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17/02/2005 | CEDH | N°49145/99

CEDH | AFFAIRE CONSTANTIN c. ROUMANIE


TROISIÈME SECTION
AFFAIRE CONSTANTIN c. ROUMANIE
(Requête no 49145/99)
ARRÊT
(Règlement amiable)
STRASBOURG
17 février 2005
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.  
En l’affaire Constantin c. Roumanie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,    J. Hedigan,    C. Bîrsan,   Mmes M. Tsatsa-Nikolovska,    R. Jaeger,   MM. E. Myjer,    David Thór Björgvinsson, juges,
et de

M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 janvier 2005,
Rend l’arrêt ...

TROISIÈME SECTION
AFFAIRE CONSTANTIN c. ROUMANIE
(Requête no 49145/99)
ARRÊT
(Règlement amiable)
STRASBOURG
17 février 2005
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.  
En l’affaire Constantin c. Roumanie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,    J. Hedigan,    C. Bîrsan,   Mmes M. Tsatsa-Nikolovska,    R. Jaeger,   MM. E. Myjer,    David Thór Björgvinsson, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 janvier 2005,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 49145/99) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Viorel Constantin (« le requérant »), a saisi la Cour le 10 mai 1999 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, est représenté par Me R. Weber, avocate à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme R. Rizoiu.
3.  Le requérant alléguait notamment, sur le terrain des articles 3 et 13 de la Convention, des traitements inhumains qu’il aurait subis de la part des policiers et estimait ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif pour obtenir des dommages et intérêts couvrant les préjudices effectivement subis.
4.  Par une décision du 14 septembre 2004, la Cour (deuxième section) a déclaré la requête partiellement recevable.
5.  Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
6.  Le 8 décembre 2004, après un échange de correspondance, le greffier a proposé aux parties la conclusion d’un règlement amiable au sens de l’article 38 § 1 b) de la Convention. Les 20 décembre 2004 et 5 janvier 2005 respectivement, le requérant et le Gouvernement ont présenté des déclarations formelles d’acceptation d’un règlement amiable de l’affaire.
EN FAIT
7.  Le requérant est né en 1959 et réside à Ţăndărei.
1.  L’incident du 2 avril 1995
8.  Le 2 avril 1995, vers 23 h 30, le requérant, qui se trouvait dans une discothèque, eut une dispute avec un garde (« gardian public ») qui était en patrouille avec des policiers au sujet d’un incident qui avait eu lieu antérieurement entre son fils et ce garde. Deux policiers qui accompagnaient le garde intervinrent alors et le frappèrent, à leur tour, tout en essayant de l’immobiliser. Le requérant fut alors interpellé par les policiers et conduit à l’extérieur de l’établissement où ils continuèrent à lui infliger des coups de pieds et de poing.
9.  De nombreux passants qui avaient assisté à cet incident essayèrent d’intervenir. L’un des policiers sortit alors son pistolet et un spray paralysant et les menaça afin qu’ils se tiennent à l’écart.
10.  Le requérant réussit à s’enfuir et il se cacha sous une voiture garée près de la discothèque. Les policiers et le garde le suivirent jusqu’à l’endroit où il s’était réfugié, lui donnèrent de nombreux coups et parvinrent à l’appréhender. Un autre policier qui passait par hasard près de l’endroit où avait lieu l’incident s’associa à ses collègues. Ensuite, ils traînèrent le requérant par les pieds et les mains jusqu’au poste de police, où ils attendirent leur commandant, le lieutenant C.G. A son arrivée, celui-ci s’enquit de la situation et, constatant que le requérant présentait de multiples lésions, ordonna sa mise en liberté, en affirmant que son cas allait faire l’objet d’une enquête le lendemain.
11.  Le Gouvernement ne conteste pas ces faits décrits par le requérant. En présentant sa propre version des faits de l’espèce, le Gouvernement n’indique cependant pas que les policiers et le garde auraient infligé des coups au requérant.
12.  Le 3 avril 1995, le requérant fut examiné par un médecin légiste du laboratoire de médecine légale de Slobozia. Dans le certificat médical établi à cette occasion, le médecin fit état de l’existence, chez le requérant, de multiples ecchymoses et excoriations dans la région du thorax, dans la région lombaire et sur la boîte crânienne. Il décela également l’existence d’une hémorragie nasale, d’une rupture du tympan gauche et d’une rupture d’une couronne dentaire du requérant, survenues à la suite d’un traumatisme pouvant dater du 2 avril 1995. Le médecin estima que ces lésions avaient été provoquées par des coups infligés avec un objet dur et qu’elles nécessitaient des soins pendant 22 à 25 jours, à défaut d’autres complications. Le médecin nota aussi que le requérant allait conserver une infirmité au niveau de l’audition.
