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17/02/2005 | CEDH | N°38688/02

CEDH | AFFAIRE KALLITSIS c. GRECE (N° 2)


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE KALLITSIS (No 2) c. GRÈCE
(Requête no 38688/02)
ARRÊT
STRASBOURG
17 février 2005
DÉFINITIF
06/07/2005
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Kallitsis (no 2) c. Grèce,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,    C.L. Rozakis,   Mme F. Tulkens,   M. P. Lorenzen,   Mmes

N. Vajić,    S. Botoucharova,   M. A. Kovler, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en avoir ...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE KALLITSIS (No 2) c. GRÈCE
(Requête no 38688/02)
ARRÊT
STRASBOURG
17 février 2005
DÉFINITIF
06/07/2005
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Kallitsis (no 2) c. Grèce,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,    C.L. Rozakis,   Mme F. Tulkens,   M. P. Lorenzen,   Mmes N. Vajić,    S. Botoucharova,   M. A. Kovler, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 janvier 2005,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 38688/02) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Evaggelos Kallitsis (« le requérant »), a saisi la Cour le 11 octobre 2002 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, M. V. Kyriazopoulos, assesseur auprès du Conseil Juridique de l’Etat et Mme M. Papida, auditrice auprès du Conseil Juridique de l’Etat.
3.  Le 6 novembre 2003, la Cour a déclaré la requête partiellement irrecevable et a décidé de communiquer le grief tiré de la durée de la procédure au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé qu’elle se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
4.  Le requérant est né en 1921 et réside à Athènes.
5.  Le 25 novembre 1994, le requérant saisit le tribunal administratif d’Athènes d’une action en dommages-intérêts contre la caisse mutuelle des fonctionnaires civils (Μετοχικό Ταμείο Πολιτικών Υπαλλήλων – ci-après « la caisse »). Il lui reprochait en particulier d’avoir refusé de communiquer à la caisse des professions juridiques (Ταμείο Νομικών) les informations relatives à une période de son activité en tant que fonctionnaire, en le privant ainsi d’une pension plus élevée. Le requérant sollicitait en particulier le versement de 956 466 drachmes (2 807 euros) au titre du dommage matériel et 2 000 000 drachmes (5 870 euros) au titre du dommage moral.
6.  Le 27 novembre 1996, par décision no 16689/96, le tribunal fit partiellement droit à la demande du requérant et condamna la caisse à lui verser la somme de 212 942 drachmes (625 euros).
7.  Les 10 et 21 janvier 1997 respectivement, le requérant et la caisse interjetèrent appel de cette décision.
8.  Le 28 novembre 1997, la cour administrative d’appel d’Athènes confirma la décision attaquée (arrêt no 4747/1997).
9.  Le 25 avril 1998, le requérant se pourvut en cassation. Initialement fixée au 15 mars 1999, l’audience eut lieu, après plusieurs ajournements, le 24 septembre 2001.
10.  Le 28 juin 2002, le Conseil d’Etat rejeta le pourvoi (arrêt no 1970/2002).
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
11.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
12.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse. Il affirme que le requérant n’a pas cherché à accélérer la procédure et que les juridictions saisies ont statué dans des délais raisonnables.
13.  La période à considérer a débuté le 25 novembre 1994 avec la saisine du tribunal administratif d’Athènes et s’est terminée le 28 juin 2002, avec l’arrêt no 1970/2002 du Conseil d’Etat. Elle a donc duré sept ans, sept mois et trois jours, pour trois instances.
A.  Sur la recevabilité
14.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.
B.  Sur le fond
15.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
16.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir l’affaire Frydlender précitée).
17.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
18.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
19.  Le requérant affirme qu’il a subi à ce jour un préjudice matériel et moral de l’ordre de 58 694,06 euros (EUR).
20.  Le Gouvernement estime qu’un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante.
21.  La Cour estime qu’il n’existe pas de lien de causalité entre le préjudice matériel allégué et la durée de la procédure. Elle rappelle à cet égard qu’elle a rejeté le grief du requérant tiré de son droit au respect de ses biens comme étant dénué de fondement (Kallitsis c. Grèce (no 5) (déc.), no 38688/02, 6 novembre 2003). En conséquence, rien ne justifie qu’elle lui accorde une indemnité de ce chef.
22.  La Cour estime en revanche que le prolongement de la procédure litigieuse au-delà du « délai raisonnable » a causé au requérant un tort moral certain, justifiant l’octroi d’une indemnité. Statuant en équité, comme le veut l’article 41, elle alloue au requérant 1 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.
B.  Frais et dépens
23.  Le requérant réclame 2 000 EUR au titre pour les frais et dépens encourus devant la Cour.
24.  Le Gouvernement affirme que la Cour doit écarter cette demande.
25.  La Cour note que le requérant, qui n’était pas représenté par un avocat, ne justifie pas avoir encouru des frais particuliers pour son recours à Strasbourg et estime ne rien devoir lui accorder de ce chef.
C.  Intérêts moratoires
26.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare le restant de la requête recevable ;
2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 1 000 EUR (mille euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 février 2005 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Loukis Loucaides   Greffier Président
ARRÊT KALLITSIS (N° 2) c. GRÈCE
ARRÊT KALLITSIS (N° 2) c. GRÈCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section)
Numéro d'arrêt : 38688/02
Date de la décision : 17/02/2005
Type d'affaire : Arret (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens (procédure de la Convention) - demande rejetée

Parties
Demandeurs : KALLITSIS
Défendeurs : GRECE (N° 2)

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2005-02-17;38688.02 ?

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