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21/02/2006 | CEDH | N°22771/04

CEDH | AFFAIRE CAMBAL c. REPUBLIQUE TCHEQUE


DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE CAMBAL c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
(Requête no 22771/04)
ARRÊT
STRASBOURG
21 février 2006
DÉFINITIF
21/05/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Cambal c. République tchèque,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,    I. Cabral Barreto,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,Â

    M. Ugrekhelidze,   Mmes A. Mularoni,    E. Fura-Sandström, juges,  et de M. S. Naismith, greffier adjoint de ...

DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE CAMBAL c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
(Requête no 22771/04)
ARRÊT
STRASBOURG
21 février 2006
DÉFINITIF
21/05/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Cambal c. République tchèque,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,    I. Cabral Barreto,    K. Jungwiert,    V. Butkevych,    M. Ugrekhelidze,   Mmes A. Mularoni,    E. Fura-Sandström, juges,  et de M. S. Naismith, greffier adjoint de section,  Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 31 janvier 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 22771/04) dirigée contre la République tchèque et dont un ressortissant de cet Etat, M. Pavel Cambal (« le requérant »), a saisi la Cour le 1er juin 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Le requérant est représenté par Me J. Josef, avocat au barreau tchèque. Le gouvernement tchèque (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. V.A. Schorm.
3.  Le 18 janvier 2005, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé qu’elle se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4.  Le requérant est né en 1964 et réside à Hodonín.
5.  L’intéressé et son épouse sont parents adoptifs d’une fille, née en 1998. A une date indéterminée en 2001, l’épouse du requérant quitta le domicile conjugal en emmenant l’enfant avec elle.
6.  Le 25 mai 2001, le requérant intenta auprès du tribunal de district (Okresní soud) de Hodonín une procédure relative à l’exercice de l’autorité parentale sur la mineure pour ce qui est de la période après le divorce. Son épouse demanda au tribunal de statuer sur cette question également pour ce qui est de la période avant le divorce.
7.  Les 11 et 12 juin 2001, les parents demandèrent chacun l’adoption d’une mesure provisoire par laquelle la garde de la mineure leur serait attribuée.
8.  Le 14 juin 2001, le tribunal adopta une mesure provisoire par laquelle il confia la garde de l’enfant à sa mère et ordonna au requérant de payer une pension alimentaire. Le tribunal régional (Krajský soud) de Brno confirma cette décision le 25 septembre 2001.
9.  Le 20 novembre 2001, le requérant précisa sa demande du 25 mai 2001 en invitant le tribunal à déterminer dans le jugement son droit de visite à l’égard de la mineure, alléguant que la mère l’empêchait de la voir.
10.  L’audience tenue le 10 avril 2002 sur le fond de l’affaire fut reportée aux fins de l’élaboration d’un rapport d’expertise ; le 30 avril 2002, le tribunal chargea une experte en psychiatrie de l’établir dans le délai de trente jours. Les 27 août et 30 septembre 2002, le tribunal relança l’élaboration du rapport, lequel lui fut soumis probablement en décembre 2002. Dans la mesure où l’experte ne recommanda pas le contact entre l’enfant et le requérant et suggéra que ce dernier subisse un examen sexologique, l’intéressé contesta ses conclusions et sollicita l’élaboration d’un rapport de révision.
11.  Le 18 décembre 2002, une experte en sexologie fut nommée ; son rapport, dans lequel elle recommanda d’accorder au requérant un droit de visite assez ample, parvint au tribunal le 26 mars 2003. En avril 2003, l’épouse du requérant émit des objections contre ce rapport, demanda sa révision et contesta, en vain, la décision sur la rémunération de l’experte.
12.  Le 31 mars 2003, le tribunal demanda à un troisième expert d’établir le rapport de révision, et désigna un nouveau tuteur à l’enfant.
13.  Le 1er octobre 2003, le requérant sollicita l’adoption d’une mesure provisoire par laquelle il se verrait attribuer la garde de l’enfant. Le tribunal le débouta le 8 octobre 2003, après avoir désigné à l’enfant un nouveau tuteur. Il releva que, tant que la procédure sur le fond était pendante et qu’il continuait à recueillir des preuves, il ne disposait pas d’une base suffisante pour pouvoir modifier la décision antérieure.