2.  La procédure pénale dirigée à l’encontre du garde et des policiers
13.  Le 4 avril 1995, le requérant déposa au parquet militaire une plainte pénale contre les trois policiers et contre le garde. Faisant valoir que les coups qu’ils lui avaient portés s’étaient soldés par une rupture du tympan, une dent cassée, une lèvre écrasée et une fissure à sa clavicule droite, il demanda au procureur de prendre des mesures appropriées contre ceux qui en étaient responsables.
14.  Le 28 mai 1996, l’institut de médecine légale « Mina Minovici » de Bucarest, sur demande du parquet, rendit un rapport d’expertise faisant état de ce que le requérant s’était vu infliger des blessures à l’issue d’une agression, le 2 avril 1995, qui s’était soldée avec des ecchymoses, des excoriations, d’épistaxis antérieur et d’une rupture du tympan gauche, et estima que toutes ces lésions avaient nécessité 14 ou 15 jours de soins médicaux en vue de leur guérison. Il précisa que le requérant n’allait pas garder une infirmité permanente au niveau de l’audition avec l’oreille gauche, mais qu’il garderait, le cas échéant, une légère hypoacousie de perception. Il ne ressort pas de ce rapport médical que les médecins de l’institut auraient vu le requérant en consultation.
15.  Le 29 juillet 1996, par un réquisitoire du parquet militaire près la cour d’appel de Bucarest, les trois policiers et le garde qui avaient participé à l’incident du 2 avril 1995 furent renvoyés devant le tribunal militaire de Bucarest sous l’accusation de conduite abusive, infraction incriminée par l’article 250 § 2 du code pénal. Le parquet estima que l’intervention des policiers à l’intérieur de la discothèque afin d’aplanir le conflit entre le requérant et le garde et d’immobiliser le premier était légale et normale. En revanche, en poursuivant la victime à l’extérieur de la discothèque, en la tirant d’au-dessous de la voiture sous laquelle elle s’était réfugiée et en l’amenant au poste de police, gestes combinés avec de nombreux coups que les agents de l’Etat lui avaient infligés de manière intentionnelle, ces derniers avaient dépassé la limite normale et légale de leurs attributions.
16.  Par un jugement du 17 mars 1997, le tribunal militaire condamna les trois policiers et le garde à une peine d’amende du chef de conduite abusive. La participation à l’infraction de trois policiers et d’un garde fut retenue par les juges en tant que circonstance aggravante, en application de l’article 75 a) du même code. Le tribunal retint que, selon les conclusions de l’expertise médicale du requérant effectuée sur demande du parquet militaire par les médecins de l’institut de médecine légale « Mina Minovici » de Bucarest, la rupture de la membrane de son tympan ne pouvait pas entraîner une surdité progressive et définitive, mais, le cas échéant, une légère diminution de l’audition.
Quant à la demande de dommages et intérêts formulée par le requérant, le tribunal l’estima exagérée et ordonna aux condamnés, avec le ministère de l’Intérieur, de payer solidairement au requérant 5 500 000 lei roumains (ROL), dont 5 000 000 ROL à titre de dommage moral et 500 000 ROL à titre de dommage matériel.
17.  Les condamnés, le ministère de l’Intérieur et le requérant firent appel de ce jugement.
18.  Le 4 février 1998, l’institut « Mina Minovici » rendit un nouveau rapport d’expertise médico-légale destiné à compléter son précédent rapport. Il faisait notamment état de ce que l’hypoacousie de perception causée par la rupture de tympan était un état bénin et transitoire et ne constituait pas une infirmité définitive.
19.  Le requérant demanda au tribunal de ne pas tenir compte du rapport d’expertise médico-légale dressé par l’institut « Mina Minovici ». Il nota sur ce point que ce rapport avait été réalisé sur la base de simples intuitions et en totale méconnaissance de la déontologie propre à la profession dès lors que les médecins de l’institut ne l’avaient nullement vu en consultation et qu’ils s’étaient fondés exclusivement sur les certificats médicaux délivrés par les médecins antérieurs, qu’ils s’étaient limités à interpréter.
20.  Par un arrêt du 16 avril 1998, le tribunal militaire territorial de Bucarest rejeta l’appel du requérant comme étant non fondé. En revanche, il accueillit l’appel des parties adverses et acquitta les policiers et le garde, en faisant l’application des articles 11 no 2 lit a) et 10 b1) combinés du code de procédure pénale, selon lesquels il y a acquittement si les faits n’atteignent pas le seuil de gravité d’une infraction. Admettant que les moyens employés par les policiers et le garde afin de sortir le requérant de l’endroit où il s’était caché avaient été inadéquats, le tribunal considéra comme étant « normale » et « légale » l’intention des policiers d’interpeller le requérant et de l’amener au poste de police. Quant aux lésions du requérant, le tribunal estima qu’elles avaient été causées par sa propre conduite et par sa tentative de trouver refuge sous un véhicule.
