans notre pratique. Hélas, tel n'était pas le cas. « On me l'a dit : il faut que je me venge. » Ô, immortel La Fontaine !
V.  Sur l'application de l'article 41 de la Convention
Quant aux sommes allouées aux requérants, surtout au premier requérant, libéré depuis 2001, la Cour, à mon avis, a dépassé la barre des sommes allouées dans les cas de constat de violation des articles 3 et 5 de la Convention, même dans les affaires les plus effrayantes. Ayant déjà franchi le seuil établi dans le récent arrêt Assanidzé (précité), où elle avait généreusement alloué au requérant 150 000 euros « pour l'ensemble des préjudices subis », la Cour dans la présente affaire est allée plus loin, peut-être vu la durée de la détention des requérants. Soit. Ce que je conteste, c'est qu'en jugeant qu'il n'y a pas eu violation de l'article 1 du Protocole no 1, la Cour estime nécessaire d'évoquer le dommage matériel et moral : « La Cour n'estime pas établie la réalité du dommage matériel allégué, mais il ne lui semble pas déraisonnable de penser que les requérants ont subi une perte de revenus et ont certainement encouru des frais directement dus aux violations constatées » (paragraphe 489 de l'arrêt). Cet argument est peu convaincant, à mon avis, et même dangereux pour la future jurisprudence car il ouvre imprudemment la boîte de Pandore.
VI.  L'arrêt est-il exécutoire ?
Enfin je voudrais signaler l'impossibilité objective pour le second Etat défendeur d'exécuter à la lettre le jugement de la Cour en passant par-dessus la tête de la Moldova souveraine, notamment pour mettre fin à la détention des requérants. (J'ai voté « pour » sur le point 22 du dispositif au vu de l'ensemble des démarches possibles.) Il sera encore plus difficile de prendre des mesures d'ordre général, comme l'exige le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. J'invite à réfléchir à une disposition de l'arrêt Drozd et Janousek : « La Convention n'obligeant pas les Parties contractantes à imposer ses règles aux Etats ou territoires tiers (...) » (arrêt du 26 juin 1992, série A no 240, p. 34, § 110). En traduisant cette disposition en langage du droit international, l'on peut conclure que ni la Convention ni d'autres documents n'obligent les Etats signataires à recourir à des contre-mesures pour mettre fin à la détention d'un citoyen étranger dans un pays étranger : la Déclaration des Nations unies sur l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures des Etats (Résolution 26/113 du 9 décembre 1981) est encore en vigueur. A moins qu'à la lecture de notre arrêt l'on ne se félicite de l'apparition en plein centre de la vieille Europe d'un nouveau condominium à l'instar des Nouvelles-Hébrides. Mais je doute fort qu'il faille s'en féliciter...
Case of Ilaşcu, Ivanţoc, Leşco and Petrov-Popa v. Moldova and Russia
(Application no. 48787/99)
Judgment (Annex)
Strasbourg, 8 July 2004
CASE OF ILAŞCU AND OTHERS v. MOLDOVA AND RUSSIA
(Application no. 48787/99)
JUDGMENT
ANNEX
SUMMARY OF STATEMENTS BY THE WITNESSES BEFORE THE COURT'S DELEGATES
STRASBOURG
8 July 2004
This judgment is final but it may be subject to editorial revision.
Page
1.  Ilie ILAŞCU
1.  Until his arrest in June 1992 the applicant was living in Tiraspol. He had been living there for ten years. In 1992 the applicant was chief economist in an enterprise based in Tiraspol. He was also the leader of the Tiraspol branch of the Democratic Christian Popular Front of Moldova, a position he had held since October 1989, when this party was created. On account of his political activity, pressure was put on him, grenades and stones were thrown into his house and he was finally fired from the position he held as chief economist. In February his family had had to take refuge in Chişinău. However, the applicant remained in Tiraspol.
2.  On the morning of 2 June 1992, around 4.30 a.m., as his dog in the courtyard started to bark, the applicant looked out of the window and saw armed soldiers dressed in camouflage and bullet-proof vests, jumping over the fence and taking up combat positions. The soldiers were wearing uniforms of the Fourteenth Army with the emblems of the Soviet Union.
The applicant's family, who were in Tiraspol for a few days, were sleeping. The applicant went to lock the door of the house, which was unlocked. The door then suddenly opened and five or six soldiers broke in and hit him in the face with the butt of a gun and tied his arms behind his back. He was then taken out and put in a Volga car. When taken out, he saw that in the courtyard and around it there were two armoured vehicles at the end of the street and around 50-60 soldiers led by a colonel accompanied by a lieutenant-colonel, whose name was, the applicant learned later, Vladimir Gorbov. The applicant also recognised among the people who started to search his house a certain Victor Gushan from the Transdniestrian secret services. The applicant claims that he had no arms or explosives in his house. When the applicant's wife asked them why they had arrested the applicant, Mr Gushan said it was because the applicant was the leader of the Popular Front of Moldova, and as they were at war with Moldova the applicant was considered to be dangerous and had to be detained.
3.  The applicant was taken to the building of the Ministry of Security in Tiraspol and put into a cell in the basement. When first arrested the applicant was told that arms had been found in his house or that he was suspected of having arms in his house.
4.  Some time later the applicant was taken to a room where he was interrogated by Vadim Shevtsov, “Minister of Security of the MRT” and three other colonels who were dressed in Fourteenth Army uniforms. On the third day interrogations started to take place during the night, one interrogation led by Vladimir Gorbov, another one by the three colonels. The applicant heard from the guards that the three colonels were from the secret services of the Fourteenth Army counter-intelligence division. During the interrogation led by Mr Gorbov relating to his political activity the applicant was accused of committing terrorist acts in Slobozia district. During the second interrogation a bargain was proposed to him, under the terms of which he, as leader of the Popular Front, would co-operate and say that he had been trained in Romania by special troops, somewhere near Braşov, that he had been armed by Romanians and sent to Transdniestria to carry out terrorist acts against the Russian civil population in Transdniestria. The applicant denied all these accusations and refused to accept such a bargain. Consequently, he was repeatedly beaten and subjected to psychological torture.
5.  During his first week of detention he had had no food at all. On many occasions during the initial investigation he was not allowed to sleep. The guards would come into the cell at 5 a.m., the bed would be stood up against the wall and he would then not be allowed to sleep until they had taken the bed down again.
6.  After five or six days, maybe more, the applicant was blindfolded and was taken to another place. When food was brought to him he saw soldiers of Fourteenth Army and was told that he was in the military garrison of the Fourteenth Army. The applicant realised the next day that he knew the building, as he had been there before, when he was arrested in 1989 also by the Fourteenth Army, after founding the Popular Front.
7.  At the time when he was detained at the military garrison of the Fourteenth Army in 1992, the commander was Colonel Mikhail Bergman, whom the applicant remembers as having been the only one who treated him humanely. Mr Bergman never took part in the interrogations.
During his detention there, the applicant saw only Mr Godiac and Mr Ivanţoc. One day, the door of his cell opened and Ivanţoc was asked by Gorbov, Bergman and the other investigators to identify him, which he did. The applicant did not know Mr Ivanţoc at that time, but Mr Ivanţoc certainly knew him as he was the leader of the Popular Front.
8.  During his detention at the military garrison of the Fourteenth Army, the applicant was taken out to be interrogated in various offices probably on the second floor, certainly on a floor above the cells. He was not very badly ill-treated, as the offices had walls painted in white and there was a risk of traces being left. However, interrogations also took place during the night, in his own cell, whose walls were painted in black. There, he would be very badly beaten. During one of the beatings some of his teeth were broken. As a result of the beatings the applicant was left with a disabled kidney.
9.  The applicant was also subjected to psychological torture. He was told that Cossacks had come to his flat and kidnapped his wife and two daughters, and then raped them, that his wife and one of the daughters had been found and taken to the psychiatric hospital, but that the second daughter had not been found. He was then asked to give in and sign a confession. Three days later Mr. Gorbov came back and told him that his second daughter had been found dead and urged the applicant to sign so that he could go home and give his daughter a Christian burial. The applicant lost control of himself and hit Gorbov. As a result, he was seriously ill-treated.
10.  During his detention in the charge of the Fourteenth Army, the applicant was subjected to four mock executions.
11.  In all, the applicant was detained at the military garrison of the Fourteenth Army for two months. On 23 August Mr Bergman introduced the applicant to the new commander of the Fourteenth Army, Alexandr Lebed. After a couple of minutes of discussions between the applicant and Mr Lebed the new commander of the Fourteenth Army gave Mr Bergman two hours to remove the applicants from there. On the same day Mr Bergman, accompanied by five or six officers and four soldiers of the Fourteenth Army with automatic weapons and a dog called Ceank, took the applicant in a truck to the Tiraspol City Police headquarters. The applicant was left in a corridor. Mr Bergman told Mr Shevtsov in an angry tone that he did not want to keep the applicants in the territory of the Fourteenth Army any more and went away.
12.  The applicant was detained in the basement of the Tiraspol City Police headquarters for about half a year, and was then transferred to Tiraspol Prison no. 2 until his conviction. During the investigation he was with other detainees in a cell.
13.  A week after his conviction, on 9 December 1993 the applicant was transferred to Hlinaia Prison in a cell specially prepared for death penalty convicts. He stayed nine years alone in a cell.
There he was subjected to very harsh treatment. He was beaten many times. He was given bread and tea to eat, with cornmeal at lunch. He was also frequently put in a punishment cell. The applicant weighed 95 kilos when arrested and only 57 kilos six months later. He was not allowed to see his family on a regular basis or to receive parcels. Food parcels sent to the applicant were sometimes destroyed. Every visit had to be approved. Sometimes approvals were not granted, sometimes they were granted but when his wife reached the gates of the prison she was not allowed to see him. He was not allowed to write, so that he had to use other means to send messages out of prison. As he wanted his mother to come and visit him, he was told that he should write a special request to Mr Smirnov. The applicant refused, because he did not recognise the “MRT”, and so he was not allowed to see his mother, who died while he was in prison.
14.  After the applicant had cast his vote in the Moldovan Parliament for the formation of the Sturza Government, there was an immediate effect on his visits: from April 1999 until January 2000 he was not allowed to see his family. From then on he was punished constantly on all sorts of pretexts – for example, his radio was taken away.
15.  There was no heating in winter because there was no technical possibility for this. The temperature went down to -10o Celsius. The applicant did not have a shower for six months and had to wash in cold water. There was no toilet, no decent conditions.
He had no access to information. He was alone. No one else was present when he exercised in the evening. He ate on his own in the cell. He was even forbidden to talk to the guards. He could only speak to the secret service people and to Mr Golovachev. He had no access to daylight or even to an electric lamp.
16.  When the applicant asked for treatment from the prison doctor he was told that there were no medicines. The only medicines were brought by the applicant's wife. The doctors who examined the applicant came from Chişinău.
17.  The applicant never complained to the Tiraspol authorities because he refused to recognise them; he addressed his complaints only to the legal authorities in Chişinău.
18.  In July 1998, after the applicant had made several attempts to escape, he was transferred to Tiraspol Prison no. 2, which was better guarded.
The treatment in the Tiraspol Prison was sometimes better, sometimes worse than in the Hlinaia Prison.
19. There was a toilet in the cell, and cold water. Not all the prison guards were hostile to the applicant, but the people from the security brigade under Mr Shevtsov ill-treated him. The Prison Governor and the guards were relatively correct with him. Colonel Golovachev, the Governor of the Prison, said, “I cannot stop the secret services ill-treating you.”
20.  In April 1999 the applicant lodged his application with the European Court of Human Rights. Initially, when the Tiraspol authorities got to hear of the application, he was treated much more harshly. There was no beating as such, but he was denied visits by his wife, books addressed to him in prison were seized, he was not allowed out of his cell for exercise, there were frequent searches of his cell, and so on. This also occurred after he had been visited in prison by the French Parliamentarian Josette Durrieux, who had advised the applicant to submit an application in the first place.
During the same period there was also an incident in which he was ill-treated by Mr Gusarov and some people from the secret services. He asked why he was subjected to such rigorous searches, but was dragged out of his cell and hit with the butt of a gun. One of the secret service men stuck a gun in his mouth, broke his teeth, and threatened him that there would be more of the same if he pursued his application with the European Court. Mr Ivanţoc was subjected to the same treatment by Mr Gusarov.
21.  The secret services came from time to time to ask him to withdraw the application. Then, on the morning of 5 May 2001, his cell door was opened. He was given five minutes to get his things together. He was naked while two Transdniestrian television stations were shooting the whole sequence of events in his cell, although he had asked them not to do this. He was being taken to see Mr Smirnov, he was told, because representatives from the West wanted to see him. There were five or six civilians in the corridor, some of them members of the Supreme Soviet of Transdniestria, others with guns.
He was put into a car with Mr Shevtsov. When they came to territory controlled by Chişinău the applicant was handcuffed to two soldiers. He was taken to the presidential palace in Chişinău, and then to the Ministry of Security. Mr Shevtsov took out a paper declaring that the detainee Ilaşcu had been transferred to the authorities of Moldova. He told the applicant that the sentence of death was still valid and that he did not want to see him again. The applicant was then taken to the office of the Minister of Security of Moldova and questioned.
22.  As regards the so-called pardon, Mr Balala came to see the applicant two days before his release in order to speak of it. However, the applicant refused the offer of a pardon because the Transdniestrians wanted an acknowledgement of guilt on his part.
23.  After his release the applicant spoke to the secret services of Moldova and Romania about his colleagues who remained behind in prison in Transdniestria. They told him that there had been pressure from the Council of Europe and its Parliamentary Assembly on the Russian President, Mr. Putin.
24.  The applicant was under the impression that the Russians were behind his release, as they had said that they would ask the Transdniestrians to release him. The Romanian President Mr Iliescu even called Mr Putin. The applicant claims that Shevtsov is a Russian citizen, a representative of the Russian secret service.
25.  As regards the attitude of the Moldovan authorities concerning his release, the applicant claims that thirty-three persons arrested by the Transdniestrians were exchanged for Cossacks arrested by Moldova. In June 1992 he was about to be exchanged as a result of an agreement with President Yeltsin. Negotiations were going on, about customs stamps, economic relations and exchanges of prisoners, especially sick prisoners. However, the applicant claims that in his case the Moldovan authorities did not really do all that they could have done.
26.  The authorities of the Russian Federation are responsible for what happens in Transdniestria. The Russian Federation is the successor of the Soviet Union. In 1992 there was no Soviet Union. The war was between Russia and Moldova.
The Fourteenth Army participated in the aggression against Moldova, it supplied arms to the Transdniestrian forces – machine guns, tanks, armoured vehicles, guided rocket systems. There is only one armed headquarters force in Transdniestria, and that is the headquarters of the Fourteenth Army. Shots were fired from there towards the battlefields. General Lebed fought against Moldova, but he saved the applicant's life, as he refused to deliver the applicant to the Transdniestrians who came to get him, after losing lives on the battlefield.
The Supreme Soviet of Transdniestria had taken the whole Fourteenth Army under its authority. General Lebed was even elected as a Member of the Transdniestrian Parliament. Russian staff from the Fourteenth Army were leading the military operations and members of the Transdniestrian armed forces were involved only symbolically. When General Iakovlev was arrested before the conflict and taken to Chişinău, it was on suspicion of having armed units in Transdniestria with weapons from the Fourteenth Army. The applicant was told by Mr. Leşco, who worked in a factory, that arms had been brought to the factory by the Fourteenth Army to arm the workers there.
All along the Russian Federation has been maintaining Transdniestria. It supports the Transdniestrian regime militarily, politically and economically. It supplies natural gas free of charge to Transdniestria, it has given Transdniestria 70 to 80 million US dollars of credit, it has kept its markets open for Transdniestria. Mr Smirnov has received military medals from Russia. The Russian Federation protects this illegal regime, even in the proceedings in Strasbourg. The applicant considers that this is not an ethnic conflict, but a political conflict. The territory of Transdniestria is under the control of the Russian Federation.
27.  As regards the Moldovan authorities, it is true that the Transdniestrian authorities were hostile to them. According to the applicant, the Transdniestrians are Fascists, imperialists. The applicant was prepared to withdraw his application to the European Court of Human Rights against Moldova on condition that the Moldovan authorities produced to him documents describing the participation of the Russian authorities in the events of 1991 to 1992. The applicant knows that they have such material – documents, video tapes of interviews of Russian officers captured, and so on. The applicant claims that Mr Morei, the Minister of Justice, told him that the Moldovan Government could not agree to this because the Russian Federation was supplying natural gas to Moldova.
28.  The applicant complains that one of the witnesses that he wished to call, Mrs. Olga Căpăţînă, was beaten up and had to be hospitalised.
29.  The Moldovan authorities did allow the applicant to act as a Member of Parliament although he had been sentenced and was in prison. However, the secret services of the Government that came to power after 1992 abandoned the applicant and his colleagues. It did nothing to secure their release. When the applicant was released Mr Valeriu Pasat said, jokingly, “Some politicians are now trying to emigrate.” President Snegur said that the applicant was too much in favour of integration with Romania. The Moldovan Parliament did adopt several resolutions in the applicants' favour, including one calling for Mr. Ilaşcu to be released. But the Executive did nothing to act on this. The Parliament did ask for international bodies to intervene, but it could not oblige the Executive to act. Moldova has not exercised any control over the territory of Transdniestria from 1992 to the present day.
2.  Tatiana LEŞCO
30.  In June 1992 she was living in Tiraspol. She was not at home when her husband was arrested. She heard on the radio on 3 June that a terrorist group headed by Ilie Ilaşcu had been arrested. On 4 June she went to the militia where she was told that the name of Leşco did not appear in their ledger. For three days she had no news. On 6 June Starojouk, a public prosecutor, said to her, “I cannot tell you anything.” She went to see another prosecutor, but she was not allowed into his office; she was physically thrown out. She went back to the militia office where Starojouk confirmed that her husband had been arrested but gave no reason. On 8 June Starojouk received the witness in his office. He said that her husband had been arrested for committing terrorist offences. Although the witness had been married for twelve years, there had never been a word about terrorism during all those twelve years. On 9 June she was not allowed to see her husband. On 10 June she was taken to the basement; there was a terrible stench. She did not recognise him; his hair was unkempt; he resembled a skeleton.
31.  As to the arrest, the neighbours told her that it had occurred at 3.30 a.m. in the morning. A search of the apartment was carried out on 3 June. Her husband told her that people in uniform had come to arrest him. Four people. He could not see who did it. The janitor of the apartment building had called him. He had been told to get dressed and leave with them. He was arrested by a police officer, a Mr Gusan. He was taken in a Volga car and jeep with Mr Gusan and six other people. He was interrogated by Mr Gorbov and Mr Antiufeev, who is now a member of the Transdniestrian Government. He was held at the militia building where arrested civilians are taken. For six days there was nothing in the register about him.
When the witness saw her husband in the militia building, Starojouk was also there, in a separate office. The witness did not know if Ilaşcu was there as well. She did not know Ilaşcu personally. When she saw her husband for the first time he had done nothing but eat, wolfing down half a chicken, and he had drunk a lot of water. He said that they had not given him anything to eat or drink.
32.  The witness had a second meeting with him after a month or so. In the meantime she had not been allowed to see him or to give him any food. She had taken his dirty clothes away with her; they were full of vermin. His shirt was stained in the area of the kidneys. He had obviously been beaten up. The next meeting, after a month or so, was in the same building, in the basement again. And then there was another meeting after a further two months in Starojouk's office.
33.  The witness's husband told her that he had spent about a month at the headquarters of the Russian Fourteenth Army, at the Commandatura. He said it had been horrible. Three soldiers had kicked him in the chest and groin; he had passed blood in his urine; one of the soldiers had made a lewd suggestion. He had been taken to the lavatory once a day, allowed only 45 seconds to relieve himself, and then a dog was sent in and he was pushed back to his cell. He was not allowed to wash there was no water to wash with. There was no food or water. He did not know the names of the people who had ill-treated him. They had not introduced themselves. They were wearing the military uniform of the Russian Special Troops. They were heavily muscled men from the Fourteenth Army.
The witness's husband told her that when he was in the Commandatura of the Fourteenth Army it was the militia men who had the keys to the cell. The attack on him had occurred when the guards got drunk with three soldiers. The guards gave the soldiers the keys for some reason. It was then that the soldiers broke into his cell, assaulted him and tried to rape him.
34.  At the Commandatura he saw Ilie Ilaşcu being subjected to what turned out to be a mock execution. He saw Ilie Ilaşcu being led out, blindfolded; he heard the guns firing and then saw traces of bullets on the wall. But he then learnt that Ilie Ilaşcu was alive. The witness's husband mentioned to her two names: Gorbov and Antiufeev. He said that, after the Commandatura, they came to interrogate him every night back at the militia centre. Colonel Bergman was the commandant at the Commandatura. They saw one another at the Commandatura.
35.  After his conviction in 1993 the witness's husband was taken to Tiraspol Prison No. 2. That was the only prison where he had been detained. The first time that the witness was able to visit her husband there was after three months. She was allowed to leave food for him. After the trial she had regular meetings with him once a month, as laid down in the Criminal Code, through a glass screen. Letters were opened, but they did not correspond too often. Twice a year a long meeting was granted. Parcels were not always allowed. He was kept in an individual cell. There was no beating up, but he was subjected to moral pressure. The witness herself was called a Romanian prostitute. The guards would ask her, “Why did you sell out to Romania when you are a Russian?” There was ill-treatment of her husband in the militia building, but not in prison. The food in prison often had worms in it. She was sometimes allowed to bring in large food parcels.
Her husband has never said anything much about medical treatment in prison. He had a pancreatic crisis when the witness was there once. He was foaming at the mouth. She had to wait all day for any kind of treatment to arrive. In the end a doctor came and said that he needed an operation, otherwise he would die. He was made to walk with handcuffs and manacles on, despite his condition. The doctor gave the witness a list of medicines to get. The operation had been a success. He was manacled to the bed in hospital, despite being on an intravenous drip. The witness was allowed to visit him in hospital once a day but there were four armed guards present all the time. His stay in hospital had lasted two weeks.
36.  The witness claims that her husband did not receive any orders or instructions from the Moldovan authorities before he was arrested in 1992. She was with him all the time. He was a member of the Popular Front. After her husband's arrest they had to leave their residence. She went to plead with the factory-owner, but he said, “You must leave the flat, you are a terrorist's wife.” After ten days a woman with a child came to occupy the flat. The witness was chased away and went to Chişinău. Six months after the event she was given a hotel room by the Popular Front. Whenever she went to Tiraspol to visit her husband she stayed with a friend. Then eventually she was given a room as a refugee.
3.  Eudochia IVANŢOC
37.  The witness was living in Tiraspol on 2 June 1992. She had not heard anything at all about a so-called Ilaşcu group before her husband was detained. They lived in Tiraspol and felt at home there.
38.  Her husband was arrested there when he was on his own. He told her that many armed people had entered the apartment, smashed their belongings, and beaten him unconscious. The persons who burst in were wearing black uniforms. Her husband was taken to the basement of the militia building in Tiraspol. The witness met him two days after his arrest. He was bruised on the forehead, the nail on one of his fingers was missing, and he was very dirty. They were forbidden to speak to one another in Romanian, but had to use Russian.
The witness met him in the office of the investigating offices, in the presence of three or four other people. It was a short meeting and it had been impossible for them to communicate properly. It was many weeks before the witness could send him a food parcel.
39.  From the militia building the prisoners were transferred to the Fourteenth Army Commandatura and then back to the militia building. Before their trial they were in either one or the other of these places. The witness had one short meeting with her husband during the period when he was being held at the Commandatura. She did not know that he was being held there. When she was in the militia building she saw him being brought into the building from a Volga car and it was then that Andrei told her, “We're being held at the Commandatura.” At that particular time they were refused any meetings. Before meetings he was prepared and cleaned up, so that the family would not see all the damage. “Boxers” were used in the basement to beat the detainees up. They had to speak in the Russian language and always in their presence.
40.  The conditions in the Commandatura were terrible. It was painful for the applicant to talk about it. He was kept alone in a cell; at midnight a bed was brought down from the wall for them to sleep on, but they were kept up during the whole day and so were not able to sleep properly. They were taken out to the toilet once a day, for a very short period; if they had not managed to relieve themselves in this very short period, dogs were let loose on them. They were not given much food. Ilaşcu and the others were detained there at the same time but in separate cells; the witness's husband was blindfolded when he was let out of the cell. The applicant told the witness that he had been kept in the Commandatura for two months, from July until August 1992. He was interrogated day and night; sometimes he was not allowed to sleep because the interrogations went on all night. He did not specifically tell the witness who interrogated him. The guards were from the Fourteenth Army. Gorbov, Starojouk and one other took part in the interrogation. He also mentioned the name of Bergman, but the witness could not remember exactly what he said in this connection.
41.  When he was held in police custody in Tiraspol the witness's husband was threatened with a sentence of death. The order was read out to him; he was taken out to be shot, and told, “Why do you want to bother about visits by your family if you are to be shot tomorrow?” There were times when he could not recognise the witness. Before his trial he was treated with psychotropic substances, so that his nervous system broke down. As a result, even today he suffers with constant headaches. His chronic diseases have got worse. He was in hospital for ten days before his trial. While detained in the militia building he was sent to Odessa for a psychiatric examination. He had not had any psychiatric examination until then. The findings of the Odessa examination had been destroyed. She knows from hearsay that he was kept naked on a concrete surface, but she cannot personally confirm that he tried to hang himself.
42.  Following the trial in 1993, the witness next saw her husband after a month as soon as she received the permission to meet him. Whenever events got worse, that affected visits. She was not able to visit her husband freely; she had to write to Mr Shevtsov to get approval. For a long time she was not allowed to give him newspapers in Romanian, but only in Russian. She could not correspond with him. He was kept in solitary confinement, in the toughest wing of the prison. It was very damp; there was a leaking roof and no daylight. There was permanent psychological pressure on him. In 1999 he was the victim of a physical attack when masked persons entered his cell, hit him with sticks and beat him up. Everything in his cell was broken and his personal effects were taken away. This is the time when he went on hunger strike. The 1999 incident occurred when the applicant's husband lodged his application with the European Court of Human Rights, or even before – when the Sturza Government was elected. He was not allowed to stay quietly in his cell, as there was a period of time when everyday someone tried to exert psychological pressure on him.
43.  The witness complained to various Moldovan authorities. She did not approach the Ministry of Justice directly. Together with the other wives, she approached the President of the Republic and the Ministry dealing with the Transdniestria issues. In reply, they were assured that negotiations were under way and things would be back to normal soon. This was so even when they applied to the Prosecutor General. But nothing ever came of these representations. The applicants' wives also applied to the Ombudsman, but they were told that he could not go deeper into the case because he did not have sufficient power. The other side was not subject to his authority, and everything depended on higher authorities – in other words, the President's Office and the State authorities.
The OSCE mission visited her husband in prison after these representations in 1999.
44.  There was no proper access to medical assistance in the prison. The witness insisted that a doctor from Chişinău go to see him in the prison in Tiraspol. He had a liver condition, high blood pressure and a kidney condition. The witness brought all the medicine from home, as no medical care was dispensed in prison.
45.  On 15 February 2003 the witness was refused permission to see her husband, but she managed to see him one week later. He told her that again people had burst into his cell and broken all his personal effects.
46.  Although Andrei Ivanţoc needs a special diet, he does not receive what he needs. He cooks food for himself, from the parcels delivered to him by his family. The prison authorities in Tiraspol refused him access to a psychiatrist. Recently, however, a group of doctors from Chişinău had visited him, but they were then barred from presenting their written report to him. The prison doctor was present during this examination, together with three or four persons from the security service.
47.  The witness is not aware of her husband ever having received any instructions from the Republic of Moldova. There were no persons from the Republic of Moldova present during his interrogation, just persons from Tiraspol. Her feeling is that the Moldovan authorities could have been more insistent, and in particular could have involved international organisations.