14.  Le 21 octobre 2003, le requérant invita le tribunal à soumettre le dossier à l’experte. Le 18 novembre 2003, celle-ci fit savoir au tribunal qu’en raison de sa surcharge de travail, elle ne pouvait s’occuper de l’affaire qu’en janvier 2004. Dans son rapport d’expertise, présenté le 16 février 2004, elle confirma la capacité éducative du requérant mais exprima des doutes quant à celle de la mère.
15.  Le 1er mars 2004, le requérant demanda que son droit de visite à l’égard de l’enfant soit déterminé par le biais d’une mesure provisoire. Il faisait valoir que selon le rapport d’expertise, l’absence de contact avec le père portait atteinte aux intérêts de la mineure.
Le 8 mars 2004, le tribunal accueillit la demande de l’intéressé et décida par une mesure provisoire que celui-ci avait droit de voir sa fille un week-end sur deux. La mère fit appel.
16.  A la suite de la lettre du requérant qui informait le tribunal du non-respect de la mesure provisoire par la mère, celle-ci se vit adresser, le 29 mars 2004, une sommation du tribunal l’avertissant des conséquences de son comportement.
17.  Après que le requérant porta à la connaissance du tribunal, les 5 et 20 avril 2004, qu’il n’avait pas pu réaliser son droit de visite, le tribunal demanda au tuteur de l’enfant, le 3 mai 2004, d’amener la mère à respecter sa décision.
18.  Le 12 mai 2004, l’avocate de la mère informa le tribunal que sa cliente respectait la mesure provisoire mais que c’était la mineure qui refusait de rejoindre le requérant.
19.  Le 27 mai 2004, le tribunal régional, saisi de l’appel de la mère interjeté contre la décision du 8 mars 2004, réduisit le droit de visite du requérant à un jour par semaine.
20.  Le 7 juin 2004, la mère de l’enfant sollicita la révision des rapports d’expertise établis jusqu’à lors.
21.  Entre les 13 mai et 4 novembre 2004, le requérant tenait le tribunal informé de la situation et réclamait la garde de la mineure. Son épouse s’opposa à ses allégations.
En conséquence, la juge requit la coopération de l’assistante sociale et des parties et, le 17 septembre 2004, elle s’entretint avec la mère qui fut appelée à coopérer avec un centre de consultation. La mère affirma, entre autres, que malgré ses explications et quelques rencontres réalisées en présence du tuteur (que le requérant ne souhaitait pas poursuivre), la mineure continuait à refuser tout contact avec son père.
22.  Le 2 décembre 2004, le tribunal reçut un rapport dudit centre de consultation, au sein duquel avait eu lieu, le 25 octobre 2004, une rencontre entre les parents et la mineure. Selon ce rapport, le requérant ne manifestait pas assez d’empathie et de compréhension pour les besoins de l’enfant, c’est pourquoi son contact avec l’enfant ne fut pas jugé favorable pour le développement de ce dernier.
23.  Le Gouvernement allègue que selon le rapport du tuteur daté du 10 décembre 2004, il n’y avait pas de défaillance dans les soins dispensés par la mère et le requérant n’avait pas contacté la mineure depuis la fin octobre 2004.
24.  L’audience du 13 décembre 2004, lors de laquelle les trois expertes furent entendues, fut reportée sine die aux fins de l’élaboration par un établissement d’une expertise révisée, sollicitée par les parties.
25.  Le 24 janvier 2005, le tribunal débouta le requérant de sa demande du 17 janvier 2005, par laquelle il tendait à se voir provisoirement attribuer la garde.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE
26.  Le requérant allègue que la durée de la procédure relative à l’exercice de l’autorité parentale a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
27.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
28.  La période à considérer a débuté le 25 mai 2001 et n’a pas encore pris fin. Elle a donc déjà duré quatre ans et huit mois pour une instance, sachant que la juridiction d’appel a été entre-temps amenée à statuer sur certaines questions accessoires.
A.  Sur la recevabilité
29.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.
