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07/02/2006 | CEDH | N°75946/01

CEDH | AFFAIRE HALIS DOGAN c. TURQUIE


DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE HALİS DOĞAN c. TURQUIE
(Requête no 75946/01)
ARRÊT
STRASBOURG
7 février 2006
DÉFINITIF
07/05/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Halis Doğan c. Turquie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,    A.B. Baka,    I. Cabral Barreto,    R. Türmen,    V. Butkevych

,   Mme D. Jočienė,   MM. D. Popović, juges,  et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en...

DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE HALİS DOĞAN c. TURQUIE
(Requête no 75946/01)
ARRÊT
STRASBOURG
7 février 2006
DÉFINITIF
07/05/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Halis Doğan c. Turquie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,    A.B. Baka,    I. Cabral Barreto,    R. Türmen,    V. Butkevych,   Mme D. Jočienė,   MM. D. Popović, juges,  et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 janvier 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 75946/01) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Halis Doğan (« le requérant »), a saisi la Cour le 5 octobre 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, est représenté par Me İ. Bilmez, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent aux fins de la procédure devant la Cour.
3.  Le 18 avril 2002, la Cour (troisième section) a décidé de communiquer la requête au Gouvernement.
4.  Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la deuxième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
5.  Le 8 mars 2005, se prévalant des dispositions de l’article 29 § 3, la Cour a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6.  Le requérant est né en 1944 et réside à Istanbul. A l’époque des faits, il était propriétaire du journal Özgür Bakış.
7.  Le 2 février 2000, le procureur de la République d’Istanbul demanda la saisie du numéro spécial intitulé « Les Kurdes de l’an 1900 à l’an 2000, album chronologique », vendu en complément du journal Özgür Bakış.
8.  Le même jour, en application de l’article 2 additionnel à la loi no 5680 sur la presse, la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul ordonna la saisie du numéro spécial incriminé. Dans ses motifs, la cour indiqua que ce numéro spécial faisait de la propagande séparatiste en raison des articles dont certains passages peuvent se traduire ainsi :
« [Le coup d’Etat du] 12 septembre a donné le coup de grâce aux Kurdes »  (page 56)
« Le 12 septembre 1980, le troisième coup d’Etat a eu lieu. Les dirigeants du coup d’Etat ont mis toute la Turquie dans un cercle grave d’oppression, les interdits et oppressions se sont multipliés dans la région kurde (...) En outre, la langue kurde a été officiellement interdite pendant cette période ; le fait d’écouter de la musique kurde et de porter des habits nationaux kurdes a été même considéré comme un « délit ». Même les personnes ayant parlé le kurde ont été mises en garde à vue (...) »
« La nouvelle ère »  (page 62)
« Le 15 août 1984, environ 30 guérilleros du PKK1 ont attaqué simultanément les circonscriptions d’Eruh (Siirt) et de Şemdinli (Hakkari). Ayant pour cible les postes de police et les logements militaires, les membres du PKK se sont retirés des lieux après avoir pris le contrôle de toutes les deux circonscriptions pendant un certain temps et fait de la propagande. Cette date allait s’inscrire dans l’histoire comme le jour du commencement de la lutte armée du PKK (« la guerre populaire de longue durée »). Le PKK allait commémorer tous les 15 août suivants comme « le jour de la première balle/le jour du commencement de la lutte armée ». A partir de ce jour, et la Turquie et le problème kurde entraient dans une nouvelle ère (...) Entre temps, de grands bonds de conscience kurde ont été enregistrés. Une série d’institutions et d’organes de publications kurdes ont émergé. Alors que le calendrier montrait le 2 août, jour où le leader du PKK, détenu à İmralı, faisait connaître sa décision et son appel à « l’abandon de la lutte armée » et à la « République démocratique », le problème kurde en Turquie était l’un des points essentiels de l’ordre du jour de la Turquie, ainsi que de la région (...) »
« Les Kurdes du XXe siècle au XXIe siècle »  (page 96)
« (...) Une grande partie de cette histoire c’est de la négation, de la destruction, de l’oppression ou bien de la rébellion. Pourquoi gagnons nous la montagne ? Pour protéger notre identité, notre culture, notre dignité. Maintenant nous disons « Ô l’Etat, si tu reconnais notre identité, notre culture, notre dignité, nous resterons ensemble ».