4.  Raisa PETROV-POPA
48.  In June 1992 the witness was living in Moldova in her parents' village. Her brother was living in Tiraspol. He had been there for six years with his wife and family (his son). The witness was not in Tiraspol when he was arrested; she heard of his arrest one week after the event when his wife telephoned her. The applicant's wife told the witness that people had come at night and arrested him. She further told her that he had been taken to the premises of the Fourteenth Army. The witness saw him for the first time during his trial. She had no opportunity to talk to him, but only spoke to his wife, who told her that he had been ill-treated in custody. After the trial the witness occasionally visited him in prison. She very rarely wrote to him or received letters from him. When the family did send him letters, he frequently said that he had not received anything.
49.  The witness's brother was detained in Tiraspol Prison until last year. He did not speak about his treatment in prison. There were always persons present who prevented him during the visits from speaking about matters other than family matters. He sometimes said that he had been taken out of his cell at night or verbally abused. The applicant never spoke about any medical treatment.
50.  The witness had not approached the Moldovan authorities on behalf of her brother in order to seek his release; his wife had, but the witness did not know what authorities she had approached. Nor did she know whether the Moldovan authorities had tried to do anything following her brother's arrest and conviction.
51.  She brought the application on behalf of her brother. Before the trial she did not know Ilaşcu, Leşco or Ivanţoc.
5.  Ştefan URÎTU
52.  The witness was formerly a permanent resident of Tiraspol. He now lives in Chişinău. He is the Chairman of the Helsinki Human Rights Committee and a Professor at the Tiraspol State University with its headquarters in Chişinău.
53.  By June 1992 he had been living in Tiraspol for nineteen years. He knew Ilaşcu and Ivanţoc but not Leşco or Petrov-Popa. He had been a member of the Popular Front. But in 1992 Ilaşcu had published a statement saying that the witness was excluded from the Popular Front for expressing pro-Snegur views.
54.  He was arrested on 2 June 1992, twelve hours after Ilaşcu. He did not know who the people arresting him were. He later came to understand that the public prosecutor Luchik and Colonel Bergman, the Fourteenth Army commander, were behind it. Luchik had been the Moldovan Prosecutor of the city of Tiraspol. Then the separatists had converted him into the Prosecutor of the “Transdniestrian Moldovan Republic”.
55.  The people arresting the witness were not in uniform. When he was arrested, there were some vehicles from the Russian Army surrounding his house. He was taken to the militia building in Tiraspol. He did not see Bergman himself, but he saw the army vehicles and was told by those arresting him that Bergman was involved.
56.  The witness was held in the militia building from 2 June until 21 August 1992. He saw Ilaşcu there through a crack in the door, but for most of the time Ilaşcu was kept at the Fourteenth Army building for security reasons. Opposite the witness's cell were Leşco, Ilaşcu, Ivanţoc and the others, except for the time when the applicants were taken to the Fourteenth Army. The main six detainees were kept there until September 1992. Over 30 people had been arrested in the operation. At one point the witness heard the scream of a crazy person. It was Ivanţoc, because they had told him that he was to be shot that day.
57.  The witness talked to Leşco, who said that the conditions in the militia building were quite good compared to those at the Fourteenth Army. The other prisoner who was sharing the witness's cell also told him that his colleagues had been taken to the Fourteenth Army because the security was much stricter there. All this was done when the fighting was going on in Bender.
58.  He was told by those who were detained at the Commandatura that their beds were raised against the wall at 5 or 6 a.m., that they were given no food, that there was no light in their cell, and so on. Leşco also told him that they were subjected to mock executions.
59.  The witness received a letter from a potential witness at the trial saying that he had been warned that if he kept to his testimony that Ilaşcu had been beaten, he would lose his job. He is now in detention. A person who gave evidence at the 1993 trial in Tiraspol was summoned by the Tiraspol authorities and asked if he would give the same evidence now.
60.  During his detention in the militia building, the witness was interrogated by Shevtsov, or Antiufeev as he now calls himself. The witness was Chairman of the Committee for Human Rights created in 1990 and had access to information concerning the situation in Transdniestria. Many people came to see them for information. The constitutional Moldovan authorities avoided responsibility for what the separatists were doing. Shevtsov, whom the witness did not know at the time, was a better-trained professional than any Moldovan would have been. The witness told him that he gave the impression of being from Russia – because of his Moscow accent and because of his being so professional at his job. When he saw Shevtsov later on the television, he realised who he was. He was the person who had organised the attack on the Riga television tower in 1991. He and the eleven colleagues who accompanied him to Tiraspol had created a network in the Baltic Republics, but they were then ordered by Moscow to Tiraspol. He used to be called by the name of Antiufeev, but in his fourth passport he had the name Shevtsov. He does not conceal now that Antiufeev and Shevtsov are one and the same person.
61.  The witness was interrogated only once in the presence of a lawyer. Another time he was interrogated at night by Mr Gorbov and another. They ill-treated him and tried to get him to sign a document, but he refused.
62.  The witness was not tried. He was released after 82 days of detention. He does not know why he was released, although he was subject to the same charges of terrorism. During the applicants' trial the witness sent a telegram to the President of the so-called Supreme Court of Transdniestria, Mrs Ivanova, asking to be heard by the court. He was refused. The answer given was that he was a criminal who deserved to be in the cage with Ilaşcu, and he could not be heard as a witness. Prosecutor Lukiç, whom the witness contacted, told him he could not protect him a second time.
63.  He had been released on signing an undertaking that he would not leave Tiraspol. Starojouk drove him to his home in Tiraspol. No personal belongings had been taken from his apartment. The witness promised not to make statements to the press. He was contacted by the Memorial group in Odessa, who invited him to Odessa. When he asked for permission to go to Ukraine, he was first refused, but in the end he obtained that permission. However, the witness fled to Chişinău instead of going to Ukraine.
64.  The witness stated that Ivanţoc's house had been surrounded by military vehicles and he had concluded that the Fourteenth Army and Colonel Bergman took part in the arrest.
65.  General Iakovlev had previously been arrested by the Moldovan authorities for providing arms to the separatists. The witness had seen the register, detailing how much weaponry had been given and to whom. It was given to people in their homes so that they could resist the constitutional forces of Moldova. As regards the arrest of General Iakovlev, the witness had heard that Mr. Ilaşcu was there to confirm to the arresting officers that they had the right person. Iakovlev was in plain clothes and about to flee to Odessa because he suspected that he was about to be arrested.
66.  General Iakovlev was subsequently exchanged for 28 Moldovans. On another occasion, 23 Moldovan policemen were exchanged for 23 paramilitary soldiers. Groups of 25 to 35 people were regularly sent from Transdniestria to Moscow to be trained in military and security matters, in order to create battalions. The witness knew about this from the soldiers.
67.  After his release, the witness had visited Tiraspol several times. Once he was part of a delegation of the Helsinki Committee. Another time he went there without warning the Transdniestrian guards.
68.  The witness considers that Moldova did not and does not do all that it can to ensure compliance with Moldovan legislation for the 600,000 hostages that are being held in Transdniestria by the separatist regime.
69.  Concerning the Russian involvement in the events, the witness stated the following. High-placed Russian personalities had visited Tiraspol as early as 1989 when the first law on languages in Moldova was adopted. Russian officials had also come to Chişinău. The Moscow Institute of International Relations had developed the idea of Transdniestria in case Moldova did not accept some degree of cultural autonomy. The creation of a tribunal to prosecute Moldova for violating humanitarian law had been mooted. The KGB forces were at this time out of control in Moscow; they were seeking to keep the Soviet empire in existence. It was Nikolai Midveev, member of a Russian Federation Parliamentary Committee, who requested the release of Smirnov when he was being held in detention. He offered certain guarantees for Smirnov's release, for instance, Smirnov would not continue to destroy the Moldovan State structures, he would not contravene the legislation of Moldova, and the Russian Federation would ratify the Moldovan-Russian Agreement. However, this agreement was not ratified until 2001, when the Communist Party regime came to power in Moldova. Behind these manoeuvres were the FSB, the Cossacks and other structures created by Russia whenever it was a question of a territory where they wanted to keep control.
70.  On the day of the witness's arrest, when he was taken to the security service, he saw an important person coming out of the building. It was Makashov. He had visited the separatist republic and said that with such weaponry they would not be able to fight the Romanian fascists, that he was going to send them better arms and that Russia would help. Material was sent later from Russia, around one hundred units of Radio-Guided Anti-Tank Missiles, but only fifteen of them reached Tiraspol. Then there were the declarations of Mr Dakov, the Tiraspol Minister of Light Industries. He had admitted that the Fourteenth Army used to wear the uniform of the separatists or civilian clothing when fighting on the side of the separatists. Soldiers of the Fourteenth Army had been killed in the fighting. For instance, in about April 1992 an officer and four soldiers of the Fourteenth Army had been killed in the war. Their bodies had been brought from the front to be sent to the Russian Federation, and the witness and his students had seen them, as they had participated in the farewell ceremony.
71.  The Cossack troops who had taken part in the fighting were mobilised by the Russian Federation when it realised that the territorial integrity of the Soviet Union could not be maintained. The Cossacks had arrived in 1990. Russia said that this was a private initiative, not linked to the authorities. They lived in hotels. In 1992, on 1 or 2 March when the war started, their objective had been to prevent Moldova joining the United Nations. In Bender and Dubăsari, where there remained the last constitutional police station, the last place in Transdniestria where Moldova was maintaining a law-enforcement presence, there was an assault organised by Rateyev, one of the Cossacks. He was a member of the Alpha Group, which was one of the leading Russian security groups.
72.  In 1993 the separatist regime set up a parliament. General Lebed was elected to the Supreme Soviet. General Lebed himself declared that he was the one who guaranteed the independence of the Transdniestrian Republic, and that he had caused a few shots to be fired on a number of occasions from “Grad” launching pads in the direction of Moldovan territory. After that, Lebed said, President Snegur had agreed to sit at the negotiation table with Smirnov.
73.  During the war, the Transdniestrian side had tanks and armoured vehicles bearing the emblem of the Russian army – the witness had seen that himself – in addition to the Cossack troops. The witness went to Bender once. When he crossed the bridge on foot he saw many tanks carrying the Russian three-coloured flag. On other tanks the separatist flag was flying. He asked why Russian troops and separatist troops were there and he was told that both had taken part in the shooting. At a meeting held at the Ministry of Defence in Chişinău, where the negotiations took place, the witness made a statement in front of the ministers of foreign affairs present, including Mr Kozyrev and Mr Netkachiov, who was the Commander of the Fourteenth Army at that time. The witness told them he would lodge a protest because the Fourteenth Army was directly involved in the war. The participants in the negotiations replied that they would leave for Bender and try to gain evidence of that themselves.
74.  After his release the witness did all that he could to get the remaining six freed. They represented a symbol for the Transdniestrian regime, to discourage others from expressing political views. He was told by Prosecutor Irtenev that Moscow was interested in securing the release of people held by the Moldovan authorities. Prosecutor Irtenev told the witness that Moldova had been cheated, in that other, less important people had been released, but not the witness's six colleagues. Moldova released everyone, whether Russian or from Tiraspol, who had taken part in the fighting, whereas the Tiraspol regime had not released everyone, had not responded in kind.
75.  The witness did not know why he was arrested or why he was released. There was a letter from the Moldovan Ministry of Education asking for his release, the Ministry undertaking to ensure that the witness would be present for the purposes of the investigation. The witness possessed much information about the separatists, and for that reason he was not a convenient witness for the trial. Alex Kokotkin, a journalist for a Russian newspaper, had tried, before his arrest, to convince him of the benefits of collaborating with the separatist regime. The witness had seen him later in the office of the investigators, acting as if he was a boss. Kokotkin told him that additional Russian troops had been brought in to secure Transdniestrian independence; they were called peace-keeping troops. This journalist might have played a significant role in obtaining the witness's release.
76.  The witness also stated that he could name the persons who had gone to Moscow for military training for membership of a Dniester battalion. He knew who did the recruitment and where they went. He also knew the Russian secret services who installed special telephone devices for tapping official Moldovan telephone calls.
6.  Constantin ŢÎBÎRNĂ
77.  The witness is the Director of the Surgical Clinic at the State University, Chişinău. He has been in Transdniestria lecturing and teaching; he also had professional relations there.
78.  He was requested by the Ministry of Health of Moldova to examine the Ilaşcu group in prison in Tiraspol. The Moldovan authorities in Chişinău even provided him with a car to go to the prison in Transdniestria. He would not have gone to examine these prisoners if he had not been invited to do so by the Moldovan Ministry of Health. There he carried out the examination, together with doctors from Tiraspol, and then he discussed with them the diagnosis and the treatment.
79.  When he examined the applicants, Ilaşcu was in Hlinaia, the others were in Tiraspol Prison. The prisoners made no complaints about the Russian Federation. They only discussed medical matters in fact. The witness did not see any signs of beatings, bruises or ill-treatment when he examined the prisoners. The level of medical assistance in prisons was very simple; there was no equipment, but Chişinău prisons looked very much like the prisons in Transdniestria.
80.  He saw Mr Ilaşcu himself only once. He looked like an ordinary prisoner, but he did have a disorder of the digestive tract. However, his condition did not necessitate any intervention by a surgeon; no surgery was necessary, and so he was treated by a gastro-enterologist.
81.  The witness examined Mr Leşco when he was in hospital recovering from pancreatitis, after he had undergone a surgical operation. He was invited to examine Mr Leşco because he was recognised as an expert on this condition. Mr Leşco was introduced to him by the doctor who had operated on him earlier. He had seen the applicant in hospital, when he was suffering from acute pancreatitis. This is a severe condition, with a mortality of 20 to 30%. He also saw him later, when he was suffering from chronic pancreatitis, which often follows acute pancreatitis. He could have acquired pancreatitis during his childhood, although acute pancreatitis could also be the result of stressful conditions. The witness and a team of doctors, led by Dr. S. Leşanu, examined the applicant and recommended further treatment.
82.  The witness saw Mr Ivanţoc in prison. He detected changes in his liver by means of an ultrasound examination and liquid in the abdominal cavity, which is a sign of high blood pressure.
83.  The witness made his notes on the applicants' cases on sheets of paper provided by the prison doctors. They kept these notes for their archives. The witness then made his own report for his own personal purposes. He last went there over a year ago.
84.  There is freedom of movement of doctors from Moldova to Transdniestria and vice-versa.
7.  Nicolae LEŞANU
85.  The witness is the chief doctor on curative issues at the State Hospital of the Republic of Moldova. Until seven years ago he was working as adviser to the President of Moldova and was his personal physician. At his request he was sent to Tiraspol to see the three applicants detained there and to Hlinaia Prison to see Mr. Ilaşcu. The wife of Mr Ilaşcu had made representations to the President who, as a result, had done what he could to help. As part of his help he sent the witness to examine the applicants in prison in Transdniestria. As adviser to the President, the witness could talk to the local authorities in Transdniestria.
86.  The witness went to Transdniestria six times in all. The President and the relatives of the applicants were worried about their medical state in prison. The witness had to keep the President informed of their medical condition. He usually took other doctors with him, for example, Professor Ţîbîrnă and a gastro-enterologist.
87.  The applicants did not complain about ill-treatment.
88.  The medical notes made on the applicants were left behind with the prison authorities there. The team of doctors insisted that the prison medical service should follow their recommendations, which concerned the applicants' medical treatment, medication and diet.
89.  Mr. Ilaşcu said that he did not trust the prison authorities or the prison medical service, as he was afraid of having drugs administered to him by the prison authorities. He accepted medicine supplied by the family or by the doctors coming from Chişinău.
90.  The examinations that the witness's team had carried out in Transdniestria were joint examinations with the doctors there. The applicants detained in Tiraspol Prison were subject to a freer regime than in Hlinaia Prison. In Tiraspol Prison there was a medical unit and only doctors were present during medical examinations.
91.  At Hlinaia Prison the regime was stricter. There was always someone from the prison service standing by, as well as the doctors.
92.  The witness and his team found no evidence either of physical ill-treatment or of the administration of psychotropic drugs.
93.  The witness visited the applicants for the last time in 1997 or thereabouts. He refused to go after that, despite a request from the Ministry of Justice, because he no longer had the powers that he used to have when he was the President's adviser.
8.  Andrei IVANŢOC
94.  On the morning of 2 June 1992, nine or ten members of the special forces came in cars and arrested him. They were military people in plain clothes, wearing masks. In the group that arrested him he saw a lieutenant from the Russian special forces. They beat him up and took him to a basement at the pre-trial detention centre, which was a militia building. The applicant had never been there before – that is to say, the building where the basement was. He cannot say how long he spent there. He was blindfolded; there was no light. It may have been one hour, one day, but no more. He did not see Leşco or Ilaşcu in the militia building. He saw them later at the Commandatura.
95.  He was then taken to the Commandatura of the Fourteenth Army. There he was interrogated by military people. Upstairs there were special elite troops and Alpha troops. Colonel Bergman was the commander of the Fourteenth Army. The applicant saw him personally, but Colonel Bergman did not interrogate him.
96.  The conditions at the Commandatura were inhuman. Detainees were beaten up day and night by the marines and by Special Forces, who used batons and boots. They would throw green gas capsules into the cells. The applicants were detained in different cells. There were also other people detained there, including Mr Godiac. The conditions of detention there were very bad. They were taken to the toilet once every 24 hours and chased out by a dog if they did not finish in the time allotted to them. At that point the applicant wanted to hang himself.
Then he was administered drugs. He was delirious; he imagined things. His psychiatric problems resulted from his beatings.
The guards at the Commandatura, like everything there, were under the control of the Fourteenth Army. The special forces and marines all had Russian insignia on their uniforms. It was the Russian special forces and marines who beat them up saying that they were Romanian peasants. They had Russian emblems on their uniforms. The applicant thought that they were Russian marines because they had the berets and shirts of marines with Russian emblems on them.
The worst ill-treatment he suffered was at the Commandatura. It was total savagery.
97.  From the Commandatura of the Fourteenth Army he was taken to a psychiatric hospital in Tiraspol, where he spent one month. They then took him from the hospital back to the Commandatura, but as Colonel Bergman told the guardsmen that he did not want him there, he was taken back to the pre-trial detention centre. The applicant does not know how long Ilaşcu and Leşco were held at the Commandatura after he left. He next saw them at the trial in the autumn.
98.  After September 1992, when he and the others were transferred to the basement of the pre-trial centre, they were also beaten up. They were taken out day and night. This was done in a special room, an investigation room. The applicant was beaten up until he lost consciousness, he was drugged, and his head was banged against the wall, or squeezed between the door and the wall. That was done by people from the Transdniestrian side.
99.  After the trial they were only occasionally beaten up. The applicants complained to the OSCE. Mr Antiufeev was the head of all that. At one point a Ministerial Commission came to investigate. The applicants were not examined by doctors. In any event, the prison authorities isolated them until the bruises were gone. The OSCE Commission came one month later, after the beatings, but there were not many traces left by then.
100.  The worst period of ill-treatment was in 1992, when they came to the applicant's cell and to Ilaşcu's. It was Antiufeev and Gusarov who were the prime movers.
101.  Currently the applicant is in solitary confinement: He sees no daylight, and only exercises for two hours a day.
102.  The doctors in the prison service were little better than veterinary surgeons. The prison doctor in the applicant's prison was in fact a dentist by profession. Professor Ţîbîrnă had visited the applicant. He had also been visited by other doctors from Tiraspol, including the surgeon who performed an operation on him. These doctors came only because he was ill; they did not come when he was beaten up. The applicant went on hunger strike on one occasion, but couldn't remember if he was examined by doctors then. Two of these medical examinations had taken place in special cells set aside for that purpose.
103.  In January 2003 he was in a room where prisoners are allowed long-term meetings. He had never been examined by a doctor in his own cell. During the examinations there was always someone from the prison administration there to check and control.
104.  Only relatives are allowed for family visits. Sometimes parcels are allowed, but on occasions there are problems with parcels. The applicants are not permitted to write or receive letters in Romanian or to receive Romanian newspapers. Two weeks before the hearings in February 2003, he had been seen by the Red Cross and, before that, by doctors from the European Committee for the Prevention of Torture.
105.  The most recent visit he had had was two weeks before the hearings in February 2003, when he was visited by a lady judge in connection with the Torture Committee.
106.  He has no right to correspond with persons outside the prison, whether lawyers or not.
107.  In May 1999, while he was in Tiraspol Prison no. 2, after he lodged his application with the European Court of Human Rights, he was subjected to ill-treatment there as well. Military forces came into his cell and beat him up. These were military people under the command of Gusarov and Captain Matrovski and people under Antiufeev/Shevtsov. He was told that if he did not withdraw his application he would be eliminated. Afterwards he went on hunger strike and wrote a complaint; and then a commission of investigation came.
108.  The only medical visits he had had were from doctors coming from Chişinău. The prison doctor Lieutenant-Colonel Samsonov was a dentist. The applicant claims that he has not received any services from the prison doctors.
109.  His cell and his belongings in it have been damaged. The first time this happened was on 16 November 2002, and the last time was on 22 February 2003 or thereabouts.
110.  The applicant considers that everything that has been done to him, and that is now being done to him, has been done at Russian instigation.
111.  Lieutenant-Colonel Gorbov had been present at the arrest of Ilaşcu. Moldova did not and does not control the territory of Transdniestria, but the Moldovan authorities could have done more at the time to help them. They did nothing. The militia of Dubăsari were handed over to the Cossacks and beaten up. Russia had played games with Moldova. If this had not happened, Transdniestria would not have existed. So Moldova was responsible. The Chairman of the Russian State Duma, Mr. Selezniov, had come to the Moldovan Parliament and said that, if it had not been for Russia, Moldova would have been part of Romania.
112.  After May 1998 the applicant did not see any Russian officials.
9.  Alexandru LEŞCO
113.  At the time of the events, in 1992, the applicant had been living in Tiraspol since 1973. On 2 June 1992 he was awakened at 2 a.m. when four armed persons entered his house and arrested him. Among them was a person called Gusan. He was in plain clothes and not armed. He showed the applicant his documents. The others were wearing khaki; they were military personnel and armed. He was taken by car to the detention centre. He was not beaten then; that came later. He had a three-hour interrogation with Shevtsov, also known as Antiufeev, with Gorbov and with a third person whom the applicant did not know. He was then taken to the basement, where he stayed for six days. On the second day he was put in a solitary cell. The interrogations started in earnest. They went on from 2 June until 1 or 2 July. He did not see Ivanţoc or Ilaşcu during that month. During this period he was interrogated and ill-treated.
114.  On 1 or 2 July he was taken to the Commandatura building. He was taken there in a car with the Russian emblem on the side and the Russian three-coloured flag on it. The applicant was taken there twice on the same day. The first time it was Delta people, Dniester people. The second time it was different people, Fourteenth Army personnel. They entered the base from a different entrance. He stayed there until 7 or 8 August in solitary confinement. The cells were on the ground floor. The applicant could not see the others – that is, Ilaşcu, Ivanţoc, Godiac. He didn't see Mr Petrov-Popa. And the guards there ill-treated him a few times. He was not interrogated in the Commandatura, just beaten up three times. He knew that Colonel Bergman was the commandant, but he did not have any meetings with him or see him. Starojouk, who was leading the investigation in his case, was at the Commandatura twice. He showed the applicant newspaper reports that Plugaru [the Minister of National Security of Moldova during the 1991-1992 events] had been dismissed, and that a peace agreement with Russia had been signed.
115.  The conditions were very harsh in the Commandatura. The food was good because they ate from the soldiers' rations. But sometimes there was no access to a toilet for two or three days. They would then be taken out into the corridor and to the toilet by a guard who had an Alsatian dog called Chan. They were only given 45 seconds, which was not enough time, and then the dog was let loose on them. This is why the applicants refused food, in order to get more time to go to the toilet. The applicant had to relieve himself into plastic bags because he was not sure whether the next day he would be taken to the toilet. This went on for a whole month or so. At the weekends, when there were few commanders present in the buildings, the guards would come into their cells and assault them. They would say that they were acting against Russia and Russian citizens and they would beat them up.
116.  At the Commandatura he saw through a hole in the window of his cell Ilaşcu being taken out of the building. The guards stopped him and said, “You're next.” He saw that Ilaşcu refused to be blindfolded and he was put up against a wall. Ilaşcu said that he had been subjected to mock executions four times. The applicant saw it only once.
117.  He was only once beaten with batons, but he was scared all the time. At the weekend there were people who entered his cell. They had Russian insignia on their sleeves.
He stayed at the Commandatura until the beginning of August and then he was taken back to the basement at the pre-trial detention centre.
118.  In the pre-trial centre he was interrogated three or four times by civilian investigators, and beaten with a stick, but less than the other applicants. As for the conditions of detention there, he had a bath once every ten days. There was no toilet in the cell, so he was taken out of the cell each morning to go to the toilet. The applicant had no visits from his family or a lawyer for the first five or six months of his detention.
119.  After the trial he was taken to Tiraspol Prison No. 2. There were no sheets or blankets, and he slept on bare benches. He was not personally ill-treated in prison. He was not allowed to see his wife or his lawyer for six weeks.
He received no medical visits from local doctors. When the applicants met their wives, they would ask for Chişinău doctors to come; and then they were visited a few times. Professor Ţîbîrnă saw the applicant in 1996 when he had chronic pancreatitis. Doctor Leşanu also came to see him. He complained to these doctors about the prison conditions but not about any ill-treatment after the trial. His colleagues were held in separate cells, so he cannot confirm or deny that they were ill-treated. It was in 1992 and 1993 that all the applicants were ill-treated.
He had have received regular visits from his family. Lately he has been receiving parcels; in the beginning there were many more restrictions. It depended on how the prison administration felt.
120.  The Moldovan Government authorities could do much more. Although the applicant's wife told him that the Moldovan authorities have been trying to assist her during his detention, he considers that they could have done more after the conflict ended.
121.  The applicant heard about the so-called “Ilaşcu group” for the first time when he was arrested. He has never belonged to the military or secret services of Moldova.
122.  Since the events of 2 March 1992, the constitutional forces of Moldova had ceased to exercise control over the Eastern side of the Dniester River; there was a state of curfew in force in the town, with no authorisation to leave the house after 10 p.m.
10.  Tudor PETROV-POPA
123.  On 2 June 1992 he lived in Tiraspol. Victor Gusan arrested him, together with a group of other persons all in civilian clothing. He was at home; it was 6 a.m.
124.  He was taken to the militia building. He was not immediately interrogated there. He stayed there until 12 noon. Then he was taken to the basement and put in a cell. He was kept there seven months. He was beaten up and ill-treated at the militia building.
The guards at the militia building told him that they came from various cities in Russia. They had uniforms, but with no insignia on them.
The applicant saw Starojouk and Gorbov. They interrogated him. They did not wear masks when interrogating him. They did not interrogate him about any links with Ilaşcu and the Popular Front. They simply wanted him to admit that he was part of the so-called Ilaşcu group and to confirm what they said. He was not a member of any political party, but he did not want to fight on the Transdniestrian side. He had been a soldier in Afghanistan. He had never met Ilaşcu. There were no Transdniestrian military forces in Transdniestria then, the only ones there being Russian. They were the ones who had beaten him. He was beaten by military men who wore masks, so he did not know who they were.
125.  Then he was taken to Tiraspol Prison. Before the trial, he was kept at the militia station for several months, and then in solitary confinement at Tiraspol Prison. He was never taken to the Fourteenth Army Headquarters. He was interrogated during his detention by persons who were wearing masks.
126.  The applicant did not know Gorbov. He had met Bergman at the trial. He did not really see Ilaşcu or Ivanţoc during his detention. He did not know any of them before the trial.
He was not visited by a lawyer at all during the investigation, only after.
127.  After the trial he suffered no ill-treatment. At the time of the hearing the applicant was detained alone in a cell in Hlinaia Prison, where Ilaşcu was.
