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05/04/2005 | CEDH | N°54825/00

CEDH | AFFAIRE NEVMERJITSKI c. UKRAINE


DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE NEVMERJITSKI c. UKRAINE
(Requête no 54825/00)
ARRÊT
STRASBOURG
5 avril 2005
DÉFINITIF
12/10/2005
En l'affaire Nevmerjitski c. Ukraine,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,    A.B. Baka,    I. Cabral Barreto,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mmes A. Mularoni,    D. Jočienė, juges,  et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil

le 15 mars 2005,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouv...

DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE NEVMERJITSKI c. UKRAINE
(Requête no 54825/00)
ARRÊT
STRASBOURG
5 avril 2005
DÉFINITIF
12/10/2005
En l'affaire Nevmerjitski c. Ukraine,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,    A.B. Baka,    I. Cabral Barreto,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,   Mmes A. Mularoni,    D. Jočienė, juges,  et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 mars 2005,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 54825/00) dirigée contre l'Ukraine et dont un ressortissant de cet Etat, M. Yevgen Ivanovitch Nevmerjitski (« le requérant »), a saisi la Cour le 21 juin 1999 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant a été représenté par Me Portianik, avocat à Kiev. Le gouvernement ukrainien (« le Gouvernement ») a été représenté par ses agents successifs, Mme V. Loutkovska et Mme Z. Bortnovska.
3.  Le requérant alléguait en particulier que la durée de sa détention avait été déraisonnable et que sa détention provisoire avait été illégale (article 5 §§ 1 c) et 3 de la Convention). Sur le terrain de l'article 3 de la Convention, il se plaignait également d'avoir été soumis à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
4.  La requête a été attribuée à la deuxième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.
5.  Par une décision du 25 novembre 2003, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.
6.  Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement). La chambre ayant décidé après consultation des parties qu'il n'y avait pas lieu de tenir une audience consacrée au fond de l'affaire (article 59 § 3 in fine du règlement), les parties ont chacune soumis des commentaires écrits sur les observations de l'autre.
7.  Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la deuxième section telle que remaniée (article 52 § 1).
EN FAIT
8.  Le requérant est un ressortissant ukrainien né en 1970 ; il réside actuellement à Kiev. Il a été directeur d'une agence de la banque Poltava dans cette ville.
I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
9.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
A.  La procédure pénale diligentée contre le requérant
10.  Le 28 septembre 1995, des fonctionnaires de police saisirent 184 761 dollars américains que le requérant avait entreposés dans les locaux de la banque Poltava dans l'intention de les vendre à un client, Y.G.L.
11.  Le 18 octobre 1995, une information fut ouverte par la division des enquêtes du département central du ministère de l'Intérieur à Kiev (« la division des enquêtes ») sur des allégations d'opérations illégales sur devises mettant le requérant en cause.
12.  Le 8 avril 1997, la division des enquêtes engagea des poursuites au sujet de l'implication du requérant et d'autres suspects dans l'affaire. Le même jour, un enquêteur de la division décida que le requérant serait détenu comme suspect dans l'attente d'une décision concernant la mesure préventive appropriée. L'intéressé fut donc placé en garde à vue ce même jour.
13.  Le 14 avril 1997, le même enquêteur inculpa le requérant notamment d'opérations illégales sur devises (article 80 § 2 du code pénal ukrainien de 1960 – « CPU »), du vol de montants considérables de devises (article 86-1 CPU) et de fraude fiscale (article 148-5 § 2 CPU).
14.  Le 8 décembre 1997 et le 2 mars 1998, l'intéressé fut en outre inculpé d'abus de pouvoir par un agent de l'Etat (articles 165 § 2 et 166 § 3 CPU), de fraude et de faux commis par un agent de l'Etat (articles 172 § 2 et 194 §§ 1 et 3 CPU).
15.  Entre le 15 janvier et le 14 avril 1998, le requérant demanda à plusieurs reprises auprès de la division des enquêtes à subir un examen médical et contesta la nomination de l'enquêteur. Le 7 avril 1998, le parquet général d'Ukraine chargea l'enquêteur d'organiser un examen médical pour le requérant. Les médecins qui virent celui-ci recommandèrent des soins dans un établissement relevant du ministère de la Santé du fait de ses nombreuses maladies, notamment de ses problèmes dermatologiques (gale et eczéma).
16.  Le 13 mars 1998, l'enquêteur mit le requérant en accusation pour infractions aux articles 80 § 2, 86-1, 148-5 § 2, 166 § 3, 170 § 1, 172 § 2 et 194 § 3 CPU.
17.  Le 8 septembre 1998, l'enquête fut close et les accusés, dont le requérant, furent autorisés à consulter le dossier. Le 9 août 1999, ils achevèrent l'examen de celui-ci.
18.  Le 9 août 1999, le dossier pénal fut communiqué au parquet de Kiev pour approbation de l'acte d'accusation.
19.  Le 13 août 1999, le parquet envoya l'affaire au tribunal municipal de Kiev (« le tribunal municipal »).
20.  Le 27 août 1999, le tribunal de Kiev (district de Moscou) rejeta comme non fondée la plainte du requérant contre l'enquêteur de la division des enquêtes, dans laquelle l'intéressé avait allégué que celui-ci avait agi de manière illégale et demandé le déclenchement de poursuites pénales à son encontre pour abus de pouvoir.
21.  Le 1er novembre 1999, le tribunal municipal renvoya l'affaire au parquet pour complément d'instruction (додаткове розслідування). Le 5 novembre 1999, le parquet saisit la Cour suprême d'Ukraine d'une demande distincte en annulation (окреме подання) de la décision du tribunal municipal. Le 16 décembre 1999, la Cour suprême accueillit la demande en partie. Tout en estimant que l'affaire devait être renvoyée pour complément d'instruction, elle précisa que certaines questions n'avaient pas besoin d'être examinées plus avant puisque les informations préalablement recueillies étaient suffisantes.
22.  Le 5 janvier 2000, le parquet acheva l'instruction complémentaire et le requérant fut autorisé à consulter le dossier.
23.  Le 7 février 2000, l'instruction complémentaire fut close et le requérant obtint l'autorisation de prendre connaissance des pièces versées au dossier.
24.  Le 22 février 2000, l'instruction préliminaire fut rouverte en vue d'un complément d'instruction.
25.  Le 30 octobre 2000, le tribunal municipal décida qu'il devait être mis un terme à l'instruction relative aux allégations d'opérations illégales sur devises étant donné que la responsabilité pénale pour opérations illégales sur devises avait été abolie et que l'article 80 CPU avait été abrogé.