« Les kurdes sont une des composantes constituantes de la création de la République. Il existe un aveuglement à ce sujet. (...) Il faut discuter, non pas les droits des minorités, la nationalité constitutionnelle d’une composante constituante et les droits de la nationalité sur ce fondement. (...) »
« Si l’Etat s’obstine sur la destruction et la négation, et persiste dans la provocation, on ira vers un processus comme en 1984, voire plus radical. S’il y a des approches destructrices, il y a également le droit de la légitime défense contre cela. Nous mourrons en dignité alors. Et moi, et ceux qui sont à la montagne, et vous. Nous dirons « l’espoir est dans les montagnes » alors. Et ceux qui sont à la montagne se défendront. (...) »
« Pour la transformation, le langage ne doit pas être celui de la violence, mais celui de l’évolution démocratique. (...) »
« Un résumé d’analyse concernant le XXe siècle »  (page 100)
« Le XXe siècle a également des particularités pour le peuple kurde. Dès le début de ce siècle, le mouvement kurde a atteint un niveau intellectuel. Au début de ce siècle, les scientifiques et intellectuels kurdes, notamment à Istanbul, ont commencé à fonder divers organismes et associations afin de développer la culture kurde et propager la conscience nationale.
A la suite de la première guerre mondiale, les Kurdes ont saisi une opportunité importante pour accéder à leur libération. Mais ils ont raté cette opportunité en raison, d’une part, de la faiblesse du mouvement politique kurde et, d’autre part, des intérêts des forces colonisatrices sur la région.
Dans les années 70, les mouvements kurdes, notamment le PKK, ont fait de nombreuses nouvelles choses. (...) »
9.  Le 3 février 2000, deux agents de police se rendirent dans le bureau du journal Özgür Bakış afin de notifier l’ordonnance de saisie. Le procès-verbal établi le même jour à 14 h 30 releva que la société chargée de la distribution avait déjà distribué les douze mille exemplaires du numéro spécial. Ils ne procédèrent à aucune saisie.
10.  Le 4 février 2000, le requérant introduisit un recours contre la décision de saisie devant la cour de sûreté de l’Etat. Cette dernière rejeta le recours le 7 février 2000.
11.  Par un acte d’accusation présenté le 16 février 2000, en application des articles 8 §§ 1 et 3 de la loi no 3713 et 36 du code pénal, et en se fondant sur les motifs de la cour de sûreté de l’Etat, le procureur de la République intenta une action pénale à l’encontre du requérant en demandant la confiscation du numéro incriminé.
12.  Par un arrêt du 8 décembre 2000, la cour de sûreté de l’Etat condamna le requérant, en application de l’article 8 § 3 de la loi no 3713, à une peine d’emprisonnement de six mois et à une amende de 1 216 800 000 livres turques (TRL). En application de l’article 16 de la loi no 5680, elle commua la peine d’emprisonnement en une amende de 547 560 000 TRL. Toutes peines confondues, elle le condamna à une amende de 1 764 360 000 TRL pour avoir fait de la propagande séparatiste visant à perturber l’unité indivisible du territoire et de la nation de l’Etat de la République turque. Se référant à certains articles publiés aux pages 56, 62, 96 et 100 du numéro incriminé, la cour considéra que :
– dans l’article intitulé « [Le coup d’Etat du] 12 septembre a donné le coup de grâce aux Kurdes », à la page 56, dont l’auteur est Zeynel Abidin Kzılyaprak, la population vivant sur une partie du territoire de l’Etat de la République turque, qui a un caractère indivisible avec son territoire et sa nation, était relatée comme étant le peuple kurde et la région considérée comme la géographie kurde ; il avait été accentué que la langue kurde avait été interdite et que le fait d’écouter de la musique kurde et de porter des habits nationaux kurdes avait été même considéré comme un délit ;
– dans l’article intitulé « La nouvelle ère », à la page 62, dont l’auteur est Zeynel Abidin Kzılyaprak, étaient publiés le calendrier des opérations du PKK, organisation illégale terroriste et séparatiste, contre l’Etat depuis le commencement de sa lutte le 15 août 1984, ainsi que des informations à ce sujet ; le problème kurde était relaté et il avait été accentué que le mouvement national kurde avait commencé avec ces opérations ;
– dans l’article intitulé « Les Kurdes du XXe siècle au XXIe siècle », à la page 96, dont l’auteur est Abdullah Öcalan, il avait été accentué que les Kurdes avaient gagné les montagnes pour protéger leur identité et leur dignité ; les Kurdes étaient considérés comme une minorité alors qu’ils avaient eu un rôle de composante à la création de la République, leurs culture et langue étaient interdites ; les Kurdes étaient considérés comme s’ils constituaient une nation à part ;
– dans l’article intitulé « Un résumé d’analyse concernant le XXe siècle », à la page 100, dont l’auteur est Turabi Yazar, les Kurdes étaient considérés comme s’ils constituaient une nation à part ; il avait été accentué qu’ils avaient fondé divers organismes et associations afin de développer la culture kurde et propager la conscience nationale ; la géographie kurde avait été divisée et les forces colonisatrices y régnaient ; ils n’avaient pas accédé aux droits nationaux et aux droits de l’homme ; les langues et folklores du Kurdistan étaient interdites.