In 1995 the applicant was visited by Professor Ţîbîrnă accompanied by Doctor Leşanu, in Tiraspol. In 1999 he was transferred to Hlinaia Prison, where the regime was harsher. He had no medical treatment there. He contracted tuberculosis in 1999. He had been offered medical treatment provided that he asked for a pardon. If he had done so he would have been transferred to a medical unit, but he refused.
128.  He has received family visits, but guards are always present. He has corresponded with his family, but they are not permitted to write to him in Latin script. He receives about six parcels per year.
129.  The Moldovan Government had not done all that it could. In fact it had done nothing; otherwise the applicants would already have been released. However, his family had been given material and financial assistance by the Moldovan Government.
130.  The applicant saw ammunition being given to the population in 1992. This ammunition was taken from the Fourteenth Army. The Transdniestrian army came from the Fourteenth Army, which had been the only one there before the Transdniestrian regime suddenly seemed to have armed forces of its own.
11.  Colonel Vladimir GOLOVACHEV
131.  The witness previously worked in Moscow and had come to Tiraspol in 1985. He had started working in the prison service in Transdniestria before the conflict began. He had simply remained at his post when he received the order to do so.
He was born in the territory of Soviet Moldova and has a Soviet passport, with a paper in it saying that he is a citizen of the “Moldavian Republic of Transdniestria”.
132.  Since July 1993 he has been the Governor of Prison No. 2 where is a harsher regime than in Prison No. 3, which has women prisoners. All the various conditions governing visits, whether long or short, parcels and so on are to be found in the Prison Rules. Prisoners who do not break the Rules benefit from all such entitlements. The strict regime includes all the common-use facilities, such as the small factory, the sporting facilities and so on, but also solitary confinement and a wing where dangerous prisoners are kept together. Exercise walks are not available for persons in special cells.
133.  Mr Ivanţoc is kept in a cell on his own, a cell designed for six prisoners, because he refused to go on to the ordinary regime. Mr Leşco is kept in the ordinary part of the prison and enjoys all the normal rights. This entails four short visits and two long visits per year. There has never been any problem about visits by lawyers. Persons detained under the strict regime however do not often ask to see lawyers.
134.  There was no deterioration in the applicants' conditions as from 1999. Mr Ilascu never made a complaint about this.
135.  Mr Ivanţoc received medical visits from doctors coming from Chişinău.
136.  As to the existence of any agreements or rules regarding the transfer of prisoners to or from Moldova or elsewhere, the witness stated that this is a high-level matter. For example, there has recently been such an arrangement agreed with Russia. But such things are done at government level; it was not for the witness to decide.
137.  The witness was not aware that the Prosecutor General of Moldova had started criminal proceedings against him for unlawful imprisonment.
138.  Mr Ilaşcu was released in May 2001. He was freed by virtue of a decree by the President of Transdniestria and an order of the Minister of Justice, Mr Balala. He did not know how this happened, nor did he know who had accompanied Ilaşcu to Chişinău.
139.  Concerning the treatment of sick prisoners, they were previously transferred to Benderi hospital. Lately, however, this practice had been discontinued because of problems. Therefore, for ordinary illnesses the treatment took place in prison. Prisoners were taken to Tiraspol hospital for surgical operations and other delicate matters because they had no sophisticated surgical facilities in the prison.
140.  Prisoners do not often ask for a visit from a lawyer. If the lawyer has a proper permit, then the Governor will give authorisation for the visit to take place. It is the Minister of Justice who issues the permits. In Prison No. 2 there are only convicted prisoners, no remand prisoners. Pre-trial detention takes place in this part of the building, in Prison No. 3.
141.  Mr. Ilaşcu was kept in Prison No. 2 on his own from 1997 until he was freed. He was kept in cell no. 13. He was held in a cell on his own because they had never had such a category of prisoner before. There was therefore no point in putting him together with ordinary criminals. Mr Ilaşcu was not asked whether he wanted this. The witness knew nothing about Ilaşcu's allegation that on 13 May 1999 civilians wearing balaclavas came into his cell and assaulted him, and then took him out into the corridor. He never received such a complaint from him about this. The prison service does carry out periodic searches of the cells and the prisoners, but no one ever wears a balaclava helmet. When the Council of Europe Committee for the Prevention of Torture carried out a visit, the witness was asked about members of the Ilaşcu group being beaten in May 1999, and he stated that as Governor he had never received any complaints from the applicants in this connection.
142.  Prisoners can complain about alleged assault by prison staff, interference with parcels and so on from 7.30 to 9.30 a.m. The witness stated that he was available to meet the prisoners and, if necessary, to hear their complaints.
143.  The prisons in Transdniestria are run in accordance with the new Prison Code. The Moldovan Code is not applicable there. Prison No. 2, like all the other prisons there, has been under the control of the “Moldavian Republic of Transdniestria” since December 1992. Since that date the prison service in Transdniestria has not taken orders from the Government of Moldova. The Moldovan Government cannot take any decisions about these prisons. In 1992 there were in the Transdniestrian prisons some prisoners convicted by Moldovan courts, but gradually from then on there was a transfer of prisoners. Before 1991 transfers of prisoners were carried out all over the Soviet Union.
144.  Mr Ivanţoc was a victim of his own actions, because he had refused to leave his cell. As a consequence he had lost all his entitlements. He was in a cell by himself because he did not wish to share a cell with others.
145.  The possibility of early release is decided after reviewing the prisoner's file. But the applicants in this case have never asked for any such review. They addressed all their requests to the Moldovan Government.
146.  As Governor the witness has never had to discipline prison officers for ill-treatment – just for transmitting messages illegally outside the prison and that sort of thing.
147.  The uniform of the prison guards is similar to the Russian uniform. The insignia are different. The Transdniestrian officials do not take orders from the prison authorities in Russia but they do cooperate with them. Russian soldiers have never participated in guarding prisoners in Transdniestria, since these prisons are not within the jurisdiction of the Russian Federation.
148.  The applicants' lawyers had never asked for a meeting with their clients. Had they done so, such a request would have been properly considered.
149.  There is no law or official rule that prohibits prisoners' correspondence in Romanian, but the prison administration uses the language which is common in Transdniestria, namely Russian. They must be able to have censors who are capable of reading the prisoners' correspondence. But the prisoners are allowed to receive newspapers in Romanian.
12.  Stepan Konstantinovich CHERBEBSHI
150.  The witness was born in Russia. From 1989 to 1991 he worked in the militia office and from 1984 to 1989 in the prison service. He was the Governor of Prison No. 1 from 1992 until 2001, and Deputy Governor before 1992. At the time of the hearing, the witness was retired. His pension is paid by the Ministry of Justice of the “Moldavian Republic of Transdniestria”.
151.  In Hlinaia Prison, prisoners are held alone in their cell which measures 16 square metres. As regards the rules on visitors, correspondence and parcels, convicted detainees were entitled to receive visits but they had to get permission first according to the Prison Rules. However, prisoners in pre-trial detention had no right at all to correspond.
152.  The witness was not aware of the rules as to visits from lawyers.
153.  There was a medical department in the prison, with a pharmacy, but there was no clinic with beds. For that civil facilities were used. Medical visits occurred upon request from the prisoner. The applicants had been examined by outside doctors from Moldova.
154.  After their trial the applicants were sent to Hlinaia Prison. Ilaşcu was held separately and the other three were in one cell together. They had the right to leave the cell and to have an exercise walk for one hour per day. Those who were ill had one additional hour of exercise.
155.  Hlinaia Prison had a special wing for tuberculosis sufferers, but Petrov-Popa was not a prisoner when the witness was Governor of Hlinaia Prison.
156.  Ilaşcu had been subject to special conditions in prison because he had been sentenced to death. He was not allowed to share his cell with other prisoners. The window of Ilaşcu's cell had shutters which closed from the outside. The light still came through, but the prisoner could not look through the shutter. For Ilaşcu special permission from the Ministry of Justice was needed before anyone could visit him.
157.  The witness never received any official complaints from Ilaşcu about his treatment when in Hlinaia Prison. He never heard that Ilaşcu's sentence had been quashed by the Moldovan Supreme Court. Ilaşcu was not the only death-penalty prisoner: there was one other, who was kept in the same conditions.
158.  Hlinaia Prison was not subordinate to the Supreme Court of Moldova and the organs of the Moldovan State and the Moldovan Government had no authority over the prison service in Transdniestria.
159.  The witness never received any orders either from Russia or from the Russian military authorities stationed here. There were no Russians guarding the prisons in Transdniestria. The uniform of the prison service in Transdniestria was similar to the Russian military uniform, during his professional service.
160.  A prison governor has no power, without a superior order, to make a decision on the transfer of a prisoner. During the time the witness was Prison Governor, he never had a prisoner transferred from another country, for example Russia. For a transfer from the penitentiary system of one country to another there must be a special order.
13.  Sergey KUTOVOY
161.  The witness has been the Governor of Prison No. 1 since 2001. He entered the penitentiary system in 1993 and has spent his professional career in prison administration. He is also studying for an Open University degree.
162.  In 2000 a new Criminal Code and new internal Prison Rules of the “MRT” had been introduced. The position was significantly different before, when the legislation and rules of the Moldovan Republic applied. Under the new regime prisoners' conditions have been improved. More visits are allowed and, with good behaviour, the entitlements can be increased, for example with three additional visits. As regards visits by lawyers, convicted prisoners can receive visits without restriction. The Hlinaia Prison has round-the-clock medical care.
163.  No complaint was ever received from the prisoners about their conditions of detention. None were made to the Council of Europe's Committee for the Prevention of Torture. But it was true that a very recent report by this Committee made certain criticisms concerning the covering of the windows in the cells and the regime of isolation. The investigation of a member of the prison staff after a complaint by a prisoner was rather an exception. There had been no more than twelve since the witness had taken up his duties.
164.  The right of a convicted prisoner to receive a visit from his lawyer depends on the seriousness of the crime for which the prisoner is detained, on whether he has previous convictions and so on. There are three categories of prison regime. The prison authorities apply the courts' decision as to what regime is to be applied to a prisoner. The prison administration can subsequently change the regime – for example, if the prisoner has committed a breach of the prison regulations.
165.  Neither the Prison Administration in Moscow, nor the Russian Operational Group in Tiraspol can give orders to the Prison Administration in Transdniestria.
166.  The transfer of a prisoner from one institution to another can only be decided by a court. The Government decide on an extradition case.
167.  At the time of the hearing, the only one of the applicants detained there was Petrov-Popa. Cell no. 31 used to be occupied by Ilaşcu. The cell had a standard window with shutters. These shutters are the same as those used in Chişinău prisons. Recently, in Hlinaia Prison the shutters had been dismantled in six cells, but for lack of financial and technical means it had not been possible to remove them in all cells, as the shutters needed to be replaced with bars.
168.  Prisoners suffering from tuberculosis are detained in all zones of the prison; there are no specialised units for such patients. Mr Petrov-Popa, who had tuberculosis, had moved into the cell previously occupied by Mr Ilaşcu. He was allowed to go for exercise walks just like the other prisoners. In 2002 Mr Petrov-Popa's regime had been improved on the witness's orders. He was the only prisoner to have benefited from a new regime in that year. Mr Petrov-Popa now has the right to receive six parcels and six short-term visits per year, instead of three.
No restrictions on language are applied. Thus, Mr. Petrov-Popa could receive letters or newspapers in Romanian. Mr Petrov-Popa has never complained about the conditions in his cell. He was the one who asked to go back into his present cell. Petrov-Popa has never asked for a visit by a lawyer.
14.  Lieutenant-Colonel Yefim SAMSONOV
169.  The witness was head of the medical department in the Transdniestrian prison service.
170.  The witness examined the applicants during the trial, in Tiraspol Prison No. 2. There were prison officers present. The applicants never trusted prison medical services and categorically refused medical services from the medical staff of Prison No. 2. They never asked the witness to examine them in relation to alleged ill-treatment. The witness never saw any signs of ill-treatment on them. On several occasions, doctors from outside the prison service, from Chişinău, came to examine the applicants and brought the appropriate medicine with them. These were Professor Ţîbîrnă and Dr Leşanu.
171.  The applicants were not suffering from any special illnesses. In 2002 Mr Petrov-Popa was treated for tuberculosis. He had a damaged lung from which liquid was drained. Some time ago Ivanţoc had had a liver operation. Professor Ţîbîrnă came as a specialist from Chişinău to treat him. The recommendations of Professor Ţîbîrnă's team in relation to the applicants were not implemented, because the applicants refused, as they did not trust the prison doctors.
172.  The Prison Administration in Transdniestria did not take instructions from the Russian Federation. There was no organic link with the Moldovan Ministry of Health or Ministry of Justice, but there was sometimes a contact with the Moldovan Ministry of Justice.
15.  Vasiliy SEMENCHUK
173.  The witness, the holder of a Moldovan passport obtained before he was working in the prison service, has been the prison doctor in Hlinaia Prison No. 1 since 1995. He never worked in Tiraspol Prison No. 2. As the prison doctor in Hlinaia Prison, he was responsible for all sanitary and hygiene conditions in the prison. The witness was a dentist, but he could also carry out blood tests. Moreover, he was assisted by a surgeon and other specialists on his staff.
174.  The witness had only met the applicant Ilaşcu, none of the other applicants. Mr. Ilaşcu never asked to see the witness; he wanted an outside medical delegation from Moldova or Tiraspol to see him. Lieutenant-Colonel Samsonov accompanied the external doctors when they examined Ilaşcu. Professor Ţîbîrnă and Dr. Leşanu came and took samples of blood and urine to analyse. The examination took place, not in Ilaşcu's cell but in an office. Ilaşcu did not make any complaint about ill-treatment, he just complained about his problem of digestion.
175.  There are no regular medical visits for prisoners, but only if the prisoner asks. There is a permanent medical unit in the prison.
176.  The witness did not meet the applicant Petrov-Popa. The applicant was detained in a cell on his own. Mr Petrov-Popa never asked for medical assistance. He was currently on level 3 of his illness, that is, the illness was not active. Treatment was needed every nine months, not at shorter intervals, as was confirmed by the Medical Department.
177.  There was a visit to the prison in 2003 by the Council of Europe's Committee for the Prevention of Torture. The witness did not remember the visit by this Committee in the year 2000. He did not remember that after the 2000 visit, the CPT was concerned about the applicant's access to treatment for tuberculosis, in that he was dependent on his family and their resources for purchasing medicine, and that it was up to his family to provide food for his special diet. The witness recalled that in the past the prison administration did not have the appropriate medicine to dispense to Mr Petrov-Popa, but stated that the situation had changed.
178.  Mr. Ilaşcu never complained about his teeth. He had all his teeth when the witness saw him. After the visit by Professor Ţîbîrnă's team, Ilaşcu's wife brought him medicine from Chişinău. The witness was always present during Mrs Ilascu's visits and he encouraged her to bring Ilascu the necessary medicines. Mr Ilaşcu complained about his stomach, but his pain was not the result of any act by the prison administration. The witness last saw Ilaşcu in 1999.
16.  Dumitru POSTOVAN
179.  Mr Postovan worked as a prosecutor from 1990 till 1994 and as Prosecutor General from 1994 till 1998. He had been appointed prosecutor in 1990 by the Parliament of Soviet Moldova. At the time of the hearings, he was working for the Chamber of Trade and Industry, and advised its President on international law.
180.  There was never an official split between Moldova and Transdniestria. As a result of the military conflict in 1992, the constitutional authorities of Moldova had to pull out of Transdniestria as they lost control over this region.
181.  The applicants were not “arrested”; they were just captured. There was no custody order of an official court of Moldova. A number of people were captured. The Prosecutors' Office wrote to Smirnov, in his capacity as head of the Tiraspol City Council (he had been appointed in 1990) asking him to hand these people over to the prosecuting authorities of the Republic of Moldova, but there was no answer to this request. It was Mr Sturza who headed the negotiations.
182.  General Iakovlev was detained around February-March 1992 upon an order issued by the Prosecutor General's Office. The order to arrest him was indeed discussed with the top leadership in Moldova, but it could not be said that it was the Government who ordered his arrest. This General, who, at the time of his arrest, was no longer in Command of the Fourteenth Army, had been instrumental in arming the paramilitary forces in Transdniestria. The Moldovan intelligence services arrested him in Ukrainian territory and took him to Chişinău. The investigation was carried out on behalf of the Prosecutor General's Office by Ministry of Security investigators. The Prosecutor General's Office monitored the evidence gathered. He was detained only 72 hours since, according to Moldovan legislation, suspects could not be detained for more than 72 hours. He was released because of a lack of evidence, as the Moldovan authorities simply did not have the opportunity to carry out a proper investigation in relation to the facts alleged against him. There must be in his file at the Prosecutor General's Office a written order for his release. As there was no access to Transdniestria to obtain further evidence, he had been released since the evidence that the prosecuting authorities had against him was insufficient.
The witness had heard about the rumours that Iakovlev had been released in exchange for the release of 23 Moldovans detained by the Transdniestrians. Indeed, the Moldovan authorities were detaining about 40 Transdniestrians and an exchange had taken place. But this had nothing to do with Iakovlev. The witness was not aware of any pressure from the Russian Government to release him. He knew that General Stolyarov came from Moscow to Chisinău to seek his release, as he had received the report concerning Iakovlev.
183.  The Prosecutor General's Office had warned the President of the so-called Supreme Court of the “Moldavian Republic of Transdniestria” that she and her court had no jurisdiction and that the applicants should be transferred to the Moldovan authorities for trial. At the time the “Moldavian Republic of Transdniestria” was governed by the Criminal Code of Moldova. On 9 December 1993, on the second day after the trial, the Moldovan Supreme Court quashed the decision of the Supreme Court of the “Moldavian Republic of Transdniestria” as being unconstitutional.
184.  For every case where a crime was suspected of having occurred in Transdniestria, the Prosecutor General's Office opened a case file. It did so also as regards Ilaşcu and his fellow prisoners, after the decision of the “MRT Supreme Court” had been quashed by the Moldovan Supreme Court, but it was impossible to carry out an investigation and proceed to all necessary acts for that purpose. In August 1995 an amnesty was granted by the President of Moldova, followed up by a decision of the Parliament. The effect of this on investigations was that any case covered by the amnesty was stopped.
185.  The witness's deputy opened a criminal investigation in December 1993 in relation to the prosecutors and judges who had been involved in conducting the Ilaşcu trial, on suspicion of committing an abuse of power. A number of investigations concerning persons occupying posts of power in Transdniestria were opened. But it proved impossible, not just difficult, to carry out any investigation. The Prosecutor General's Office interviewed the families of the Ilaşcu group, but they could not provide much information.
186.  Apart from the Ilaşcu group, there were other people who were detained for short periods in Transdniestria, but no one was prosecuted.
187.  Following the motion of October 1995 by the Moldovan Parliament calling on the Moldovan Government to deal as a matter of priority with the problem of the detention of the Ilaşcu group, the Prosecutor General's Office requested that the file be sent to them by the people in Transdniestria for the purpose of an investigation, and that the persons they were detaining be transferred to Moldova. But these requests were simply ignored. One could see no way of resolving the issue satisfactorily other than by diplomacy.
188.  The witness was not in office in the year 2000 and was therefore unable to answer any questions about the order annulling the prosecution of the judges and prosecutors in Transdniestria who had been involved in the trial against the applicants. Likewise, the only information he had about the release of Ilaşcu was what he had read in the newspapers: that this release was the result of negotiations between President Voronin and the Russian President.
189.  Between 1992 and 1998, apart from the dispatch of numerous letters, the witness's deputy, Vasile Sturza, was specifically charged with the responsibility of working to secure their release. He went to Tiraspol, he had meetings with the Parliament, and so on. It was not so easy for him to go to Tiraspol, but he managed to obtain the authorisation of the Tiraspol regime. However, when he got there, he did not meet anyone. No positive results were achieved. The Prosecutor General's Office also requested that prosecutors be permitted to travel to Tiraspol in order to investigate whether the members of the so-called Ilaşcu group had committed the murders of which they were accused, but these requests were ignored. They also requested that a joint investigation be carried out. This second request was again ignored. The witness and his office reported to the new Parliament in Moldova. His Deputy, Mr Sturza, was later assigned to negotiate with the Transdniestrian authorities.
The Prosecutor General's Office did not contact the Russian prosecution authorities directly, although there was an agreement to that effect between the Moldovan and Russian authorities.
190.  The witness stated that, officially, there were never any recognised or implemented agreements between the judicial authorities of Moldova and Transdniestria. He admitted that, unofficially, there were, with a view to combating serious crime. The Moldovan authorities would call the authorities in Transdniestria. There were sometimes exchanges of prisoners. However, practically all prisoners had been exchanged by the time the Ilaşcu group were arrested, so that there was no one else left to exchange. As regards serious crime, information would be exchanged or witnesses called from the other side, but no prisoners were exchanged. If a person had deserted the Transdniestrian military forces, the Moldovan authorities would not extradite or hand them over to the Transdniestrian authorities. There was no agreement for extraditing or handing over suspects. The witness admitted that there might on occasions have been some special operations by the security services, but there was never any official extradition agreement.
191.  The witness was not aware of the order issued by his successor, Mr Iuga, in August 2000, dropping the charges against the judges and prosecutors who had taken part in the Ilaşcu trial, but thought that the Prosecutor General should have invoked other Articles of the Criminal Code, for example the one on abuse of public power, so that they would not be free of any criminal charge.
192.  According to the witness, the effect of initiating a criminal investigation against the governor of the prison where the members of the Ilaşcu group are held, is that he would run the risk of being arrested in Moldova.
193.  The witness considered that the State authorities of Moldova had done all in their power to secure the applicants' release. On the diplomatic level, all the initiatives had been met with the response that these issues would be determined when the status of Transdniestria was resolved and not before. Finally, the witness was of the opinion that only political action, not legal action, would secure the release of the members of the Ilaşcu group freed.
194.  The witness stated that there were other instances apart from the Ilaşcu case in which a criminal prosecution had been started against judges and prosecutors in Transdniestria. He did not know for certain the outcome of those investigations, but he presumed that they were stopped for the same reasons.
195.  The witness did not feel any pressure at all when he was working in the Prosecutor General's Office. The Prosecutor General was independent of the Government. The Minister of Justice could not give him instructions, though the Government could address requests or proposals for the opening of an investigation.
196.  The witness considered that the constitutional Moldovan authorities exercised no power or authority over the eastern part of the country.
197.  Smirnov was arrested in 1992 and then released. It is true that Antiufeev and others visited Moldova several times but were not arrested. This is because there was a truce on 21 July 1992. After that truce the Moldovan authorities had to move in a different direction, they had to find points of agreement. Investigations were suspended; no retaliatory actions were carried out. Prisoners detained in the battle area, for example, Cossacks, were handed back; no investigations were started against General Lebed, and so on.
198.  The witness was not aware that officers of the Fourteenth Army had been detained by the constitutional Moldovan authorities during the conflict in 1992. Indeed, he had written to the Russian prosecuting authorities in relation to the presence of the Cossacks in Transdniestria in order to learn about the position of Russia on this. In reply, the Russian prosecuting authorities informed him that they did not officially recognise the authorities of the Transdniestrian separatist regime.
199.  There were official relations between the Prosecutor General's Office in Moldova and the prosecutor of the Fourteenth Army whenever that was required. As far as the Ilaşcu case was concerned, officially the Fourteenth Army denied that they were in any way involved and the Moldovan authorities had no official data enabling them to make a request to them in connection with the Ilaşcu case. The Fourteenth Army denied their involvement in the conflict in 1992.
200.  The witness had seen a film on Russian television about the participation in the elections there of a “Colonel Gusev” who was in fact General Lebed, but the Moldovan authorities had no official information on that, however.
201.  President Snegur went before Parliament to say that the Fourteenth Army had intervened in Transdniestria with their tanks. The witness thought that this information must have been true since he could not see otherwise where the Transdniestrian separatists had got their tanks from. The witness also acknowledged that in June 1992 official information was presented to Parliament by the Ministry of the Interior about the participation of tanks and armoured vehicles in the conflict. But it was not easy to say whom to prosecute. In the beginning, the Fourteenth Army was supposed to belong to Moldova, then it was decided that it belonged to Russia. There was in fact no close collaboration with the Fourteenth Army in prosecution matters because none was needed. There were no incidents.
17.  Valeriu CATANĂ
202.  The witness was the Prosecutor General of Moldova from 1998 to 1999. Before that, from 1996 to 1998, he was the prosecutor for Chişinău. He worked in the Prosecutor General's Office from 1990 to 1996 and for the prosecuting authorities from 1973 to 1990.
203.  The constitutional prosecuting authorities of Moldova had no access to Transdniestrian territory from 1992 onwards in the absence of any official contact with the regime. In that period the witness never visited Tiraspol, although measures were undertaken by the Moldovan authorities in an endeavour to secure the release of the members of the Ilaşcu group. After ceasing to be Prosecutor General, the witness also ceased to follow the case.
204.  The witness had not heard about the order of 16 August 2000 by the Prosecutor General to stop the investigation against the judges and prosecutors in Transdniestria under Articles 90 to 192 of the Criminal Code on the ground that the persons concerned had never held official office in Moldova. The witness thought that the decision to stop the investigation was incorrect.
205.  The witness had read in the newspapers that President Voronin and the President of Russia, and even Romania, had assisted with the release of Mr Ilaşcu.
206.  There was no cooperation, whether official or unofficial, between the prosecuting authorities of Moldova and Transdniestria. The witness had personally never talked to a Transdniestrian prosecutor.
The witness knew that the Ministry of the Interior had orders to cooperate with the Ministry of the Interior of Transdniestria in order to improve the fight against crime - to return to the other side of the river persons suspected of serious crimes. But there was no formal extradition as such, since it concerned persons on the territory of the same State. But unofficially it did go on. As regards extradition in general, previously it was done by decision of a prosecutor. Now the legislation had changed and what was required was a decision by a court.
There was no official agreement between Moldova and Transdniestria to exchange people when the witness was Prosecutor General in 1998 and 1999. To his knowledge, no such agreement had ever been made. The transfer of persons between Moldova and Transdniestria was organised by the Ministry of the Interior. There were some cases of persons committing crimes in Transdniestria being transferred from Moldova to Transdniestria. Officially this was not done, but unofficially the two police forces would cooperate and would transfer these people. For example, in 1995 there was a case brought against the police commissioner in Dubăsari, and he was extradited to Transdniestria.
207.  During his period of office the witness received no requests from Mr Ilaşcu or the other applicants and had no contact with the Transdniestrian authorities about the Ilaşcu case. In that period no one in his office worked on the case brought against the judges and prosecutors in Transdniestria. The case was suspended. In the period 1998 to 1999 no investigation was pursued in that connection, although the formal decision stopping the case was taken in 2000.
208.  The Supreme Court of Moldova had received a copy of the judgment delivered by the so-called Supreme Court of the separatist entity, but not the case file. There was cooperation only at the level of the Ministry of the Interior. Prosecutors at a lower level may have made telephone calls to colleagues whom they knew in Transdniestria, but that would have been a purely personal affair. Up until 1998 there was no special prosecutor who dealt with Transdniestria. The witness created such a division in 1998, with responsibility for international relations, not specifically for Transdniestria; but if a problem concerning Transdniestria cropped up, then this department would deal with it. This department however was not competent to carry out investigations in relation to crimes allegedly committed by Transdniestrian officials; the competent one was the investigations department. But, in any event, Moldovan authorities had no access to information concerning events in Transniestria, so they would not have opened any investigations even if they had received a request from a private person.
209.  No complaint was sent by Mr. Ilaşcu to the Prosecutor General's Office. The letter which Mr Ilaşcu sent in 1999 to the Moldovan Parliament was not forwarded by Parliament to the prosecuting authorities. The witness had never heard before of such a petition by Mr. Ilaşcu.
210.  The witness stated that he had been forced to resign for political reasons because persons from the Communist Party objected to his work, as he insisted on taking his decisions on the basis of the law and not according to the way the political wind was blowing. When a dismissal is judged to be desirable, one can always find a reason, and that is what happened to the witness. The post of Prosecutor General was a political position in a sense. The witness tried not to get involved in political activities and just to stick to the law. But unfortunately some cases touch on politics.