26.  Le 19 février 2001, le tribunal municipal reconnut le requérant coupable de fraude financière répétée, actes préparatoires à une fraude financière, faux commis par un agent public, faux aggravé et abus de pouvoir ; il le condamna à cinq ans et six mois d'emprisonnement et ordonna la confiscation de tous ses biens personnels. Il acquitta l'intéressé sur les chefs de complicité de dissimulation des produits de ventes de devises, fraude fiscale et commerce fictif aggravé. En application de la loi d'amnistie du 11 mai 2000, et eu égard au fait que le requérant avait déjà passé deux ans, dix mois et quinze jours en détention, le tribunal municipal décida de dispenser l'intéressé de purger sa peine. Aucune des parties ne se pourvut devant la Cour suprême.
B.  La détention du requérant
27.  Le 8 avril 1997, l'enquêteur de la division des enquêtes décida que le requérant devait être temporairement détenu comme suspect (затриманий в якості підозрюваного) en application de l'article 115 du code de procédure pénale (CPP). Il fut en conséquence placé en garde à vue ce jour-là.
28.  Le 11 avril 1997, le procureur de Kiev donna son accord à un mandat délivré par l'enquêteur autorisant l'arrestation du requérant (санкцію на арешт) à titre de mesure préventive en attendant le procès (article 155 CPP).
29.  Le 12 mai 1997, le requérant sollicita auprès du tribunal de Kiev (district de Moscou) l'annulation du mandat et sa libération. Le 28 mai 1997, le tribunal de district rejeta les demandes du requérant comme non fondées. Il déclara également que la détention était légale.
30.  Du 8 avril 1997 au 22 février 2000, le requérant fut détenu dans le quartier d'isolement de la maison d'arrêt de la région de Kiev (SIZO no 1).
31.  L'instruction et la détention du requérant furent prorogées à plusieurs reprises : elles furent portées à six mois le 29 mai 1997 par le procureur de Kiev, à neuf mois le 1er octobre 1997 par le procureur général adjoint d'Ukraine, à douze mois le 18 décembre 1997 par le procureur général adjoint d'Ukraine, et à quinze mois le 28 mars 1998 par le procureur général par intérim d'Ukraine.
32.  Le 12 avril 1998, l'enquêteur informa le requérant que la mesure de détention préventive pourrait être remplacée par une mise en liberté sous caution. Par une lettre du 20 juillet 1998, le procureur de Kiev avisa l'intéressé que la caution avait été fixée à 232 716 hrivnas (UAH).
33.  Le 22 juillet 1998, ce montant fut déposé sur le compte du département central du ministère de l'Intérieur à Kiev par l'Ukrinbank (le garant et ancien employeur du requérant). Le 19 août 1998, le département retourna la somme et refusa de libérer le requérant sous caution.
34.  Le 30 juin 1998, le procureur général par intérim d'Ukraine prolongea l'instruction et la détention du requérant de trois mois (jusqu'au 30 septembre 1998), faisant porter la période totale à dix-huit mois.
35.  Le 1er novembre 1999, le tribunal municipal refusa de modifier la mesure préventive et ordonna le maintien du requérant en détention provisoire. Le 16 décembre 1999, la Cour suprême confirma cette décision.
36.  Le requérant fut détenu aux fins de l'instruction complémentaire à compter du 1er novembre 1999.
37.  Le 22 février 2000, la période légale maximale de détention ayant expiré, le procureur régional de Kiev décida de libérer le requérant à condition qu'il s'engageât à ne pas se soustraire à la justice. L'intéressé fut relâché le 23 février 2000.
C.  La grève de la faim, l'alimentation de force et le traitement médical du requérant
38.  Le requérant entama une grève de la faim le 13 avril 1998, n'absorbant que de l'eau. Le 17 avril 1998, il subit un examen médical et, à la suite d'une analyse pratiquée le 20 avril 1998 ayant révélé la présence d'acétone dans ses urines, il fut alimenté de force à partir du 23 avril 1998. Il interrompit sa grève de la faim le 14 juillet 1998 pour ne la reprendre qu'en octobre 1998.
39.  Le 1er décembre 1999, le médecin de l'établissement carcéral formula une déclaration selon laquelle le requérant recevait des soins médicaux et était alimenté de force du fait qu'il poursuivait sa grève de la faim.
40.  Le Gouvernement a indiqué qu'entre le 27 mai 1997 et le 7 février 2000 le requérant fut examiné par des médecins soixante et une fois. Il n'a toutefois pas signalé que l'intéressé aurait subi des examens médicaux pendant la période du 5 août 1998 au 10 janvier 2000 (paragraphe 50 ci-dessous).
41.  Le 5 février 1998, le médecin du centre de détention diagnostiqua chez le requérant une dermatite allergique (алергійний дерматит).
42.  Le 8 avril 1998, le médecin du centre de détention, après avoir examiné l'intéressé, diagnostiqua un impétigo streptococcique (стрептодермія) et une cholécystite chronique (хронічний холецистит).
43.  Le 8 mai 1998, le bureau chargé des examens médicaux de la ville de Kiev pratiqua un examen de médecine légale (no 58) ; il conclut que le requérant souffrait d'eczéma d'origine microbienne, de cholécystite chronique et de dystonie neurocirculatoire. Il recommanda l'hospitalisation de l'intéressé en vue d'un traitement médical spécialisé pour eczéma.
44.  Le 2 juin 1998, le docteur Gloukhenki, de l'hôpital central de Kiev, diagnostiqua un eczéma diffus d'origine microbienne (розповсюджена мікробна екзема). Il recommanda lui aussi l'hospitalisation du requérant en vue d'un traitement.
45.  Le 13 juillet 1998, le chef adjoint de la division des enquêtes demanda l'admission du requérant à l'hôpital spécialisé de dermato-vénérologie de Kiev pour traitement des infections de la peau à compter du 14 juillet 1998.
46.  Le 14 juillet 1998, le requérant fut conduit à l'hôpital qui, après lui avoir fait subir un examen médical préliminaire, diagnostiqua la gale (чесотка) et une pyodermatite (піодерматит). L'hôpital recommanda de remmener l'intéressé au SIZO no 1 pour traitement plus poussé de la gale.
47.  Le 20 juillet 1998, au terme d'un examen médicolégal (no 88), le bureau chargé des examens médicaux de la ville de Kiev conclut que le requérant avait souffert d'eczéma diffus d'origine microbienne du 8 mai au 2 juin 1998. Il constata également que l'intéressé avait la gale et estima que cette affection pouvait être traitée au SIZO no 1 si une hospitalisation n'était pas possible. Le même jour, l'enquêteur de la division des enquêtes rejeta comme non fondée la demande du requérant, qui souhaitait être hospitalisé.
48.  Le requérant reçut un traitement contre la gale le 31 juillet 1998 dans l'unité médicale du centre de détention.
49.  Il poursuivit sa grève de la faim du 10 janvier au 7 février 2000. Au cours de cette période, il fut examiné dix-huit fois par un médecin.
