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02/02/2006 | CEDH | N°18324/03

CEDH | TZOULIAS c. GRECE


PREMIÈRE SECTION
DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 18324/03  présentée par Ilias TZOULIAS  contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 2 février 2006 en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,    C.L. Rozakis,   Mmes F. Tulkens,    E. Steiner,   MM. K. Hajiyev,    D. Spielmann,    S.E. Jebens, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 4 juin 2002,
Vu la décision de la Cour

de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fo...

PREMIÈRE SECTION
DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 18324/03  présentée par Ilias TZOULIAS  contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 2 février 2006 en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,    C.L. Rozakis,   Mmes F. Tulkens,    E. Steiner,   MM. K. Hajiyev,    D. Spielmann,    S.E. Jebens, juges,  et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 4 juin 2002,
Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,
Vu la décision partielle du 28 octobre 2004,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Ilias Tzoulias, est un ressortissant grec né en 1924 et résidant à Neapoli Lakonias. Il est représenté devant la Cour par Me V. Foundoukos, avocat à Athènes. Le gouvernement défendeur est représenté par les délégués de son agent, M. S. Spyropoulos, assesseur auprès du Conseil Juridique de l’Etat et Mme Z. Hatzipavlou, auditrice auprès du Conseil Juridique de l’Etat.
A.  Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 22 septembre 1986, un incendie, provoqué par des pylônes d’électricité, survint sur un terrain d’une superficie de 15 000 mètres carrés appartenant au requérant et sur lequel ce dernier avait planté un certain nombre d’arbres qui furent ainsi détruits.
Le 1er novembre 1991, le requérant saisit le tribunal de première instance d’Athènes d’une action tendant à la condamnation de l’Entreprise Publique d’Electricité (« DEI ») à lui verser diverses sommes à titre d’indemnisation pour la destruction de sa propriété suite à l’incendie en cause.
Les 20 janvier et 15 mai 1992, l’audience fut ajournée à la demande des parties. Une nouvelle date d’audience fut fixée au 18 novembre 1992, mais à cette date celle-ci fut à nouveau ajournée en raison de la grève des avocats du barreau d’Athènes. Le 17 juin 1996, la DEI demanda la fixation d’une nouvelle date d’audience. Celle-ci fut fixée au 29 octobre 1997, mais fut reportée à cette date en raison d’une demande de récusation déposée par le requérant contre un magistrat. Le 14 mai 1998, cette demande fut déclarée irrecevable.
Après un ajournement dû à une grève du personnel du tribunal de première instance d’Athènes, l’audience eut lieu le 1er juin 1999.
Le 30 juillet 1999, le tribunal de première instance d’Athènes rejeta la demande du requérant (décision no 3478/1999).
Le 28 juin 2000, le requérant interjeta appel de cette décision. L’audience eut lieu le 26 janvier 2001.
Le 1er août 2001, la cour d’appel d’Athènes confirma la décision attaquée (arrêt no 7491/2001). La DEI obtint copie certifiée conforme de cet arrêt le 5 octobre 2001 et la notifia au requérant le 18 décembre 2001.
B.  Le droit interne pertinent
Les dispositions pertinentes du code de procédure civile se lisent ainsi :
Article 106
« Le tribunal agit uniquement à la demande d’une partie et décide sur la base des allégations soulevées par les parties (...) »
Article 108
« Les actes de procédure ont lieu à l’initiative et à la diligence des parties (...) »
Les articles susmentionnés consacrent respectivement les principes de la disposition de l’instance (αρχή διαθέσεως) et de l’initiative des parties (αρχή πρωτοβουλίας των διαδίκων). Selon le principe de la disposition de l’instance, la protection judiciaire dans le cadre des litiges civils est accordée seulement si elle est demandée par les parties, dans la mesure où elle l’est et si elle continue à l’être. Par ailleurs, selon le principe de l’initiative des parties, le progrès d’une procédure civile dépend entièrement de la diligence des parties (P. Yessiou-Faltsi, Civil Procedure in Hellas, éd. Sakkoulas-Kluwer, p. 45 et suiv.).
Article 310
« 1. Les décisions sont notifiées à l’initiative des parties (...) »
GRIEF
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure.
EN DROIT
Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
La période à considérer a débuté le 1er novembre 1991, avec la saisine du tribunal de première instance d’Athènes et s’est terminée le 1er août 2001, avec l’arrêt no 7491/2001 de la cour d’appel d’Athènes. Elle a donc duré neuf ans et neuf mois pour deux degrés de juridiction.