211.  The witness was of the opinion that the release of the Ilaşcu group would have been possible only by the use of force. The constitutional Moldovan authorities could not have done more than they did. Even in terms of international pressure, they did all that they could.
18.  Witness X.
212.  The witness was a former senior official involved in negotiations with Transdniestria. At the time of the hearings, he was working in a non-governmental organisation.
213.  The Fourteenth Army was involved in the events of 1991 to 1992. Retired Fourteenth Army officers were hired by the separatists. The Fourteenth Army then intervened directly, which led to a military victory for the separatists. Thereafter Russia intervened, and imposed negotiations and “peace-keeping”.
There was a meeting of the Moldovan, Russian and Ukrainian Ministers in which the witness participated. There was a possibility of a resolution of the situation in 1992. Romania supported the position of Moldova. But the formula proposed for the resolution was torpedoed when the Russian secret services provoked the incidents in the town of Bender, which wrecked the negotiations and ended the role of the observers. The military defeat of Moldova was sealed in July 1992 when the Russian President Yeltsin and the Moldovan President Snegur signed an agreement in order to stop the conflict. The agreement was only signed by these two Presidents. The conclusion to be drawn was that the Russian Federation was the other party in the conflict; it controlled the region, and it had the resources to stop the conflict after the military defeat of Moldova. The formula of “peace-keeping” was imposed by Russia. The conflict also saw the participation of the illegal troops of the Transdniestrian regime. As a result of the conclusions reached in the Control Commission set up under the Yeltsin/Snegur Agreement, the separatist regime was strengthened.
214.  Smirnov was hidden by the Command of the Fourteenth Army, by Guennadi Iakovlev, in August 1991 when he feared arrest by the Moldovan authorities. Iakovlev was then placed under the orders of Smirnov, with instructions to protect the unconstitutional regime in Transdniestria.
The witness was present in person in the spring of 1992 at the interrogation of a young man from Rostov on Don, who had been taken prisoner by the constitutional Moldovan military forces. He admitted that he had been sent to Moldova to protect the Russian land in Transdniestria. The witness had interviewed a former KGB official who was serving in Tiraspol in 1991. This officer told the witness that a Russian counter-intelligence division (GRU) had arrived in Tiraspol and that he intended to leave Tiraspol because he knew that trouble and bloodshed were coming. The Fourteenth Army was left under Russian control, so that Russia would have a reason to intervene.
215.  The witness carried out an interview with Igor Smirnov. He had been elected, together with 64 other representatives, to the United Council of Labour in Transdniestria in February/March 1990. He had voted for Mircea Druc as Prime Minister and so had every possibility to prove himself a democratic. The witnessed interviewed him with regard to the purpose of holding the so-called second Congress in 1990 (this being the Congress which led to the proclamation of the Transdniestrian Soviet Socialist Republic). Igor Smirnov said that it was the languages legislation in Moldova which had turned him and his fellow Transdniestrians into second-class citizens. But he had been unable to show the witness one single provision in the languages legislation that had such an effect. This proved that his separatism did not have at its basis a problem that could not be resolved in a democratic way.
The scenario used in Transdniestria had been used before in Abkhasia and South Ossetia, but had failed in the Baltic States. The political process in Moldova on the break-up of the Soviet Union, with a delay of one year, followed that of the Baltic States. The result was a situation where public organisms were no longer controlled by the Communist Party. But the end story was different here. The Baltic States had managed to avoid separatism. In the Baltic States there were the same attempts by the Antiufeev group to undermine constitutional authority. Antiufeev, who was now a Minister in the Transdniestrian separatist Government had escaped from Latvia. In an interview he said that he had been sent to Moldova by the Soyuz Group in the Soviet Parliament, headed by Mr Lukyanov. He was offered Abkhasia or Transdniestria. He chose Transdniestria because there was no language problem. He was sent to another State to fight the established constitutional order, as he had done in Latvia. He and Oleg Gudymo, his deputy, are Russian citizens. He is included in the Duma electoral lists as a supporter of Stalin “black” candidates. These candidates were not elected, but it is informative that Antiufeev is part of that tendency.
216.  On 25 or 26 March 1992 the witness went to the Fourteenth Army Headquarters, together with several Moldovan MPs and General Netkachev, Commander of the Fourteenth Army. A majority of the officers were disoriented. They were in an informants' environment where they could easily be manipulated. This is why some troops went over to be under the jurisdiction of the Transdniestrian separatists. An ethnic Moldovan officer of the Fourteenth Army came to Chişinău – he was a major – to tell the witness about the plans for the participation of the Fourteenth Army in the coming conflict. The so-called Transdniestrian Army, including a number of tanks belonging to the Fourteenth Army, was organised by officers of the Fourteenth Army. The separatists had at their disposal heavy artillery, which allowed them to take over the territory of Transdniestria. They had well trained tank drivers, helicopters and eighteen tanks. None of this was available on the private market.
217.  Igor Smirnov was a citizen of the Russian Federation.
218.  The witness thought that the Russian troops would stay in Moldova until a political solution convenient to the Russian Federation was found. If the Fourteenth Army had not been withdrawn in eleven years, that was because the Russian Federation had not wanted it. They kept the Russian military presence there in order to put pressure on Moldova and to protect the illegal separatist regime. An agreement was signed in Odessa in March 1998 between Mr Chernomyrdin, the Russian Prime Minister, and Mr Smirnov concerning the division of the military property of the former Fourteenth Army. Transdniestria had become the centre of illegal commercial activity, with sales and exports of arms from the equipment of the former Fourteenth Army.
If the Fourteenth Army withdrew, this would lead eventually to a solution of the problem. No military equipment had been withdrawn recently. The date for the complete withdrawal had not been respected, and the new one would not be either. There was a statement on the web site of the Russian Duma to the effect that members of the Duma were requested to refrain from making declarations on Transdniestria because of the case pending before the European Court of Human Rights, since such declarations could damage the situation in the case.
219.  Mr Ilaşcu represented the Popular Front in Tiraspol. He had been released under pressure from the Russian Federation. He was in a sense released conditionally – that is on condition that he withdrew his application. The other applicants remained hostage. This had been confirmed by President Voronin, who said that Ilaşcu was himself to blame for their continued detention because, if he withdrew his application to the European Court, they would be immediately released.
220.  General Lebed, Commander of the Fourteenth Army like Iakovlev before him, had allowed himself to be elected to the unconstitutional legislative body in Transdniestria. He had openly described how he had armed the Cossacks to fight the constitutional Moldovan authorities.
221.  One of the questions asked at the public hearing before the Court in Strasbourg was: does Russia provide economic support to Transdniestria? The answer given by the Representative of the Russian Federation was that the Russian Ambassador to Moldova had simply visited Tiraspol and declared the interest of the Russian Federation in participating in the privatisation process in Transdniestria. This was recognition of legitimacy as regards the separate economy of Transdniestria, quite apart from the agreement on cooperation, providing for a list of goods which would benefit from preferential treatment, for free movement of goods and tax exemption for goods from the eastern part of Moldova.
There was also a debt of seven hundred million dollars owed by Transdniestria to Russia for gas consumed, according to the representative of the company supplying gas, Gazprom. The Russian State had supplied gas free of charge to Transdniestria for eleven years. It had done this in order to support the illegal regime there, indeed to permit its economic survival.
As regards political support, one could cite the declarations of the Russian Vice-President, Mr Rutskoi, in Moscow in 1992 and on visiting Tiraspol. A committee of the Russian Duma had been set up to help solve the problems in the Transdniestrian Region – with no mention whatsoever of the fact that this was an illegal regime in Transdniestria. One could also cite the memorandum signed in Moscow in 1997 by President Lucinschi of Moldova and Smirnov for the “Moldavian Republic of Transdniestria”, and countersigned by President Yeltsin for the Russian Federation and President Kuchma for Ukraine, which recognised the legal validity of the Transdniestrian authorities in the negotiation process.
222.  The budget of Moldova at the time was three hundred million US dollars. The aid to the Transdniestrian region by Russia was twice the size of the annual Moldovan budget. The steel factory in Râbniţa, in Transdniestria, contributed 60% towards the Transdniestrian budget. Because it operated free of charge and free of taxes, it was essential for the survival of the illegal regime. There was also considerable smuggling activity, but that was another matter.
223.  If the Fourteenth Army had not participated in the conflict in 1991 and 1992, the illegal regime would not have survived. The participation of the Fourteenth Army was decisive for the military, political and moral defeat of the constitutional Moldovan authorities. And it was essential for ensuring the survival of the illegal, separatist regime.
224.  The witness first heard of the Ilaşcu group after their arrest. He did not know whether this group were members of the secret services of Moldova. Their trial was necessary for political reasons in order to strengthen the illegal regime.
19.  Mircea SNEGUR
225.  The witness was President of Moldova from 1990 until 1996. At the time of giving evidence, he was honorary President of the Liberal Party.
226.  In 1989 Russian troops arrived in large numbers in Moldova. In that period, intellectuals in Moldova were fighting for their rights and, in particular, for the right to speak the Romanian language. The witness's statements for the attention of the United Nations, the Community of Independent States and the Government of the Russian Federation were based on the fact that the Fourteenth Army was still on the left bank of the Dniester, albeit perhaps in reduced numbers. This Army armed the separatist rebels. Because of this military support, the conflict broke out. The institutions of the Moldovan State began to be destroyed – the police, the courts and so on. A parallel army appeared, better equipped than the regular forces of Moldova. The witness made not only statements but also visits to Moscow to inform the Russian Government. Ammunition stores were broken into and arms distributed to the rebels. The constitutional forces were not so well equipped.
President Yeltsin possibly did not give any direct orders. But it could not be denied that there had been military, economic and intellectual support. The rebels in Transdniestria had at their disposal a very well-equipped army.
227.  The document ending the conflict, signed by Yeltsin and the witness, attested to the fact that the parties in the conflict were Russia and Moldova.
Before the presidential declaration was signed, it was the task of Alexander Rutskoi, the Russian Vice-President, to come to Chişinău to negotiate a settlement. The draft agreement he negotiated was then signed in Moscow. On the Moldovan side the main negotiators were the Prime Minister, namely Valeriu Muravschi, the Speaker of the Parliament and the witness himself.
228.  The July 1992 cease-fire agreement in Moscow was not signed by Smirnov, though he was present. When the agreement was signed between Russia and Moldova, the parties exchanged texts. There were only two signatures to the agreement as such: Yeltsin's and Snegur's. The witness did not know where the signature of Smirnov came from when it appeared subsequently. It could be that Mr Rutskoi let him sign it afterwards.
229.  The reason why the agreement in 1992 was signed was that there was a risk of seeing the Fourteenth Army in the streets of Chişinău. People were dying. One particular State was supplying arms to the rebels in order to make this possible. There was a risk of tanks arriving in Chişinău. No tanks are produced in Transdniestria. Forty per cent of the industry in Moldova in Soviet times was in the Transdniestrian region – steel works, factories for the production of domestic electrical appliances such as refrigerators, the manufacture of trucks, and so on. The Transdniestrian army had tanks, the Moldovan army did not. The tanks drove into Bender and then back. This constituted enormous psychological pressure; it was broadcast on all television stations. This was not simply a display on an exercise field.
What the Moldovan side wanted was an end to the conflict, a cease-fire, and that they obtained. They also supported, in the drafting of the document, the introduction of peace-keeping forces in Transdniestria from Russia, as they wanted them to influence Smirnov in Tiraspol.
230.  Tanks of the Fourteenth Army took part in the conflict. For example, in the Bender operation, tanks crossed the bridge and then went back.
231.  No negotiations took place directly with the Fourteenth Army. But there were telephone conversations with the Fourteenth Army in order to try to persuade them not to arm the separatist rebels, for example with General Lebed. The witness heard statements by General Lebed on television saying, “Our tanks are going to Bucharest if necessary”, and so on. But at that time the witness did not meet Lebed. He subsequently met him in Moscow at the Kremlin for a reception to commemorate the Second World War.
232.  In the agreement of 21 July 1992 Russia, acknowledged that it had influence over Tiraspol and that it did actually exercise that influence – for example in imposing a cease-fire - which was very important. Every day of continued fighting produced more corpses. It was therefore extremely important to bring about a cease-fire as soon as possible. Only later other matters such as the role of the Fourteenth Army were discussed.
233.  The witness thought that the political and economic support to Transdniestria from the Russian Federation still counted. Since this illegal separatist regime was still operational and accepted with all honours in the Russian Duma and had been visited by other personalities, there was plenty of evidence of support. There was a frank acknowledgment by the Deputy Speaker of the Duma, Guennadi Seleznev, on an official visit to Chişinău in 1992, when he said, “We Russians have to support Transdniestria. If we had not supported the Transdniestrians in the conflict, Moldova would have been integrated into Romania.” That was a perfectly clear acknowledgment. The regime could not have survived without Russian economic and political support. For example, in relation to energy resources – Transdniestria had huge debts to Russia for the supply of gas. Because of the fact that they were continuing to receive gas and electricity free of charge, the people in Transdniestria were living very well. They had been granted preferential access to the Russian and Ukrainian markets because they had no access to European markets, whereas Russia had stopped the gas supply to Moldova.
234.  As to relations with Transdniestria, since 1992, after the situation calmed down, there had been no more shooting. The next stage was to try to seek a final settlement of the conflict. The first productive meeting took place on 29 April 1994 near Tiraspol. A declaration of intent was signed to resolve the conflict by peaceful means and to provide a special status for Transdniestria within a unitary Moldova. When the witness was President, there was a schedule of meetings, with the Moldovans going to see the Transdniestrians and vice-versa, on currency issues, customs controls and so on. The intention was to rebuild not only commercial links but also political relations. There were many negotiations. Transdniestria was to be an entity where there were three State languages – Russian, Ukrainian and Moldovan. After 1996 these concrete, specific steps towards reconciliation stopped. There was a ray of light when Mr Voronin came to power.
During the witness's time as President, there had been contacts with Transdniestria, sometimes good, sometimes bad. The Moldovan view was that negotiations were better than conflict. The participants were the witness himself, Mr Smirnov, the Speaker of the Moldovan Parliament, Mr Diacov, and Mr Lucinschi. On the Transdniestrian side, there was also their so-called Prime Minister and other Ministers and Departments when particular items came up on the agenda – for example post, customs and media. Most of the time, the Moldovans met their demands, especially on economic issues, because otherwise ordinary commercial enterprises, the working people and the peasants would have suffered. There were no representatives from the Fourteenth Army there as a party. There were mediators present at all meetings – from Russia, Ukraine and the OSCE.
235.  As to the presence of Russian troops in Moldova, the witness stated that the presence of military personnel was not the only measure of an army's effectiveness. There were still more than two hundred thousand tons of armaments and missiles in Transdniestria. The Russian side should implement all the agreements into which it had entered, then Moldova would not be in the present situation.
If the withdrawal of the Russian troops from Transdniestria had taken so long despite previous agreements, it was because this must have been the wish of the Russian Federation. The withdrawal of their troops had been stipulated in various documents. On the entry of the Russian Federation to the Council of Europe, this was one of the conditions. At the Istanbul summit the withdrawal was to be terminated at the latest by the end of 2002. Now it was to be the end of 2003. This delay was probably the result of influence by politicians who were dragging their feet at the request of the Transdniestrian side until a final settlement had been reached.
236.  A number of efforts were made after the cease-fire to secure the applicants' release. For example, there was the decree in 1995 declaring an amnesty for all those who had taken part in the conflict. For anyone detained in Moldova, amnesty was granted. The Transdniestrian side did not keep their part of the bargain. The sentencing of Ilaşcu and his colleagues was a farce, the result of bad faith. The witness immediately issued an order in 1993 declaring their trial illegal. The Ilaşcu question was on the agenda of every meeting with the other side. They just kept providing promises: “We will come back to this”, and statements to that effect. The witness met President Yeltsin personally and spoke to him about the issue. Moldova raised it at the CIS meetings. But the Moldovans were not listened to by the Russians. The Communist President of Moldova was listened to by the Russians two days after he entered into office, with the result that Ilaşcu was released.
237.  Mr Yeltsin's reaction every time was one of understanding and compassion and promises to influence Smirnov. But this did not happen. President Yeltsin never said that he had no influence. He was forever making promises that he would try to influence Smirnov, but his promises would stay without effect until the next meeting. The release of Ilaşcu was not the result of any action by Smirnov himself. It was only done because of pressure from the outside.
238.  The signing by President Lucinschi of the memorandum of May 1997 in Moscow was a mistake. This amounted to recognition of Transdniestria as a separate State. Thus a document was signed whereby Transdniestria was recognised as a separate country. One element of that memorandum was the synchronisation of the withdrawal of the Fourteenth Army and the final resolution of the conflict. This was done on the initiative of the Transdniestrian regime and the Russian Federation.
239.  In the Joint Control Commission, under the aegis of the Ministry of Integration, there were always problems because of interventions by the Transdniestrian side, especially in connection with Bender and their attempts to get the Moldovan police to withdraw.
The witness had signed documents giving greater local authority to Transdniestrian authorities within the territory of Moldova but these did not imply recognition of the regime. For example, documents concerning customs stamps did not involve official recognition of the illegal regime. Solutions to practical problems were sought, as the Moldovan authorities did not want to create an economic blockage. They recognised Transdniestria as an “area” and needed to coordinate services.
The witness had no problems in going to or from Transdniestria, he was never stopped or humiliated.
240.  The constitutional Moldovan authorities provided support to the families of the Ilaşcu group.
As to Mr Ilaşcu, the witness met him when he went into politics. After Mr Ilaşcu was released they met once, in Chişinău. He once telephoned to the party's headquarters and left his telephone number, but he had no more contact with him.
241.  Smirnov was released for a number of reasons, in particular good intentions prompted by good faith, by a desire to obtain what the Moldovan authorities wanted through negotiations.
20.  Alexandru MOŞANU
242.  From 1990 until February 1993 he was the President of the Moldovan Parliament, and from 1993 until 2001 he was a Member of Parliament.
243.  The Parliament had evidence that the separatist forces on the left bank of the Dniester were equipped with various kinds of weapons and trained by officers of the former Fourteenth Army. The television showed film on 19 May 1992 of tanks of the former Fourteenth Army flying the flag of the Russian Federation and taking an open part in the conflict. Following this direct and open intervention by the Fourteenth Army, the Parliament adopted a Resolution characterising these actions as open military aggression against Moldova by the Russian Army. This Resolution was addressed to all Parliaments and peoples in the world. It described the former Fourteenth Army as an occupying army in a free, sovereign country. The decision to adopt this Resolution was taken at a full session of the Parliament of Moldova.
Guennadi Iakovlev, who was the ideologist of the separatist movement, said in a newspaper article on 18 June 1992 that the Fourteenth Army and the Transdniestrian people were united. In the Tiraspolkaya Pravda, on 2 September 1992, Smirnov said that the Transdniestrian Republic survived only thanks to Russia and the Fourteenth Army.
244.  Without the support of the Russian Federation, the Transdniestrian regime would never have survived. The United States Senator Larry Pressler came to Moldova in the period May to June. He studied the problem on the ground and concluded, in a report of 24 June 1992 to the United States Congress, that the problems then were due to the involvement of the Fourteenth Army.
245.  Towards the end of June 1992 General Lebed, as Commander of the Fourteenth Army, called the witness on the telephone, when the President of the State was away, and ordered him not to allow the transfer of certain military formations of the Moldovan Army from one zone of the country to another. When the witness replied that he did not know who Mr Lebed was and that he had to come and explain the purpose of his visit to Moldova, General Lebed said he would come with tanks to Chişinău.
246.  At about the same time, at the end of June 1992, the supply of electricity to Chişinău from the power station in Cuciurgani, in Transdniestria, was disconnected. As Moldova had no other alternative source of energy, the witness went to Minsk to ask the President of the Supreme Soviet in Belarus for help. Mr Shuskevich, President of the Supreme Soviet of the Republic of Belarus, telephoned President Yeltsin in front of the witness and asked him to intervene. By the time the witness arrived home the electricity had been reconnected.
247.  In 1992 the witness did not know about the Ilaşcu group; he learned about it later. At that time many people were being killed, arrested and buried. Mr Ilaşcu was not an MP then. He was first elected in 1994 on the list of the Popular Front, and re-elected in 1998.
248.  The authorities in Moldova provided transport for Mrs Ilaşcu to travel to Tiraspol. Mrs Ilaşcu was also able to draw the salary due to Mr Ilaşcu in his capacity as a member of Parliament.
The witness heard of Mr Ilaşcu on 5 May 1993, when the so-called trial opened in Tiraspol. The witness organised a meeting on 6 May in Chişinău to support his group. He knew from the newspapers of Mr Ilaşcu' activities in Tiraspol, but never discussed with him Order No. 6 or his activities in Tiraspol.
249.  A committee was set up in Parliament to deal with the problem of the Ilaşcu group. The authorities in Tiraspol were contacted and the Moldovans were told that nothing could be done. In fact more effective action was taken outside Parliament. The Moldovan Parliament raised the issue at the OSCE meetings and at meetings with foreign States, for example the United States of America. Mr Snegur also raised this issue in 1999 at a meeting in Berlin of the Inter-parliamentary Union, and as a result a special resolution concerning Mr Ilaşcu was adopted.
250.  There was no reaction on the part of the Russian authorities when appeals seeking withdrawal of the Cossacks were made. The witness telephoned Mr Hasbulatov, the Speaker of the Russian Parliament, but he showed no interest. The Moldovan Parliament also sent representatives to the Russian and Ukrainian Parliaments to explain their position. There was no official response to the Moldovan appeals.
In October 1994 Moldova signed an Agreement with the Russian Federation on the withdrawal of Russian military units from Moldovan territory. The Moldovan Parliament ratified that Agreement. The Russian Parliament has never ratified it; moreover it has been taken off the agenda of the Russian Parliament.
The Moldovan Parliament supported Yeltsin during the coup in Moscow. In September 1991 Yeltsin sent Mr Nikolay Medvedev, together with a group of colleagues, to act as mediators. The Moldovan authorities rejected this initiative because they considered that the problem was an internal issue and that it was not up to the Russians to intervene. But Mr Medvedev went to see the witness and told him that the treaty between Moldova and Russia would not be ratified until the demands of the MRT were accepted by Moldova.
251.  The reason behind the cease-fire agreement of 21 July 1992 was that if Moldova had not signed that humiliating agreement, the tanks of the Fourteenth Army would have come to Chisinău. Moldova only had a volunteer army, a weak army with no trained troops. Many were killed during the skirmishes. Moldova had no choice but to sign.
252.  Moldova did not exercise any control over the Eastern part of the country. All political actors did what could be done to make representations in favour of the Ilaşcu group. But the pressures – political and economic – from outside, from the Russian Federation, were too strong. The attitude of the Moldovan authorities at the time was: if Moldova does not grant passports or customs stamps to the Transdniestrians, it cannot know how they will behave. Now that the leaders in Tiraspol had been deprived of their right to travel to the West, their attitude had changed. The Moldova leadership should have accepted in 1992 the United States proposal to take part in the peace commission.
21.  Witness Y.
253.  At the time of giving evidence, the witness was a senior member of the Liberal Party of Moldova. He was a former member of the Moldovan Parliament and a former diplomat.
254.  The Dniester war started in March 1992. The Parliamentary Committee had no chairman then and was not therefore involved in debating events concerning the Dniester River. At the time of the Bender events, the witness was outside the country. On becoming Chairman of the Committee, he demanded that the three responsible Ministries submit to the Parliament information concerning the cause of the events in Bender and the actions of the Moldovan authorities. The relevant documents were transmitted to Parliament. According to the information in those documents, there were good grounds for suspecting that the Fourteenth Army had taken the side of the separatists during those events. On 20 and 21 June, when the first detachments of the Moldovan Army arrived in Bender, a platoon of soldiers being transported in a bus in plain clothes and carrying light arms was attacked; it was machine-gunned from two sides. The area where the firing came from belonged to the Fourteenth Army. Twenty Moldovan soldiers were killed.
When President Snegur and the Prime Minister, Andrei Sangheli, were in Moscow, they raised the issue of the Ilaşcu group many times. There were personal meetings between Yeltsin and Snegur, one to one, in which the issue was raised by Mr Snegur. The witness was the person responsible for preparing the press releases relating to these meetings. For example, on 15 May 1993 the issue of the Ilaşcu group was raised; it was said that, for both sides, action would be taken to secure the release of this group as soon as possible.
However, the talks between Moldova and the Russian Federation regarding the withdrawal of Russian troops from Moldova did not include the issue of the Ilaşcu group. The main problem for the Moldovan side in the negotiations concerning the withdrawal of Russian troops was that the Russian side was insisting on a synchronisation of the withdrawal of the Russian Army with the final resolution of the Transdniestrian problem. For Moldova, these were two distinct processes, with no link between them. The Moldovan party was aware that, theoretically speaking, if there were such a link, there was a risk that the Transdniestrian conflict would not be solved: any party which might have had an interest in keeping a Russian military presence in Moldova would then have worked to ensure that the Transdniestrian issue was never settled. This point of view was conveyed to the Russian counterpart in the negotiations. However, the Russians insisted on the synchronisation formula and, unfortunately, this went into the final document.
Failure to solve the overall problem gave the Russians the excuse to keep their Army there. And it was they who controlled the possibility of settling the dispute.
The synchronisation formula was proposed by the representative of the Russian Ministry of Foreign Affairs. It was expressly included in the press release at their request. When Moldova proposed that the press release include mention of both sides being interested in the release of the Ilaşcu group, the Russians agreed on condition that the synchronisation formula also be put in. Subsequently, the Moldovan authorities realised that they had made a big blunder in accepting the synchronisation formula.
255.  The witness was not aware of any cases of the peace-keeping forces breaching their terms of reference. His main dossier was the Russian Organisational Group, and the peace-keeping troops were not part of his brief. The witness learned later that the peace-keeping forces were used several times by the Russian military without the consent of Chişinău.
256.  The Ilaşcu issue was raised many times by the Moldovan authorities. In December 1992 negotiations were commenced with the Transdniestrian side, at a venue outside Tiraspol, and the Ilaşcu issue was raised by the Moldovans. Up until March 1993 there were four rounds of negotiations. Moldova never obtained the permission of the separatist authorities to meet representatives of the Ilaşcu group. The issue of medical assistance was also raised. The question of medical doctors going to Tiraspol from Chişinău to provide medical treatment for the group was discussed. The issue was taken up by the Parliamentary Committee. The witness received instructions from President Snegur to raise the issue in meetings with Russian officials. In September 1993 the witness therefore raised the issue with the President of the Supreme Soviet of the Russian Federation (the Speaker of the Russian Parliament), Mr Husbalatov, who had promised that Russian Members of Parliament going to Tiraspol would try to obtain information about the Ilaşcu group.
257.  There where indications of the Russian policy towards Transdniestria on the Internet sites of various research and other institutions in Russia. Konstantin Zatulin was the head of one such institution, namely the Law Academy. On the Internet site of that institution there was a report outlining different scenarios and plans on how things were to be organised in Transdniestria. There were other examples, such as the site of the legal section of the Academy of Sciences where there was a theoretical model for building Transdniestria into a state. The witness could not tell whether that model had been developed with the authority of the Academy of Sciences.
258.  The witness recalled an ultimatum from the Russian side, given in 1994 at the United Nations General Assembly when the Moldovan Representative, for the first time at such a level, alluded to the participation of the Russian side in the Transdniestrian conflict. The Deputy Foreign Minister of the Russian Federation had a meeting with the witness and told him that the Russian side was not happy about this initiative taken by Chişinău at the United Nations. Russia, he said, would find an “adequate opportunity” to reject this initiative.
259.  The treaty drafted in 1990 was much better for Moldova than the treaty signed with the Russian Federation in 2001. In 1990 it was a question of a treaty between two Soviet Republics who were members of the USSR. The desire of Moldova to obtain its independence was reflected in that treaty. The later treaty, between two independent countries, contains some provisions which should have been unacceptable for the Moldovan side.