50.  Selon le requérant, sa dernière grève de la faim a duré du 5 octobre 1998 au 23 février 2000. D'après le calendrier des examens médicaux fourni par le Gouvernement, aucun examen n'a été pratiqué entre le 5 août 1998 et le 10 janvier 2000 (paragraphe 40 ci-dessus).
51.  A sa libération le 23 février 2000, le requérant fut admis à l'hôpital municipal de Kiev, où il séjourna du 24 février au 17 mars 2000. Par la suite, il continua à bénéficier d'un traitement médical, sous la supervision générale d'un psychiatre.
D.  Les recours auprès de la Cour constitutionnelle d'Ukraine
52.  Le 2 février 2000, la sœur du requérant déposa, au nom de l'intéressé, auprès de la Cour constitutionnelle d'Ukraine, des recours en inconstitutionnalité de la détention après expiration de la durée légale maximale de la détention provisoire. Elle sollicita aussi une déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 156 CPP, qui permettait de détenir des suspects pendant l'instruction. Le 25 février 2000, le greffier de la Cour constitutionnelle écarta les recours, cette juridiction n'ayant pas compétence pour les examiner.
II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT
G.  Décret no 122 du ministère de l'Intérieur en date du 4 mars 1992 portant approbation des instructions relatives aux conditions de détention et à l'alimentation de force de personnes qui refusent de s'alimenter alors qu'elles se trouvent en détention provisoire, dans un établissement pénitentiaire ou un centre de réinsertion
62.  Les dispositions pertinentes du décret sont libellées comme suit :
« 1.2.  Lorsque l'on découvre qu'un détenu refuse de se nourrir, le chef de l'établissement ou la personne agissant en son nom doit s'entretenir avec lui dans les vingt-quatre heures afin de s'enquérir des raisons de son refus. Il ou elle en informe également les autorités chargées de la détention de cette personne et le procureur qui supervise l'exécution des décisions judiciaires en matière pénale et, en cas de motifs sérieux du refus de se nourrir, prend les mesures appropriées pour satisfaire aux demandes licites du détenu. (...)
1.3.  Dans les vingt-quatre heures qui suivent le refus du détenu de s'alimenter, le chef de l'établissement ou la personne agissant en son nom ordonne le placement du détenu dans une cellule séparée, où il est généralement isolé des autres détenus et fait l'objet d'une surveillance constante. (...)
1.4.  Le détenu reçoit un petit déjeuner, un déjeuner et un dîner conformément au calendrier prévu et aux normes nutritionnelles établies. Dans le cas d'un refus de s'alimenter, les repas sont enlevés au bout de deux heures ; et ce fait est consigné dans le dossier précisant la nourriture absorbée par le détenu.
1.5.  Au cours de la période fixée par l'administration de l'établissement, et eu égard aux circonstances particulières, mais au maximum trois jours après le refus de s'alimenter, le détenu subit un examen médical obligatoire à l'occasion duquel un médecin lui explique les conséquences négatives de la grève de la faim pour sa santé. Un traitement médical suivi et d'urgence est dispensé au détenu à moins qu'il soit nécessaire de l'hospitaliser (...)
1.7.  Lorsque le refus de s'alimenter n'est pas le résultat d'une maladie ou d'une affection, les représentants de l'établissement doivent expliquer de manière réitérée au détenu l'effet nuisible qu'une absence de nourriture a pour le corps.
1.9.  L'alimentation forcée d'un détenu qui fait une grève de la faim est une mesure de dernier recours qui vise à préserver la vie et ne peut être utilisée que lorsque le travail pédagogique et d'autres tentatives pour influencer le détenu n'ont eu aucun effet sur lui, et que lorsque son refus persistant de s'alimenter met sa vie en danger.
La décision de nourrir de force est prise par le chef de l'établissement, ou la personne agissant en son nom, sur la base d'un rapport écrit de la commission médicale constatant une aggravation risquant de devenir mortelle de l'état de santé d'un détenu qui fait une grève de la faim (...)
Le procureur qui supervise la légalité de l'exécution des jugements en matière pénale est informé de la décision d'alimenter le détenu de force.
Le médecin du centre de détention détermine la durée pendant laquelle l'alimentation de force du détenu sera nécessaire, compte tenu de l'état général de santé de celui-ci.
Le médecin décide de la teneur de l'alimentation conformément à la ration alimentaire quotidienne, qui se compose de différents éléments.
Le médecin consigne dans le dossier médical du détenu faisant une grève de la faim, au moment où l'intéressé est alimenté de force, la date, les composants et la quantité de la nourriture ; le nom et la qualité de la personne qui a procédé à l'alimentation forcée sont également indiqués (...)
2.  Procédure pour alimenter de force un détenu qui fait une grève de la faim
2.1.  L'alimentation de force est pratiquée en présence d'un des administrateurs de l'établissement, du médecin, d'un membre du corps médical et du nombre nécessaire de jeunes inspecteurs.
Avant de procéder à l'alimentation de force, le médecin explique au détenu les risques qui menacent sa vie et la nécessité de s'alimenter.
Si le détenu refuse d'être alimenté de force, il peut être menotté, et les jeunes inspecteurs le tiennent dans la position voulue pour cette procédure.
L'alimentation de force est conduite par un membre du corps médical sous la supervision du médecin, moyennant toutes les mesures nécessaires pour éviter les blessures et accidents possibles. Au cours de cette procédure, la bouche du détenu est ouverte et maintenue ouverte par un écarteur buccal (роторозширювач).
Un tube médical avec un entonnoir à l'extrémité libre, rafraîchi après avoir été bouilli, mais souple, doit être inséré par la bouche ouverte et le pharynx dans l'œsophage. Au cours de cette procédure, le médecin doit s'assurer que le tube ne s'enfonce pas dans la trachée. Si le tube est correctement placé, le membre du corps médical verse par l'entonnoir une petite quantité d'eau bouillie refroidie, puis la nourriture.
2.2.  Le personnel médical doit disposer des fournitures médicales et des médicaments nécessaires pour dispenser l'aide médicale d'urgence en cas de blessures survenant lors de l'alimentation de force.
2.3.  Si l'état de santé du détenu faisant une grève de la faim s'améliore, l'alimentation de force est suspendue et ce fait est consigné dans le dossier médical du détenu. Le médecin rédige des conclusions motivées. »
III.  RAPPORTS INTERNATIONAUX PERTINENTS CONCERNANT L'ALIMENTATION DE FORCE
A.  Recommandation no R (87) 3 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe aux Etats membres sur les règles pénitentiaires européennes (adoptée par le Comité des Ministres le 12 février 1987, lors de la 404e réunion des Délégués des Ministres)
63.  Les extraits pertinents des règles pénitentiaires européennes sont libellés comme suit :
« Discipline et punition
Moyens de contrainte
39.  L'emploi de chaînes et de fers doit être prohibé. Les menottes, les camisoles de force et autres entraves ne seront jamais appliquées à titre de sanctions. Elles ne pourront être utilisées que dans les cas suivants :
b.  pour des raisons médicales, sur indication et sous la surveillance du médecin ;
c.  sur ordre du directeur, si les autres moyens de maîtriser un détenu ont échoué, afin de l'empêcher de porter préjudice à lui-même (...)