Le Gouvernement affirme, à titre principal, que la requête est tardive. Il soutient que l’arrêt no 7491/2001 de la cour d’appel d’Athènes, « décision interne définitive » selon l’article 35 § 1 de la Convention, a été publié le 1er août 2001. Le Gouvernement relève que le requérant se plaint en l’espèce uniquement de la durée de la procédure litigieuse, grief qui ne concerne pas le contenu de l’arrêt no 7491/2001 de la cour d’appel d’Athènes. Partant, le 1er août 2001, date à laquelle la cour d’appel d’Athènes publia la décision interne définitive, doit être retenu en tant que dies ad quem et non pas la date à laquelle le requérant aurait eu connaissance du contenu dudit arrêt. Au demeurant, le Gouvernement estime que la requête a été introduite tardivement, même si la Cour calcule le délai de six mois à partir du 5 octobre 2001, date à laquelle l’arrêt no 7491/2001 fut mis au net et certifié conforme. Alternativement, le Gouvernement affirme que la requête est dénuée de fondement.
Le requérant rétorque que le délai de six mois a commencé à courir à partir du 18 décembre 2001, date à laquelle la DEI lui notifia l’arrêt no 7491/2001.
La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie d’une affaire que « dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive ». Par ailleurs, aux termes du paragraphe 4 du même article, elle peut rejeter toute requête qu’elle considère comme irrecevable par application dudit article « à tout stade de la procédure ».
La Cour rappelle en effet que cette règle, qui reflète le souhait des Parties contractantes de ne pas voir remettre en cause des décisions anciennes après un délai indéfini, sert les intérêts non seulement du Gouvernement mais aussi de la sécurité juridique en tant que valeur intrinsèque (voir De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, arrêt du 28 mai 1970, série A no 12, pp. 29-30, § 50), tout en répondant également au besoin de laisser à l’intéressé un délai de réflexion suffisant pour lui permettre d’apprécier l’opportunité de présenter une requête à la Cour et pour en définir le contenu (Iordache c. Roumanie (déc.), no 55092/00, 23 mars 2004). Elle marque ainsi la limite temporelle du contrôle effectué par la Cour et indique aux particuliers comme aux autorités la période au-delà de laquelle ce contrôle ne s’exerce plus (Kadiķis c. Lettonie (no 2) (déc.), no 62393/00, 25 septembre 2003).
La Cour a déjà jugé que lorsque le requérant est en droit de se voir signifier d’office une copie de la décision interne définitive, il est plus conforme à l’objet de cette disposition de considérer que le délai de six mois commence à courir à compter de la date de la signification de la copie de la décision (voir, notamment, Worm c. Autriche, arrêt du 29 août 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-V, p. 1547, § 33) et que lorsque la signification n’est pas prévue en droit interne, il convient de prendre en considération la date de la mise au net de la décision, date à partir de laquelle les parties peuvent réellement prendre connaissance de son contenu (Papachelas c. Grèce [GC], no 31423/96, § 30, CEDH 1999-II).
En l’occurrence, la Cour rappelle que l’arrêt no 7491/2001 de la cour d’appel d’Athènes a été rendu public le 1er août 2001. La DEI en obtint copie certifiée conforme le 5 octobre 2001 et la notifia au requérant le 18 décembre 2001. La Cour note que l’article 310 § 1 du code de procédure civile consacre les principes de la disposition de l’instance et de l’initiative des parties régissant le déroulement de la procédure devant les juridictions civiles (voir ci-dessous Le droit interne pertinent). Partant, la Cour doit prendre en considération en tant que dies ad quem la date de la mise au net de l’arrêt no 7491/2001, car à partir de cette date les parties pouvaient réellement prendre connaissance de son contenu. Or, il ressort du dossier que le 5 octobre 2001, la DEI a obtenu une copie certifiée de l’arrêt no 7491/2001, ce qui signifie que cet arrêt était, au plus tard, accessible aux parties à cette date. Le fait que cet arrêt ait été notifié au requérant le 18 décembre 2001 est un événement fortuit qui dépendait uniquement de l’initiative de son adversaire et qui n’est pas susceptible d’avoir des conséquences sur la date à partir de laquelle le délai de six mois a commencé à courir. Partant, la Cour retient en l’espèce le 5 octobre 2001 en tant que dies ad quem pour le calcul du délai de six mois.
La Cour note que le requérant l’a saisie le 4 juin 2002, à savoir presque huit mois après le 5 octobre 2001, sachant que, dès le 5 octobre 2001, l’arrêt no 7491/2001 lui était accessible. La Cour considère qu’il incombait au requérant, qui était l’appelant dans la procédure devant la cour d’appel et qui était représenté par un avocat, de faire preuve de diligence et d’obtenir copie de l’arrêt pour pouvoir la saisir dans les six mois.
Il s’ensuit que la requête est tardive doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Décide de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention et déclare le restant de la requête irrecevable.
Søren Nielsen Loukis Loucaides    Greffier Président
DÉCISION TZOULIAS c. GRÈCE
DÉCISION TZOULIAS c. GRÈCE 


Type d'affaire : Décision (Finale)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) PROCEDURE CONTRADICTOIRE


Parties
Demandeurs : TZOULIAS
Défendeurs : GRECE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Formation : Cour (deuxième section)
Date de la décision : 02/02/2006
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18324/03
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2006-02-02;18324.03 ?
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