13.  Le 10 janvier 2001, le requérant forma un pourvoi en cassation.
14.  Le 2 mars 2001, le procureur général près la Cour de cassation présenta son avis sur le fond du recours. Dans son avis écrit (tebliğname) à la neuvième chambre criminelle de la Cour de cassation, il déclara qu’eu égard à la procédure de première instance, aux éléments de preuve réunis, à l’objet de la demande et au pouvoir discrétionnaire de la première juridiction, l’arrêt rendu par la cour de sûreté de l’Etat devait être confirmé. Cet avis ne fut pas communiqué au requérant.
15.  Le 10 avril 2001, la Cour de cassation confirma l’arrêt attaqué.
II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
16.  Le droit et la pratique internes pertinents en vigueur à l’époque des faits sont décrits dans les affaires İbrahim Aksoy c. Turquie (nos 28635/95, 30171/96 et 34535/97, §§ 41-42, 10 octobre 2000), Özel c. Turquie (no 42739/98, §§ 20-21, 7 novembre 2002), Göç c. Turquie ([GC], no 36590/97, § 34, CEDH 2002-V), et Tosun c. Turquie ((déc.), no 4124/02, 13 septembre 2005).
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
17.  Le requérant se plaint de l’iniquité de la procédure dans la mesure où il n’a pas pu se défendre ni administrer d’éléments de preuve. Il allègue en outre que le principe de présomption d’innocence a été méconnu. En dernier lieu, il se plaint du manque d’équité dans la procédure devant la Cour de cassation, dans la mesure où il n’a jamais eu la possibilité de répondre à l’avis écrit que le procureur général avait soumis à la Cour de cassation sur le fond de son pourvoi. Il y voit une violation de l’article 6 §§ 1, 2 et 3 de la Convention qui, en ses parties pertinentes, se lit ainsi :
« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)
2.  Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3.  Tout accusé a droit notamment à :
c)  se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
A.  Sur la recevabilité
1.  Sur l’indépendance et l’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat et la présomption d’innocence
18.  La Cour note qu’eu égard à la formulation des griefs, le requérant n’apporte aucune précision et son argumentation apparaît en ce sens nullement étayée. L’intéressé critique en réalité l’application du droit interne par les autorités nationales. La Cour, qui ne relève aucun arbitraire dans la procédure suivie, ne voit pas de raison de remettre en cause, en l’espèce, l’appréciation des juridictions nationales, à qui il incombe au premier chef d’interpréter leur compétence et d’appliquer le droit interne (voir Fabre c. France, no 69225/01, § 21, 2 novembre 2004 et Tosun, décision précitée).
Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2.  Sur la non-communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation
19.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
20.  La Cour rappelle avoir examiné un grief identique à celui présenté par le requérant et avoir conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention du fait de la non-communication de l’avis du procureur général, compte tenu de la nature des observations de celui-ci et de l’impossibilité pour un justiciable d’y répondre par écrit (voir Göç, précité, § 55, et Abdullah Aydın c. Turquie (no 2), no 63739/00, § 30, 10 novembre 2005).
21.  La Cour a examiné la présente affaire et considère que le Gouvernement n’a fourni aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent.