40.  Le modèle et le mode d'emploi des instruments de contrainte autorisés à l'article précédent doivent être déterminés par la loi ou les règlements en vigueur. Leur application ne doit pas être prolongée au-delà du temps strictement nécessaire. »
B.  Recommandation no R (98) 7 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe aux Etats membres relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins de santé en milieu pénitentiaire (adoptée par le Comité des Ministres le 8 avril 1998, lors de la 627e réunion des Délégués des Ministres)
64.  Les extraits pertinents de la recommandation sont libellés comme suit :
Se référant aux déclarations spécifiques de l'Association médicale mondiale (AMM) relatives à la déontologie médicale, et en particulier à la Déclaration de Tokyo (1975), la Déclaration de Malte sur les grévistes de la faim (1991) et la Déclaration sur les fouilles corporelles de prisonniers (1993) ;
C.  Consentement du malade et secret médical
14.  (...) Les détenus soumis à un traitement médical devraient être informés des indications et des éventuels effets secondaires susceptibles de se manifester.
15.  Le consentement éclairé devrait être obtenu (...) dans des situations où les obligations médicales et les règles de sécurité ne coïncident pas nécessairement, par exemple en cas de refus de traitement ou de nourriture.
16.  Toute dérogation aux principes de la liberté de consentement du malade devrait être fondée sur la loi et être guidée par les principes qui s'appliquent à la population générale.
24.  [Le médecin] devrait également conseiller la direction de l'établissement sur les questions ayant trait au régime alimentaire et à l'environnement dans lequel les personnes privées de liberté sont obligées de vivre, ainsi que sur les problèmes d'hygiène et de salubrité.
E.  Refus de traitement, grève de la faim
60.  Si une personne détenue refuse le traitement qui lui est proposé, le médecin devrait lui faire signer une déclaration écrite en présence d'un témoin. Le médecin devrait fournir au patient toutes les informations nécessaires sur les bienfaits escomptés du traitement médical, les alternatives thérapeutiques éventuellement existantes, et l'avoir mis en garde contre les risques auxquels son refus l'expose. Il convient de s'assurer que le malade est pleinement conscient de sa situation. (...)
61.  L'examen clinique d'un gréviste de la faim ne devrait être pratiqué qu'avec son consentement explicite, sauf s'il souffre de troubles mentaux graves et qu'il doive alors être transféré dans un service psychiatrique.
62.  Les grévistes de la faim devraient être informés de manière objective des effets nuisibles de leur action sur leur état de santé afin de leur faire comprendre les dangers que comporte une grève de la faim prolongée.
63.  Si le médecin estime que l'état de santé d'une personne en grève de la faim se dégrade rapidement, il lui incombe de le signaler à l'autorité compétente et d'entreprendre une action selon la législation nationale (y inclus les normes professionnelles). »
C.  Rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)
65.  Les extraits pertinents du chapitre III des Normes du CPT (CPT/Inf/E (2002) 1, Rev 2004) intitulé « Services de santé dans les prisons », eux-mêmes extraits du 3e rapport général (CPT/Inf (93) 12), sont libellés comme suit :
« 46.  Le patient doit pouvoir disposer de toutes informations utiles (si nécessaire sous la forme d'un rapport médical) concernant son état de santé, la conduite de son traitement et les médicaments qui lui sont prescrits. De préférence, le patient devrait se voir reconnaître le droit de prendre connaissance du contenu de son dossier médical pénitentiaire, à moins d'une contre-indication justifiée d'un point de vue thérapeutique.
Il doit pouvoir demander la transmission de ces informations à sa famille, à son avocat ou à un médecin de l'extérieur.
47.  Tout patient capable de discernement est libre de refuser un traitement ou toute autre forme d'intervention médicale. Toute dérogation à ce principe fondamental doit avoir une base légale et se rapporter uniquement à des circonstances exceptionnelles, définies de manière claire et stricte, applicables à la population tout entière.
Une situation classiquement difficile apparaît lorsque la décision du patient contredit la mission générale de soins qui incombe au médecin. Tel est le cas lorsque le patient est inspiré par des convictions personnelles (refus de transfusion de sang, par exemple), ou lorsqu'il entend utiliser son corps ou même se mutiler pour appuyer des exigences, protester contre une autorité ou témoigner en faveur d'une cause.
En cas de grève de la faim, les autorités publiques ou organisations professionnelles de certains pays demandent au médecin d'intervenir dès que le malade présente une altération grave de la conscience. Dans d'autres pays, la règle est de laisser les décisions cliniques au médecin traitant, lorsque celui-ci a pu s'entourer d'avis et tenir compte de l'ensemble des éléments en cause. »
66.  Les extraits pertinents du rapport réalisé par le CPT à l'issue d'une de ses visites en Ukraine du 24 novembre au 6 décembre 2002 sont libellés comme suit :
« 110.  A la prison no 8 à Jitomir, le bâtiment réservé aux femmes et mineurs (no 2) offrait les meilleures conditions matérielles de l'établissement. Toutes les cellules étaient propres et bien entretenues, correctement équipées, bénéficiaient d'une bonne lumière naturelle et artificielle et disposaient de toilettes cloisonnées. Dans nombre de cellules, l'espace de vie, bien que loin d'être idéal, était supérieur à celui observé dans les autres quartiers de détention. Par exemple, une cellule de 29,7 m2 hébergeait sept femmes. Chez les mineurs, une cellule de 29 m2 comptait trois garçons ; toutefois, elle était prévue pour huit, ce qui est excessif. De manière générale, la délégation a observé que les taux d'occupation possibles des cellules de ce bâtiment ne laisseraient qu'un espace de vie allant de 2,5 à 2,8 m2 par personne.
111.  Dans les parties du bâtiment 1 réservé aux prévenus, condamnés administratifs et aux détenus soumis au régime de Tyurma, il faut saluer le fait que, à l'exception de certaines cellules dont les fenêtres étaient encore flanquées de dispositifs obturateurs (par exemple, grillage dense), il y avait un accès correct à la lumière naturelle et à l'air frais. Pour le reste, les conditions matérielles étaient variables. Nombre de cellules vues, quoique modestement équipées, étaient convenablement entretenues et propres. Toutefois, d'autres étaient dégradées par l'humidité, plus sales, avec des toilettes en relativement mauvais état et comportaient des lits rouillés, dotés d'une literie très modeste, infestée de cafards et autre vermine.