B.  Sur le fond
30.  Admettant qu’elle présente un enjeu considérable pour le requérant, le Gouvernement note que la procédure litigieuse est complexe de par sa nature. En effet, susceptible d’avoir un impact considérable sur la vie des intéressés, la décision sur l’autorité parentale ne peut être adoptée qu’après un examen minutieux des intérêts, souvent contradictoires, des personnes concernées.
En l’occurrence, la durée globale de la procédure serait due en premier lieu à des tensions entre les parents et à leurs positions inconciliables, lesquelles mènent à un grand nombre de différentes demandes, objections et recours introduits par ceux-ci. Pour déterminer objectivement la capacité éducative des parents et les intérêts de l’enfant, le tribunal a fait élaborer plusieurs rapports d’expertise ; leurs auteurs ne sont cependant pas arrivés à des conclusions compatibles. Ainsi, les tribunaux procèdent à une vitesse adéquate mais la durée de la procédure est tributaire de l’ampleur des preuves par expertises. Leur activité est en outre retardée par des demandes de mesures provisoires introduites par l’intéressé, lesquelles nécessitent un traitement prioritaire.
31.  Le requérant allègue que le tribunal n’a pas fait preuve de diligence et qu’il n’existe aucune explication objective à des laps de temps importants écoulés entre les différents actes procéduraux. Il estime également que le tribunal aurait dû engager d’office une procédure relative au changement de garde.
32.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé. Il est donc fondamental de traiter avec célérité les affaires de garde d’enfant (Voleský c. République tchèque, no 63267/00, § 102, 29 juin 2004).
33.  En l’occurrence, la Cour admet que l’affaire présentait une certaine complexité, notamment en raison des différends existant entre les parents, lesquels nécessitaient une réévaluation continue de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’on ne saurait en revanche reprocher au requérant d’avoir usé de divers recours offerts par le droit interne pour défendre ses intérêts.
Pour ce qui est du comportement des autorités, la Cour note d’abord qu’aucune décision sur le fond n’a été rendue jusqu’à ce jour et que l’affaire reste pendante devant le tribunal de première instance. Des retards sont à relever notamment dans l’élaboration des rapports d’expertise ; sur ce point, la Cour rappelle qu’un expert, indépendant dans l’établissement de son rapport, reste néanmoins soumis au contrôle des autorités judiciaires, tenues d’assurer le bon déroulement de l’expertise (Versini c. France, no 40096/98, § 29, 10 juillet 2001). Il ressortirait en outre de la demande du requérant datée du 21 octobre 2003 qu’à cette dernière date, l’experte désignée le 31 mars 2003 n’a pas encore été en possession du dossier. Puis, l’audience du 13 décembre 2004 a été reportée dans l’attente d’un nouveau rapport de révision mais il semble que celui-ci n’ait pas encore été soumis au 27 mai 2005, date de la présentation par le Gouvernement de ses observations. La Cour réaffirme enfin qu’il incombe aux Etats contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que les juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (Gozalvo c. France, no 38894/97, § 27, 9 novembre 1999). Dès lors, l’Etat défendeur ne saurait invoquer la nécessité de décider sur les demandes de mesures provisoires pour justifier des retards qu’accuse la procédure sur le fond.
34.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis et compte tenu de l’enjeu de la procédure pour le requérant, la Cour estime qu’en l’espèce, les tribunaux n’ont pas fait preuve d’une diligence nécessaire et que l’on ne saurait considérer comme « raisonnable » la durée de quatre ans et huit mois que connaît déjà la procédure à la date de l’adoption du présent arrêt.
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention au regard de la durée de la procédure.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION RÉSULTANT DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE
35.  Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant dénonce une violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale qui résulterait, en premier lieu, de la durée de la procédure litigieuse.
36.  Le Gouvernement estime que ce grief se fonde sur les mêmes faits que celui tiré de l’article 6 § 1 et qu’il n’est donc pas nécessaire de l’examiner séparément (voir, mutatis mutandis, Voleský c. République tchèque, précité, § 116).
37.  La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.
38.  Toutefois, eu égard au constat relatif à l’article 6 § 1 (paragraphe 34 ci-dessus), la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation de cette disposition (voir, entre autres, Laino c. Italie [GC], no 33158/96, § 25, CEDH 1999-I). Par ailleurs, les répercussions de la durée de la procédure litigieuse sur la vie familiale du requérant ont été prises en compte dans le cadre de l’enjeu de la procédure.