260.  From 1997 to 1998 the witness was adviser on Transdniestrian issues, including the question of the release of the Ilaşcu group. This problem was raised many times. In the witness's view, much more could have been done, more efficiently, than the efforts that were actually made. The witness's plan for the settlement of the Transdniestrian problem was rejected by the then Moldovan authorities, and he was dismissed as the principal adviser in charge of Transdniestria because his plan was disclosed.
261.  The Russian authorities were unfortunately providing support to the illegal Transdniestrian regime in Tiraspol. This included economic support. For a number of years natural gas had been available to the public in Transdniestria for half the price charged to people living in other parts of the Moldovan Republic. As from 1 February 2003, the price had doubled in Transdniestria. Before that, many people in Transdniestria said they did not wish to rejoin the Moldovan Republic because, if they did so, they would be paying much more for gas. Transdniestria has a 750-million-dollar debt to Russia for natural gas. This debt will be cancelled if Russia receives shares in national enterprises in Transdniestria. Consequently, part of the population of Moldova is indebted to Russia.
262.  On 1 April 1992 President Yeltsin issued a decree ordering the transfer of the Fourteenth Army under Russian jurisdiction. In so doing, he breached the national jurisdiction of Moldova and Moldovan sovereignty. This is because earlier, in January, President Snegur had issued a decree that all units of the Fourteenth Army stationed on Moldovan Territory were to be transferred to Moldovan jurisdiction. President Yeltsin issued his decree without any consultation whatsoever of the Moldovan Government. This was a problem still to be settled.
263.  The 200,000 tons of Fourteenth Army military equipment remaining in Transdniestria should belong to Moldova because of the decree of President Snegur. Or perhaps it should be administered and controlled by the OSCE. There would be no problem if this military equipment were to pass under international control. The problem had been that, to date, Russia had exercised control unilaterally.
264.  Smirnov was a citizen of the Russian Federation. This was therefore a problem for Russia to solve, as he was one of their citizens. President Voronin had said to the Russians that he, as President of Moldova, would be happy if Russia were to take Smirnov and place him in a Moscow suburb.
22.  Andrei SANGHELI
265.  The witness became Prime Minister in July 1992. The armed conflict occurred before then. At the time of giving evidence, he was working for a French firm as Director General. The witness had held no political office after 1997.
266.  Although there was no proof that the Fourteenth Army was involved in the fighting in 1992, arms, ammunition and equipment of the Fourteenth Army were used by the separatist forces. The ammunition and armoured vehicles that the Tiraspol rebels used in all their battles and clashes with the constitutional Moldovan forces came from the reserves of the Fourteenth Army.
267.  The problem of the Ilaşcu group was on the agenda at every meeting that Moldova had on Transdniestria. Moldova tried to do all that it could, morally and materially. The success of the present Government was due to what had been done before. But the circumstances at the time meant that Moldova had no other option but negotiations. The conflict in 1992 was a tragedy for the country.
The release of the Ilaşcu group was a political problem. The Transdniestrian regime was keeping the remaining applicants in prison as a bargaining chip. They wanted to derive benefit from any decision to release the prisoners. Moldova had done all that it could. The constitutional authorities of Moldova were not responsible for what had happened to the Ilaşcu group. The families of the applicants approached the authorities regularly, and they obtained from the Moldovan authorities political, medical and other support.
268.  Concerning the financial support allegedly accorded to the rebel regime in Tiraspol by Russia, there were no official documents, but there was information that could be gleaned from speeches by Russians visiting Tiraspol. Then there were the energy debts. The gas had been given to the Transdniestrians free of charge by Russia. This could be considered economic assistance. In the negotiations with Russia in 1992, the witness participated on economic issues. The main discussion centred on energy supply and Russian markets for Moldovan products such as wood and coal, as well as credit facilities. Gas was to be supplied at a lower price to Transdniestria than to Moldova. When the witness was Prime Minister the company supplying gas was a State entity. After it was privatised, the situation became worse for the Moldovan people. Today it was a joint-stock company, but the State had the largest shareholding. Neither the Moldovan nor the Transdniestrian economy could function without Russian gas.
269.  In 1993 the witness discussed this debt issue with the Russian Government and also with the Transdniestrian authorities. They agreed to divide the debt in two. The witness did not know whether the Transdniestrians paid their part, but thought that they did not.
23.  Witness Z.
270.  The witness was a former minister of Moldova.
271.  The witness participated in all the relevant negotiations. He therefore had information about the transfer of military equipment from the Fourteenth Army and the ROG to the separatist forces. Before the war broke out there had been a massive transfer of munitions to the separatists. This started with a decision of the Supreme Soviet to set up a paramilitary force to ensure order.
At the time of the referendum about joining the Soviet Union in 1991, and continuing until March 1992, General Iakovlev, former Commander of the Fourteenth Army, started to transfer weapons and munitions, and this coincided with the arrival of the Cossacks. This transfer of munitions was made in particular to the Transdniestrian Guard, which became the Ministry of Defence of Transdniestria. All units, including the Cossacks, were equipped with automatic weapons, machine guns, armoured cars, and so on. An engineer's battalion from Parcani openly joined the Transdniestrian side. Eighteen T-74 tanks were given as a gift to the Transdniestrian side.
The witness stated that he was in possession of a great deal of information on the quantity of arms actually transferred. After the war the process continued. This was done through resolutions of the Russian and Transdniestrian Governments. The Russian Prosecutor General inspected the Russian Army.
The witness pointed out that there was archive evidence, in the form of television film, which showed clearly that the main tanks that took part in the assaults were flying Russian flags. Some of these tanks were indeed flying two flags, the Transdniestrian as well as the Russian flag.
272.  After the armed conflict, there was an exchange of prisoners. The Dubăsari hostages, i.e. 30 policemen captured by the Transdniestrian forces, were kept for about a month. Moldova exchanged them for General Iakovlev. Such exchanges often took place. Moldova exchanged those who had disturbed order and the Transdnistrians exchanged those whom they had taken prisoner. The witness had tried to discuss the possibility of exchanging the Ilaşcu group. The Transdniestrians responded that the members of the Ilaşcu group were not simple participants in the conflict but were terrorists and that, therefore, they could not be exchanged. Moldova had no one comparable to exchange with them. Ilaşcu was seen as a fighter against separatism. Transdniestria needed to justify its existence. This was perhaps the reason for their not wishing to exchange him or the other applicants.
It was never intended to include the Ilaşcu group in an operation involving the exchange of Iakovlev for the 30 policemen, since Iakovlev's release had occurred before Mr Ilaşcu's arrest.
The issue of the Ilaşcu group was nevertheless raised by the Moldovan authorities in the context of an exchange of prisoners. During the armed conflict Moldova captured a number of prisoners. But the Moldovan proposal for an exchange was rejected point blank when the issue of the Ilaşcu group was raised. This was so at all levels. Moldova was unable to secure their release despite all efforts. The separatist regime needed a justification for the accusation that Moldava was involved in terrorist acts, and the Ilaşcu trial provided a smokescreen for their own terrorist acts committed through mercenaries.
273.  The direct negotiations with Mr Smirnov were aimed at the implementation of various decisions taken by Parliament and the Government regarding the settlement of the conflict. These negotiations took place with General Creangă and concerned, for example the withdrawal of military formations. That was in March 1992. Then, on 21 July 1992, there was the Moldovan/Russian Agreement on the settlement of the Transdniestrian conflict. The witness was included in the discussions leading to the solution of conflict at the local level.
274.  The relations between Moldova and Transdniestria were governed by the Moldovan/Russian treaty of 21 July 1992.
The Control Commission was initially composed of a Russian delegation, a Moldovan delegation and a Transdniestrian delegation. Later they were joined by delegations from the OSCE and the Ukraine. The Control Commission was intended to deal with all the problems arising from the conflict – for example compensation for damage, withdrawal of troops and so on. Some problems were solved. Later, because of Russia's inertia and different strategy, the Russian military forces stayed on. Where there used to be a Russian peace-keeping force, now there were Russian military forces. And, as the OSCE had confirmed, the Transdniestrians now produced missiles and military equipment.
275.  The separatist regime could not exist without Russian support. It was not ethnic, religious or even internal political reasons that prompted this conflict. It was dictated by external reasons. It was designed to split Moldova because Moldova was not willing to sign a treaty to join the Soviet Union. Within a few months, the Transdniestrian separatists liquidated the constitutional prosecution and law-enforcement bodies – the prosecutors' offices, the police and the rest. They could not have done this without the support of the Fourteenth Army. Previously the left and right banks of the Dniester lived in peace. This conflict, this splitting of the left and right banks, was provoked by Russia for political reasons of its own.
276.  This was not an ethnic conflict. Guslyakov was the General in command of the Bender police station. He ensured law and order there on behalf of the constitutional Moldovan order. He was Russian-speaking. He did all that he could to maintain order, for as long as he could. He subsequently became a Deputy Minister in Moldova.
277.  Moldova was naïve when signing documents with the Transdniestrians. Moldova was not ready for the war that broke out on 19 June when the police station in Bender was surrounded. Kostenko attacked Dubăsari on 16 June. A decision was taken on the Moldovan side to send Special Forces to aid the police. After the town of Bender was free of Kostenko's gangs, the Moldovan soldiers, who did not know where to disperse, came to the citadel where they were taken prisoner and some of them shot. The Russian Army, which was occupying the citadel and controlling that area, was involved in this. When they freed the bridge, the Moldovans did not fire on the Russian forces, but Russian tanks flying the Russian flag fired on them.
278.  Iakovlev was arrested by the Moldovan security service. There was enough evidence of his having helped to arm the separatists. It is not true that he was freed because there was not enough evidence against him.
279.  General Lebed, who was the Commander of the Russian Operational Group, was elected to the Transdniestrian Parliament in 1993. Moldova was indignant about his political support for the separatists. But the Russian Duma had quite clearly stated its position on this. Only later did General Lebed himself come to understand what kind of regime he stood for. He said that it was a criminal regime.
280.  Paramilitary forces from Transdniestria took part in the war in Abkhasia. A Dolphin force detachment belonging to the Transdniestrians took an active part in the operations in Abkhasia. This was confirmed by Antiufeev's colleague from OMON, Goncharenko Matveev, Deputy Minister of Security of the Tiraspol regime. Goncharenko was one of the commanders of the Russian Special Forces operating in the Baltic countries. He took part in the operation in Riga. He then came to Transdniestria with Shevtsov/Antiufeev, and was responsible for the formation of the Transdniestrian forces.
Goncharenko requested that people who had fought against the legal, constitutional forces of Georgia be decorated. These were similar conflicts involving separatist, Russian-speaking rebels, supported by Soviet and later Russian troops. Russia had a record of being responsible for providing military support to these illegal paramilitary forces.
281.  Moldova had no regular forces when the conflict broke out. The police force bore the brunt, together with volunteer units. The forces in the conflict were unequal. There was a well-equipped army on one side, police and armed citizens on the other. Moldova could not survive.
Russia provided peace-keeping troops but imposed certain conditions. The Russian/Moldovan Agreement was drafted in Moscow and Moldova was not able to introduce anything important, as it had wished, for instance, on the notion of state independence, sovereignty, etc. This Agreement was only a military tool for a certain time, but three months later, in September 1992, Moldova stated that this Agreement had been implemented and that there was a need to organise further negotiations leading to other conventions that would ensure peace.
24.  Anatol PLUGARU
282.  The witness was the Minister of National Security between August 1991 and July 1992. Before that, he was a colonel and was appointed head of the KGB in Moldova at the time when the Soviet Union was breaking up in August 1991. Before that, he was a parliamentarian, a member of the Supreme Soviet. From July 1992 to September 1993 he served as Deputy Minister of Foreign Affairs. Thereafter he did not work in Government. At the time of giving evidence he was a free-lance legal expert and journalist.
283.  The witness knew Mr Ilaşcu because of his job. He came into contact with him when Moldova was forced to mobilise its citizens because of the emergence of the illegal regime in Transdniestria. This was in March 1991. A resistance movement, initially uncontrolled, sprang up in Transdniestria. Tens of thousands of citizens were asking for arms in order to defend their country. Moldova did not have an army. The Ministries of Defence, the Interior and Security were meant to mobilise people who had received some military training. Mr Ilaşcu fell into that category.
284.  The witness did not know whether the Russian special services, the Alpha Group, were involved in the interrogation of Ilaşcu.
285.  The witness considered that Mr Ilaşcu was a prisoner of war falling under the Geneva Conventions of 1949 and their Protocols. A number of attempts had been made to exchange Mr Ilaşcu and his colleagues but Moldova had no prisoners they could offer in exchange.
286.  Moreover, Moldova knew who was behind all that. The Fourteenth Army wanted to cross the river. “A Cossack is a Cossack even in Bucharest,” is what could be heard at the time. Moldova could not afford to use force, although it did carry out some operations, for example the one relating to Iakovlev. General Iakovlev was arrested by the secret service of Moldova. Mr Ilaşcu was not involved in this. Iakovlev was detained because he had supplied arms to the separatist rebels. He could only be kept in custody for a limited period, but the investigators could not collect enough evidence to bring him to trial. General Stolyrov, the deputy to Marshal Shaposhnikov, Commander in Chief of the CIS Forces, came from Moscow – he was the Deputy Head of the Russian secret service – to ask for Iakovlev's release. As soon as it was clear that there was insufficient evidence to prosecute him, the Moldovan authorities came up with the idea of exchanging him and the witness discussed the matter with Stolyrov. In the end, General Iakovlev was exchanged for 30 police officers detained in Dubăsari.
287.  The Ministry of the Interior did talk to the Transdniestrian authorities. Many attempts were made to have Mr Ilaşcu and the other applicants released. But all proposals were rejected because the Ilaşcu case represented a means of effective leverage for the Transdniestrians, a tool which they could use to humiliate Moldova. The regime was supported by Russia and the Ukraine. More energetic efforts to get Mr Ilaşcu and his colleagues released would have led to greater tension. The Transdniestrian regime was able to exercise pressure on the constitutional Moldovan authorities through the Ilaşcu case, in order to obtain recognition.
288.  The separatist regime de facto, was outside the legal control of the constitutional Moldovan authorities. The Moldovan legal authorities had been effectively destroyed in Transdniestria. The Transdniestrian regime was armed with weapons from the stocks of the Fourteenth Army. Iakovlev had armed these paramilitary forces. Lebed had pursued a policy of “active neutrality”. Moldova had no access there. On taking up his command, General Lebed should have reported to President Snegur, as the official Head of the State where the Fourteenth Army was stationed. But General Lebed had ignored these elementary rules. When he arrived, he did not notify the President of Moldova; and there was no notification either from the Kremlin.
289.  There was the “Balkan Arch Plan” with the following scenario : if Moldova had not stopped the armed conflict, it would have spilled over into Romania. Presidents Yeltsin and Putin had made statements in favour of Moldovan sovereignty, but many members of the State Duma, including Mr Rutskoi, had gone to Transdniestria and supported the Transdniestrian separatists. They had interfered in Moldova's internal affairs in a brazen manner. If a section of the Russian Government, the official Government, had cooperated, the armed conflict could have been avoided.
290.  Russia had at the time great problems with the huge army that it had stationed in Moldova. Many soldiers did not want to go back to Russia. No preparations had been made to receive them there. The Russian military in Transdniestria were providing military support to the Transdniestrian regime. Tanks of the Russian Army took part in the armed conflict; this was broadcast on the television. Other than those of the Fourteenth Army, there was not a single tank in Moldova at the time.
291.  The cease-fire agreement with the Russians was signed in July 1992. The witness was dismissed five days before that, under pressure from the Russians.
292.  The witness stated that he had never met Mr Gorbov. Earlier, before the armed conflict, he was dismissed from the Moldovan Ministry of the Interior. When the conflict broke out, he offered his services to the Tiraspol regime because he could not agree with the Chişinău authorities. He was given responsibility for dealing with the Ilaşcu group. He prepared the investigation, together with the Commander of the Fourteenth Army and Colonel Bergman. Then the relations between him and the Tiraspol regime soured. He might have gone to Moscow.
The witness knew Olga Căpăţînă, he knew that she was a civil activist. She was involved in the League of Wives and Mothers of Soldiers who died in Afghanistan. The witness had no information about her involvement as an intelligence agent during the conflict. But anyway he did not know who were the individual agents working in the field.
293.  The witness met Mr Ilaşcu in his capacity as head of the ex-Soviet Union's KGB. Mr Ilaşcu was mobilised by order of the KGB of Moldova. He was not an agent of the KGB as such. He was mobilised because he had experience of gathering information. After the KGB structure was changed, three Ministries were involved: Defence, the Interior and Security. Moldova was fighting enemies who had penetrated the country, groups who had infiltrated the country, that is, in Tiraspol, which was part of the Republic of Moldova.
294.  The Moldovan Ministry of Security did not receive any support from outside. It is true that Romania provided Moldova with some arms, but these were very old weapons which did not work.
But support was given by Russia to ethnic Russians in Transdniestria. The Cossacks came to Transdniestria because they had been let out of prison. There were long convoys of weapons being transported to Transdniestria. The Moldovan Ministry of Security sent agents to work in Transdniestria and the Fourteenth Army. That was quite normal, having regard to the situation. At the time, Moldova had documentary evidence, received through agents, to show that after April 1992 the Fourteenth Army was helping the rebels with arms and in other ways. General Netkachev admitted that Transdniestrians were using lorries to get access to the armament stores through minefields.
25.  Nicolai PETRICĂ
295.  The witness was a graduate of a tank academy. On 17 April 1992 he left the Soviet Army and joined the Moldovan Army until June 1993. Before that, in Afghanistan, he was Deputy Head of the Military School. From 1964 until 1974 he had served in Chişinău, and after that, he left the Fourteenth Army and went to Moscow to serve in the Soviet Army. At the time of giving evidence, he was the holder of the Military Chair in the Technical University of Moldova.
296.  He commanded the Moldovan forces in the Dubăsari fighting. It was Russian Army soldiers that shot at the Moldovans. They were using 152 mm shells, which the separatists did not have at that time. They were shooting from the Cocieri-Dubăsari line. Negotiations took place on 24 May 1992 with the Colonel who was commanding the Transdniestrian paramilitary forces. There were no representatives of the Fourteenth Army present. But, had it not been for the presence of Russian forces in Transdniestria, the separatist forces could not have been armed. On 19 May the separatists had received thirteen T-64 tanks from the Fourteenth Army. They used other military equipment, such as artillery, which must have come from the same source. The witness did not actually see the Fourteenth Army or their soldiers.
297.  The church in Golicani was destroyed by a 152 mm shell; shells of that calibre also fell in the village of Cruglic. In later discussions that the witness had with commanders from the Fourteenth Army, they had confirmed that there had been cases when artillery equipment was used against the right-bank forces.
General Lebed openly said that he was pursuing a policy of “active defence”. They, the Russian soldiers, fired shots towards the town of Tighina (Bender).
298.  Between 21 July and 16 October 1992, when the witness was the commander of the Moldovan peace-keeping forces, he was not informed about Russian peace-keeping forces being involved on the rebel side. On the contrary, Moldova and Russia together were able to secure peace in that zone. The witness collaborated very well with the Russian General, and they kept full control of the situation.
299.  In May 1992 sixteen tanks were handed over to the Transdniestrian Guards. Of them, thirteen tanks went to the Kacheevskii bridge-head. But on 24 May the witness met his opposite number, whom he knew as a comrade from the Far East. They agreed to maintain their positions, but without engaging in any fire. But on 19 June the tragedy happened. Lebed was using his troops and tanks. Presumably he had his orders, because no General would act in that way without instructions from his political superiors. Bender was destroyed by the artillery and the tanks of the Fourteenth Army, not by the Moldovan side. The tanks used were tanks of the Fourteenth Army, of the 59th Division. But Lebed had also disarmed the Kostenko brigade, a brigade of Transdniestrian rebels. In other words, he took the decision to stop the fighting.
It was not possible for the Transdniestrians to seize tanks. Lebed was permanently there. The order came from Moscow and Lebed had to implement it.
300.  On 21 July 1992 Russia took a decision to settle the Transdniestrian problem and that decision included something about the release of Ilaşcu and his group. But perhaps Moldova was not persistent enough. Moldova took up the issue in the Joint Control Commission set up under the Moldovan/Russian Agreement of July 1992. Mr Catană was there.
26.  Vasile RUSU
301.  At the time of giving evidence, the witness was the Prosecutor General of Moldova. Before that he was a lawyer and a Member of Parliament, on the Communist Party list.
302.  The criminal investigation opened in December 1993 against the judges and prosecutors involved in the Ilaşcu trial was not taken far because the necessary inquiries would have had to have been undertaken on the eastern, left bank of the Dniester, and that was under the control of the separatist regime. The legitimate authorities of Moldova had no access to the eastern part of the Republic. Likewise, in relation to the complaints filed in 1992 under Article 82 of the Criminal Code of Moldova in connection with the murder of the citizen Gusar, the Moldovan authorities were regrettably not in a position to carry out any investigation in the territory of Transdniestria.
In December 2002 the investigation was suspended. A criminal investigation was also opened in 2000 in respect of the governor of Hlinaia Prison for unlawful deprivation of liberty, but that investigation had also been suspended because it was impossible to carry out any real investigatory work.
The witness was of the opinion that the proceedings instituted against the judges and prosecutors under Articles 190 and 192 of the Criminal Code were incorrect. It would have been more appropriate to investigate under Articles 116 § 2 and 207 for usurpation of the identity of an official person and unlawful imprisonment, as was done in regard to the investigation launched against the governor of Hlinaia Prison.
303.  An exchange of prisoners involving the Ilaşcu group was proposed to the Transdniestrian authorities, but the proposal was rejected. In the witness's period of office there had been no exchange of convicted prisoners between Moldova and the regime in Tiraspol.
The witness did not know the Prosecutor General of Transdniestria, he had never had any telephone contact with him.
304.  If the judges and prosecutors involved in the Ilaşcu trial or the governor of Hlinaia Prison chose to come to Chişinău, as they could, they would be questioned and the required procedure would be carried out. It would not be necessary to detain them and it could not be known whether, as a result of any interrogation, they would actually be charged with deliberate usurpation of public office - that would be prejudging the investigation.
The witness was not aware that the offences with which the prosecutors and judges were charged (under Articles 116 and 207 of the Criminal Code) were considered to be time-barred according to the Public Prosecutor Iuga's decision of August 2000.
The witness was of the opinion that if the Tiraspol prosecutors or judges involved in the Ilaşcu trial travelled to the right bank of the Dniester, a criminal investigation under Article 207 of the Criminal Code could be launched against them despite possible problems of prescription.
Persons can be convicted in absentia if there is sufficient evidence to confirm their guilt. If these persons went abroad, for example, to Russia, then it would be possible to ask the Russian authorities to extradite them to Moldova. Colonel Golovachev, the Governor of Hlinaia Prison, was informed of the opening of the investigation against him and summoned to Chişinău through the Prosecutor's Office in Tiraspol.
305.  As Prosecutor General, the witness was not allowed to travel to the left bank. At the time of giving evidence, his Office had no control over events on the other side of the river. The witness preferred not to answer the question as to whether he was able to work with his colleagues on the other side of the Dniester River.
306.  The witness stated that if the file came before him as Prosecutor General of Moldova, he would initiate an investigation into the death of the two victims of the alleged terrorist acts of the Ilaşcu group – Gusar and Strapenko – despite the fact that they were citizens of the Russian Federation.
The witness had not had the opportunity to question Mr Ilaşcu when he came to Chişinău after his release, on 5 May 2001, since he had taken up his duties as Prosecutor General only on 18 May and, on 10 May 2001, Mr Ilaşcu had received the highest order of Romania, “The Star of Romania”.
27.  Vasile STURZA
307.  From 2000 until 1 January 2003 he was Chairman of the Commission for negotiations with Transdniestria. As its name suggested, this Commission had the task of negotiating the status of Transdniestria and related matters. During the period 1991 to 1992 he was the First Deputy of the Prosecutor General of Moldova, having taken up that office in September 1990 and remaining in it until April 1994. From April 1994 until May 1998 he was Minister of Justice. From May 1998 until January 2001 he was again the First Deputy of the Prosecutor General.
308.  The Commission of which the witness was Chairman was dealing essentially with the political problems relating to the status of Transdniestria and its main goal was to settle the latter's legal status. There was another Commission dealing with the social and economic problems arising from the Transdniestrian situation. The economic, cultural and social aspects were handled in parallel in another commission.
309.  In the context of the negotiations on the status of Transdniestria there were discussions about the legality of official acts accomplished by the Transdniestrian authorities, but the Moldovan side had always insisted on the unconstitutionality of acts carried out by the Transdniestrian authorities. Between 2001 and 2003 many draft texts for the status of Transdniestria were discussed during the negotiations, some of which contained provisions concerning what was to be done about decisions of the Transdniestrian authorities, for example criminal sentences imposed and civil court judgments delivered in the previous ten years.
310.  Concerning the possible release of Ilaşcu and his group, the Prosecutor General's Office asked the Prosecutor's Office in Transdniestria for them to allow the Ilaşcu case to be investigated by the constitutional authorities of Moldova. The witness discussed the matter several times with Prosecutor Lukiç, who was supervising this investigation in the period 1992 to 1993. The problem was that whatever the prosecuting authorities in Transdniestria did about the Ilaşcu case was unconstitutional and could not be executed in Moldova. Moldova proposed therefore that prosecutors from other countries be invited to investigate the case, for example representatives of the former USSR such as the Ukraine, Belarus and the Russian Federation. The witness personally went to Minsk to discuss the matter with the Prosecutor General of Belarus, who agreed to investigate the case. But the Transdniestrians refused. He also had a meeting with Mrs Ivanova, who was in charge of the trial and tried to convince the Transdniestrians that investigation by an unconstitutional body would cause problems for everybody. Again they refused.
311.  In 1994, while the witness was in the Prosecutor General's Office, he was sent by President Snegur to Transdniestria to seek the release of Mr Ilaşcu and the other applicants. Later, in 1996, he was allowed by Mr Smirnov to have a first meeting in person with Ilaşcu in Hlinaia Prison. The witness was the first to meet him in this way. The witness had a personal discussion with Smirnov, on the instructions of President Snegur, to request the release of Ilaşcu and the others. It was a complex and sensitive matter. A lot of politics were involved in the case. He had many discussions with Mrs Ivanova, the judge who tried the case as President of the so-called Supreme Court of Transdniestria, with Mr Lukiç, the prosecutor in the case, with the Minister of the Interior of the Transdniestrian regime, and with the President of the Supreme Soviet of Transdniestria. At the beginning they agreed to examine the case with a view to the release of all the prisoners who had been tried, but they required that the procedure laid down in Transdniestria be followed.
312.  There was a Decree issued by Smirnov in March 1993 whereby a Commission on Pardons was created. A Regulation on the activity of this Commission was brought out. In order to observe the proper procedure, therefore, one had to convince the members of this Commission to release the detainees in question. The witness therefore had meetings with the Chairman of the Commission. Throughout 1996, from April until the autumn, the witness had many discussions with the Commission, which had the power to grant pardons to all persons tried in Transdniestria. It was complicated, because one had to convince each individual member of the Commission. The last meeting that the witness had was with the representatives of all the services, that is to say, the Prosecutor's Office, the Supreme Court and the Supreme Soviet. All attended. Their conclusion was that the release of the Ilaşcu group could go ahead if confirmed by the decision of Mr Smirnov, who refused however.