L'espace de vie dans certaines cellules, compte tenu du nombre de détenus qu'elles hébergeaient lors de la visite, pourrait être considéré comme tolérable, voire acceptable. Par exemple, chez les prévenus, une cellule de 42 m2 hébergeait douze détenus ; une de 46 m2 comptait treize détenus, une de 19 m2 était occupée par quatre personnes et une de 13 m2 par trois. Mais là encore, l'espace de vie était littéralement mangé par les lits en surnombre.
Enfin, de manière générale, le chauffage posait problème, la température dépassant à peine 18o.
112.  L'administration de la prison faisait de réels efforts pour fournir aux détenus, qui le nécessitaient, les éléments matériels de base (produits d'hygiène, d'entretien, si nécessaire une assistance en vêtements/chaussures). Toutefois, certaines femmes se sont plaintes de ce qu'elles n'étaient pas en mesure d'obtenir les produits d'hygiène spécifiques (serviettes hygiéniques/tampons) nécessaires. Cette question a été soulevée par la délégation avec le directeur de l'établissement qui a assuré remédier à cette situation. Le CPT souhaite obtenir confirmation de ce que cette question est à présent résolue.
113.  Au SIZO no 21 à Odessa, la situation compte tenu du surpeuplement, exacerbé par des conditions matérielles généralement très précaires, pourrait légitimement être considérée comme s'apparentant à un traitement inhumain et dégradant.
Les détenus étaient entassés dans un espace de vie réduit à sa plus simple expression. Par exemple, il y avait jusqu'à six détenus dans des cellules de 7 à 8 m2, jusqu'à quinze dans 18 m2, jusqu'à trente-sept détenus (avec quarante lits) dans 78 m2. Des informations recueillies par la délégation, il est apparu en outre que le surpeuplement dans certaines parties de l'établissement avait été encore plus important à la mi-novembre 2002. Ainsi, jusqu'à trente-deux détenus avaient été placés dans des cellules de 18 m2 à l'unité d'admission, devant se partager dix lits.
Les cellules étaient pour la plupart très dégradées, avec les murs et plafonds rongés par l'humidité. L'équipement était vétuste, la literie souvent sale et insuffisante (les détenus devaient compter sur leurs proches pour avoir des draps et des couvertures), les toilettes imparfaitement cloisonnées, voire pas du tout. De plus, dans nombre de cellules, les toilettes n'avaient pas de véritable système de chasse d'eau, ce qui ajoutait encore à l'insalubrité ambiante. Comble, les cellules pullulaient de cafards.
Dans certaines cellules, les détenus étaient contraints de calfeutrer les fenêtres des cellules avec des couvertures, des vitres étant manquantes. Par ailleurs, dans nombre de cellules, le chauffage laissait à désirer, la température n'atteignant que 17o.
De fait, le seul point positif était que les cellules avaient toutes un accès correct à la lumière naturelle et un éclairage artificiel adéquat.
114.  La délégation a recueilli de nombreuses plaintes sur l'absence de produits d'entretien et d'hygiène de base, y compris de papier toilette. En outre, les détenus étaient contraints de laver en cellule, avec les moyens du bord, leurs effets et les draps et couvertures dans des conditions d'hygiène hautement discutables.
Par ailleurs, vu l'état pitoyable et le faible nombre de douches par section de détention (par exemple, deux pommeaux de douche pour plus de 170 détenus), les détenus avaient beaucoup de mal à maintenir une hygiène corporelle satisfaisante.
115.  Dans leur lettre du 15 avril 2003, les autorités ukrainiennes ont indiqué qu'en vue de réduire le surpeuplement, il était prévu de construire un nouveau bâtiment de 250 places et de transférer un certain nombre de détenus dans d'autres établissements de détention provisoire de la région.
Elles font par ailleurs aussi état d'autres mesures prises pour remédier aux problèmes d'hygiène constatés (telles que la mise à disposition de produits désinfectants, le lavage de la literie à la buanderie du SIZO) et indiquent qu'à présent les détenus se voyaient garantir les produits d'hygiène nécessaires.
116.  Bien que la visite à la colonie 14 à Odessa fût ciblée sur certains aspects particuliers (...), la délégation a néanmoins pu relever, dans les deux sections (4 et 7) visitées, que les dortoirs étaient bien éclairés et aérés, équipés de lits pourvus d'une literie complète, de tables de chevet et d'espaces de rangement. Les annexes sanitaires étaient propres et relativement bien entretenues.
Les dortoirs étaient engorgés ; ainsi, à la section 4, des dortoirs d'environ 61 m2 pouvaient héberger jusqu'à trente-cinq personnes. Néanmoins, cette situation était quelque peu atténuée par le fait que les détenus pouvaient librement circuler dans la journée dans leur secteur de détention, avec accès à une cour extérieure.
Dans cet établissement, la délégation a recueilli de nombreuses plaintes sur le manque de vêtements chauds, adaptés à la période hivernale (manteaux, toques). Cette question a été soulevée avec le directeur de l'établissement qui a assuré disposer de stocks suffisants pour répondre aux besoins des détenus. Le CPT souhaite obtenir confirmation que les détenus de la colonie no 14 disposent de vêtements adaptés aux conditions climatiques.
117.  Au vu de ce qui précède, le CPT recommande :
à la prison no 8 :
–  de procéder aux travaux de réfection nécessaires au bâtiment no 1 afin que les conditions matérielles atteignent à tous points de vue le niveau de celles du bâtiment no 2 réservé aux femmes et aux mineurs ;
–  de veiller à ce que toutes les cellules soient adéquatement chauffées ;
au SIZO no 21 :
–  de remédier aux déficiences matérielles constatées afin d'assurer que :
•  chaque détenu dispose de son propre lit avec une literie complète et propre ;
•  les toilettes dans toutes les cellules soient correctement cloisonnées et disposent d'un système de chasse d'eau en état de fonctionnement ;
•  les fenêtres de toutes les cellules soient pourvues de vitres ;
•  les cellules soient adéquatement chauffées ;
•  les salles de douche soient dans un état d'entretien satisfaisant et, dès que possible, le nombre des pommeaux de douche soit augmenté ;
–  de mener à bien la construction prévue du nouveau bâtiment de 250 places ;
–  dans les trois établissements visités, de réduire les taux d'occupation des cellules/dortoirs, l'objectif devant être d'offrir 4 m2 d'espace de vie par détenu. »
67.  Les extraits pertinents du rapport d'une visite du CPT en Turquie (CPT/Inf (2001) 31) sont libellés comme suit (traduction non officielle) :
1.  Gestion des grèves de la faim
32.  (...) La délégation avait été informée plus tôt que ces directives indiquaient que la gestion des grèves de la faim devait être fondée sur une relation médecin/patient. En fait, elles donnent clairement le message que « Le devoir des soignants est d'assister dans la continuité de la vie. Le droit à la vie, qui est le plus fondamental des droits et libertés, ne saurait être limité par aucune norme ni aucun critère. » Plus spécifiquement, il est stipulé que « dès l'instant où une détérioration organique est constatée, il faut administrer une nutrition parentérale totale ».