III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
1. Sur le grief tiré de l’iniquité de la procédure
39.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, l’intéressé semble aussi dénoncer l’iniquité de la procédure, en ce que le tribunal ne protégerait pas suffisamment ses intérêts.
40.  La Cour constate que le grief du requérant relatif à l’iniquité de la procédure est prématuré, la procédure étant toujours pendante devant le tribunal de première instance ; les voies de recours internes n’ont donc pas été épuisées comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
2. Sur le grief concernant l’impossibilité pour le requérant de voir sa fille
41.  Sur le terrain de l’article 8 de la Convention, le requérant réitère son argument selon lequel les tribunaux ne protègent pas suffisamment ses droits ainsi que les intérêts de sa fille, et se plaint de l’impossibilité de voir cette dernière.
42.  Le Gouvernement excipe tout d’abord du non-épuisement des voies de recours internes, faute pour le requérant d’avoir soulevé le grief tiré du droit au respect de sa vie familiale devant la Cour constitutionnelle tchèque. Il soutient également que l’intéressé n’a pas usé de tous les moyens prévus par le droit interne pour faire exécuter la mesure provisoire relative à son droit de visite ; en effet, il n’aurait fait que d’informer le tribunal de la situation et de lui demander d’avertir la mère de l’enfant des conséquences que pourrait entraîner le non-respect par elle de ses obligations découlant de ladite mesure.
Quant au bien-fondé du grief, le Gouvernement note qu’en vertu de la mesure provisoire du 14 juin 2001, confirmée en appel le 25 septembre 2001, la garde de la mineure a été confiée à sa mère qui s’occupait dûment d’elle. Le droit de visite du requérant a été déterminé par la mesure provisoire du 8 mars 2004, modifiée le 27 mai 2004.
En réaction aux allégations du requérant selon lesquelles la mère refusait de lui permettre de voir l’enfant aux dates prévues, le tribunal a sommé celle-ci, le 29 mars 2004, à s’acquitter de ses obligations, sous peine de sanctions. Le 3 mai 2004, il a sollicité l’assistance du tuteur et, le 17 septembre 2004, il convoqua la mère à un entretien. Etant donné que l’avocate de la mère a informé le tribunal que c’était la mineure elle-même qui était opposée au contact avec le requérant, le tribunal a incité les parents à coopérer avec un centre de consultation. Il ressort néanmoins du rapport de ce dernier relatif à une rencontre organisée en son sein le 23 novembre 2004 que le requérant n’a pas respecté ce qui avait été convenu, ayant exercé de la pression sur l’enfant et verbalement attaqué la mère ; dans ces conditions, la poursuite des rencontres n’a pas été recommandée par le centre.
En conclusion, le Gouvernement constate que les allégations du requérant sont en contradiction absolue avec celles de son épouse. En l’occurrence, le tribunal fait donc face à une situation très compliquée, qu’il essaie de résoudre avec l’aide du tuteur et des rapports d’expertise, dont les conclusions sont cependant contradictoires aussi.
43.  Le requérant s’oppose à l’exception préliminaire soulevée par le Gouvernement, alléguant qu’il ne demande pas une protection contre une atteinte injustifiée mais une « satisfaction au titre de l’inactivité de celui qui a l’obligation légale d’éliminer les conséquences » d’une telle atteinte. Il conteste également n’avoir invité le tribunal qu’à avertir son épouse des conséquences du non-respect de ses obligations, et soutient que cela ne ressort pas des documents soumis.
Quant au bien-fondé, le requérant reproche au Gouvernement de n’avoir choisi dans le dossier que certaines informations et d’en avoir omis d’autres, plus importantes. Il soutient que son droit de rencontrer sa fille a été violé car les tribunaux tchèques ne lui ont pas assuré la possibilité de la voir, ni n’ont initié une procédure relative au changement de garde.
44.  Tout d’abord, la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner en l’espèce la question de savoir si le requérant a satisfait à la condition de l’épuisement des voies de recours internes puisqu’à supposer même qu’il l’ait fait, ses griefs sont irrecevables pour d’autres motifs indiqués ci-dessous.