Le tribunal constata que les faits reprochés aux policiers n’étaient plus sanctionnés, en vertu de l’article 7 de la loi no 137/1997 sur la grâce octroyée à certaines catégories de peines.
Sur le volet civil, le tribunal estima que les agissements des policiers et du garde lors de l’incident du 2 avril 1995 ne constituaient pas une atteinte à l’honneur, à la dignité et à l’image du requérant, celui-ci ayant été à l’origine de cet incident et étant connu en société pour ses comportements antisociaux. Il réduisit dès lors le montant des dommages et intérêts auxquels avaient été condamnés les policiers et le ministère de l’Intérieur à 1 000 000 ROL, sans préciser à quel titre cette somme était octroyée.
21.  Par un arrêt définitif du 19 novembre 1998, la cour militaire d’appel débouta le requérant de son recours contre la partie du jugement par laquelle le tribunal avait acquitté les policiers et le garde. Elle estima, sur le volet civil, que la somme que le tribunal territorial avait allouée au requérant était réputée réparer son préjudice moral et que l’octroi de dommages et intérêts d’un montant plus élevé ne se justifiait pas, compte tenu de ce qu’aucune atteinte à l’honneur et la dignité du requérant n’avait été constatée.
EN DROIT
22.  Le 5 janvier 2005, la Cour a reçu du Gouvernement la déclaration suivante :
« Je déclare que le gouvernement roumain offre de verser à M. Viorel Constantin, à titre gracieux, la somme de 23 000 EUR (vingt-trois mille euros) en vue d’un règlement amiable de l’affaire ayant pour origine la requête susmentionnée pendante devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Cette somme couvrira tout préjudice matériel et moral ainsi que les frais et dépens et sera payée dans les trois mois suivant la date de la notification de l’arrêt de la Cour rendu conformément à l’article 39 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. A défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage. Ce versement vaudra règlement définitif de l’affaire.
En outre, le Gouvernement s’engage à ne pas demander le renvoi de l’affaire à la Grande Chambre conformément à l’article 43 § 1 de la Convention. »
23.  Le 20 décembre 2004, la Cour a reçu la déclaration suivante, signée par l’avocate du requérant :
« Je note que le gouvernement roumain est prêt à verser à M. Viorel Constantin, à titre gracieux, la somme de 23 000 EUR (vingt-trois mille euros) en vue d’un règlement amiable de l’affaire ayant pour origine la requête susmentionnée pendante devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Cette somme couvrira tout préjudice matériel et moral ainsi que les frais et dépens et sera payée dans les trois mois suivant la date de la notification de l’arrêt de la Cour rendu conformément à l’article 39 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. A compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, il sera payé un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage.
J’accepte cette proposition et renonce par ailleurs à toute autre prétention à l’encontre de la Roumanie à propos des faits à l’origine de ladite requête. Je déclare l’affaire définitivement réglée.
La présente déclaration s’inscrit dans le cadre du règlement amiable auquel le Gouvernement et le requérant sont parvenus.
En outre, je m’engage à ne pas demander, après le prononcé de l’arrêt, le renvoi de l’affaire à la Grande Chambre conformément à l’article 43 § 1 de la Convention. »
24.  La Cour prend acte du règlement amiable auquel sont parvenues les parties (article 39 de la Convention). Elle est assurée que ce règlement s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention ou ses Protocoles (articles 37 § 1 in fine de la Convention et 62 § 3 du règlement).
25.  Partant, il convient de rayer l’affaire du rôle.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Décide de rayer l’affaire du rôle ;
2.  Prend acte de l’engagement des parties de ne pas demander le renvoi de l’affaire à la Grande Chambre.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 février 2005 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič   Greffier Président
ARRÊT CONSTANTIN c. ROUMANIE (RÈGLEMENT AMIABLE)
ARRÊT CONSTANTIN c. ROUMANIE (RÈGLEMENT AMIABLE) 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 49145/99
Date de la décision : 17/02/2005
Type d'affaire : Arret (Radiation du rôle)
Type de recours : Radiation du rôle (règlement amiable)

Analyses

(Art. 3) TRAITEMENT INHUMAIN


Parties
Demandeurs : CONSTANTIN
Défendeurs : ROUMANIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2005-02-17;49145.99 ?
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