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10/02/2005 | CEDH | N°32279/02

CEDH | AFFAIRE CHARALAMBOS KATSAROS c. GRECE


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE CHARALAMBOS KATSAROS c. GRÈCE
(Requête no 32279/02)
ARRÊT
STRASBOURG
10 février 2005
DÉFINITIF
10/05/2005
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Charalambos Katsaros c. Grèce,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,    C.L. Rozakis,   Mme F. Tulkens,   M. P. Lorenzen, 

Mme N. Vajić,   MM. D. Spielmann,    S.E. Jebens, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en a...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE CHARALAMBOS KATSAROS c. GRÈCE
(Requête no 32279/02)
ARRÊT
STRASBOURG
10 février 2005
DÉFINITIF
10/05/2005
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Charalambos Katsaros c. Grèce,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,    C.L. Rozakis,   Mme F. Tulkens,   M. P. Lorenzen,   Mme N. Vajić,   MM. D. Spielmann,    S.E. Jebens, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 janvier 2005,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 32279/02) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Charalambos Katsaros (« le requérant »), a saisi la Cour le 5 août 2002 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant est représenté par Me I. Ktistakis, avocat au barreau de Thiva. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, M. M. Apessos, conseiller auprès du Conseil Juridique de l’Etat et Mme V. Pelékou, auditrice auprès du Conseil Juridique de l’Etat.
3.  Le 26 août 2003, la Cour a décidé de communiquer au Gouvernement les griefs tirés de la durée de la procédure et de l’absence de recours interne effectif au travers duquel le requérant aurait pu formuler son grief relatif à cette durée. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé qu’elle se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
4.  Le requérant est retraité de l’Organisme de Sécurité Sociale (Ίδρυμα Κοινωνικών Ασφαλίσεων - ci-après “IKA”) et réside à Athènes.
5.  Le 15 décembre 1993, le requérant saisit le tribunal administratif d’Athènes d’une demande contre l’IKA tendant à la condamnation de ce dernier au versement de dommages-intérêts pour avoir mal calculé le montant de ses cotisations.
6.  Le 29 mars 1996, le tribunal rejeta le recours (décision no 4820/1996). Le 11 septembre 1996, le requérant interjeta appel de cette décision.
7.  Le 11 juin 1998, la cour administrative d’appel d’Athènes infirma la décision attaquée et fit droit à la demande du requérant (arrêt no 2796/1998). Le 11 février 1999, l’IKA se pourvut en cassation.
8.  Le 7 mars 2002, le Conseil d’Etat prononça l’annulation de la procédure, au motif que l’IKA n’avait pas déposé de mémoire et que le litige avait un objet financier inférieur à 2 000 000 drachmes (acte no 1039/2002). Le 14 novembre 2002, la somme allouée par la cour administrative d’appel (266 330 drachmes – 781,59 euros) fut versée au requérant.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
9.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
10.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse. Il affirme que le requérant n’a pas cherché à accélérer la procédure et que les juridictions saisies ont statué dans des délais raisonnables.
11.  La période à considérer a débuté le 15 décembre 1993, avec la saisine du tribunal administratif d’Athènes et s’est terminée le 7 mars 2002, avec l’acte no 1039/2002 du Conseil d’Etat. Elle a donc duré huit ans, deux mois et vingt-trois jours, pour trois instances.
A.  Sur la recevabilité
12.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.
B.  Sur le fond
13.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
14.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir l’affaire Frydlender précitée).
15.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
16.  Le requérant se plaint également du fait qu’en Grèce il n’existe aucune juridiction à laquelle l’on puisse s’adresser pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Il invoque l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
17.  Le Gouvernement se réfère à l’affaire Mitchell et Holloway (Mitchell et Holloway c. Royaume-Uni, no 44808/98, § 60, 17 décembre 2002), pour affirmer que l’article 6 § 1 de la Convention est une lex specialis par rapport à l’article 13 ; eu égard aux circonstances de la présente affaire, le Gouvernement estime qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer aussi sur ce grief.
A.  Sur la recevabilité
18.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
