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10/02/2005 | CEDH | N°27802/02

CEDH | AFFAIRE VLASOPOULOS ET AUTRES c. GRECE


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE VLASOPOULOS ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête no 27802/02)
ARRÊT
STRASBOURG
10 février 2005
DÉFINITIF
10/05/2005
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Vlasopoulos et autres c. Grèce,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,    C.L. Rozakis,   Mme F. Tulkens,   M. P. Lorenzen, 

 Mme N. Vajić,   MM. D. Spielmann,    S.E. Jebens, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE VLASOPOULOS ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête no 27802/02)
ARRÊT
STRASBOURG
10 février 2005
DÉFINITIF
10/05/2005
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Vlasopoulos et autres c. Grèce,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,    C.L. Rozakis,   Mme F. Tulkens,   M. P. Lorenzen,   Mme N. Vajić,   MM. D. Spielmann,    S.E. Jebens, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 janvier 2005,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 27802/02) dirigée contre la République hellénique et dont six ressortissants de cet Etat, MM. Spyridon Vlasopoulos, Ioannis Geros, Antonios Depolas, Georgios Theodosis, Kosmas Kefalas et Mme Varvara Kokkaki (« les requérants »), ont saisi la Cour le 12 juillet 2002 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Les requérants sont représentés par Me I. Ktistakis, avocat au barreau de Thiva. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, M. M. Apessos, conseiller auprès du Conseil Juridique de l’Etat et M. D.Kalogiros, auditeur auprès du Conseil Juridique de l’Etat.
3.  Le 26 août 2003, la Cour a décidé de communiquer au Gouvernement les griefs tirés de la durée de la procédure et de l’absence de recours interne effectif au travers duquel les requérants auraient pu formuler leur grief relatif à cette durée. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé qu’elle se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
4.  Les requérants sont nés respectivement en 1936, 1930, 1936, 1933, 1927 et 1934.
5.  Le 10 décembre 1993, les requérants saisirent le tribunal administratif d’Athènes d’une demande contre la caisse de prévoyance du personnel des chemins de fer helléniques (Ταμείο Πρόνοιας Προσωπικού Οργανισμού Σιδηροδρόμων Ελλάδας), tendant à l’obtention d’intérêts sur une allocation forfaitaire qui leur avait été allouée. Ils réclamaient de sommes allant de 47 408 drachmes (139,12 euros) à 303 406 drachmes (890,40 euros).
6.  Le 30 novembre 1994, le tribunal condamna la caisse à payer aux requérants les sommes réclamées (décision no 11189/1994). Le 10 mars 1995, la caisse interjeta appel de cette décision.
7.  Le 30 septembre 1996, la cour administrative d’appel d’Athènes confirma la décision attaquée (arrêt no 3901/1996). Le 23 avril 1997, la caisse se pourvut en cassation.
8.  Par la suite, le Parlement grec adopta la loi no 2721/1999 qui excluait le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat pour les litiges ayant un objet financier inférieur à 500 000 drachmes et prononçait l’annulation de toute procédure judiciaire y afférente éventuellement pendante devant cette juridiction.
9.  Le 4 mars 2002, le Conseil d’Etat prononça l’annulation de la procédure en application des dispositions de la loi no 2721/1999 (arrêt no 628/2002).
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
10.  Les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
11.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse. Il affirme que la durée de la procédure n’a pas été excessive et que les juridictions saisies ont statué dans des délais raisonnables.
12.  La période à considérer a débuté le 10 décembre 1993, avec la saisine du tribunal administratif d’Athènes et s’est terminée le 4 mars 2002, avec l’acte no 628/2002 du Conseil d’Etat. Elle a donc duré huit ans, deux mois et vingt-cinq jours, pour trois instances.
A.  Sur la recevabilité
13.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.
B.  Sur le fond
14.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
15.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir l’affaire Frydlender précitée).
16.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
17.  Les requérants se plaignent également du fait qu’en Grèce il n’existe aucune juridiction à laquelle l’on puisse s’adresser pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Ils invoquent l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
18.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse et affirme que les requérants auraient pu chercher à accélérer la procédure.