22.  Partant, l’article 6 § 1 de la Convention a été violé en l’espèce.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION
23.  Le requérant soutient que sa condamnation au pénal a enfreint son droit à la liberté de pensée et d’expression. A cet égard, il fait valoir que les autorités nationales ont méconnu son droit de recevoir et de communiquer, de publier et de divulguer des informations et des idées, en particulier celles relatives à une minorité ethnique. Il invoque les articles 9 et 10, lu isolément ou combiné avec l’article 14, ainsi que les articles 17 et 18 de la Convention. La Cour décide d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 10, ainsi libellé en sa partie pertinente :
« 1.  Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. (...)
2.  L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, (...) »
24.  Le requérant prétend que l’ouvrage en question est une œuvre scientifique qui contient des informations concernant les événements politiques, sociaux et culturels que les Kurdes ont vécus pendant le vingtième siècle. La publication de cet ouvrage avait pour but d’informer l’opinion publique sur lesdits événements. Le public ne doit pas se limiter aux seules informations qui lui sont transmises sur autorisation des autorités officielles de l’Etat ou bien aux informations approuvées ou considérées comme adéquates pour le public par l’Etat. Il s’agit là d’un principe fondamental d’une société démocratique. En tant que propriétaire d’un journal, publié légalement, l’intéressé ne doit pas être tenu responsable des articles publiés.
25.  Il affirme qu’à l’époque ou à la suite de la publication de cet ouvrage, aucun acte terroriste ou action violente n’a été commis par le PKK ou ses partisans. La publication de l’ouvrage n’a aucunement constitué un appui au terrorisme.
26.  Le requérant soutient que sa peine est disproportionnée bien qu’elle ait été commuée en une amende. En tant que propriétaire du journal, il a déjà été condamné à d’autres amendes qu’il n’a pas pu régularisées, et finalement celles-ci ont été converties en peines de prison.
27.  Le Gouvernement constate que les juridictions internes ont condamné le requérant en raison de propos faisant l’apologie du séparatisme. Sa condamnation était conforme au deuxième paragraphe de l’article 10 de la Convention, lequel permet de telles mesures lorsqu’il s’agit du maintien de la sécurité nationale, de la protection de l’intégrité territoriale et de la sûreté publique.
28.  Se référant à la jurisprudence de la Cour en la matière, il rappelle que certains propos peuvent s’analyser en un appel à une vengeance sanglante car ils réveillent des instincts primaires et renforcent des préjugés déjà ancrés qui se sont exprimés à travers une violence meurtrière. Il explique que, pris dans leur ensemble, les propos incriminés ont pour but de faire la propagande des activités terroristes du PKK en les présentant comme un moyen légitime pour accéder à l’indépendance nationale des Kurdes. Le fait de provoquer la mort de milliers de citoyens y est présenté comme une nécessité pour atteindre le but final.
29.  Pour le Gouvernement, l’ingérence avait pour but de décourager de manière ferme la promotion de concepts dangereux contraires aux principes consacrés par la Convention. Les propos exprimés avaient l’intention de faire la propagande du PKK dans une situation sociale délicate et sensible, voire explosive. Eu égard à l’ensemble du texte, la propagande consistait en la propagation de la violence, du terrorisme, de la guerre et du sang. Se référant à la jurisprudence Zana c. Turquie (arrêt du 25 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII), il explique que le même raisonnement doit s’appliquer dans cette affaire.
30.  En ce qui concerne la peine infligée au requérant, le Gouvernement soutient qu’elle était appropriée et proportionnelle au but poursuivi.
31.  La Cour note qu’il ne prête pas à controverse entre les parties que la condamnation au pénal du requérant constituait une ingérence dans son droit à la liberté d’expression, protégé par l’article 10 § 1. Il n’est pas davantage contesté que l’ingérence était prévue par la loi – l’article 8 § 3 de la loi no 3713 – et poursuivait plusieurs buts légitimes, à savoir le maintien de la sécurité nationale et la protection de l’intégrité territoriale ainsi que la défense de l’ordre et la prévention du crime, au sens de l’article 10 § 2 (voir Baran c. Turquie, no 48988/99, § 26, 10 novembre 2004). La Cour souscrit à cette appréciation.