19.  La Cour note tout d’abord, qu’à la différence de l’affaire Mitchell et Holloway invoquée par le Gouvernement, affaire dans laquelle les intéressés se bornaient à invoquer l’article 13 de la Convention sans autre précision, le requérant s’est plaint expressément, dans le cas d’espèce, que la législation grecque ne prévoit aucune voie de recours au travers de laquelle il aurait pu dénoncer de manière effective la durée de la procédure suivie dans sa cause. Il y a donc lieu d’examiner ce grief.
20.  La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).
21.  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, §§ 29-30, 10 avril 2003). La Cour ne distingue en l’espèce aucune raison de s’écarter de cette jurisprudence, d’autant plus que le Gouvernement n’affirme pas que l’ordre juridique hellénique fût entre-temps doté d’une telle voie de recours.
22.  Dès lors, la Cour estime qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 13 de la Convention à raison de l’absence en droit interne d’un recours qui eût permis au requérant d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
23.  Le requérant se plaignait également, sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, d’une violation de son droit d’accès à un tribunal, ainsi que d’une atteinte à son droit au respect de ses biens, tel que garanti par l’article 1 du Protocole no 1. Par la suite, il a déclaré qu’il souhaitait se désister desdits griefs.
24.  La Cour en conclut que le requérant n’entend plus maintenir ces griefs, au sens de l’article 37 § 1 a) de la Convention. Elle estime par ailleurs qu’aucune circonstance particulière touchant au respect des droits garantis par la Convention et ses protocoles n’exige la poursuite de l’examen desdits griefs (Article 37 § 1 in fine).
Partant, cette partie de la requête doit être rayée du rôle.
IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
25.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
26.  Le requérant réclame 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.
27.   Le Gouvernement affirme que la somme allouée ne saurait dépasser la somme qui faisait l’objet du litige devant les juridictions internes.
28.  La Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle lui accorde 1 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
B.  Frais et dépens
29.  Le requérant demande également 6 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et la Cour. Il fournit une facture sur laquelle figure ce même montant, mais qui a été établie uniquement au titre des honoraires de son avocat pour la procédure devant la Cour.
30.  Le Gouvernement estime que les prétentions du requérant à ce titre sont exagérées et s’en remet à la sagesse de la Cour.
31.  La Cour rappelle que l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). S’agissant des frais et dépens encourus en Grèce, la Cour a déjà jugé que la longueur d’une procédure pouvait entraîner une augmentation des frais et dépens du requérant devant les juridictions internes et qu’il convient donc d’en tenir compte (voir, entre autres, Capuano c. Italie, arrêt du 25 juin 1987, série A no 119-A, p. 15, § 37). Toutefois, dans le cas d’espèce, la Cour note que le requérant ne produit aucune facture en ce qui concerne les frais engagés devant les juridictions saisies. Il n’y a donc pas lieu d’en ordonner le remboursement. Quant aux frais et dépens relatifs à la présente procédure, la Cour juge raisonnable d’allouer au requérant 500 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
C.  Intérêts moratoires
32.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de la durée excessive de la procédure et de l’absence de recours interne effectif au travers duquel le requérant aurait pu formuler son grief relatif à cette durée ;
2.  Décide de rayer le restant de la requête du rôle ;
3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
5.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 1 000 EUR (mille euros) pour dommage moral et 500 EUR (cinq cents euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 février 2005 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Loukis Loucaides   Greffier Président
ARRÊT CHARALAMBOS KATSAROS c. GRÈCE
ARRÊT CHARALAMBOS KATSAROS c. GRÈCE 


Type d'affaire : Arret (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13 ; Radiation partielle du rôle ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 13) RECOURS EFFECTIF, (Art. 6) PROCEDURE ADMINISTRATIVE


Parties
Demandeurs : CHARALAMBOS KATSAROS
Défendeurs : GRECE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (première section)
Date de la décision : 10/02/2005
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 32279/02
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2005-02-10;32279.02 ?
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