A.  Sur la recevabilité
19.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
20.  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).
21.  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, §§ 29-30, 10 avril 2003). La Cour ne distingue en l’espèce aucune raison de s’écarter de cette jurisprudence, d’autant plus que le Gouvernement n’affirme pas que l’ordre juridique hellénique fût entre-temps doté d’une telle voie de recours.
22.  Dès lors, la Cour estime qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 13 de la Convention à raison de l’absence en droit interne d’un recours qui eût permis aux requérants d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
23.  Les requérants se plaignaient également, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, d’une violation de leur droit d’accès à un tribunal, ainsi que d’une atteinte à leur droit au respect de leurs biens, tel que garanti par l’article 1 du Protocole no 1. Par la suite, ils ont déclaré qu’ils souhaitaient se désister desdits griefs.
24.  La Cour en conclut que les requérants n’entendent plus maintenir ces griefs, au sens de l’article 37 § 1 a) de la Convention. Elle estime par ailleurs qu’aucune circonstance particulière touchant au respect des droits garantis par la Convention et ses protocoles n’exige la poursuite de l’examen desdits griefs (Article 37 § 1 in fine).
Partant, cette partie de la requête doit être rayée du rôle.
IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
25.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
26.  Les requérants réclament 20 000 euros (EUR) chacun au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi.
27.   Le Gouvernement estime qu’un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante. A titre alternatif, compte tenu de l’objet financier du litige (voir paragraphe 5 ci-dessus), il estime que la somme allouée au titre du préjudice moral ne saurait dépasser 300 EUR pour chaque requérant.
28.  La Cour estime que les requérants ont subi un tort moral certain. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle leur accorde conjointement 6 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
B.  Frais et dépens
29.  Les requérants demandent également 6 000 EUR chacun pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et la Cour. Ils fournissent une facture de 18 000 EUR, qui a été établie uniquement au titre des honoraires de leur avocat pour la procédure devant la Cour.
30.  Le Gouvernement affirme que les prétentions des requérants sont exagérées et estime que la somme allouée à ce titre ne saurait dépasser 200 EUR.
31.  La Cour rappelle que l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). S’agissant des frais et dépens encourus en Grèce, la Cour a déjà jugé que la longueur d’une procédure pouvait entraîner une augmentation des frais et dépens du requérant devant les juridictions internes et qu’il convient donc d’en tenir compte (voir, entre autres, Capuano c. Italie, arrêt du 25 juin 1987, série A no 119-A, p. 15, § 37). Toutefois, dans le cas d’espèce, la Cour note que les requérants ne produisent aucune facture en ce qui concerne les frais engagés devant les juridictions saisies. Il n’y a donc pas lieu d’en ordonner le remboursement. Quant aux frais et dépens relatifs à la présente procédure, la Cour juge raisonnable d’allouer conjointement aux requérants 3 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
C.  Intérêts moratoires
32.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de la durée excessive de la procédure et de l’absence de recours interne effectif au travers duquel les requérants auraient pu formuler leur grief relatif à cette durée ;
2.  Décide de rayer le restant de la requête du rôle ;
3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
5.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 6 000 EUR (six mille euros) pour dommage moral et 3 000 EUR (trois mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 février 2005 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Loukis Loucaides   Greffier Président
ARRÊT VLASOPOULOS ET AUTRES c. GRÈCE
ARRÊT VLASOPOULOS ET AUTRES c. GRÈCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 27802/02
Date de la décision : 10/02/2005
Type d'affaire : Arret (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13 ; Radiation partielle du rôle ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 13) RECOURS EFFECTIF, (Art. 6) PROCEDURE ADMINISTRATIVE


Parties
Demandeurs : VLASOPOULOS ET AUTRES
Défendeurs : GRECE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2005-02-10;27802.02 ?
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