32.  En l’occurrence, le différend concerne la question de savoir si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ». La Cour rappelle les principes fondamentaux qui se dégagent de sa jurisprudence relative à l’article 10, tels qu’elle les a exposés notamment dans les arrêts Yalçın Küçük c. Turquie (no 28493/95, § 37, 5 décembre 2002), Zana, précité (pp. 2547-2548, § 51) et Sunday Times c. Royaume-Uni (no 1) (26 avril 1979, série A no 30, p. 38, § 62), ainsi que dans la décision Tosun précitée.
33.  La Cour constate que le requérant a été condamné, en sa qualité de propriétaire du journal Özgür Bakış, pour avoir fait de la propagande séparatiste par voie de presse, en raison de la publication d’articles dans le numéro spécial du quotidien intitulé « Les Kurdes de l’an 1900 à l’an 2000, album chronologique », où les points de vue concernant la lutte armée du PKK étaient relatés, entre autres, par Abdullah Öcalan. Elle rappelle que l’ingérence en cause doit être examinée en ayant égard au rôle essentiel des publications de la presse, en l’occurrence le numéro spécial d’un quotidien, qui portent sur un sujet d’actualité dans une démocratie (voir, parmi d’autres, Yalçın Küçük, précité, § 38, Okçuoğlu c. Turquie [GC], no 24246/94, § 44, 8 juillet 1999, Sürek c. Turquie (no 4) [GC], no 24762/94, § 54, 8 juillet 1999, Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 103, p. 26, § 41, et Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 45, CEDH 1999-I). Si la presse ne doit pas franchir les bornes fixées en vue, notamment, de la protection des intérêts vitaux de l’Etat, telles la sécurité nationale ou l’intégrité territoriale, contre la menace du terrorisme, ou en vue de la défense de l’ordre ou de la prévention du crime, il lui incombe néanmoins de communiquer des informations et des idées sur des questions politiques, y compris sur celles qui divisent l’opinion. A sa fonction qui consiste à en diffuser s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir. La liberté de recevoir des informations ou des idées fournit à l’opinion publique l’un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et attitudes des dirigeants (voir, mutatis mutandis, Lingens, précité, p. 46, §§ 41-42).
34.  Dans le cas d’espèce, la Cour portera une attention particulière aux termes employés dans les articles et au contexte de leur publication. A cet égard, elle tient compte des circonstances entourant le cas soumis à son examen, en particulier des difficultés liées à la lutte contre le terrorisme (voir İbrahim Aksoy c. Turquie, nos 28635/95, 30171/96 et 34535/97, § 60, 10 octobre 2000, et Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1568, § 58).
35.  A travers les articles en question, le journal permet à quatre auteurs, y compris Abdullah Öcalan, de donner leurs points de vue concernant, entre autres, le recours à la lutte armée par le PKK. Sortis de leur contexte, certains propos exprimés par les auteurs peuvent apparaître comme des constats des événements sociaux, culturels et historiques ou des discours appelant à la paix et à la résolution du problème kurde. Toutefois, la Cour relève la nette intention de stigmatiser l’autre protagoniste au conflit par l’emploi d’expressions telles que :
–  page 96 du numéro spécial – article d’Abdullah Öcalan :
« (...) Une grande partie de cette histoire c’est de la négation, de la destruction, de l’oppression ou bien de la rébellion. Pourquoi gagnons nous la montagne ? Pour protéger notre identité, notre culture, notre dignité. Maintenant nous disons « Ô l’Etat, si tu reconnais notre identité, notre culture, notre dignité, nous resterons ensemble ».
–  page 62 du numéro spécial – article de Zeynel Abidin Kzılyaprak :
« Le 15 août 1984, environ 30 guérilleros du PKK ont attaqué simultanément les circonscriptions d’Eruh (Siirt) et de Şemdinli (Hakkari). Ayant pour cible les postes de police et les logements militaires, les membres du PKK se sont retirés des lieux après avoir pris le contrôle de toutes les deux circonscriptions pendant un certain temps et fait de la propagande. Cette date allait s’inscrire dans l’histoire comme le jour du commencement de la lutte armée du PKK (« la guerre populaire de longue durée »). Le PKK allait commémorer tous les 15 août suivants comme « le jour de la première balle/le jour du commencement de la lutte armée ». A partir de ce jour, et la Turquie et le problème kurde entraient dans une nouvelle ère (...) »
De fait, dans l’ensemble, la teneur des articles peut passer pour inciter à l’usage de la violence, à la résistance armée ou au soulèvement ; c’est là, aux yeux de la Cour, un élément essentiel à prendre en considération (voir, mutatis mutandis, Müslüm Gündüz c. Turquie (déc.), no 59745/01, 13 novembre 2003, et Zana, précité, § 60).