45.  La Cour observe notamment que, dans la mesure où la procédure relative à l’exercice de l’autorité parentale reste pendante, il n’existe à ce jour aucune décision définitive sur le droit de visite du requérant. La seule décision susceptible d’être exécutée est donc la mesure provisoire du 8 mars 2004, faisant suite à la demande du requérant du 1er mars 2004. A cet égard, force est de constater que rien n’empêchait le requérant d’introduire une telle demande plus tôt. La Cour relève également qu’après avoir adopté ladite mesure et appris par le requérant que le droit de visite ne se réalisait pas, le tribunal n’est pas resté inactif. Il a, au contraire, pris un certain nombre de mesures positives, telle la sommation du 29 mars 2004, l’association du tuteur, de l’assistante sociale et du centre de consultation, lesquelles témoignaient de sa volonté de rétablir les relations entre le requérant et sa fille, tout en préservant cette dernière qui semblait refuser tout contact avec l’intéressé. La Cour ne saurait non plus passer outre le fait, non réfuté par le requérant, que celui-ci a décliné la possibilité d’entrer en contact avec sa fille par l’intermédiaire du tuteur (paragraphe 21 ci-dessus) et qu’il s’est comporté de manière inappropriée lors de la rencontre du 25 octobre 2004 (paragraphe 22 ci-dessus).
Quant à l’argument du requérant selon lequel les informations fournies par le Gouvernement sont sélectives et parfois non véridiques, la Cour ne peut que constater que l’intéressé n’a pas soumis d’éléments concrets ni de documents susceptibles de les réfuter, d’autant plus que les quelques documents joints au formulaire de requête ne concernent que les actes effectués jusqu’à l’adoption de la mesure provisoire du 8 mars 2004.
46.  Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation de l’article 8 de la Convention.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
47.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
48.  Le requérant réclame 225 euros (EUR) au titre du dommage matériel, censé correspondre aux frais de ses vains déplacements au domicile de sa fille, et 24 000 EUR au titre du préjudice moral.
49.  Le Gouvernement objecte l’absence de lien de causalité entre le préjudice matériel réclamé et la violation alléguée, considérant que l’on ne saurait établir que si la Convention n’avait pas été violée, le requérant n’aurait pas eu à supporter ces frais. Il estime que la somme demandée par l’intéressé au titre du préjudice moral est excessive et invite la Cour à lui allouer une somme raisonnable.
50.  La Cour estime que le requérant a subi un certain dommage moral, qui ne se trouve pas suffisamment réparé par le constat d’infraction à l’article 6 de la Convention.
Prenant en compte l’enjeu du litige pour l’intéressé et statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle considère qu’il y a lieu de lui octroyer 4 000 EUR au titre du préjudice moral.
B.  Frais et dépens
51.  Le requérant demande également 371 EUR pour les frais et dépens.
52.  Le Gouvernement observe que cette prétention n’est nullement spécifiée et que le requérant n’a pas prouvé la réalité, la nécessité et le caractère raisonnable desdits frais.
53.  En l’espèce, la Cour note que le requérant n’a produit aucun justificatif ni n’a présenté les éléments permettant de calculer les frais et dépens engagés devant les juridictions nationales pour prévenir ou faire corriger la violation alléguée de la Convention. Dès lors, la Cour rejette toute demande qui se rapporterait aux frais et dépens de la procédure nationale.
En revanche, étant donné que le requérant a été représenté tout au long de la procédure devant la Cour, celle-ci estime raisonnable de lui allouer la somme de 350 EUR à ce titre.
C.  Intérêts moratoires
54.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de la durée excessive de la procédure et des répercussions de celle-ci sur la vie privée et familiale du requérant, et irrecevable pour le surplus ;
2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3.  Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément le grief tiré de l’article 8 de la Convention ;
4.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 4 000 EUR (quatre mille euros) pour dommage moral et 350 EUR (trois cents cinquante euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ; ces sommes sont à convertir dans la monnaie nationale de l’Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 février 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
S. Naismith J.-P. Costa   Greffier adjoint Président
ARRÊT CAMBAL c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
ARRÊT CAMBAL c. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE 


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