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16/06/2005 | CEDH | N°18670/03

CEDH | BERISHA ET HALJITI c. MACEDOINE


EN FAIT
Les requérants, Dzavit Berisha et Baljie Haljiti, sont des ressortissants de Serbie-Monténégro d'origine égyptienne. Ils sont nés respectivement en 1977 et 1980, dans la province du Kosovo, et résideraient en Hongrie.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
En mars 1999, les intéressés se marièrent. Après les bombardements de l'OTAN sur la République fédérale de Yougoslavie, ils quittèrent la ville d'Obilic pour s'installer dans le village de Mazgit.
Par la suite, ils reto

urnèrent à Obilic, où, selon eux, ils furent menacés et harcelés quotidienne...

EN FAIT
Les requérants, Dzavit Berisha et Baljie Haljiti, sont des ressortissants de Serbie-Monténégro d'origine égyptienne. Ils sont nés respectivement en 1977 et 1980, dans la province du Kosovo, et résideraient en Hongrie.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
En mars 1999, les intéressés se marièrent. Après les bombardements de l'OTAN sur la République fédérale de Yougoslavie, ils quittèrent la ville d'Obilic pour s'installer dans le village de Mazgit.
Par la suite, ils retournèrent à Obilic, où, selon eux, ils furent menacés et harcelés quotidiennement par des Albanais. En outre, Mme Haljiti aurait été menacée de viol. Le 28 juin 1999, des membres de l'Armée de libération du Kosovo (ALK) ainsi que certains villageois obligèrent les requérants et toute leur famille à quitter leur maison et le village. Pendant près de trois mois, les intéressés se déplacèrent d'un camp à l'autre et auraient fréquemment été victimes de harcèlement de la part de la population albanaise des villages environnants.
Le 25 septembre 1999, ils fuirent le Kosovo pour se réfugier dans l'« ex-République yougoslave de Macédoine », où ils bénéficièrent d'une protection humanitaire. En raison du caractère selon eux inadéquat des conditions de vie qui régnaient dans le camp, ils quittèrent volontairement le pays.
Le 4 avril 2001, M. Berisha fut recruté comme interprète par l'administration de la KFOR au Kosovo. Sa femme s'installa au domicile de ses parents à Lipljan (Kosovo) cinq mois plus tard (leur maison à Obilic ayant entre-temps été détruite et des Albanais s'abritant dans ses ruines). Alors qu'ils étaient à Lipljan, les intéressés auraient fréquemment fait l'objet d'attaques verbales et de menaces d'agression physique, et leur maison aurait été la cible de jets de pierres. Même au camp militaire de Bondsteel, M. Berisha aurait été victime d'actes discriminatoires constants de la part de ses collègues albanais parce qu'il avait contribué à l'arrestation de plusieurs membres de l'ALK et qu'il était engagé dans la défense des droits de l'homme, en particulier en faveur des Roms. Le 1er mars 2002, il perdit son travail, selon lui pour des motifs racistes.
Le 1er juin 2002, les requérants retournèrent dans l'« ex-République yougoslave de Macédoine », où ils sollicitèrent l'asile le 19 juin 2002.
Le 2 juillet 2002, le ministère de l'Intérieur rejeta la demande, estimant que les requérants n'avaient pas de motif raisonnable de craindre des persécutions dès lors que leur peur reposait sur quelques incidents et des présomptions. Le 27 août 2002, la commission d'appel du gouvernement confirma cette décision. Le 30 septembre 2002, à la demande des intéressés, le ministère de l'Intérieur suspendit l'exécution de l'arrêté d'expulsion dans l'attente de l'issue du pourvoi dont ils avaient saisi la Cour suprême.
Le 27 mars 2003, la Cour suprême rejeta le pourvoi en cassation pour défaut de fondement. Elle refusa d'accorder l'asile aux requérants au motif, entre autres, que leur crainte d'être persécutés se fondait uniquement sur leur sentiment général d'insécurité dû à leur origine ethnique. Le 29 mai 2003, cette décision fut signifiée à l'avocat des intéressés. Ceux-ci furent par la suite informés qu'ils devaient quitter le pays dans les trente jours, à défaut de quoi ils seraient expulsés de force. Ils demeurèrent néanmoins en « ex-République yougoslave de Macédoine ».
Le 25 juin 2003, la Cour européenne des Droits de l'Homme décida de ne pas appliquer l'article 39 de son règlement.