36.  Il convient en outre de noter que l’un des auteurs des propos, Abdullah Öcalan, rappelle la situation ayant régné dans le passé en menaçant d’une reprise de la lutte armée, d’une manière plus radicale :
« Si l’Etat s’obstine sur la destruction et la négation, et persiste dans la provocation, on ira vers un processus comme en 1984, voire plus radical. S’il y a des approches destructrices, il y a également le droit de la légitime défense contre cela. Nous mourrons en dignité alors. Et moi, et ceux qui sont à la montagne, et vous. Nous dirons « l’espoir est dans les montagnes » alors. Et ceux qui sont à la montagne se défendront. (...) »
37.  Il est clair pour la Cour que les articles litigieux s’analysent en une apologie de la violence meurtrière et en un appel à la guerre ou, pour le moins, à la reprise des actions armées. Les articles s’associent aux idées du PKK et lancent un appel à l’emploi de la force armée contre l’Etat turc. Les propos exprimés réveillent des instincts primaires et renforcent des préjugés déjà ancrés qui se sont exprimés au travers d’une violence meurtrière. Or, la Cour a conscience des préoccupations des autorités au sujet de mots ou d’actes susceptibles d’aggraver la situation régnant en matière de sécurité dans la région du Sud-Est où, depuis 1985 environ, de graves troubles faisaient rage entre les forces de sécurité et les membres du PKK, ayant entraîné de nombreuses pertes humaines et la proclamation de l’état d’urgence dans la plus grande partie de la région (Zana, précité, p. 2539, § 10). Dans ce contexte, le lecteur retire l’impression que le recours à la violence est une mesure d’autodéfense nécessaire et justifiée face à l’agresseur (voir Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95, § 62, CEDH 1999-IV et Sürek c. Turquie (no 3) [GC], no 24735/94, § 40, 8 juillet 1999).
38.  La Cour note que les propos incriminés, notamment ceux menaçant d’une reprise de la lutte armée, émanent du chef du PKK, Abdullah Öcalan. Dans un pareil contexte, force est de constater que les articles étaient susceptibles de favoriser la violence dans la région du Sud-Est. Dans cette perspective, la Cour juge que les motifs de la condamnation du requérant étaient tous à la fois pertinents et suffisants pour justifier une ingérence dans le droit de l’intéressé à la liberté d’expression. En l’espèce, il s’agit d’une apologie de la violence.
39.  S’il est vrai que le requérant ne s’est pas personnellement associé aux opinions exprimées dans les articles, il n’en a pas moins fourni à leurs auteurs un support pour attiser la violence et la haine. La Cour ne souscrit pas à l’argument de l’intéressé selon lequel il aurait dû être exonéré de toute responsabilité pénale pour le contenu des articles du fait qu’il n’en était pas l’auteur. En sa qualité de propriétaire du journal, il partageait les « devoirs et responsabilités » qu’assument les rédacteurs et journalistes lors de la collecte et de la diffusion d’informations auprès du public, rôle qui revêt une importance accrue en situation de conflit et de tension (Sürek (no 1), précité, § 63, Betty Purcell et autres c. Irlande, no 15404/89, décision de la Commission du 16 avril 1991, et Tosun, décision précitée).
40.  Dans ce contexte, la Cour conclut que la peine d’amende infligée au requérant en sa qualité de propriétaire du journal peut raisonnablement être considérée comme répondant à un « besoin social impérieux », et que les motifs avancés par les autorités pour justifier sa condamnation sont « pertinents et suffisants ».