The discussions concerning release continued after 1996. Smirnov would say “yes”, and then “no”. The final decision was taken in spring 2001. Previously, on 16 May 2000 at one meeting between President Lucinschi and Smirnov, the Moldovans again asked Smirnov about Mr Ilaşcu. Smirnov said he could not agree on a release, pure and simple, but could agree to the re-examination of the case by a court of a different State. That led to a number of subsequent initiatives. For example, Moldova asked Ambassador Hill, Head of the OSCE Mission, to use the good offices of the OSCE to raise the possibility of referring the Ilaşcu case to a court of a different State. Following an address made by Ambassador Hill in Vienna, Switzerland, Poland and Hungary agreed to the possibility of the Ilaşcu case being tried in one of their courts. Ambassador Hill discussed the possibility with the representatives of Switzerland. Discussions were initiated by the witness himself with the Ambassadors of Poland and Hungary in Chişinău. They even went into discussing the technical details, such as the number of judges who should sit, which code of criminal procedure should be applied, who should be the prosecutor, who should support the Moldovan participants, and so on.
The Moldovan authorities continued at the same time to discuss with the Transdniestrian authorities the unconditional release of Ilaşcu and his group. Mr Voronin and Mr Hill made separate appeals. There was a request for a trial of the case by the Polish courts. These appeals were sent by the witness to the Transdniestrian authorities. Finally, on 12 April 2001, the Transdniestrian authorities agreed to proceed with an unconditional release, and not one mediated through a foreign court. Discussions took place as to the technical details of the release. On 16 April the witness went to Tiraspol by car in order to bring back the detainees to Chişinău, but the Transdniestrians refused even though there was an agreement. The witness met all the members of the group in the prison in Tiraspol, together with a representative of the OSCE. On this occasion the Transdniestrians were saying that they were ready to release all the detainees.
When, on 5 May 2001, only Mr Ilaşcu was released, and not all the applicants, this was a big surprise for the Moldovans. They received a letter from Smirnov informing them of the release.
As to why the Transdniestrians refused to release them all, Moldova had to negotiate to settle the problem of the Transdniestrian region. The Moldovan authorities could not refuse to talk to unconstitutional bodies. At the same time a criminal investigation was opened against the judicial officials who had taken part in the illegal trial in Transdniestria against the Ilaşcu group. But at that time, the Moldovans were convinced that all the applicants would be released.
Following the failure to release the others, this issue was raised at all meetings with the Transdniestrians when the witness headed this Commission. There was another appeal signed by the witness and by the then Minister of Justice, Mr Morei.
313.  After May 2001 there was no further meeting with Smirnov on this topic. They avoided any such meetings. The witness discussed the issue of the applicants' release with his Tiraspol counterpart in the Commission for negotiations on Transdniestria.
314.  As to the order for the investigation of judicial officials who had taken part in the illegal trial in Transdniestra, this was quashed on 16 August 2000 by Mr Didic, Deputy to the Prosecutor General.
The witness had a discussion with President Snegur at the relevant time on this issue, and then a lunch with the Transdniestrian authorities who were constantly asking for this criminal investigation to be annulled. It was discussed at the level of the leadership of the prosecuting authorities on both sides. It was stipulated as one of the conditions for the settlement of the status issue in general. But the legal and political considerations were different and separate. The witness was of the opinion that what the Transdniestrian prosecutors and judges had done was unconstitutional and that they should be brought to justice. The status of Transdniestria is still the subject of discussion on the basis of a draft instrument. This discussion embraced the general question of criminal liability not just that of the persons involved in the Ilaşcu case.
The Moldovan authorities were aware of the request to resolve the problematic situation of the people involved in creating the conflict. The witness therefore found it difficult to say whether the decision of 16 August 2000 was a legal decision or one linked to a political decision. The draft instrument on status covered precisely this issue.
315.  The withdrawal from Transdniestria of Russian troops was never raised in the status-negotiation Commission. This issue was addressed in a different context. In the list of guarantees on the status of Transdniestria, one related to military issues. The Ministries of Foreign Affairs and Defence discussed the question of the withdrawal of Russian troops within the framework of the bilateral relations between Moldova and Russia. Although the link between the resolution of the status of Transdniestria and the withdrawal of Russian troops was raised by the Transdniestrian side, the issue was discussed in a separate context – namely the chapter in the draft instrument which dealt with guarantees for the status of Transdniestria.
In Transdniestria thousands of criminal cases had been tried. There was a lot of politics bound up with the Ilaşcu case. The Transdniestrians had always said it was not a political case but an ordinary case of citizens who had committed murders and must therefore serve their sentences. Moldova has a different angle: if these people have committed illegal acts, then the case should be investigated and they should be tried by constitutional bodies. After the trial, the proceedings in the Ilaşcu case were examined by Professor Rzeplinski from Poland. In the light of his report, the Transdniestrians must have realised that they had made many procedural mistakes in conducting the prosecution and trial. But it was important for them to show that they exist as a State.
316.  The witness met the applicants, and also their families on many occasions, in connection with various issues such as medical care, material support, conditions of detention. All their requests had been satisfied in so far as they came within the competence of the constitutional Moldovan authorities. Family visits to the prison had been facilitated by the Moldovan authorities with the provision of transport. Health care had been provided through the Moldovan Ministry of Health. Mr Sturza's Commission saw to it that they were sent what they requested, such as newspapers and financial support for the family.
317.  The Ministry of Justice carried out preparatory work for Moldova's entry as a member of the Council of Europe. The main problem was the question of the observance of human rights. It was clear that the legal Moldovan authorities could not ensure observance of human rights in this region of Transdniestria. This led to the controversial reservation to the European Convention on Human Rights, which was approved by the Parliament of Moldova in September 1997. The text of this reservation was discussed and coordinated, word by word, with the Council of Europe. Moldova liaised with officials from Strasbourg. The witness considered the fact that the other detainees in the Ilaşcu group had not yet been released to be proof that the legal Moldovan authorities were not able to ensure observance of human rights in the region.
318.  The Moldovan authorities have never recognised the judicial decisions and official acts of the Transdniestrian region; they consider them unconstitutional. In order to prevent the Transdniestrian people from suffering from this situation after the events of 1990, Moldovan courts for areas in the Transdniestrian region have been established on the right bank of the river. In the instances mentioned in the question (of measures in family-law matters adopted by Transdniestrian courts and authorities), citizens are forced to go to the constitutional (i.e. legal) courts of Moldova to have their case re-examined after a decision by the Transdniestrian courts or authorities. The witness had many discussions in order to resolve this problem. The Transdniestrians think that the problem should be settled in a different way, so that the policy adopted in relation to such decisions does not adversely affect the Transdniestrian population. The problem concerns not only registry offices for marriage but also police matters, notaries' offices, and so on. For example, if Transdniestrian people wish to go to the Ukraine or Russia, they have to go the right bank of the river in order to get travel documents.
This whole problem is the subject of on-going discussions. Ten thousand civil cases have already been decided by the Transdniestrian courts. It is necessary to settle what will happen in those cases. It would be an unrealistic solution for them all to be reviewed afterwards. However, if a citizen living in Transdniestria does not agree with the decision taken by the Transdniestrian court, he or she should have the right to appeal to the constitutional Moldovan authorities in order to have the case reviewed.
319.  In any instance where a citizen whose case has been decided in Transdniestria goes to the Supreme Court of Moldova, he or she will obtain a review. And the Supreme Court will declare the Transdniestrian decision unconstitutional. There have been many such cases over the years. Civil cases are reviewed, so as to ensure that the rights of the individual are preserved.
320.  When the Moldovan authorities heard of the deaths of Gusar and Ostapenko, they were ready to investigate and to find out who were the culprits. They entered into contact with the Tiraspol Prosecutor's Office in order to find out who was to blame for the murders. But the Moldovan authorities were met with a blank wall.
321.  The negotiations about the technical details of the Ilaşcu group's release started on 12 April 2001. On 16 April 2001 the witness personally went to Tiraspol in order to bring them all back to Chişinău. When he met with the refusal of the Transdniestrian authorities, he had to start work all over again. On 5 May members of the Transdniestrian secret services brought Ilaşcu to the secret services in Chişinău, not to the prosecution authorities. It is difficult to say whether Mr Ilaşcu could have been interrogated by the prosecuting authorities upon his release. The criminal investigation was still open but Ilaşcu was a free man, he left Moldova of his own accord.
Immediately after May 2000 when Smirnov said that he could agree to the review of the Ilaşcu case by another country, the Moldovan authorities contacted Hungary, Poland and Switzerland. Technical discussions with these countries took place. However, the release of Ilaşcu in 2001 put an end to the possibility of having the case as a whole examined by another court in another country.
322.  Every thing done in the Ilaşcu case and in relation to the Transdniestrian problem in general, was done in earnest, with the utmost seriousness, regardless of when the events occurred. The witness himself studied the case-file several times. Some important studies were carried out at the instigation of the OSCE. Any preliminary criminal investigation would be complicated today, eleven years later, but the Moldovan prosecuting authorities would try their best.
28.  Victor VIERU
323.  The witness has been the Vice-Minister of Justice since 2001. Before that he was a lawyer. The witness never dealt with the Ilaşcu case. It was never raised in any meeting that he attended.
The witness was indeed a member of the Commission on the negotiation of status headed by Mr Sturza. However, in meetings in which he participated, release of the remaining members of the Ilaşcu group was never raised as an issue.
324.  The witness found, as a lawyer, that the decision taken by the Prosecutor General's Office in August 2000 to quash the order of 1993 opening a criminal investigation against the persons responsible for the trial of Ilaşcu and his colleagues was incorrect.
325.  The Moldovan authorities have never recognised documents issued by the unconstitutional authorities of Transdniestria. The witness was of the view that the protocol of May 2001, signed by Mr Voronin and Mr Smirnov, was not legally binding. Firstly, the supreme law of the Republic of Moldova, as laid down by the Constitution, does not include in the category of legal acts an act such as this political decision. Secondly, it cannot be deemed to be an international instrument under the terms of the Vienna Convention on the Law of Treaties of 1969: the right to sign treaties is available only to States and Transdniestria cannot be so recognised. Thirdly, any legal act must be published in the Official Gazette. In any event, documents issued by the constitutional Moldovan authorities are not recognised in the Eastern part of the country.
29.  Andrei STRATAN
326.  The witness was the Director of Customs Control from 1999 until 2001. At the time of giving evidence, he was Ambassador, Head of the Office for the Pact for Stability in South-East Europe at the Ministry of Foreign Affairs. Prior to 1999, he was Deputy Director at the Customs Department, attached firstly to the Ministry of Finance and then directly to the Government.
327.  The Moldovan customs authorities have no authority de facto regarding the transport of goods in the territory of Transdniestria up to the border of Ukraine, because they have no access to this territory.
Most of the corporate entities in Transdniestria prepare their customs documents in Tiraspol. When they want export permits, for example for textiles, they approach the authorities in Chişinău who will issue the appropriate documents. There are no constraints on corporate entities in Transdniestria coming to Chişinău for appropriate documents for exports to third countries. In Transdniestria, however, exports and imports are carried out without the authorisation of the constitutional Moldovan authorities. They frequently receive goods imported directly to Tiraspol. Some goods, such as textiles, can be exported to the European Union only after they have received a permit from the Moldovan Ministry of the Economy. This is because there are export quotas. This is not a customs procedure as such. It is a procedure for obtaining a permit from the Ministry of the Economy. The Customs Department has no control over this procedure.
Arms exports from Moldova come under the jurisdiction of the constitutional authorities of Moldova. A Government decision is needed. In fact, an inter-departmental Committee takes decisions as regards the export of, or other transactions in regard to, arms. The witness did not know what the procedure used by the authorities in Tiraspol was.
Arms were exported from Tiraspol via Ukraine directly to other countries, because Chişinău was unable to exercise control at the Ukrainian border.
328.  The Customs Department was not responsible for the issue of certificates of origin. That came under the responsibility of the Chamber of Commerce.
329.  Some goods were manufactured partly in Moldova and partly in Transdniestria, in which case they were transported to and from Transdniestria. It was natural for left-bank corporate entities to deal with those on the right bank. The Moldovan authorities had no statistics on this, as this was considered to be domestic trade.
330.  No joint customs posts were ever set up between the right and left banks of the river. Since 1995 Moldova has been part of the International Customs Union. Transdniestria is an integral part of Moldova, but customs control has never been exercised by Moldovan authorities over services and goods emanating from the left bank region. There has therefore never been any smuggling, formally speaking.
331.  Energy supplies from Russia to Moldova are organised in accordance with the agreements that were signed before the conflict. The Customs Department knows the volume of energy imported from Russia to Moldova. There is a unit in the Customs Department which supervises the importation of energy supplies. The Customs Department receives official papers concerning the supply of gas and electricity. But the Moldovan authorities cannot control what happens on the border between Moldova and Ukraine in order to record the import volumes for the Transdniestrian segment. There is an exchange of information between Russian and Moldovan Customs Departments about gas exports from Russia to Moldova. Moldovagas also supplies a declaration, which the Department has to verify as correct. There is no customs duty as such imposed in relation to the importation of natural gas to Moldova from Russia, only payment for customs procedures and value added tax.
332.  The witness did not know whether the transport of goods, destined for export from Transdniestria direct to another country, would be registered. The witness never had any such documentation before him, which suggested, to his mind, that other ways of exporting such goods had been found and that there was uncontrolled trade between Transdniestria and third countries, apart from weapons. The Moldovan Customs Department has a brigade for the investigation of illegal exports. But this brigade can only operate in territory that is accessible to them and open to their control. Cross-border trade between Transdniestria and the Ukraine is therefore not controlled by the Moldovan Customs Department.
333.  The witness did not know how it was possible that on bottles of brandy made in Tiraspol available for sale in Russia the country bar code on the bottle was that of Russia and not Moldova. He considered that the question should be put to the custom authorities of the Russian Federation.
334.  The Moldovan Customs Department does not operate any customs control on the right bank of the Dniester because this is not an international border. Consequently, the Moldovan authorities do not carry out any investigations on the matter. It is not a crime to transport goods from the right to the left bank of the river.
30.  General Boris SERGEYEV
335.  The witness was born on 17 January 1950 in Orenburg, Russia. He has been the commander of the ROG since 18 January 2002. Before that, from 1996, he was Deputy Chief of Staff of the ROG.
336.  The mission of the ROG is twofold: Peace-keeping force (PKF) and units responsible for guarding, and gradually repatriating to the Russian Federation, the ammunition and property of the former Fourteenth Army.
337.  As to the PKF, there are about 360 persons: two battalions and an aviation group. The battalions alternate on duty and, when on duty, they are subordinate only to the Joint Command of the PKF. The Russian PKF battalions are organisationally dependent on the ROG. These battalions are located separately from the ROG troops, and have their own command centre. Other units of the ROG are not involved in the PKF and never were. The Russian PKF has no tanks. The aviation group is responsible for Tiraspol airport.
338.  The present headquarters of the ROG were formerly the headquarters of the Fourteenth Army. The overall number of staff in the ROG was at the time of his giving evidence less than 1,500 persons, comprising all military units.
339.  There is a military airport in Tiraspol. During Soviet times there was an air division based there. After the collapse of the Soviet Union in 1991 aviation equipment was divided between Moldova, the Ukraine and Russia. The Fourteenth Army had only a helicopter squadron based in Tiraspol. This squadron became a part of the PKF. Today it has nine helicopters and a logistics back-up service comprising about 180 servicemen. They are not a part of the ROG, but are subordinate directly to the Russian Air Force. They are used only for the PKF inspections: they monitor the security zone.
340.  There is very little traffic at Tiraspol airport. Air space is controlled by Ukrainian and Moldovan air traffic controls: when an aircraft flies over the territory of Ukraine, air traffic control is provided by the air traffic control services of Ukraine, and when an aircraft approaches the territory of Moldova, it is directed by the air traffic control services of Chişinǎu. Therefore, without the permission of the Moldovan air traffic controllers in Chişinău, the Russian aircrafts and helicopters could not land and take-off.
As to the security of the airport, the ground used for the landing and take-off of heavy aircraft and helicopters of the Russian forces is protected by the Russian forces. The territory of the aerodrome is nevertheless open, so the Transdniestrians, if they wanted, could interfere. However, they do not interfere and similarly the Russian forces do not interfere with the way the Transdniestrians use their part of the airport.
341.  The withdrawal of the ROG should have been completed by the end of 2002. It has now been put back to the end of 2003. At present, equipment from the warehouses in Kolbasnoye was being transported. 69 trips were required for the supplies and ammunition, and another 15 for military equipment. This would take until the end of 2003. The witness stated that he preferred not to say why the withdrawal had taken so long, as making a statement on this issue would be beyond his call of duty. The timetable was fixed by the President and the Ministry of Defence. The witness only had to implement their decisions.
Withdrawal to Russia was usually done by train and only in exceptional cases by air. The last time equipment was taken away by air was in 1996 for anti-tank ammunition. Some items were destroyed on the spot, like armoured vehicles and air-defence complexes. A prototype destruction method for a given type of combat material is agreed with the OSCE experts, and thereafter OSCE closely monitors this process. The destruction is performed in a way that excludes any possible future use or reconstruction. 108 tanks were destroyed in 2002 and currently air-defence systems were being destroyed.
342.  The witness stated that he would contact the Transdniestrian authorities regarding the withdrawal only if he was directed to do so in each individual case by his superior authorities. The process is often hindered by the Transdniestrian authorities, but at present they have undertaken to cooperate and to let the transport pass. The ROG offered compensation to the “MRT” for the withdrawal, either by writing off debts or by transferring non-military assets to them.
343.  The OCSE performs inspections both at the places where the equipment is loaded for transportation, and in Russia where it arrives. The Moldovan authorities also supervise the process: first through the OSCE, then when the transport (train) is ordered from Moldova, the Russian authorities specify the items and quantity to be loaded, and a list of the load is forwarded to the Moldovan authorities for the crossing of the Moldovan - Ukrainian border.
344.  ROG personnel can only move around if authorisation is given by the Transdniestrians. The same authorisation is needed for importing goods and supplies. Express authorisation is also needed from the Transdniestrian authorities to use railroad and road transportation, both in and out. The ROG is required to submit notice of every proposed movement, with details about the vehicle. Otherwise the Transdniestrian authorities detain or block cars and transport vehicles.
The witness stated that at the time of giving evidence, there were three vehicles detained illegally by the Transdniestrian authorities.
345.  The ROG held no joint exercises with the Transdniestrian armed forces.
346.  Whenever the need arose to contact the Transdniestrian authorities, the hierarchy in Moscow specifically authorised the witness to contact someone in the Transdniestrian administration, specifying the persons and the subjects for discussion.
347.  The ROG does not lack military supplies and ammunition and does not need to bring in any fresh material of that kind. Other supplies for maintenance purposes (e.g. fuel) come from various places - from the Ukraine, Poland or directly from Russia. Heavy equipment (such as aircraft engines) needing repair are sent back to Russia. For this sort of thing a request is sent to the local authorities, not to the central Moldovan authorities. The ROG buys some food locally, in Transdniestria. Whatever is brought in by air, the Moldovan officers from the peace-keeping forces are invited since, under the terms of the 1992 Agreement, they are responsible for customs and border control.
348.  The Transdniestrian authorities consider that, following the break-up of the Soviet Union, a part of the property of the former Fourteenth Army in Transdniestria belongs to them. The ROG only transfers to them non-military equipment. It does not include any arms, ammunition or armoured vehicles, only catering equipment, cars, certain types of engineering equipment, shovels, fuel-transportation equipment, tents, power equipment and the like. Before the transfer, the list is authorised by the Ministry of Defence and the Ministry of State Property in Moscow. Tanks were never transferred to the Transdniestrian authorities.
349.  In 1992 Mikhail Bergman was the military commander in Tiraspol, the head of the Commandatura. At that time, the headquarters of the Army was a closed compound, entrusted with specific military tasks. The Commandatura was situated separately from the ROG headquarters and dealt with various administrative tasks, like the registration of newly arriving servicemen, registration of leave and missions, etc. It had a 24-hour military presence and military communications. At the Commandatura there were also military police and detention cells. The building of the Commandatura was situated about one kilometer away from the HQ. About three years ago the building was transferred to the Transdniestrian authorities.
350.  The Fourteenth Army was created in 1956, as part of the Odessa military circuit. The headquarters were in Chişinău, but in 1986 or 1988 the command centre moved to Tiraspol. The Army was situated in the territories of both the Ukrainian SSR and the Moldovan SSR. No units were ever stationed on Russian territory. The Fourteenth Army did not include any aircraft division. In Moldovan territory there were air-defence, engineering, communications and logistics units, and paratroopers. In the Ukrainian SSR there were airborne troops. The Army was divided in the following way: everything that was on Moldovan territory went to Moldova, with the exception of the equipment on the left bank of the Dniestr, which went to Russia. After December 1991, the Army briefly belonged to the CIS armed forces. On 1 April 1992 Russia took over the Army. Mr Lebed was the first commander of the Fourteenth Army after 1991. After that the Fourteenth Army was renamed ROG; then General Yevnevich took it over. At the time of giving evidence, the witness was the commander of the ROG. Generals Yakovlev and Netkachev used to serve in the Soviet Army, but were never members of the new Russian armed forces.
The witness did not know anything about General Lebed's election to the Transdniestrian parliament in 1993. After Tiraspol he was appointed Secretary of the Security Council in Moscow.
351.  The uniform of the ROG has a chevron on the sleeve saying Russia which was introduced by the Ministry of Defence in 1994. Before that, from 1988, the uniform had chevrons and shoulder straps saying SA for Soviet Army. The witness stated that although the two chevrons were different, he could not tell whether they could be distinguished by an onlooker.
352.  The ROG holds joint exercises with the Moldovan armed forces, in central Moldova, but there was never a case of joint exercises with the Transdniestrian forces.
The cooperation with Moldova is done within the CIS framework, under the military cooperation agreements. The witness declared that he had regular meetings and telephone contacts with the Moldovan authorities - the Ministry of Defence, the Chief of Staff and the President. He had never met Smirnov, however.
353.  The witness was subordinate to the commander of the Moscow military circuit, the Chief of Staff and the Ministry of Defence. Russian male citizens aged over 18 years may be drafted into the armed forces even if they do not reside permanently in Russia. The ROG has recruits from the Moscow military circuit. The witness stated that he did not know of 400 persons apparently drafted in Transdniestria in February 2000.
354.  Soldiers guarding ammunition stores are issued with a manual explaining when they can open fire. There has never been any question of opening fire on Moldovan troops.
31.  Colonel Alexander VERGUZ
355.  The witness was born on 24 November 1960, in Tiraspol. He was Deputy Commander of the ROG in charge of educational work since April 1999.
356.  There had been three instances in 2002 of Transdniestrian authorities seizing ROG vehicles with supplies and holding them illegally.
357.  The ROG's main function in Transdniestria was to maintain order within the ROG forces; it was not involved in political issues. The ROG was stationed outside Russian territory, and dealt only with things that arose within the ROG. The main tasks of the ROG were guarding the arms and ammunition stores and training military personnel. The PKF's task, to keep order in the security zone, was directed towards the “outside world”, but the PKF troops were not a part of the ROG; they were a separate force.
358.  The witness has been serving in Tiraspol since 1992. In June 1992 there was fighting in the towns of Bender and Dubăssari, but not in Tiraspol, so he did not witness any fighting. The witness further stated that the Russian military remained strictly neutral and took no part in the fighting. He was not aware of tanks taking part in the conflict.
359.  There was no transfer of weapons, but weapons were forcibly seized because the people were in revolt. It was unforeseeable. Women and children came and, under cover of their intervention, the seizure of weapons took place. The soldiers who were under a duty to guard the weapons could not possibly shoot at women and children. The situation was truly exceptional. The people who did it were desperate: there was a war; they needed to defend their homes. Lorries were also used to break into stores that were protected by mines. It would have been impossible to recover the seized weaponry without provoking a combat situation. There were no seizures of weapons before the armed conflict broke out.
360.  The loss of weapons was categorised as robbery or theft, and proceedings were started to investigate each and every incident. The witness stated that he was not aware of the outcome of these criminal proceedings.
361.  Mikhail Bergman was the Commandant in 1992. The building of the Commandatura was situated in the Kirpichny proezd, about one kilometre away from the HQ. It was under full control of the Russian military at that time; it could not be shared with any Transdniestrian authorities.
32.  Lieutenant-Colonel Vitalius RADZAEVICHUS
362.  The witness was born in Vitebsk, Belarus. He was discharged from service in December 2002; before that he was senior officer in the military intelligence of the ROG. He had served in the region since February 1993. His duties were collecting data and training intelligence groups.
363.  The movement of transport in Transdniestria was difficult. Recently three transport vehicles being sent to Russia were detained. The ROG had no contacts with either the Transdniestrian authorities or their intelligence service. Meeting the Moldova intelligence service was not part of the witness's duties either.
364.  Olga Capatina served in the ROG under the name of Olga Suslina. The witness thought she was an agent of Smirnov.
365.  The witness denied that the marines or the Alpha Group of the FSB were ever deployed in Transdniestria.
33.  Colonel Anatoli ZVEREV
366.  The witness was born in 1953 in the Kaluga region of Russia. He has been in service in Tiraspol since January 2002; before that he served in the Moscow military circuit.
367.  The joint peace-keeping forces were established by virtue of the Agreement of 1992 between the Moldovan and Russian Presidents. The Russian part of the peace-keeping forces was made up of 294 personnel, 29 vehicles, and 264 rifles. It also had 17 armoured vehicles, stationed at the posts of the PKF and used for communication. The guns were Kalashnikov machine-guns and Makarov pistols; there were no heavier weapons, like grenade-launchers, flame-throwers, anti-tank missiles, etc. All vehicles and servicemen of the PKF bore special insignia. They were allowed to travel around freely - as stipulated by the 1992 Agreement. The Russian Peace-keeping forces and the ROG were entirely separate. The senior positions in the PKF were occupied by officers from Russia. From 1992 to date, the post of Senior Commander of the Russian PKF had never been held by someone from the ROG; the Commander had always been someone from Moscow. The PKF did not cooperate with the ROG in the performance of their duties.
368.  The PKF's duties were to prevent the transport of arms, explosives and drugs, and to ensure law and order in the security zone.
The Moldovan and Transdniestrian forces were responsible for monitoring and preventing actions by destructive forces from their respective sides. In 1992-1993 the tasks of the PKF were different: to stop the armed conflict, to separate the combatants, to take away the arms and help to restore order. At present they were maintaining peace and monitoring the implementation of the agreements.
369.  The witness's immediate superior was the Joint Control Commission (JCC), which was set up by the same 1992 Agreement. The JCC was composed of three delegations: one from the Russian Federation, one from the Republic of Moldova and one from the Region of Transdniestria. Each party had six representatives from the Ministry of Foreign Affairs, the Ministry of Defence, the Ministry of the Interior and the Ministry of State Security. There was also the Joint Military Command, responsible for the PKF. Since 1996 a group of military observers from the Ukraine had participated in the JCC. All decisions were taken by consensus between the three parties and the Ukraine. The PKF was based on the principle of the equal division of tasks and responsibilities between members. The JCC cooperated with the OSCE.
34.  Lieutenant-Colonel Boris LEVITSKIY
370.  The witness was born on 31 May 1961 in the Novgorod Region of Russia. He was President of the 80th Military Garrison Court. At the time of giving evidence, he had been serving in this position since 2000.
The witness was the President of the court, and the only judge. The place of the second garrison judge remains vacant. The witness was dealing with administrative, civil and criminal cases as well as military disciplinary offences. As a military judge, he was subordinate to the Judicial Department of the Supreme Court - not to the ROG or their commanders, or to the Ministry of Defence or Ministry of Justice.
The military court which existed in Transdniestria in the days of the Fourteenth Army was transferred to the jurisdiction of the Russian Federation at the same time as the Army. Such courts are part of the legal system of the Russian Federation. As a Russian military court it has jurisdiction only over Russian citizens - servicemen of the ROG and non-military personnel. The court does not have jurisdiction over anybody else such as the local population, the Transdniestrian militia, etc. In case of theft of military property, for example, the court would have jurisdiction over a Russian citizen in service in Transdniestria, but if the suspected thief were a Transdniestrian person, that would be a matter for the local courts. In any event, the ROG's military court in Tiraspol would not have the means of dealing with such a situation. The witness stated that he had not come across any cases related to the theft or illegal transfer of ammunition or arms.