Lors de la visite de décembre 2000/janvier 2001, aucun détenu n'avait atteint un stade où il était nécessaire de prendre une décision quant à l'alimenter éventuellement artificiellement contre sa volonté. Toutefois, par la suite, des cas d'alimentation artificielle sont intervenus. Des responsables du ministère de la Santé ont informé la délégation du CPT, lors de la visite d'avril 2001, qu'ils ne connaissaient pas de cas où des détenus auraient été alimentés contre leur gré alors qu'ils étaient conscients, mais qu'ils connaissaient des cas de détenus alimentés artificiellement après qu'ils avaient perdu conscience.
33.  Comme reconnu dans les observations préliminaires du 29 janvier 2001, la question de l'alimentation artificielle d'un(e) gréviste de la faim contre sa volonté est une question délicate, au sujet de laquelle les points de vue diffèrent tant en Turquie qu'ailleurs. Le CPT croit savoir que l'Association médicale mondiale revoit actuellement sa politique en ce domaine.
Jusqu'à ce jour, le CPT s'est abstenu de prendre position à cet égard. Néanmoins, il croit fermement que la gestion des grèves de la faim doit se fonder sur une relation médecin/patient. Par conséquent, le Comité a de sérieuses réserves en ce qui concerne les tentatives visant à interférer dans cette relation et à imposer aux médecins gérant des grévistes de la faim une méthode particulière de traitement. »
D.  Déclaration de l'Association médicale mondiale adoptée à Tokyo en 1975 (Directives à l'intention des médecins en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants en relation avec la détention ou l'emprisonnement)
68.  L'extrait pertinent de la Déclaration de 1975 se lit comme suit :
5.  Lorsqu'un prisonnier refuse toute nourriture et que le médecin estime que celui-ci est en état de formuler un jugement conscient et rationnel quant aux conséquences qu'entraînerait son refus de se nourrir, il ne devra pas être alimenté artificiellement. La décision en ce qui concerne la capacité du prisonnier à exprimer un tel jugement devra être confirmée par au moins un deuxième médecin indépendant. Le médecin devra expliquer au prisonnier les conséquences que sa décision de ne pas se nourrir pourrait avoir sur sa santé. »
E.  Déclaration de l'Association médicale mondiale sur les grévistes de la faim (adoptée par la 43e Assemblée médicale mondiale à Malte en novembre 1991)
69.  La Déclaration de l'Association médicale mondiale sur les grévistes de la faim est ainsi libellée :
« PRÉAMBULE
1.  Le traitement des grévistes de la faim met le médecin en présence des valeurs conflictuelles suivantes :
1.  Tout être humain a l'obligation morale de respecter le caractère sacré de la vie, et cela va de soi pour le médecin en particulier qui met tout son savoir-faire à sauver les vies humaines et qui sert son patient au mieux de ses intérêts (Bienfaisance).
2.  Il est du devoir du médecin de respecter l'autonomie du patient. Aussi, avant de pouvoir assister le patient de sa compétence professionnelle, le médecin devra-t-il avoir son consentement éclairé, à moins d'une urgence imprévue, auquel cas il se devra d'agir dans ce qu'il présume être le meilleur intérêt du patient.
2.  La situation devient conflictuelle lorsque le gréviste de la faim tombé dans le coma est sur le point de mourir et qu'il a clairement donné l'ordre de ne pas procéder à la réanimation. Or, si le médecin, par obligation morale, éprouve d'un côté la nécessité de procéder à la réanimation en dépit du souhait exprimé par le patient, il se trouve d'un autre côté vivement engagé à respecter son autonomie.
1.  Le fait de se prononcer en faveur d'une intervention peut dans certains cas porter atteinte à l'autonomie du patient.
2.  Le fait de se prononcer en faveur d'une non-intervention peut entraîner le médecin à devoir faire face à une mort tragique inévitable.
3.  Il y a une relation médecin/malade chaque fois que le médecin est tenu, en vertu de ses obligations vis-à-vis du patient, d'exercer que ce soit sous la forme de conseil ou de soins. Cette relation existe même lorsque le patient n'a pas été à même de donner son accord en ce qui concerne le traitement ou l'intervention. Le fait qu'un médecin prenne en charge un gréviste de la faim établit entre eux un rapport de médecin à patient. Cela entraîne pour le médecin toutes les conséquences et responsabilités qui relèvent de la relation médecin/malade, y compris le consentement et le secret.
4.  En dernière analyse, c'est le médecin traitant qui, sans l'intervention de tiers dont l'intérêt primordial n'est pas le bien-être du patient, doit décider de l'intervention ou de la non-intervention. Toutefois, il devra clairement informer le patient qu'il accepte ou qu'il n'accepte pas sa décision de refuser le traitement ou, en cas de coma, l'alimentation artificielle, au risque alors de succomber. Si ce médecin ne peut accepter la décision du patient de refuser toute assistance, le patient doit alors pouvoir s'adresser à un autre médecin.
DIRECTIVES POUR LE TRAITEMENT DES GRÉVISTES DE LA FAIM
Etant donné que les médecins considèrent le principe sacré de la vie comme fondamental à l'exercice de leur profession, nous recommandons les directives suivantes aux médecins traitant les grévistes de la faim.
1.  DÉFINITION
Un gréviste de la faim est celui qui, en pleine possession de ses capacités mentales, fait connaître sa décision d'entamer une grève de la faim, et qui, pendant un laps de temps considérable, refuse toute alimentation.
2.  LIGNES DE CONDUITE ÉTHIQUE
1.  Le médecin devra, dans la mesure du possible, posséder un dossier détaillé du patient.
2.  Le médecin devra, dès le début de la grève, soumettre son patient à un examen de santé approfondi.
3.  Le médecin ou tout autre professionnel de santé ne devra exercer de pression d'aucune sorte sur le gréviste de la faim pour l'amener à suspendre la grève. Et la cessation de la grève ne saurait constituer pour le gréviste une condition pour recevoir un traitement ou des soins.
4.  Le médecin devra informer le gréviste de la faim des effets cliniques de la grève et des dangers inhérents à son état de santé, puisque seule une bonne information peut aider le patient à prendre une sage décision. Il sera fait appel, si nécessaire, aux services d'un interprète.
5.  Le gréviste de la faim doit pouvoir, si tel est son souhait, consulter un autre médecin. Il doit également pouvoir, si tel est alors son choix, poursuivre son traitement avec cet autre médecin. Dans le cas du prisonnier engagé dans une grève de la faim, il suffira de consulter le médecin traitant de la prison et de s'entendre avec lui pour rendre ce choix possible.
6.  Souvent, le gréviste de la faim accepte le traitement d'une infection ou encore d'augmenter sa ration d'aliment liquide (voire même des intraveineuses de solution saline). Mais le fait de refuser ces interventions ne doit pas empêcher le médecin de proposer d'autres soins. Néanmoins, tout traitement doit recevoir l'accord du patient.