Après l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sur l'asile et la protection temporaire, les requérants soumirent une autre demande d'asile, fondée sur des faits prétendument nouveaux (dégradation de l'état de santé de Mme Haljiti, qui avait fait une fausse couche et souffrait fréquemment de maux de ventre). La date de dépôt de cette nouvelle demande n'est pas connue précisément (les requérants affirment l'avoir envoyée le 14 août 2003, mais le tampon figurant sur la télécopie porte la date du 8 octobre 2003).
Le 15 septembre 2003, vers minuit, ils furent appréhendés par la police alors qu'ils tentaient d'entrer illégalement en Grèce. Ils furent placés en détention au poste de police et n'auraient pas obtenu le droit d'appeler qui que ce soit, pas même leur avocat. Le lendemain, le tribunal de base de Bitola les déclara coupables d'infractions mineures à la loi sur le franchissement des frontières et la circulation dans les zones frontalières (Закон за премин на државните граници и движење во граничниот појас) ainsi qu'à la loi sur la circulation et le séjour des étrangers (Закон за движење и престој на странци). Il leur infligea une amende et prononça à leur encontre une interdiction du territoire de deux ans. Il ressort de la décision que les requérants renoncèrent à leur droit d'interjeter appel. Ils furent expulsés vers la Serbie-Monténégro et se rendirent à Lipljan, au Kosovo.
Le 1er octobre 2003, à la suite d'actes répétés de harcèlement (cris, jets de pierres et menaces verbales), ils fuirent à nouveau le Kosovo et, le 17 octobre 2003, demandèrent l'asile en Hongrie. Le 17 décembre 2003, les autorités nationales hongroises accueillirent leur demande en raison de l'instabilité et de l'insécurité régnant au Kosovo.
GRIEFS
2.  Les requérants se plaignent d'avoir été victimes d'une expulsion collective contraire à l'article 4 du Protocole no 4, les autorités internes ayant rendu une seule décision pour eux deux sans procéder à un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun.
EN DROIT
2.  Sur le terrain de l'article 4 du Protocole no 4, les requérants se plaignent d'avoir été victimes d'une expulsion collective, les autorités internes ayant rendu une seule décision pour eux deux sans procéder à un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun. L'article 4 du Protocole no 4 dispose :
« Les expulsions collectives d'étrangers sont interdites. »
Selon la Cour, par expulsion collective il faut entendre toute mesure contraignant des étrangers, en tant que groupe, à quitter un pays, sauf dans le cas où une telle mesure est prise sur la base d'un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun des étrangers qui forment le groupe. En outre, le fait que plusieurs étrangers reçoivent, en matière d'expulsion, des décisions semblables ne permet pas de conclure à une expulsion collective lorsque chaque intéressé a eu la possibilité, individuellement, de faire valoir devant les autorités compétentes les arguments qui s'opposaient à son expulsion (A. et autres c. Pays-Bas, no 14209/88, décision de la Commission du 16 décembre 1988, Décisions et rapports 59, p. 274).
En l'espèce, le simple fait que les autorités nationales aient rendu une décision unique pour les deux requérants, qui étaient mari et femme, découle de la conduite même de ceux-ci : ils sont entrés ensemble sur le territoire de l'Etat défendeur ; ils ont déposé une demande d'asile conjointe en invoquant les mêmes motifs ; ils ont produit les mêmes éléments de preuve à l'appui de leurs allégations ; ils ont formé des recours conjoints devant la commission d'appel du gouvernement et devant la Cour suprême ; enfin, les autorités ont évalué les risques que comportait une expulsion pour les intéressés ensemble.
Dans ces circonstances, la Cour considère que l'expulsion des requérants ne présente aucune apparence d'expulsion collective au sens de l'article 4 du Protocole no 4.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention.
DÉCISION BERISHA ET HALJITI c. « EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE »
DÉCISION BERISHA ET HALJITI c. « EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE » 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 18670/03
Date de la décision : 16/06/2005
Type d'affaire : Décision (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 34) VICTIME, (Art. 35-1) EPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES, (Art. 35-3) RATIONE PERSONAE, (Art. 6) PROCEDURE D'EXECUTION, (Art. 6-1) DELAI RAISONNABLE, (P1-1-1) BIENS


Parties
Demandeurs : BERISHA ET HALJITI
Défendeurs : MACEDOINE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2005-06-16;18670.03 ?
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