371.  The ROG had no direct contacts with either the Moldovan or the Transdniestrian judicial authorities. If anyone were to escape to Moldovan territory, the ROG would have to seek that person's extradition through the Ministry of Defence and the Ministry of Foreign Affairs in Moscow, who would address themselves to the authorities in Chişinău.
The witness stated that the Transdniestrian authorities prevented the free movement of the ROG's military personnel. For instance, he was himself one day stopped in his car when travelling to Kolbasnoye, and was prevented from getting there.
35.  Lieutenant-Colonel Valery SHAMAYEV
372.  The witness was born on 9 June 1966 in Yaroslavl, Russia. He was appointed to his present position as Prosecutor of Military Unit 14101 in April 2002; before that he was the Deputy Military Prosecutor of the Moscow Region. At the time of giving evidence, he was being transferred to another position in the Moscow Region.
373.  As Prosecutor of Military Unit 14101 the witness was directly responsible to the Military Prosecutor of the Moscow military circuit. The Chief Prosecutor of the Moscow District could not however tell the witness to take a particular line in a prosecution, although he could point out that he was not following the correct procedure. Military prosecutors were not subordinate to the ROG command; they had no responsibility to it. The ROG commander could not give them instructions.
The witness's duties were to oversee compliance with the law in the ROG, and to investigate criminal offences committed by ROG military personnel, not those committed by local civilians. The witness had had no cases of theft, robbery or the illegal transfer of arms or equipment.
374.  The ROG's military prosecutors did not generally have direct contacts with either the Moldovan or the Transdniestrian judicial authorities. The witness did not have any special instruction on how to deal with the Transdniestrian authorities.
The only case involving any co-operation had occurred in 2002. A ROG soldier and some under-age civilians were suspected of beating up an elderly person, who had died. The law enforcement bodies in Tiraspol gave the witness some documents from which it appeared that one of the ROG's servicemen might indeed have participated. The witness carried out an investigation against that soldier and summoned some civilians as witnesses. So the ROG did have some minimal form of cooperation with the Transdniestrian law-enforcement bodies, which involved exchanging telephone calls and helping to locate witnesses.
As the witness did not lay any charges against those civilians, he did not institute proceedings against them, but the local prosecuting authorities did bring a case against the local suspects before the Transdniestrian courts. The witness was not aware of any other such instances of cooperation.
375.  The witness stated that the ROG's personnel had no problems moving around in Transdniestria; he himself could move around freely in his car. They could also travel freely to the other side of the river, with the permission of their superior officer.
376.  The witness was aware of the three vehicles detained illegally by the Transdniestrian authorities. No investigation had been conducted into the case, because the military prosecutor only has jurisdiction over Russian military personnel. The witness knew that the Command was trying to negotiate their return. Likewise the theft of arms from the Russian Army by Transdniestrian militia would not fall within the witness's powers. He would investigate if it were uncertain who had committed the theft but, once the evidence established that it was Transdniestrian people he could not take the matter further. He would send the file to Moscow, who would have to contact the official Moldovan prosecuting authorities to take over the investigation. Connivance or negligence by Russian military personnel in facilitating the theft would be within the witness's jurisdiction, but the witness had never experienced such a situation and had no information about what had occurred before he was there.
377.  The witness could not contact the Moldovan authorities directly, unless he had special permission.
36.  Vasiliy TIMOSHENKO
378.  The witness was born on 3 September 1941 in Kirovograd, Ukraine. At the time of giving evidence he was retired. From September 1982 until April 2002 he had occupied the position of Military Prosecutor of the Fourteenth Army, then of the ROG.
379.  The Fourteenth Army headquarters moved to Tiraspol from Chişinău in 1984.
The witness's job was to oversee the law and order in the Fourteenth Army. The jurisdiction extended only to the military - previously of the Fourteenth Army, now of the ROG - not to civilians or the Transdniestrian militia. If there were an assault on a Russian serviceman by a Transdniestrian civilian, that would be investigated by the Transdniestrian prosecuting authorities. In practice the Transdniestrian authorities always acted on their own, and did not ask for Russian participation. The ROG's military prosecutors would normally investigate suspected connivance by military personnel, including circumstances where the actual theft had been carried out by civilians and, if there were sufficient evidence of connivance by military personnel, they would go ahead with a prosecution. In the event of theft of army property by the Transdniestrian militia with the connivance of Russian military personnel, the ROG military prosecutor could thus prosecute the latter but not the former. But no such facts had occurred in normal times. The ROG's military prosecutors investigated cases against servicemen when arms and equipment were taken from the Russian military, but only during a conflict. And during the 1991-1992 conflict there was in fact no supply of military equipment to outsiders by Fourteenth Army military personnel.
380.  The Commandatura building had detention facilities. It was under the supervision of the prosecutor's office and also subject to the garrison head of the Fourteenth Army. No civilians would be detained there. The Commandatura was disbanded in 1996, and now the Transdniestrian prosecutor's office was situated there.
381.  The witness gave the following account of the applicants' arrest and detention. When the conflict broke out, a group of terrorists began operating in the region, the Bujor group. Some prominent persons, like Gusar, a member of the Transdniestrian militia, Ostapenko and others were killed, and their funerals turned into massive demonstrations. These people were killed by the Chairman of the Popular Front Ilaşcu and the circumstances in which these people had been shot and burned were known to the whole town.
Therefore, Mr Chariev, the Transdniestrian prosecutor, made a request to the commander, General Lebed, to place the terrorists in the military premises for a while, in order to prevent public revenge. General Lebed refused permission. The witness, as prosecutor, inspected the guard-house (date not recalled). He noticed that in one wing there were three or four cells partitioned off and, instead of a ROG escort and guard, there were Transdniestrian police. There was also a separate entrance for access to the wing where the applicants were held. Mikhail Bergman told the witness that he had given permission for the terrorists to be held temporarily at the ROG guard-house, to protect their lives and health from the mob. The witness drew his attention to the fact that he had broken disciplinary regulations and directed that the guard-house be vacated immediately, which Mikhail Bergman refused to order. The witness then informed General Lebed about this, who became very angry with Mr Bergman. The witness went the next day to see Mr Bergman in order to use his powers to deal with the breach. But the cells had already been emptied. Therefore, the applicants were only kept there one or two days.
Bergman was wrong to allow the detention of these civilians in the Commandatura and their supervision and interrogation by the Transdniestrian militia. No disciplinary proceedings were instituted against Bergman, because this was a minor disciplinary infringement which was corrected almost immediately.
382.  The applicants were not transferred to the Moldovan authorities for trial, as this was a time of war. These people had blood on their hands and had to face justice for what they had done. If the applicants had been released, it was not certain they would have been punished. Emotions in the population were running high.
383.  After the collapse of the Soviet Union, the Fourteenth Army was divided between the Ukraine, Moldova and Russia. Moldova and the Ukraine received tank regiments. Immediately after the collapse of the Soviet Union, many officers who did not want to serve in the Moldovan or Ukrainian army or take the oath there, were laid off and came to Transdniestria. The situation was very volatile. Naturally, every soldier was tending to think of himself. Two battalions changed their allegiance and switched to the Transdniestrian authorities. This was during the period of the CIS command. No legislation on this kind of defection existed. Those were very difficult times - for Russia as well.
On 1 April 1992 President Yeltsin declared the Fourteenth Army in Moldova to be under Russian jurisdiction. After that the situation calmed down, and there were no more defections, or transfers of military personnel from Russia to Transdniestria. However, those servicemen who wanted to return to Moldova were free to do so.
384.  The Russian Army sleeve chevrons and shoulder flashes were introduced in 1994; before that the insignia were those of the Soviet Army. The Transdniestrians had been using their flag and symbols since 1992.
385.  There had been no occupation of Moldova by Russia. The main reason for the tragedy there was the chaotic circumstances surrounding the collapse of the Soviet Union. The armed conflict was ignited in 1990, when a new language law was adopted in Moldova. The situation in Transdniestria became very tense. “Moldova belongs to the Moldovans,” was the slogan one could hear. Mr Ilaşcu issued Order No. 6, which was published in September 1990 and immediately incited fear in the Transdniestrian population. People started to leave the region after it. And it was immediately after the issue of that “order” that these tragic events started. The Ilaşcu group did a lot of damage, stirring up ethnic troubles. The “Bujor” group was preparing to blow up the building of the local parliament; for this purpose, they brought in large quantities of explosives. Because of the unrest and the activities of this terrorist group at that time, many officers sent their families away, including the witness, who evacuated his family to the Ukraine.
386.  When the conflict started in 1992, the ROG continued to maintain good communications with the Moldovan military. When the premises of the Fourteenth Army near Bender were hit by shells from the Moldovan side, the witness called them on the telephone to tell them that they had hit the ROG. After that, the Russian troops opened an investigation into the bombardment. The file was sent to Moldova for further investigation, but there had been no reply since.
387.  Neither the Fourteenth Army nor its tanks were involved in the armed conflict. There was an incident when two tanks were hijacked by the Transdniestrians and driven onto the bridge. The Russian forces tried to stop them, and one of them was hit from the Moldovan side and set on fire.
388.  The witness had never heard about 40 unarmed Moldovans being killed in a bus in Bender near the fortress. But he did hear about an ambulance being shot at by the Moldovan armed forces, an attack in which a pregnant woman and a nurse had died. He also heard about other atrocities committed by the Moldovan forces - for example, the incident about one month later when the Moldovan forces bombed inhabited settlements. The Moldovan planes bombed the town of Parcani, which is on the Transdniestrian side. There was no Russian aviation present in the region, only helicopters.
389.  The witness was not aware of incidents when the Fourteenth Army supplied arms to the Transdniestrian authorities or armed civilians. The Fourteenth Army retained all its military hardware; nothing was handed over. No theft of Fourteenth Army military property occurred during the 1991-1992 period. There were four cases of seizure of military property at the beginning of the armed conflict. The witness sent these cases to the Transdniestrian prosecutor, as it was not possible to send the file on to the Moldovan authorities.
390.  The witness knew General Costaş, former head of the Moldovan DOSAAF (Voluntary Society to Support the Army, Air Force and Navy). The DOSAAF of Moldova had a lot of military equipment for training - planes, tanks, armoured vehicles, etc. It had a military range where it would give people training in how to drive tanks, make parachute jumps, fire and reload cannons, and so on. The Moldovan DOSAAF left their equipment to Moldova, and the part in Transdniestria went to the local authorities.
391.  The witness knew personally Mr Nosov, the first deputy to the Chief Military Prosecutor, but was not aware that Mr Nosov had come to Tiraspol in 1996. He thought that had there been any investigation carried out by Mr Nosov he would have been informed or would have been involved in it. The witness disputed the existence of the report of 30 August 1996 and the authenticity of the document.
37.  Vladimir MOLOJEN
392.  The witness was the General Director of the Department of Information Technology (DIT) of the Government of Moldova. He had held this post for two and a half years. Before that he was the Head of the Department responsible for citizenship documents in the Ministry of the Interior. In 1991 and 1992 he was the Deputy Minister of the Interior.
393.  The witness's Department delivers passports and part of its work is drawing up the register of Moldovan citizens. As far as people living in Transdniestria are concerned, documents are delivered confirming that they are Moldovan citizens. The register of Moldovan citizens does not yet include all citizens because the establishment of the register is a ten-year programme, continuing until 2005. Citizens wanting a passport will apply to passport offices which exist in various places in the country. This applies to citizens living in Transdniestria as well. Officially there is no such thing as a Transdniestrian passport. There are rumours to the effect that one is being planned. The Moldovan DIT has no contacts with the Transdniestrian authorities as regards the issue of passports.
394.  The DIT of Moldova has no lists concerning the number of Russian citizens living in Transdniestria, although foreign citizens residing in Moldova should comply with Moldovan legislation and register. The DIT has no official data as to whether Smirnov possesses a Russian passport, though this is what is said in the newspapers. The DIT only has the data received from the regional offices and from the Russian consular authorities.
Any person who wants the establishment or renewal of a Russian passport would have to go to the Russian Embassy. According to the Moldovan statistics there are more than a thousand Russian citizens residing in Moldova. But, those statistics do not cover Transdniestria. The DIT has never asked the Russian Embassy to give them such information, although the DIT enjoys good cooperation with the Russian Embassy and, whenever they want information, they send the Russian Embassy an official request.
The witness pointed out that at the time of giving evidence, according to Moldovan law, a person could only hold one citizenship. Consequently, if a Moldovan citizen took out the citizenship of another country, then they would be expected to send a request to the DIT for cancellation of their Moldovan citizenship. In exceptional cases, by virtue of a presidential decree, a Moldovan citizen could have dual citizenship. Only Moldovan citizens could work in the public service and be a civil servant.
395.  Telephones, both land and mobile, come under the Department that deals with communications, not the Information Technology Department. The DIT has no contact with the telephone people. The witness did not know whether there was a common telephone system for Moldova, including the Transdniestrian region, or whether there were separate systems.
396.  Mr Smirnov does not hold Moldovan citizenship and has never asked for it. There was a protocol of 6 May 2001 between the Moldovan President and the leader of the Transdniestrian regime in this connection. The Moldovan President was trying to ease the relations with the Transdniestrian leadership, but this protocol remains merely a statement of intent with no official value. In order to make this protocol effective, Moldova would have to change the law. When cancelling Moldovan citizenship, the DIT acts on request, but does not impose it. The drawing-up of the national register of citizens is an exercise being carried out within a ten to twelve year framework. This exercise does lead the DIT to a certain extent to verify whether persons have a second citizenship. The DIT is also discussing the possibility of exchanging information with various other States, such as Romania, the Ukraine, Bulgaria and Russia, but this is not operational yet. There is no sanction for non-compliance with the obligation to renounce Moldovan citizenship on acquiring another citizenship. The DIT believes that a significant number of Moldovan citizens do have second passports. This is not a problem that concerns only Russia (as the country of second citizenship) but all the countries of South-Eastern Europe.
397.  In 1992 the majority of the population in Moldova still had a Soviet passport. It was only in 1993 that the Moldovan President signed a decree on a unified passport system for Moldova. The first passports were issued in 1995 and 1996. What showed that a person was a Moldovan citizen before that date was an entry in the Soviet passport from 1974. Moldova introduced legislation involving a zero option. Persons living in the territory were accorded a certain status, but a timetable was established within which that status had to be confirmed. Persons who did not have the special entry in their Soviet passport had to apply for citizenship. All those who lived in the territory of Moldova had the right to obtain Moldovan citizenship if they wanted to.
A person possessing two passports would be offered a choice. But he or she would remain a Moldovan citizen until the choice had been made, despite having two passports at the same time.
398.  A telephone call from Chişinău to Tiraspol is an internal call.
399.  The question whether a residence permit could be refused to someone who has committed a crime was not a matter for the DIT, but for the Immigration Department. The witness knew however that Moldovan legislation provided for the refusal of a residence permit to a foreign applicant who had committed a crime.
Concerning the issue of a Moldovan identity document to Mr Ordin, a member of the Supreme Soviet of Transdniestria regarded as a danger to the national security of Moldova, the witness stated that the DIT issues documents without asking questions. An identity card as a citizen of Moldova is issued to any person who is permanently resident in Moldova.
38.  Ion COSTAŞ
400.  The witness was the Minister of Defence of Moldova from February 1992 until 30 July 1992.
The witness became a General in the Soviet Army in 1984. He is a graduate of the Air Officers' Institute. He was a military pilot. He graduated from the Gagarin Military Academy in Moscow and served in the Far East and the Balkans.
From 24 May 1990 until 20 February 1992, he was the Minister of the Interior. Before that he was the Chairman of the Parliamentary Committee on Defence. After his period as Minister of Defence, he served as military attaché in Bucharest, from July 1992 until October 1993. Thereafter he withdrew completely from politics and never entered the public arena again. He was now a retired person living on his pension, and a reserve General.
401.  In 1992 the Moldovan side started recruiting people for the defence of the realm against the forces of Smirnov. Moldova had some troops under the Ministry of the Interior. In March 1992 they started recruiting troops for the Ministry of Defence. At that time many Moldovan military personnel were coming back to the country. Fifty-one officers returned from the army of the former Soviet Union. At the Ministry of the Interior the witness realised that they had to create a Ministry of Defence as soon as possible. Moldova had no national army when the conflict broke out, when war was imposed on them by the Transdniestrian side. The Ministry of Defence therefore joined forces with the Ministry of the Interior. There were eight, ten, perhaps twelve battalions, that is all Moldova had to oppose the Cossacks, militia and military forces on the other side. This was confirmed by Mr Seleznev when he addressed the Moldovan Parliament in 2002. On the Moldovan side there must have been twenty-five to thirty-five thousand people altogether. This figure included reservists and non-military personnel such as construction engineers and so on. At the same time the Russian Army in Moldovan territory numbered about 14,000 professional soldiers.
The Transdniestrians had nine thousand militiamen trained and armed by officers of the Fourteenth Army. These officers were moved to the reserves and appointed commanders of platoons and battalions of the OSTK police. In addition, there were five to six thousand volunteers who came forward after an appeal was made on Russian television for fighters to go to Transdniestria to support the cause. These volunteers came from all over the Russian Federation. On top of this there were fifteen to twenty thousand soldiers. There were, therefore, at least thirty-five to forty thousand troops from the left bank who were opposed to the legal forces of the Republic of Moldova.
This is without talking about the arms and ammunition which were available on both sides. There were no tanks at all on the right side of the river - no artillery of the Grad-type, mobile missile launchers or heavy shells. On the left side of the river they had three battalions of Grad-type artillery, missile launchers and grenade launchers. They had aircraft from the DOSAAF Organisation and helicopters and tanks of the Fourteenth Army. Moldova had no tanks. General Lebed made available to the volunteers (the Cossacks, OSTK) whole stockpiles of ammunition situated on the perimeter of the East bank of the river.
402.  At a meeting that President Snegur had with Mr Gorbachev in 1990, the latter made it clear that, unless Moldova signed the Federative State Agreement, three Republics would be created in Moldovan territory, namely a Gagauzian Republic, a Transdniestrian Republic and a Moldovan Republic. And that is what had happened.
403.  As to the presence of Russian troops in Moldova in 1991 to 1992, this was covered by a decision signed by Marshal Shapashnikov, former Commander-in-Chief of the CIS forces, countersigned by a number of Generals and Colonels, i.e. Document No. 314/1 of 23 March 1992. The arms and ammunition of the Fourteenth Army were divided up. This document specified which arms and ammunition were to remain with the Fourteenth Army, and which were to go to the Republic of Moldova.
404.  The witness stated that he held information from the General Staff that in 1990 to 1991, when the Soviet Union still existed, the Moscow leadership took a secret decision to withdraw the Army from Republics over which a question mark hung, including the Baltic States and Moldova. Tank regiments were withdrawn en masse from Moldova. For example 120 tanks, together with a missile brigade, were withdrawn from Balţi. Munitions were stockpiled in Kolbasna. All tanks were withdrawn from the right bank of the Dniester, as well as missile launchers. Nothing remained on the right side, even the mortar units and grenade launchers held by certain units in Moldova were completely withdrawn and transferred to the left bank. The 300th airborne regiment should have remained with the Moldovan Army, but instead it was withdrawn to the territory of Russia.
405.  DOSAAF was a civic organisation composed of all persons fit for combat, from the age of fourteen to the age of sixty. It included therefore the whole society and was an immense organisation, with a permanent structure. In the Soviet Union it was a paramilitary organisation headed by active servicemen, and their deputies were all military people. The rest were civilians. The object of the organisation was to train people, particularly young people. It was a monster, comprising 102 million people in the Soviet Union. In Moldova it had 2 million members. It had sports aircraft, delta planes, radar systems, marine schools for training people to use submarines, and so on.
There were no tanks, helicopters, missile launchers and the like available to DOSAAF in Soviet times. There was not much weaponry made available to that organisation; it was mainly for training.
The CIS, after it was set up, had armed forces, with a command led by representatives of the Russian Army. Marshal Shapashnikov was the Commander and also the Minister of Defence of the CIS. This Minister was appointed in accordance with a proposal made by the President of the Russian Federation, Mr Yeltsin. But there was also a Russian Minister of Defence at the same time, namely Pavel Gratchev.
All the top commanders of CIS troops were from Moscow, the others were Ukrainian and Russian Slavs.
Moldova did not ratify the military part of the CIS Treaty. Moreover, Moldova had no influence on the acts of the Minister of Defence of the CIS, Marshal Shapashnikov. It was during the conflict that the Fourteenth Army was transferred from the CIS to the Russian Federation.
406.  Marshal Shapashnikov, Commander-in-Chief of the united armed forces of the CIS, did not respond to the letter sent to him in April 1992 by the President of Moldova, drawing his attention to the fact that CIS military forces were participating in the transfer of arms to the separatists.
The policy which he was pursuing was designed to keep Moldova and other republics within the Soviet Union, or at least within the sphere of direct influence of the former Soviet Union.
When Lebed took over the Fourteenth Army, a substantial transfer of weapons occurred, including a lot of anti-personnel mines, to the separatists by the Fourteenth Army. Stockpiles of arms were moved from Kolbasna. In 1990, when he was the Minister of the Interior, the witness took part in a meeting with General Iakovlev, Commander of the Fourteenth Army and the Moldovan Prime Minister Muravschi. As regards the separatists, Iakovlev said that he had received specific instructions from the Russian Ministry of Defence to provide arms to the militia in Transdniestria. In reply to Mr Muravschi, who wanted to know if that was a warning, General Iakovlev said: “No, it is just a fact that 10,000 Kalashnikovs have been transferred to the militia for the defence of the Transdniestrian region.” General Iakovlev added that he had been given instructions to resist attempts by Moldova to bring the region under its control and not to allow Moldova to establish any such control.
The transfer of weaponry was therefore inevitable. Everything was well organised. Moldova had authoritative factual evidence, for example, from prisoners taken by the Moldovan forces, who admitted that this had happened. Moldova had also obtained documents from the Fourteenth Army showing that weaponry had been transferred to the separatists. At a certain moment, in May 1991, the then Commander of the Fourteenth Army, Netkachev, received instructions from the Minister of Defence in Moscow to call up reservists and to put the troops and military equipment into a state of combat readiness because Transdniestria was “Russian territory and ... we [Russians] must defend it by every means.” The witness had a meeting with General Netkachev who told him that reserve officers were leaving the Fourteenth Army to train the separatists.
The witness pointed out that civilians cannot lay mines; this specific task can only be performed by professionals with military training. After the conflict, Moldova asked for the help of specialists from the United States to clear mines from the territory of Transdniestria. Americans also trained Moldovan specialists to demine the minefields.
407.  The Ministry of Defence of Moldova was not able to put up any meaningful resistance to the Transdniestrian forces. When the conflict broke out the separatists had 30 tanks, 50 artillery pieces, mortars of 6 and 120 mm and tactical groups well trained in the use of artillery. Their military actions were well organised by active military officers. Shells of 120 mm cannot be bought on the open market; only the Fourteenth Army had shells like that in the region. DOSAAF did not have any shells of that calibre. There was quite a powerful group of the Fourteenth Army in Bender, along with the Transdniestrian Popular Guard. The buses in which unarmed Moldovan soldiers were being transported were fired at from the fortress in Bender/Tighina. Following investigations by the Moldovan authorities, the conclusion was that it was Russian soldiers who had done this. Twenty-three persons died.
408.  The witness had not wanted to retire; it was the decision of Parliament and President Snegur, who were saying that his departure was required by Moscow.
409.  There was an incident in which Moldovan aircraft dropped bombs on a village in Transdniestria. There were two air missions, involving four units, with two aircraft taking part on each occasion. When the order came through to stop the separatists crossing the bridge, the order was given to bomb the bridge. The aircraft used were not properly equipped for bombing missions. The bombs were dropped but did not fall on the bridge. There were tanks on the bridge. It was not necessary to be a military officer to identify whose tanks they were; it was clear that the tanks and the soldiers were from the Fourteenth Army. They had deliberately put the soldiers on reserve, and then called on them to man the tanks. The people manning those tanks were not amateur cyclists. Only a professional could manoeuvre a tank. They fired on the Moldovan forces. It was all filmed and recorded.
410.  The military action could have been avoided had the Russian side not provoked and supported this invasion. The conflict was the deliberate decision of the Russian leadership at the time.
411.  When the Soviet Union broke up, a small country like Moldova found enormous difficulties in co-existing with a great country like Russia. The first step for Moldova was to create an army, a Ministry of Defence. Neither the Ministry of the Interior nor the Ministry of Defence proved able to maintain the territorial integrity of the country. In the first few months of its existence, Moldova could not act effectively; it had no arms, ammunition or weapons, because most of this material had been withdrawn to Russia or Transdniestria in 1990 to 1991. It had no artillery units able to resist, or to attack, the units on the other bank of the river. Moldova had no other military equipment. In order to obtain military equipment, Moldova asked its neighbour, Romania. Moldova bought light arms from Romania. No Romanians, however, took part in the fighting, despite what the newspapers said. No military personnel from foreign States were enrolled in the forces of the Moldovan Ministry of Defence.
412.  General Lebed said many times that his Fourteenth Army was able to reach Bucharest in two hours, although it never had this in mind as an objective. The object of the Russian aggression was to retain power over the territory of Transdniestria and to maintain pressure on the small country of Moldova.
413.  The separatists in Transdniestria in 1991 to 1992 did not have much difficulty in restructuring their manufacturing lines in the existing factories there in order to produce arms. Probably by 1992 they were already able to manufacture arms of their own.
The Moldovan air force had Mig-29 aircraft combat. The Commander-in-Chief of the Armed Forces was the President, President Snegur, and the General Staff was under General Creangă. The witness denied having spoken to Mr Plugaru on the telephone in relation to the use of combat aircraft, since Mr Plugaru was not on that level.
414.  The witness stated that he had never received any reports alleging ill-treatment by Moldovan soldiers of the civilian population and that he had no power anyway to investigate such matters.
415.  After the bloodshed had stopped, Russia followed the same policy, protecting its own strategic interests, in trying to maintain its influence in Moldova.
39.  Valentin SEREDA
416.  At the time of giving evidence, the witness had been the Director General of Prisons in Moldova since August 2001. He had been working in the penitentiary system since 1978/1979.
417.  There are no agreements for judicial cooperation in the penitentiary field between Moldova and Transdniestria. There are no practical arrangements for the transfer of detainees. There has never been a transfer of prisoners from one side to the other. One attempt was made to have people in Tighina/Bender transferred to a hospital in Moldova. But the Moldovan authorities refused because no agreement had been reached. Moldovan doctors do not have access to the prisons in Tiraspol, and vice versa. There are no telephone conversations between prison doctors in Moldova and Transdniestria. The witness had no information about doctors outside the prison service treating prisoners. Transfer of prisoners to other States does occur, by means of extradition procedures. This is handled by the Office of the Prosecutor General.
418.  The institution which treats patients for tuberculosis in Tighina had its water and electricity supplies cut off by the Transdniestrian authorities. Moldovans sent a diesel energy plant and water tanks there. Cars visiting from Moldova were detained at the border for one to three days. The local authorities in Tighina prohibited the transfer of tuberculosis patients from Moldova to this medical centre. The Tighina militia posts checked every car in and out.
419.  There is not one single prisoner detained in Moldovan prisons on the basis of a decision by a Transdniestrian court. This is so even in Moldovan institutions in Tighina. Similarly, no person is detained in a Transdniestrian prison on the basis of a Moldovan court decision.
420.  The witness came from Tighina, but he had never visited any prisons there during the last fifteen years. However, he thought that there were no major differences as regards the conditions of detention, prison food, medical assistance, and so on, between Moldova and Transdniestria.
421.  If a prisoner from Moldova escaped and fled into Transdniestria, Moldova would probably seek assistance from the Transdniestrian authorities.