3.  CLAIR ÉNONCÉ D'INSTRUCTIONS
Le médecin devra journellement vérifier la volonté du patient de continuer ou pas la grève de la faim. Il devra journellement aussi s'assurer du traitement souhaité par le patient dans le cas où il viendrait à prendre une décision. Ces informations, inscrites au dossier personnel du médecin, devront rester confidentielles.
4.  ALIMENTATION ARTIFICIELLE
Lorsqu'un gréviste de la faim a perdu sa lucidité et ne peut donc prendre une décision raisonnée ou est tombé dans le coma, le médecin est libre de prendre la décision concernant le traitement ultérieur qu'il considère être le meilleur pour le patient. Il tiendra toujours compte de la décision qu'il a prise lors de ses soins antérieurs au gréviste de la faim et du paragraphe 4 du préambule de la présente déclaration.
5.  COERCITION
Le gréviste de la faim doit être protégé contre les actes de coercition et il est possible que cela demande qu'il soit mis à l'écart des autres grévistes.
6.  FAMILLE
Il appartient au médecin d'informer la famille du patient de son engagement dans une grève de la faim à moins que celui-ci ne s'y oppose tout particulièrement. »
EN DROIT
I.  ÉVALUATION DES PREUVES ET ÉTABLISSEMENT DES FAITS PAR LA COUR
A.  Arguments des parties
1.  Le requérant
70.  Le requérant soutient qu'il a prouvé avoir été soumis à un traitement inhumain et dégradant du fait de son alimentation de force et que les conditions de sa détention, en particulier du 28 octobre 1998 au 23 février 2000 (date de sa libération), étaient contraires à l'article 3 de la Convention. Il demande à la Cour de constater que la responsabilité de l'Etat se trouve engagée au regard de l'article 3. Il allègue également avoir été détenu du 16 octobre 1998 au 13 août 1999 sans qu'il y ait eu de décision adéquate. Il allègue une violation de l'article 5 §§ 1 c) et 3 de la Convention.
2.  Le Gouvernement
71.  Le Gouvernement nie que le requérant ait été alimenté de force par du personnel non qualifié et menotté à un appareil de chauffage en présence d'un chien de garde. De plus, il dément que l'intéressé ait été placé du 10 janvier au 7 février 2000 dans une cellule d'isolement du SIZO no 1 de la région de Kiev. Il n'a pas fourni d'autres informations concernant les périodes durant lesquelles le requérant s'est trouvé en détention disciplinaire. Il a en outre éludé la question relative aux conditions de détention dans la cellule d'isolement et celle de savoir si le maintien de l'intéressé en détention du 7 au 23 février 2000 reposait sur une décision.
B.  Principes généraux
72.  La Cour réitère que pour l'appréciation des éléments de preuve, elle se rallie au principe de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » (Orhan c. Turquie, no 25656/94, § 264, 18 juin 2002). Une telle preuve peut résulter d'un faisceau d'indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants. Le comportement des parties lors de la recherche des preuves entre en ligne de compte dans ce contexte (Irlande c. Royaume-Uni, arrêt du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 65, § 161).
73.  La Cour a conscience du caractère subsidiaire de son rôle et doit se montrer prudente avant d'assumer celui de tribunal de première instance appelé à connaître des faits, lorsque ce n'est pas rendu inévitable par les circonstances particulières d'une affaire (voir, par exemple, McKerr c. Royaume-Uni (déc.), no 28883/95, 4 avril 2000). Dans l'hypothèse où il y a eu une procédure interne, il n'entre pas dans les attributions de la Cour de substituer sa propre vision des faits à celle des cours et tribunaux internes auxquels il appartient en principe de peser les données recueillies par eux (Klaas c. Allemagne, arrêt du 22 septembre 1993, série A no 269, p. 17, § 29). Même si la Cour ne se sent pas liée par les constatations de fait de ceux-ci, elle doit normalement posséder des données convaincantes pour pouvoir s'en écarter (ibidem, p. 18, § 30).
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
2.  Alimentation forcée du requérant
a)  Arguments des parties
89.  Le requérant allègue que la manière dont on a procédé pour l'alimenter de force s'apparentait à un acte de torture. D'ailleurs, les autorités carcérales n'auraient pas suivi les modalités prévues par les instructions pénitentiaires internes. L'intéressé soutient également qu'aucune commission médicale ne s'était réunie pour examiner son état de santé afin de décider si l'alimentation forcée était nécessaire d'un point de vue médical. Il affirme qu'on a fait usage de la force pour l'alimenter. Il indique aussi qu'on l'a placé en cellule d'isolement le 1er avril 1999 pour le punir d'avoir poursuivi sa grève de la faim.
90.  Il soutient en outre que ce sont des détenus déjà condamnés et non le personnel médical qui l'ont alimenté de force. Lorsqu'on l'alimentait ainsi, ce qui se produisait cinq fois par semaine, il était souvent menotté à une chaise ou à un appareil de chauffage et contraint à subir l'insertion dans l'œsophage d'un tube en caoutchouc relié à un seau contenant un mélange nutritionnel spécial.
91.  Le Gouvernement considère que l'alimentation de force était dictée par une stricte nécessité médicale afin de préserver la vie du requérant. Il estime de plus que celui-ci était dans un état de santé qui lui permettait de subir la détention et de participer à la procédure d'enquête. De surcroît, l'intéressé aurait été placé sous contrôle médical constant puisqu'il aurait été examiné pratiquement tous les deux ou trois jours par un ou plusieurs médecins et conduit à deux reprises à l'hôpital pour examens approfondis. L'alimentation forcée et le traitement auraient été prescrits et administrés par des médecins professionnels. Selon le Gouvernement, il n'a pas été démontré que l'alimentation et le traitement médical aient nui à la santé du requérant de quelque manière que ce soit. A l'appui de ses dires, le Gouvernement produit des rapports datés de 2004, signés par des médecins et par le personnel du SIZO no 1, où le requérant a été détenu, qui auraient procédé à l'alimentation de force.