41.  Eu égard à la marge d’appréciation dont jouissent les autorités nationales en pareil cas, l’ingérence litigieuse était donc proportionnée aux buts légitimes poursuivis, conformément à l’article 10 § 2 de la Convention. Il s’ensuit que le grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 7 DE LA CONVENTION
42.  Le requérant prétend que le numéro spécial du journal en question avait été publié conformément aux dispositions législatives en vigueur. Il soutient qu’il a été condamné pour une action qui ne constituait pas une infraction. D’ailleurs, la cour de sûreté de l’Etat n’a pas motivé son arrêt ou démontré qu’il s’agissait d’une infraction. Il invoque l’article 7 de la Convention, ainsi libellé :
« 1.  Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.
2.  Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées. »
43.  La Cour constate qu’en l’espèce, la décision de la saisie a été prise en application de l’article 2 additionnel à la loi no 5680 sur la presse et que le requérant a été condamné par la cour de sûreté de l’Etat pour des faits qui lui étaient reprochés sur le fondement de l’article 8 § 3 de la loi no 3713, en sa qualité de propriétaire du quotidien Özgür Bakış. Les dispositions de ces lois étaient en vigueur avant la publication du numéro spécial en cause, conformément au principe de la légalité des délits et des peines prévu par l’article 7 de la Convention (voir, a contrario, Ecer et Zeyrek c. Turquie, nos 29295/95 et 29363/95, §§ 34-35, CEDH 2001-II).
44.  Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
IV.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
45.  Le requérant soutient que la mesure de saisie et d’interdiction du numéro spécial vendu avec le quotidien Özgür Bakış lui a causé un préjudice matériel, dans la mesure où son but était de réaliser un profit commercial. Il invoque l’article 1 du Protocole no 1 combiné avec l’article 14 de la Convention. La Cour décide d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1 qui se lit comme suit :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
46.  La Cour relève que les douze mille exemplaires du numéro spécial en question avaient déjà été distribués lorsque les deux policiers se sont rendus dans les bureaux du journal aux fins de notification de l’ordonnance de saisie. Par conséquent, il n’a été procédé à aucune saisie (paragraphe 9 ci-dessus).
47.  Quant à l’interdiction de publier le numéro spécial, la Cour observe qu’elle est survenue a posteriori et n’a pu avoir aucun effet sur la distribution de ce numéro.
48.  Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejetée, conformément à l’article 35 § 4.
V.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
49.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
50.  Le requérant allègue avoir subi un préjudice matériel résultant des frais de publication qu’il évalue à 11 230 EUR.
51.  Il réclame en outre la réparation d’un dommage moral qu’il évalue également à 11 230 EUR.
52.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.
53.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée de l’article 6 § 1 de la Convention et le dommage matériel allégué. Par conséquent, elle rejette cette demande.
Quant au préjudice moral, selon sa jurisprudence constante dans les affaires analogues, elle estime qu’il est suffisamment réparé par le constat de violation de la Convention auquel elle parvient (voir Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France, arrêt du 31 mars 1998, Recueil 1998-II, p. 668, point 3 du dispositif final).
B.  Frais et dépens
54.  Le requérant demande 2 027 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour. Il ne fournit aucun justificatif.
55.  Le Gouvernement conteste ces prétentions.
56.  Au vu des diligences accomplies par l’avocat du requérant, et bien que ce dernier ne fournisse pas de note d’honoraires, la Cour, statuant en équité comme le veut l’article 41, accorde au requérant 1 000 EUR à ce titre, moins les 685 EUR perçus au titre de l’assistance judiciaire accordée par le Conseil de l’Europe.
C.  Intérêts moratoires
57.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de la non-communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation et irrecevable pour le surplus ;
2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes à convertir en nouvelles livres turques au taux applicable à la date du règlement :
i. 1 000 EUR (mille euros), moins les 685 EUR (six cent quatre-vingt cinq euros) perçus au titre de l’assistance judiciaire accordée par le Conseil de l’Europe, pour frais et dépens ;
ii.  plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 février 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
S. Dollé J.-P. Costa   Greffière Président
1.  Parti des Travailleurs du Kurdistan
ARRÊT HALİS DOĞAN c. TURQUIE
ARRÊT HALİS DOĞAN c. TURQUIE 


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section)
Numéro d'arrêt : 75946/01
Date de la décision : 07/02/2006
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE, (Art. 10-2) SECURITE NATIONALE, (Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE


Parties
Demandeurs : HALIS DOGAN
Défendeurs : TURQUIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2006-02-07;75946.01 ?
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