422.  In 2002 Moldova began removing the shutters (“eyelashes”) on the windows of prison cells; this operation should be finished by the end of 2003. These shutters prevent ventilation and natural light penetrating into the cells. Moldova tries to improve cells generally, but as there are not sufficient funds, they have begun with juvenile detainees. They, for example, have wash basins and a shower in every single cell. It is possible for prisoners to receive television sets and so on from their relatives.
423.  During the cross-examination by the applicants' lawyers, the witness was informed that a transfer of detainees occurred between the Russian Federation and the “MRT”.
In particular, the applicants' lawyers put forward the case of V.C., who was born in 1968, arrested in the “MRT” in 1992 and transferred in 1993 to Astrakhan (Russian Federation) where he was sentenced by a Russian Federation court to fifteen years' imprisonment. The same year he was brought back to Transdniestria. Then in 1999 he was transferred again to a Russian Federation prison and he was finally transferred back to a Transdniestrian prison in 2002. A second example put forward was that of one R.C., born in 1973, who was arrested on 20 October 1992 in Astrakhan and transferred on 2 July 1993 to Tiraspol, Transdniestria, where he was convicted on 14 March 1996 by the “Supreme Court of the MRT”. On 27 November 1999 he was transferred to Moscow and on 8 December 1999 to Astrakhan. There he was convicted by a court of the Russian Federation and sentenced to ten years' imprisonment. On 21 October 2002 he was transferred to a prison in Tiraspol.
In response to this information, the witness stated that he was not aware of that, and that he could not be, as he was only aware of transfers from or to the territory controlled by the Moldovan authorities. He was certain that those transfers were not effected through or with the authorisation of Moldovan institutions and assumed that they were arranged directly between the authorities of Transdniestria and those of the Russian Federation.
40.  Victor BERLINSCHI
424.  The witness was a Member of Parliament from 1990 until 1994 and Chairman of the Parliamentary Committee on fighting crime. At the time of giving evidence, he was a practicing lawyer and no longer a Member of Parliament.
425.  The Parliamentary Committee had no involvement with the Transdniestrian conflict. The witness himself had no direct knowledge of the Ilaşcu case. He withdrew completely from politics in 1994.
He was however involved in the discussions in 1991 until 1992 with the Transdniestrian leadership to resolve the conflict. But they said that they had their own armed forces and would do their own job, and the discussions came to nothing.
41.  Constantin OBROC
426.  The witness was Deputy to the Moldovan Prime Minister from May 1990 till June 1992. From 1993 until 1996 he was an adviser to President Snegur on local administration. From 2002 onwards he had been an independent consultant. As Deputy to the Prime Minister, he was dealing mainly with problems of local administration. There were three Deputies to the Prime Minister in the Muravschi Government. The witness was appointed head of the Parliamentary Committee dealing with the negotiations with the Transdniestrian regime. As one of its last acts, this Committee managed in 1992 to bring Transdniestrian parliamentarians to the Moldovan Parliament. Then the armed conflict broke out.
427.  The witness did not resign of his own accord in June 1992. The whole Muravschi Government was dismissed; there was a crisis between Parliament and the Government because of the Transdniestrian situation.
The relation between Russia and Transdniestria was very clear. According to the last statements by the President of the State Duma, Mr Selezniov, when he was in Chişinău, whatever happens in Transdniestria is intrinsically tied up with the Russian Federation.
428.  The witness did not have any information about the distribution of arms by the Fourteenth Army to the Transdniestrian population.
However, the participation of the Fourteenth Army in the conflict was a well known fact. It was fully documented in the press. The tanks of the Fourteenth Army, in particular, were involved. The witness was not in the field, he did not see the military operations himself, so that he could not describe directly to what extent the Fourteenth Army participated, how many soldiers and so on. But it was quite clear that it happened; everyone knew about it.
429.  The witness did not take part in any negotiations with the Russians, but with the Transdniestrian people. The Parliamentary Committee he headed brought together elected parliamentarians from Transdniestria, the Ukraine, Moldova and Romania. No representatives of the Russian Parliament were contacted in the context of the negotiations carried out by the Committee.
430.  The witness's opinion was that the Ilaşcu trial was the consequence of a political game on a large scale. There were no clear reasons for their trial. There had been an exchange of prisoners on both sides, but this group had been excluded.
If the Russian side had wanted the release of the Ilaşcu group, this would have happened.
431.  The interests in Moldovan territory went back more than two centuries, to the time of the Russian-Turkish war. There had been so many Slavs, i.e. Russians and Ukrainians, living in Moldova. These big countries took the presence of their people as an excuse for wanting to control what went on in Moldova.
The activities on the left bank were promoted and coordinated by the Soviet authorities. President Gorbachev sent his representative, Marshal Achrameyev.
432.  The witness came up with a proposal to resolve the Transdniestrian problem: give the Transdniestrians a degree of power to govern themselves, so as to allay their fears and to satisfy them. The witness suggested that the area be called the Transdniestrian “Region” (whereas they now call themselves a Republic), that there be a common currency and a common responsibility for foreign relations for the whole country of Moldova, that the Transdniestrians be allowed to have some symbol of their own, such as a flag, and that they have some military forces under their authority. A similar scheme was proposed for Gagauzia. The plan also involved dividing the Regions into counties but preserving Moldova as a single entity. The idea was to leave more autonomy to the people of the Transdniestrian region and counties because of their particular history. But this proposal was rejected.
Originally, the point of view of the Transdniestrian authorities was the same as that of the Moldovan authorities. When the Moldovan Republic was being created, no one talked of the infringement of the rights of these Russian-speaking people. But there were in this region other people who had separatist and other objectives. At the same time the Popular Front was creating conditions for Moldova to reunite with Romania. Moldova had to deal with this situation. Before the local administration of the illegal Transdniestrian regime was formed, of course the local authorities there were recognised. The central authorities worked with them; they participated in all the normal activities. After the separate regime in Tiraspol was created, the right bank ceased to recognise the local authorities on the left bank. However, in reality, the Moldovans were in contact with real people on the other side. The de facto situation was that they were the leaders of the region.
Concerning the recognition issue, it was difficult to adopt a strictly legal, formalistic approach, to the effect that since the lawfulness of the Transdniestrian regime is not recognised by the Moldovan Government or the international community, Moldova should not have any working contact whatsoever with them. This would mean that the conflict could never be resolved, but Moldova was concerned with helping real people.
433.  The witness did not know anything about the applicants being allegedly Moldovan intelligence agents in Transdniestria.
434.  No one in the Government was in favour of the use of force in order to solve the Transdniestrian conflict. But when the militia premises and other buildings were occupied in the beginning, Moldova had to react with force.
Romania has interests in Moldova. Moldovans and Romanians are people of the same ethnic origin. Romania was involved in the Tighina/Bender negotiations. The Romanian side always acted in an objective way, beyond reproach. The negotiations achieved a compromise. They brought back the local representatives to act as one State.
435.  Assistance was provided by the central Moldovan Government and local authorities to the families of the Ilaşcu group. In his position as presidential adviser, the witness had received Mrs Ilaşcu on several occasions and taken her to see the President of Moldova.
436.  One objective of the Yeltsin/Snegur Agreement of 21 July 1992 was to stop the military conflict, the battles and the killing. This did not mean that the Moldovan Government had abandoned its sovereignty over this territory.
42.  Mihail SIDOROV
437.  At the time of giving evidence, the witness was a Member of Parliament and Chairman of the Committee for Human Rights and National Minorities.
The witness started his career as a professional judge. For fifteen years he worked in the judicial system of Moldova. He was appointed as a judge 30 years ago. He was a member of the Praesidium of the Supreme Criminal Court. From 1981, following his judicial career, he went to work at the former Supreme Soviet. He was Deputy Head of the Legal Department of the Secretariat of the Supreme Soviet. In 1991 he was dismissed from his office in Chişinău only because he was of Russian origin and he took the decision to go to Transdniestria. He was appointed Head of the Justice Directorate in Transdniestria. He worked less than a month there. Until December 1993 he worked in private business. From February 1994 until 1998 he was a Member of Parliament. From 1998 until 2001 he was the Ombudsman.
438.  When he was elected Member of Parliament in 1994, the chapter in his life concerning his position as former Head of the Justice Directorate in Transdniestria was closed. No one on the Central Election Committee raised any objections. There the witness did not hear anything of the Ilaşcu case.
The fact that for a short while he was at the service of the separatist regime in Transdniestria has not been an obstacle for the witness in his subsequent career in Moldova, as Ombudsman, for example.
439.  In May or June 1998, when the witness was Ombudsman, the wives of the Ilaşcu group came to see him. The witness and his colleagues advised them that they had no real means of solving the problem and that they would be better served in going to see the OSCE Mission. The witness then worked with the OSCE. Other citizens from Transdniestria came to see the witness with problems, but the Ombudsman's office was not capable of solving these problems without the OSCE.
440.  The Moldovan Government had no power to influence the Transdniestrian regime in order to secure the release of the Ilaşcu group. After the illegal regime created its own administration, including courts, there was no contact, no official channel through which the Moldovan authorities could influence them. Four years after the trial, there were attempts to do something. Before that it would have been pointless, because Moldova had no means of tackling the problem. The witness realised that even the meetings involving the OSCE did not change the situation.
The witness took part in international meetings of Ombudsmen because he took the view that Moldova could not solve the problem internally. Moldova acceded to the Framework Convention on Minorities in 1996. In 1997 Moldova enacted the Law on the Status of National Minorities. The human rights situation in Moldova was discussed by the Committee of Ministers of the Council of Europe, where it was said that a lot was being done in Moldova to ensure observance of human rights. The Government has a department on inter-ethnic relations. The minorities in Moldova are made up of 13% Ukrainian, 13 % Russian, 5% Gagauz, 4% Bulgarian and 3% Jewish. Over 35% of the population in Moldova is made up of ethnic minorities. In Transdniestria 40% are Moldovan, 28% are Ukrainian and 22% are Russian.
441.  In March 1994, just after Mr Ilaşcu had been elected as a Member of Parliament for the first time, the Parliament prepared the conditions for him to serve as Member of Parliament. At that time the Ilaşcu file had a political dimension. If one viewed the case only from a strictly legal point of view, perhaps one could have acted in a quicker and more constructive way.
Mr Ilaşcu's release was the result of a political move; it did not follow from any measure by the legal authorities.
The Government did not have any realistic possibility of doing anything about the Ilaşcu case. It could not deal with it as a matter of priority. In 1997 the witness was nominated to act with the Deputy Minister of Justice, Mr Sturza, to deal with the Ilaşcu problem. There was a meeting between Mr Sturza and the so-called Minister of Justice of Transdniestria. This was a purely protocol meeting. It did not change anything. There were no relations afterwards. If the meetings had continued, the Ilaşcu problem would have been raised, but things did not happen that way.
442.  The witness could not remember which of the three Ombudsmen dealt with the Ilaşcu case. It was during the first months of the Ombudsman's office. The witness had meetings with the OSCE at which he raised the issue of the Ilaşcu case. As a parliamentarian he did not approach any international organisations about the Ilaşcu case. His opinion was that they were not in a position in Moldova to resolve this specific problem.
443.  The witness was not aware that a judgment of 3 February 1994 by the Moldovan Supreme Court had ordered the Ilaşcu case to be sent to the Moldovan Public Prosecutor for a fresh criminal investigation. He was only aware of Sturza's proposal that the charges against the Ilaşcu group be the subject of a new trial in a foreign country.
444.  The witness had never seen the Ilaşcu file. From the information he had, it seemed to him that the main provisions of criminal procedure were fulfilled – that is to say, the accused were charged and indicted, the defence had access to the court file, evidence was taken from witnesses, proof of the alleged conduct was adduced, and there was a hearing before a court at which the defendants were present. From the procedural point of view, it appeared to the witness that all the standards of criminal procedure were fulfilled. The witness admitted that the judgment of the trial court was quashed as being unconstitutional and agreed that that decision itself needed to be implemented. He thought that an appeal or review court should study the whole file.
As regards the victims of the alleged crimes, the witness's opinion was that the decision in this case would be linked to the settlement of the whole Transdniestrian problem.
445.  In so far as further action should be considered in terms of criminal procedure, the witness saw two possible scenarios. Firstly, the Supreme Court of Moldova, as the highest court in the land, would review the case. Secondly, one could start from the premise that the facts did indeed prove that a criminal prosecution should have been brought: there was a criminal investigation, evidence was assembled, and so on. On that basis, the case should be referred to the Supreme Court for further study. There should be a re-consideration of impartial evidence, outside the political context. The witness was of the opinion that the Code of Criminal Procedure did not include any provision for what was done by the Supreme Court in the Ilaşcu case. In any event, he did not know of any other such cases in Transdniestria and Moldova. Finally, he found it obvious that international standards were not complied with by the Moldovan Supreme Court.
446.  The witness was aware of the decision of August 2000 by the Prosecutor General to quash the criminal investigation against the Transdniestrian prosecutors and judges who had taken part in the Ilaşcu trial. In 1995 or 1996 the Moldovan Parliament had a meeting with colleagues from Tiraspol during which the witness asked them why they would not come to Chişinău. The parliamentarians from Transdniestria replied that they could not come to Chişinău because a criminal investigation had been opened against them by the Moldovan Prosecutor General. The witness thought that the launching of this criminal investigation against the Transdniestrian prosecutors and judges was a political rather than a legal act. Likewise it was a political issue whether to cancel the decision to launch a criminal prosecution.
447.  The witness stated that at the time when he was Ombudsman there were three Ombudsmen. He could not remember which one of them was specifically dealing with the Ilaşcu case. If they had directly approached the Transdniestrian administration, they would not have achieved anything. This was illustrated by their efforts regarding the problems encountered by the institution which existed for the treatment of prison inmates with tuberculosis in Bender. The Transdniestrian local authorities had cut off the electrical and gas supplies and the sewers. One of the Ombudsmen approached Mr Smirnov. But there was no response at all. The Ombudsman's office approached the OSCE, an international organisation – the only entity with some influence in the region.
448.  Courts had been functioning in Transdniestrian towns for more than ten years; they had ruled on more than 4,000 criminal cases and more than 10,000 civil cases. The question therefore arose whether every such judgment should be annulled or not. Either all these cases would be re-heard or there would be a simple review of these cases on request, if necessary with a decision by the Supreme Court.
449.  The crisis of 1991 to 1992 was not the result of spontaneous acts. In 1989 a new languages law was enacted in Moldova. This was not a welcome decision. It led to part of the population organising protests as from June/July 1989, with the left bank, Tiraspol, taking an active part. This constituted the first push towards the break-up. In 1990 the situation worsened in Chişinău when certain political forces began organising activities against parliamentarians from the left bank. There are 360 seats in the Parliament. Some left-bank parliamentarians were beaten up, the law-enforcement bodies did not take any action and, as a result, about 60 parliamentarians from the left bank left Parliament. From then on the situation worsened.
Similar events occurred in the Gagauzian region. Parliament was summoned in order to settle the problem through peaceful means, but the Gagauzians and the Transdniestrians decided to set up their own power structures. Parliament thereupon declared these power structures unconstitutional. Consequently, as from August 1990 there were three regions in Moldova. After the Gagauzian situation was resolved, it was only Transdniestria which de facto was not under Parliament's authority.
The events in 1990 developed very fast. In October 1990 there was a march by volunteers to southern Moldova. This march was provoked by the proclamation of the Gagauz Republic in August of that year. It was all part of an attempt to instil fear in the country. Luckily, in the South there was no fighting or loss of life. The armed conflict was provoked by what happened in Dubăsari on 2 November 1990, and from then onwards it was practically impossible to stop developments.
In March 1992 the armed conflict flared up, first in Dubăsari and then in Bender. After that all the links of the negotiating process broke down. Parliament had no access to the left bank. There were no relations between official structures from 1992 onwards. It was only in 1994 that Parliament established a Committee for re-establishing contact between the official structures of Moldova and Transdniestria. The witness was a member of the Parliamentary Committee for the resolution of the Transdniestrian problem. This committee set up an investigative team to investigate what had occurred in 1992. In 1995 a few meetings were held with parliamentarians from Transdniestria. In 2000 yet again a special Committee for dealing with the Transdniestrian problem was created. A few meetings were held in 2001, but none in 2002 unfortunately. The witness stated that he had high hopes for the success of the initiative taken by the OSCE Mission, with the participation of the Ukraine and Russia. He welcomed the statement by President Voronin and the draft settlement that had been worked out.
450.  The witness took part in drafting the law on Gagauzia, which conferred an autonomous status on this region in 1994. There was no military conflict between Gagauzia and Moldova, and Moldova hoped that it would be possible to solve the conflict with Transdniestria in the same way. But the war in 1992 in Transdniestria caused hundreds of deaths on both sides and time was needed to heal such deep wounds. The witness thought that if politicians on both sides were now willing to take a step forward, this problem could be solved within a short time.
451.  Since the end of 1990 there had been a separate judicial system in Transdniestria. None of the judgments delivered by the courts in Transdniestria was recognised by the judiciary in Moldova. The conviction of Mr Ilaşcu and his group was quashed but their case has never been examined by the courts in Moldova.
452.  The witness underlined that Transdniestria exists de facto as a sovereign State, with its own legislation, its own judiciary and its own processes for the execution of judgments. It had recently created a Constitutional Court. He pointed out that Russia had always insisted on preserving the territorial integrity of Moldova as it existed in 1997, which was confirmed by the Agreements with Russia.
The witness was of the opinion that there was no responsibility on the part of the Russian Federation for the events being considered by the Court. The relations between Russia and Transdniestria were tense. The administration of Transdniestria had never met the President or Prime Minister of the Russian Federation, whereas the Moldovan President and Moldovan Ministers had gone to Transdniestria.
453.  Referring to the influence other countries have over Transdniestria, the witness emphasised that Transdniestria was a free market place. Its most stable source of investment was German capital but that there was also some Belgian investment in local enterprises. According to the Transdniestrians, their currency was printed in Germany.
454.  Moldova provides the telecommunications system for Transdniestria. There is one single “space” for telecommunications in Moldova. But in Transdniestria they have their own telecommunications company, and it is to this company that Transdniestrian people pay their telephone bill. It is only cellular telephones that do not work in Tiraspol. The Moldovan football championship includes Transdniestria. Indeed, the current football champion of Moldova is Tiraspol and they have a fine football stadium in Tiraspol. The Moldovan national football team was going to play the Netherlands on 1 April 2003 in the Tiraspol stadium. Transdniestria is therefore essentially a political problem.
455.  In November 1990 Parliament adopted a decision as regards the taking of measures to stabilise the social and economic situation in Moldova. This decision condemned any attempts to resolve inter-ethnic disputes by force. The witness worked for the department preparing the relevant bills. An inter-ethnic department was created in the Government. Its brief was to protect national minorities. A Law was adopted in 2001. But, previously, a grave problem had existed in Moldova as regards ethnic minorities.
43.  Pavel CREANGĂ
456.  The witness was Deputy Minister of Defence in May/June 1992. He was then Minister of Defence from 1992 until 1997. At the time of giving evidence he was retired. Before his service as Deputy Minister of Defence in 1992 he had returned to Moldova in 1990 from Belarus, where he had been an army commander. After serving as an adviser on Cuba, the witness retired from the Soviet Army and came back home. He then took an oath of allegiance on taking up new duties in Moldova.
From 1990 until 1992 he worked at the Military Department. From 1997 onwards he had not held any official posts.
457.  After the declaration of Moldovan independence, some people in Moldova wanted to stay part of the Soviet Union. They pursued this objective by the creation of paramilitary troops, the so-called Popular Guards, which became the separatist forces. Moldova could not accept this and tried to solve the problem by peaceful means. But in 1990 it was obliged to create battalions from reservist forces. Armed groups started to make their appearance then. The Ministry of Defence, for its part, started doing something in May 1992, when the witness began as Deputy Minister. He was Deputy Minister of Defence and a member of the President's Private Office. He was told to open a command centre in Transdniestria in May 1992.
It was no secret that the separatists received support from Odessa and Moscow. Moldova ceased to have control over the eastern part of the country from the end of 1991 and the beginning of 1992.
The Moldovan armed forces in 1992 comprised approximately ten battalions, that is, six thousand active troops on a permanent basis and that was the position until the end of the conflict. They were made up of troops from the Ministry of the Interior and the police, and there were three detachments of volunteer forces. That made a total of up to six thousand active troops. The Transdniestrian forces also numbered about six thousand. The Russian Fourteenth Army had about twelve to fourteen thousand troops.
The Moldovan armed forces did not have the kind of equipment that the separatists had. The Moldovan forces had one automatic weapon for every ten people in the beginning. They did not have proper units.
The Fourteenth Army provided the separatists with equipment and support. The officers of the Popular Guards came from the Fourteenth Army and the Fourteenth Army was supplying them with weapons.
The witness went to see Iakovlev who told him that the Transdniestrians had thousands of rifles. Under the guise of seizure, using children and women, large numbers of weapons were handed over. About 30 tanks were transferred, 32 armoured personnel carriers, 24 artillery weapons, mortars, anti-tank grenade launchers, anti-tank artillery and air defence units. The Commander of the Fourteenth Army, General Lebed, declared on television that he had personally called up and armed twelve thousand soldiers for the Transdniestrians and that he personally had made the existence of their armed forces possible. The operations of the Transdniestrian armed forces were carried out under the control of officers of the Fourteenth Army.
The tanks that appeared on the Dniester Bridge belonged to the Fourteenth Army. Tanks have numbers on them.
The witness stated that he had documents on the handing over of weapons to the separatists by the Fourteenth Army and added that perhaps the documents were still in the Ministry of Defence. One thing is a physical handover, a transfer. A formalised transfer on the basis of official documents is quite another thing. The separatists “seized” weapons from the Fourteenth Army by the use of women and children. The tanks which had been seized with the help of human shields were from the 183rd motorised infantry regiment and other units of the Fourteenth Army. Under the disguise of a seizure using a human shield of women and children, it was in reality a handover.
The weaponry and equipment in question could not have been part of DOSAAF property. DOSAAF did indeed have one million bullets, but only very light weapons. DOSAAF did not have any combat weapons at all.
458.  The armed units of the Transdniestrians were better equipped than the Moldovan units. They had tanks, whereas the Moldovans did not have one single tank. They had more armoured cars than the Moldovans did. The Moldovans had powerful artillery, for example the Uragan system which is capable of travelling up to 27 km, but that was not used. Moldova only used artillery when the Transdniestrians used tanks. The Moldovans warned the Transdniestrians that if they used tanks, Moldova would use artillery in response. The Moldovans also had howitzers and cannons.
459.  Moldova never opened fire on villages or inhabited areas. Not one single building was destroyed by Moldovan forces. But this was not the sort of war the witness was prepared for in military college.
460.  As to the shooting in the Tighina/Bender fortress, when the Moldovan forces entered the city of Bender, some of the so-called Popular Guards retreated into the fortress, in the past occupied by the chemical defence battalion of the Fourteenth Army. Subsequently they fired, possibly together with the chemical battalion.
461.  Moldova had 122 mm ammunition and used it. The Uragan artillery system that the Moldovans had was much more efficient than the Grad system that the Transdniestrians had. But the Moldovans never used the Uragan system because they knew its destructive power. If Moldova had wanted victory at any price, it would have used the powerful Uragan system.
The Moldovan troops did have an air defence, but there was no collective defence with the Ukraine and Romania. The Moldovan forces had to use Mig 29 airplanes for bombing. There were armed groups on the other side using artillery; it was not a police operation. There was only one solution - to bomb the bridge but not the residential quarters. The intention was to destroy the bridge in order to prevent tanks crossing it, and thereby to prevent heavy losses on the Moldovan side. This was in Bender (Tighina).
462.  The volunteer groups fighting for Moldova did not kill other people. They were defending their country against separatists. The Moldovan armed forces never shot at inhabited settlements.
463.  Moldova did not send intelligence groups into Transdniestria. The Moldovan forces used people they knew. They did not send anyone specifically there to act as an intelligence agent. But they had people voluntarily sending them information.
464.  During the conflict, the Fourteenth Army was stationed at the Tiraspol military airport. It was used by one of their squadrons. Planes were flying in from Moscow. After the conflict, there was an agreement which defined the rules according to which the airport was to be used.
465.  At the time when the witness was Minister of Defence, there were agreements signed between Moldova and the Russian Federation on the withdrawal of certain units of the Fourteenth Army. The 300th parachute regiment was withdrawn, as were a communications battalion and some other units. These agreements also concerned the regime of the military airport in Tiraspol and the legal status of the Russian soldiers on Moldovan territory.
1.  Document d’information du 10 juin 1994 établi par le Centre de l’OSCE pour la prévention des conflits au sujet du conflit transnistrien. Ce document, publié en anglais sur le portail Internet de la Mission de l’OSCE en Moldova, est intitulé « Le conflit transnistrien : origines et principaux problèmes ».
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE – OPINION
PARTIELLEMENT DISSIDENTEE
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE
E
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE – OPINION
PARTIELLEMENT DISSIDENTE
E
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE – OPINION
PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE RESS
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE – OPINION
PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE RESS
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE – OPINION
PARTIELLEMENT DISSIDENTE
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIEE E
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE – OPINION
PARTIELLEMENT DISSIDENTEE E
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE – OPINION
PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE LOUCAIDES E
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIEE
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE – OPINION
PARTIELLEMENT DISSIDENTE DE M. LE JUGE LOUCAIDESE
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE – OPINION
DISSIDENTE DE M. LE JUGE KOVLERE
ARRÊT ILAŞCU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE – OPINION
DISSIDENTE DE M. LE JUGE KOVLER
                   ARRÊT ILA CU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE   OPINION  
DISSIDENTE DE M. LE JUGE KOVLERE
                 ARRÊT ILA CU ET AUTRES c. MOLDOVA ET RUSSIE   OPINION  
DISSIDENTE DE M. LE JUGE KOVLERE
ILAŞCU AND OTHERS v. MOLDOVA AND RUSSIA JUDGMENT
ANNEX
ILAŞCU AND OTHERS v. MOLDOVA AND RUSSIA JUDGMENT
ANNEX 


Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Non-lieu à examiner l'art. 2 ; Non-violation de l'art. 3 par la Moldova en ce qui concerne le premier requérant ; Violation de l'art. 3 par la Fédération de Russie en ce qui concerne le premier requérant ; Violation de l'art. 3 par la Moldova en ce qui concerne le troisième requérant ; Violation de l'art. 3 par la Fédération de Russie en ce qui concerne le troisième requérant ; Violation de l'art. 3 par la Moldova en ce qui concerne les deuxième et quatrième requérants ; Violation de l'art. 3 par la Fédération de Russie en ce qui concerne les deuxième et quatrième requérants ; Non-violation de l'art. 5 par la Moldova en ce qui concerne le premier requérant ; Violation de l'art. 5 par la Moldova en ce qui concerne les autres requérants ; Violation de l'art. 5 par la Fédération de Russie en ce qui concerne tous les quatre requérants ; Non-lieu à examiner l'art. 8 ; Non-violation de P1-1 ; Manquement par la Moldova à ses obligations au titre de l'art. 34 ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; Préjudice moral - réparation pécuniaire;Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention;

Analyses

(Art. 1) JURIDICTION DES ETATS, (Art. 1) RESPONSABILITE DES ETATS, (Art. 2-1) PEINE DE MORT, (Art. 3) TORTURE, (Art. 3) TRAITEMENT DEGRADANT, (Art. 3) TRAITEMENT INHUMAIN, (Art. 34) ENTRAVER L'EXERCICE DU DROIT DE RECOURS, (Art. 35-1) SITUATION CONTINUE, (Art. 35-3) RATIONE TEMPORIS, (Art. 5-1) ARRESTATION OU DETENTION REGULIERE, (Art. 5-1) VOIES LEGALES


Parties
Demandeurs : ILASCU ET AUTRES
Défendeurs : MOLDOVA ET RUSSIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (grande chambre)
Date de la décision : 08/07/2004
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 48787/99
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2004-07-08;48787.99 ?
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