92.  Le requérant allègue que les rapports écrits du personnel médical du SIZO no 1 ont été rédigés sous la pression et selon les instructions du département d'Etat pour l'application des peines et ne sont pas fiables. De surcroît, il a fourni une copie de son journal personnel et une déclaration écrite de son compagnon de cellule, M. Koval1, qui a en particulier insisté sur le fait que le requérant avait été alimenté par d'autres détenus mais sous la supervision du personnel médical, et que la mixture nutritionnelle avait été administrée à l'intéressé par un tuyau en caoutchouc placé dans un seau de douze litres. M. Koval affirme que le requérant était menotté lorsqu'il était alimenté de force.
b)  Appréciation de la Cour
93.  La Cour note que, dans une affaire antérieure, la Commission avait estimé que « le fait de nourrir de force une personne comporte des aspects dégradants qui, dans certaines circonstances, peuvent être considérés comme interdits par l'article 3 de la Convention ». Mais si, comme dans la présente affaire, « une personne détenue poursuit une grève de la faim, cela peut inévitablement conduire à un conflit, que la Convention ne résout pas, entre le droit à l'intégrité physique de l'individu et l'obligation positive que l'article 2 de la Convention fait peser sur les Hautes Parties contractantes » (X c. Allemagne (1984), European Human Rights Reports 7, p. 152). La Commission a rappelé « la solution apportée à ce conflit par le droit allemand : il est permis de nourrir de force un détenu si celui-ci, en raison d'une grève de la faim, risque de subir des dommages de nature permanente, et l'alimentation forcée est même obligatoire s'il existe un danger manifeste pour la vie de l'intéressé. L'appréciation des conditions précitées est réservée au médecin compétent, mais une décision d'alimenter une personne de force ne peut être mise en œuvre qu'après l'obtention d'une autorisation judiciaire (...) » (ibidem). Dans une autre affaire, la Commission a estimé que les allégations d'un requérant selon lesquelles il avait été soumis à un mauvais traitement alors qu'il était alimenté de force lors de sa grève de la faim étaient dénuées de fondement, puisque le requérant n'avait pas prouvé que la manière dont il avait été nourri de force équivalait à un acte de torture, à une peine ou un traitement inhumains ou dégradants (Ilijkov c. Bulgarie, no 33977/96, décision de la Commission du 20 octobre 1997, non publiée). La Cour a de surcroît tenu dûment compte des recommandations du Comité des Ministres, des rapports du CPT et de l'Association médicale mondiale concernant l'alimentation de force des détenus (paragraphes 64-65 et 68-69 ci-dessus).
94.  La Cour rappelle qu'une mesure dictée par une nécessité thérapeutique selon les conceptions médicales établies ne saurait en principe passer pour inhumaine ou dégradante. Il en va de même de l'alimentation de force destinée à sauver la vie d'un détenu qui refuse en toute conscience de se nourrir. Il incombe pourtant à la Cour de s'assurer que la nécessité médicale a été démontrée de manière convaincante (Herczegfalvy c. Autriche, arrêt du 24 septembre 1992, série A no 244, p. 26, § 82). La Cour doit de plus vérifier que les garanties procédurales devant accompagner la décision d'alimentation de force sont respectées. De surcroît, la manière dont un requérant est alimenté de force pendant sa grève de la faim ne doit pas représenter un traitement dépassant le seuil minimum de gravité envisagé par la jurisprudence de la Cour sur l'article 3 de la Convention. La Cour examinera ces questions tour à tour.
95.  Elle relève d'emblée que le requérant ne prétend pas qu'on aurait dû le laisser sans nourriture ou médicaments même si cela pouvait entraîner la mort. L'intéressé dit en revanche qu'il n'y avait aucune nécessité médicale de l'alimenter de force en l'absence d'examens médicaux, de tests pertinents ou d'autres documents prouvant à suffisance cette nécessité. Il allègue que la décision de l'alimenter de force était fondée sur l'analyse du taux d'acétone dans ses urines. Il soutient en outre que l'alimentation de force avait pour but de l'humilier et de le punir, l'objectif étant de lui faire arrêter la grève de la faim et, en cas de refus, de lui infliger de vives souffrances physiques.
96.  La Cour prend note de la déclaration du Gouvernement concernant l'état de santé satisfaisant du requérant pendant la détention (paragraphe 91 ci-dessus). Le Gouvernement n'ayant pas fourni le « rapport écrit de la commission médicale constatant une aggravation risquant de devenir mortelle de l'état de santé [du requérant] » et « la décision [du] chef de l'établissement [carcéral] » qui étaient obligatoires en vertu du décret du 4 mars 1992 (paragraphe 62 ci-dessus), la Cour conclut qu'il n'a pas démontré qu'il y ait eu une « nécessité médicale » établie par les autorités internes d'alimenter le requérant de force. Elle ne peut donc que partir de l'hypothèse que l'alimentation forcée avait un caractère arbitraire. Les garanties procédurales n'ont pas été respectées, compte tenu du refus de se nourrir que le requérant avait opposé en toute conscience, lorsque le traitement forcé lui a été administré contre son gré. On ne peut par conséquent pas dire que les autorités aient agi dans son intérêt supérieur en l'alimentant de force.
97.  Quant à la manière dont le requérant a été alimenté, la Cour présume, eu égard aux arguments présentés par les parties, que les autorités se sont conformées aux modalités de l'alimentation de force prévues dans le décret de 1992 (paragraphe 62 ci-dessus). Toutefois, les moyens de contrainte employés (menottes, écarteur buccal (роторозширювач) et tube en caoutchouc spécial inséré dans l'œsophage), moyennant le recours à la contrainte en cas de résistance, peuvent s'analyser en actes de torture au sens de l'article 3 de la Convention, en l'absence de nécessité médicale (paragraphe 63 ci-dessus – contraintes conformes aux règles pénitentiaires européennes).
98.  En l'espèce, la Cour considère que l'alimentation de force à laquelle le requérant a été soumis à l'aide des moyens prévus par le décret, en dépit de sa résistance et sans que le Gouvernement ait fourni de justification médicale, a constitué un traitement grave méritant la qualification de torture.
99.  A la lumière de ce qui précède, la Cour estime qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
2.  Dit, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention à raison de l'alimentation de force du requérant, laquelle peut être qualifiée de torture ;
Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 5 avril 2005, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
S. Dollé  J.-P. Costa  Greffière  Président
1.  L’affaire de M. Koval est actuellement en instance devant la Cour (Koval c. Ukraine (déc.), no 65550/01, 30 mars 2004).
ARRÊT NEVMERJITSKI c. UKRAINE
ARRÊT NEVMERJITSKI c. UKRAINE 


Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 3 (à raison des tortures et traitements dégradants) ; Violation de l'art. 5-1-c ; Violation de l'art. 5-3 (à raison de l'absence de contrôle juridictionnel rapide du maintien du requérant en détention provisoire et de la durée totale de sa détention) ; Manquement aux obligations prévues à l'art. 38-1-a ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure nationale ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 3) TORTURE, (Art. 3) TRAITEMENT DEGRADANT, (Art. 35-1) SITUATION CONTINUE, (Art. 35-3) RATIONE TEMPORIS, (Art. 5-1) ARRESTATION OU DETENTION REGULIERE, (Art. 5-1) VOIES LEGALES, (Art. 5-3) AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT, (Art. 5-3) DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE


Parties
Demandeurs : NEVMERJITSKI
Défendeurs : UKRAINE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (deuxième section)
Date de la décision : 05/04/2005
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 54825/00
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2005-04-05;54825.00 ?
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